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14/08/2001 | SUISSE | N°H.81/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 août 2001, H.81/01


«AZA 7»
H 81/01 Tn

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berthoud, Greffier

Arrêt du 14 août 2001

dans la cause

G.________, recourant, représenté par Maître Paul Marville,
avocat, avenue Juste-Olivier 17, 1002 Lausanne,

contre

Caisse de compensation des entrepreneurs, Riond Bosson,
1131 Tolochenaz, intimée, représentée par la Fédération
vaudoise des entrepreneurs, Riond Bosson, 1131 Tolochenaz,
elle-même représentée par Maît

re Benoît Bovay, avocat,
Place Benjamin-Constant 2, 1002 Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, La...

«AZA 7»
H 81/01 Tn

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berthoud, Greffier

Arrêt du 14 août 2001

dans la cause

G.________, recourant, représenté par Maître Paul Marville,
avocat, avenue Juste-Olivier 17, 1002 Lausanne,

contre

Caisse de compensation des entrepreneurs, Riond Bosson,
1131 Tolochenaz, intimée, représentée par la Fédération
vaudoise des entrepreneurs, Riond Bosson, 1131 Tolochenaz,
elle-même représentée par Maître Benoît Bovay, avocat,
Place Benjamin-Constant 2, 1002 Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- La société X.________ était affiliée en qualité
d'employeur à la Caisse de compensation des entrepreneurs
(la caisse). A.________, B.________ et G.________ en
étaient administrateurs; le dernier nommé a été en fonction

du 23 mars 1994 au 15 octobre 1997. La faillite de cette
société a été ouverte le 2 avril 1998, puis suspendue faute
d'actifs et clôturée le 25 août 1998.
Par décisions du 21 octobre 1998, la caisse a informé
les prénommés qu'elle les rendait responsables du préjudice
qu'elle avait subi dans la faillite de X.________ (perte de
cotisations paritaires) et qu'elle leur en demandait répa-
ration jusqu'à concurrence de 321 169 fr. 65.

B.- G.________ ayant fait opposition, la caisse a por-
té le cas devant le Tribunal des assurances du canton de
Vaud, le 8 décembre 1998, en concluant à ce que le défen-
deur fût condamné à lui payer la somme de 233 522 fr. 80.
Ultérieurement, la caisse a ramené ses conclusions à
219 192 fr. 80.
Par jugement du 11 octobre 2000, la juridiction can-
tonale a adjugé entièrement ses conclusions à la caisse
demanderesse.

C.- G.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont il demande l'annulation, avec
suite de frais et dépens, en concluant à sa libération.
L'intimée conclut au rejet du recours, avec suite de
frais et dépens. L'Office fédéral des assurances sociales
ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur la responsabilité du recourant
dans le préjudice subi par l'intimée, au sens de l'art. 52
LAVS et de la jurisprudence (ATF 123 V 170 consid. 2a,
122 V 66 consid. 4a et les références).
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi
ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral
des assurances doit se borner à examiner si les premiers
juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou

par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement
inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris
de règles essentielles de procédure (art. 132 en corréla-
tion avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.- En vertu de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, in-
tentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des
prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de com-
pensation est tenu à réparation. Si l'employeur est une
personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre
subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF
123 V 15 consid. 5b, 122 V 66 consid. 4a, 119 V 405 con-
sid. 2 et les références).
La condition essentielle de l'obligation de réparer
le dommage consiste, selon le texte même de l'art. 52 LAVS,
dans le fait que l'employeur a, intentionnellement ou par
négligence grave, violé des prescriptions et ainsi causé un
préjudice. L'intention et la négligence constituent dif-
férentes formes de la faute. L'art. 52 LAVS consacre en
conséquence une responsabilité pour faute résultant du
droit public. Il n'y a obligation de réparer le dommage,
dans un cas concret, que s'il n'existe aucune circonstance
justifiant le comportement fautif de l'employeur ou ex-
cluant l'intention et la négligence grave. A cet égard, on
peut envisager qu'un employeur cause un dommage à la caisse
de compensation en violant intentionnellement les prescrip-
tions en matière d'AVS, sans que cela entraîne pour autant
une obligation de réparer le préjudice. Tel est le cas
lorsque l'inobservation des prescriptions apparaît, au vu
des circonstances, comme légitime et non fautive (ATF
108 V 186 consid. 1b, 193 consid. 2b; RCC 1985 p. 603
consid. 2, 647 consid. 3a). Ainsi, il peut arriver qu'en
retardant le paiement de cotisations, l'employeur parvienne
à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors d'une
passe délicate dans la trésorerie. Mais il faut alors, pour
qu'un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le

coup de l'art. 52 LAVS, que l'on puisse admettre que l'em-
ployeur avait, au moment où il a pris sa décision, des
raisons sérieuses et objectives de penser qu'il pourrait
s'acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable
(ATF 108 V 188; RCC 1992 p. 261 consid. 4b).

3.- a) Parmi les divers faits qu'ils ont constatés de
manière à lier la Cour de céans, les premiers juges ont
tout particulièrement retenu que X.________ avait rencontré
des difficultés dans le paiement des cotisations aux assu-
rances sociales depuis l'année 1993. Ils ont également
constaté que le recourant connaissait bien la situation
financière de cette société qu'il avait accepté d'admi-
nistrer afin de tenter de la redresser; à cet égard, les
bilans intermédiaires, établis tous les trimestres, lui
étaient communiqués (consid. 3c pp. 15-16 du jugement atta-
qué).
En se fondant sur ces faits, les juges cantonaux ont
déduit que le recourant n'avait pas de raisons sérieuses et
objectives de penser que le retard dans le règlement des
cotisations aux assurances sociales n'était que passager
(consid. 3c), si bien qu'il devait être tenu pour res-
ponsable du dommage causé (consid. 3d p. 16).

b) Le recourant soutient qu'on ne saurait lui repro-
cher d'avoir financé une entreprise hasardeuse, indirecte-
ment et en partie, par l'assurance sociale. Il en veut pour
preuve qu'il avait consenti personnellement à des investis-
sements importants dans la société, ce qui a entraîné une
augmentation du carnet de commandes.
Par ailleurs et comme en première instance, il prétend
qu'il avait les meilleures raisons de penser que les arrié-
rés de charges sociales pourraient être régularisés. En
effet, il avait concédé un droit d'emption immobilier à
C.________, promoteur immobilier; de plus, les sociétés
françaises Y.________ et Z.________ projetaient de
s'installer sur les communes V.________ et de W.________.

4.- a) Les premiers juges n'ont pas examiné la ques-
tion de la responsabilité du recourant à la lumière des
pourparlers qui eurent lieu entre X.________ et les socié-
tés françaises Y.________ et Z.________ (cf. les échanges
de correspondance versés au dossier de la procédure canto-
nale). A la lecture de ces pièces, on doit toutefois admet-
tre que le recourant ne pouvait manifestement pas inférer
des déclarations d'intention desdites sociétés qu'il allait
pouvoir disposer de sources de financement lui permettant
de régler les arriérés de cotisations, dans l'éventualité
où les projets d'installation de ces sociétés se seraient
concrétisés.
Quant au droit d'emption concédé à C.________, son
exercice dépendait du bon vouloir de ce dernier qui jugeait
d'ailleurs que le prix des terrains offerts était surévalué
(cf. procès-verbal d'audience du 7 juin 2000). Il est ainsi
singulier de déduire que X.________ pouvait retarder le
paiement des cotisations sociales, en espérant que les ca-
pitaux provenant d'une vente immobilière hypothétique lui
permettraient un jour ou l'autre d'éponger ses dettes cou-
rantes envers les assurances sociales.
Enfin, les retards dans le paiement des cotisations
sociales se sont étendus de l'année 1993 jusqu'à l'ouver-
ture de sa faillite en 1998. De la sorte et contrairement à
ce que soutient le recourant, X.________ a pu bénéficier
durant des années d'un financement de ses activités par les
deniers publics. Or, de jurisprudence constante, il n'est
pas admissible de faire supporter à l'assurance sociale le
risque inhérent au financement d'une entreprise en diffi-
culté (ATF 108 V 196-197 consid. 4), ce que le recourant ne
devait certainement pas ignorer.

b) Vu ce qui précède, c'est à juste titre que les
premiers juges ont considéré que le recourant n'avait pas
de raisons sérieuses et objectives de penser que le retard
dans le règlement des cotisations aux assurances sociales
n'était que passager. Le recourant n'était donc pas auto-

risé, aux conditions posées par la jurisprudence (cf. ATF
108 V 188; RCC 1992 p. 261 consid. 4b), à différer le paie-
ment des cotisations qu'il avait retenues sur les salaires
payés, sans que son comportement ne tombe sous le coup de
l'art. 52 LAVS.

c) Quant au montant du dommage, il n'est ni contesté
ni sujet à discussion. Il représente les cotisations d'as-
surances sociales impayées par X.________ pour la période
allant de février 1996 jusqu'au 30 septembre 1997, durant
laquelle le recourant était administrateur de cette so-
ciété.

5.- La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un
litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de presta-
tions d'assurance (art. 134 OJ a contrario) et l'émolument
judiciaire doit être calculé en fonction de la valeur liti-
gieuse (art. 153a OJ), in casu 219 192 fr. 80. Le recou-
rant, qui succombe, supportera les frais de justice
(art. 156 al. 1 OJ).
L'intimée, qui obtient gain de cause, a conclu à
l'allocation d'une indemnité de dépens. Elle ne saurait
toutefois y prétendre (art. 159 al. 2 OJ in fine; ATF
126 II 62 consid. 8, 118 V 169-170 consid. 7 et les réfé-
rences).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de justice, d'un montant total de 7000 fr.,
sont mis à la charge du recourant et sont compensés
avec l'avance de frais, d'un même montant, qui a été
effectuée.

III. Il n'est pas alloué de dépens.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 août 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.81/01
Date de la décision : 14/08/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-14;h.81.01 ?
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