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14/08/2001 | SUISSE | N°1P.515/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 août 2001, 1P.515/2001


«AZA 1/2»

1P.515/2001
1P.516/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

14 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

la République fédérale du Nigeria, représentée par Me Enrico
Monfrini, avocat à Genève,

contre

les décisions prises les 4 et 5 juille

t 2001 par la Chambre
d'accusation du canton de Genève dans la cause opposant la
recourante à Abubakar Bagudu, à Abuja (Nigeri...

«AZA 1/2»

1P.515/2001
1P.516/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

14 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Catenazzi.
Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

la République fédérale du Nigeria, représentée par Me Enrico
Monfrini, avocat à Genève,

contre

les décisions prises les 4 et 5 juillet 2001 par la Chambre
d'accusation du canton de Genève dans la cause opposant la
recourante à Abubakar Bagudu, à Abuja (Nigeria), représenté
par Me Vincent Jeanneret, avocat à Genève, d'une part
(1P.515/2001), et à Mohammed Sani Abacha, actuellement en
détention à Lagos (Nigeria), représenté par MMes Bruno de
Preux et Pierre de Preux, avocats à Genève, d'autre part
(1P.516/2001), ainsi qu'au Juge d'instruction et au
Procureur
général du canton de Genève;

(art. 87 et 90 OJ)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 30 septembre 1999, la République fédérale du
Nigeria (ci-après: la République fédérale) a annoncé à l'Of-
fice fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral)
qu'elle envisageait de demander à la Suisse l'entraide judi-
ciaire pour les besoins de l'enquête ouverte au Nigeria à
l'encontre des parents et des proches de feu Sani Abacha,
Président de la République fédérale du 17 novembre 1993 à
son
décès le 8 juin 1998. Les personnes poursuivies le sont pour
détournement de fonds publics.

B.- Le 28 octobre 1999, le Procureur général du can-
ton de Genève, se fondant sur des communications faites en
application de la LBA, a, dans le même complexe de faits, or-
donné l'ouverture d'une information pénale des chefs d'orga-
nisation criminelle (art. 260ter CP) et de blanchiment d'ar-
gent (art. 305bis CP). Cette procédure a été désignée sous
la
rubrique P/12983/99.

Le 24 novembre 1999, la République fédérale a déposé
auprès du Procureur général une plainte pénale notamment
pour
abus de confiance, escroquerie, extorsion, gestion déloyale,
recel, participation à une organisation criminelle et blan-
chiment d'argent contre Maryam Abacha, épouse de Sani
Abacha,
Mohammed Sani Abacha, fils de Sani Abacha, Alahaji Isamaila
Gwarzo, ancien conseiller de Sani Abacha, ainsi que contre
Alahaji Ahmadu Daura et Abubakar Attiku Bagudu, hommes d'af-
faires et amis de Sani Abacha. Le Procureur général a
ordonné
l'ouverture d'une information pénale. Cette procédure, dési-
gnée sous la rubrique P/14457/99, a été jointe à la
procédure
P/12983/99, le 29 novembre 1999.

Le 3 décembre 1999, le Juge d'instruction a admis la
République fédérale comme partie civile à la procédure
P/12983/99, ainsi qu'aux procédures connexes. Il lui a donné
accès au dossier, le 9 décembre 1999.

Le 20 décembre 1999, la République fédérale a pré-
senté à l'Office fédéral une demande formelle d'entraide ju-
diciaire, pour les besoins de l'enquête conduite par la
"Special Fraud Unit" de la police nigériane contre les pa-
rents et les proches de feu Sani Abacha. Les faits évoqués
dans la demande d'entraide sont identiques à ceux appuyant
la plainte du 24 novembre 1999.

Le 20 janvier 2000, l'Office fédéral a rendu une dé-
cision d'entrée en matière et ordonné le blocage d'une série
de comptes bancaires. Il a délégué au même Juge
d'instruction
que celui chargé des procédures pénales ouvertes à Genève la
mission de réunir la documentation relative à ces comptes,
en
l'invitant à remettre "toute information additionnelle re-
cueillie dans le cadre de sa propre procédure et ayant une
utilité potentielle pour répondre à la demande". Cette procé-
dure a été désignée sous la rubrique CP/286/99.

Le 26 avril 2000, le Juge d'instruction a inculpé
Bagudu de participation à une organisation criminelle, de
blanchiment d'argent, d'escroquerie, de gestion déloyale,
subsidiairement de gestion déloyale des intérêts publics.

Le 7 novembre 2000, Bagudu s'est adressé au Juge
d'instruction pour se plaindre de ce que la République fédé-
rale aurait eu accès à des renseignements, contenus dans le
dossier de procédure P/12983/99 équivalents, selon lui, à
ceux réclamés dans la demande d'entraide judiciaire
(CP/286/99), dont le traitement était en cours. De cette ma-
nière, la République fédérale aurait obtenu, de manière
indue
et prématurée, des informations qu'elle n'aurait pu obtenir

qu'au terme de la procédure d'entraide. Bagudu a demandé au
Juge d'instruction de suspendre le droit de la République fé-
dérale de consulter le dossier, subsidiairement de lui faire
interdiction d'utiliser les renseignements obtenus dans le
cadre de la procédure P/12983/99 jusqu'à droit connu sur la
demande d'entraide judiciaire.

Abacha a fait sienne la demande de Bagudu.

Le 23 novembre 2000, le Juge d'instruction a rejeté
cette requête.

Le 14 février 2001, la Chambre d'accusation a rejeté
les recours formés par Bagudu et Abacha contre la décision
du
23 novembre 2000, qu'elle a confirmée.

Par arrêt du 5 juin 2001, le Tribunal fédéral a ad-
mis les recours de droit public, traités comme recours de
droit administratif, formés par Abacha et Bagudu contre la
décision du 14 février 2001, qu'il a annulée en renvoyant la
cause au Juge d'instruction pour qu'il décide de la limita-
tion du droit de la République fédérale de consulter le dos-
sier de la cause P/12983/99, dans toute la mesure nécessaire
pour préserver l'objet de la procédure d'entraide
(procédures
1P.233/2001 et 1P.241/2001).

C.- Déférant à cet arrêt, le Juge d'instruction a,
le 20 juin 2001, restreint le droit de la République
fédérale
de consulter le dossier de la manière suivante:

"La République fédérale du Nigeria ne peut faire
aucun usage des pièces dont copies lui sont trans-
mises en application de l'art. 142 al. 2 CPPG, et
des informations auxquelles elle a accès en appli-
cation de l'art. 142 al. 4 CPPG dans la procédure
pénale dans le cadre de laquelle elle a formé la
demande d'entraide internationale du 20 décembre
1999, à l'exception de toute démarche entreprise
sur un plan interne ou international en vue de sau-

vegarder ses droits patrimoniaux, à savoir toute
démarche visant à obtenir la saisie conservatoire
ou la confiscation du produit des infractions dont
sont soupçonnés les inculpés dans la procédure ni-
gériane".

Le Juge d'instruction a suspendu le droit de la
République fédérale de consulter le dossier jusqu'à ce
qu'elle se soit engagée à respecter ces conditions.

Le 2 juillet 2001, Abacha et Bagudu ont recouru sé-
parément auprès de la Chambre d'accusation contre cette déci-
sion, dont ils ont demandé notamment l'annulation. Au titre
des mesures provisionnelles, Abacha et Bagudu ont requis la
Chambre d'accusation de suspendre le droit de la République
fédérale de consulter le dossier et d'assister aux audiences
d'instruction, ainsi que de lui interdire d'utiliser les piè-
ces de la procédure pénale déjà en sa possession, jusqu'à
droit connu sur les recours.

Le 4 juillet 2001, le Juge Martine Heyer, membre de
la Chambre d'accusation, a retourné aux parties une copie
des
passages de l'acte de recours formé par Bagudu, comprenant
les conclusions. Au regard des requêtes de mesures provision-
nelles, elle a tracé un astérisque, renvoyant à l'annotation
manuscrite suivante:

"En tant que les conclusions préalables du recou-
rant pourraient constituer une demande d'effet sus-
pensif, celui-ci sera accordé uniquement en ce qui
concerne les passages suivants de l'ordonnance dé-
férée:
- "à l'exception de toute démarche entreprise sur
un plan interne ou international en vue de sauve-
garder ses intérêts patrimoniaux, à savoir toute
démarche visant à obtenir la saisie conservatoire
ou la confiscation du produit des infractions dont
sont soupçonnés les inculpés dans la procédure ni-
gériane"
- "jusqu'à ce que celle-ci se soit engagée à res-
pecter les conditions précitées".

Pour le surplus, l'effet suspensif sera refusé, le
Juge d'instruction ne s'étant pas prononcé sur la
question de l'assistance de la RFN aux audiences,
et partant, la recevabilité des conclusions du re-
courant à cet égard n'apparaissant pas évidente
(sic)."

(Date et signature)

Le 5 juillet 2001, le Juge Heyer a rendu une dé-
cision similaire dans la procédure relative au recours
d'Abacha.

D.- Par arrêt du 20 juillet 2001, le Tribunal fédé-
ral, après avoir joint les causes 1P.481/2001 et
1P.482/2001,
a déclaré les recours irrecevables au regard de l'art. 87
OJ.
Il a considéré que le dommage allégué n'était pas irrémédia-
ble, la Chambre d'accusation devant être en passe de
trancher
à bref délai les recours cantonaux.

E.- Le 8 août 2001, la Présidente de la Chambre
d'accusation a indiqué au mandataire de la République fédé-
rale du Nigeria que les recours cantonaux seraient examinés
lors d'une audience appointée au 29 août 2001.

F.- Agissant par la voie du recours de droit public,
la République fédérale du Nigeria demande principalement
d'annuler les décisions des 4 juillet (procédure
1P.515/2001)
et 5 juillet 2001 (procédure 1P.516/2001). A titre
préalable,
elle requiert l'effet suspensif. Elle invoque les art. 9,
26,
29 et 123 Cst.

Il n'a pas été demandé de réponse au recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Les recours sont formés par la même recourante;
ils sont dirigés contre deux décisions concernant la même
procédure et soulèvent les mêmes griefs. Il se justifie de
les joindre et de statuer par un seul arrêt (ATF 113 Ia 390
consid. 1 p. 394).

2.- La recourante reprend les conclusions et l'argu-
mentation présentées dans le cadre des procédures qui ont
conduit au prononcé de l'arrêt du 20 juillet 2001. Les re-
cours sont irrecevables au regard de l'art. 87 OJ, pour les
motifs indiqués dans cet arrêt, auquel il suffit de renvoyer
la recourante.

3.- a) Aux termes de l'art. 90 al. 1 let. b OJ,
l'acte de recours doit contenir un exposé des droits consti-
tutionnels ou des principes juridiques violés, précisant en
quoi consiste la violation. Le Tribunal fédéral examine uni-
quement les griefs soulevés devant lui de manière claire et
détaillée (ATF 127 I 38 consid. 4 p. 43; 126 III 534 consid.
1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492 consid. 1b p. 495,
et les arrêts cités).

b) Sur le vu des développements de la procédure
après le prononcé de l'arrêt du 20 juillet 2001, il semble
que la recourante veuille se plaindre des atermoiements de
la
Chambre d'accusation à statuer sur les recours cantonaux. Ce
point ne peut former au demeurant que le seul objet d'un re-
cours qui ne serait pas dirigé, comme en l'espèce, contre
les
décisions des 4 et 5 juillet 2001, mais contre le retard à
statuer de l'autorité cantonale, constituant un déni de jus-
tice formel prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. (cf. pour la ju-
risprudence relative à l'art. 4 aCst., ATF 125 V 188 consid.
2a p. 191/192; 117 Ia 193 consid. 1c p. 197; 107 Ib 160

consid. 3b p. 164/165; 103 V 190 consid. 3c p. 194/195). Or,
en l'espèce, tout en critiquant le fait que la Chambre d'ac-
cusation ne s'apprêterait à examiner les recours cantonaux
qu'à la fin du mois d'août, la recourante ne formule à l'en-
contre de l'autorité cantonale aucun grief tiré du déni de
justice formel. Le Tribunal fédéral, lié par le principe
d'allégation régissant le recours de droit public, n'a pas à
remédier d'office aux défauts des recours sur ce point.

Il n'y a dès lors pas lieu d'entrer en matière.

4.- Les recours sont irrecevables. Les frais en sont
mis à la charge de la recourante (art. 156 OJ). Il n'y a pas
lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ). Eu égard à l'issue
de la cause, les demandes d'effet suspensif ont perdu leur
objet.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Joint les causes 1P.515/2001 et 1P.516/2001.

2. Déclare les recours irrecevables.

3. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 2000 fr.

4. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Juge d'instruction, au Procureur géné-
ral et à la Chambre d'accusation du canton de Genève.

Lausanne, le 14 août 2001
ZIR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.515/2001
Date de la décision : 14/08/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-14;1p.515.2001 ?
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