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08/08/2001 | SUISSE | N°6S.435/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 août 2001, 6S.435/2001


«/2»

6S.435/2001/vlc

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

8 août 2001

Composition de la Cour : M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges. Greffier : M. Denys.

______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________ , représenté par Me Pierre-Dominique Schupp,
avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 15 décembre 2000 par la Cour de cassa-
tion pénale du Tribunal cantona

l vaudois dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(soustraction à la prise de s...

«/2»

6S.435/2001/vlc

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

8 août 2001

Composition de la Cour : M. Schubarth, Président,
M. Schneider et M. Kolly, Juges. Greffier : M. Denys.

______________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________ , représenté par Me Pierre-Dominique Schupp,
avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 15 décembre 2000 par la Cour de cassa-
tion pénale du Tribunal cantonal vaudois dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(soustraction à la prise de sang)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 31 octobre 2000, le Tribunal
de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné
X.________, pour violation simple des règles de la circu-
lation, soustraction à la prise de sang et violation des
devoirs en cas d'accident, à vingt-cinq jours d'emprison-
nement.

Il en ressort notamment les éléments suivants:

X.________, né en 1958, a été condamné le 25 jan-
vier 1994 à 1'000 francs d'amende pour violation grave
des règles de la circulation et, le 13 mars 1996, à sep-
tante jours d'emprisonnement avec sursis durant trois ans
et à 2'000 francs d'amende pour violation grave des
règles de la circulation et ébriété au volant.

X.________ a skié durant la journée du 17 janvier
2000. Il a consommé de l'alcool dans l'après-midi en man-
geant une fondue. Vers 21 h, il circulait de Villars à
Genève au volant de sa voiture Mercedes SLK. Sur la route
cantonale à Aigle, il a perdu la maîtrise de son véhicule
dans un virage à droite alors que sa vitesse était, de
son propre aveu, de 80 km/h. La chaussée était trempée et
la température inférieure à zéro degré. Le véhicule a
quitté la chaussée et a percuté deux balises, endommagé
le terre-plein et souillé la route de terre. Le véhicule
a été endommagé à la portière droite et au capot.
X.________ a déguerpi. Le dommage causé à l'Etat par la
démolition des balises a été minime, les frais de répara-
tion s'étant élevés à 128 francs.

B.- Par arrêt du 15 décembre 2000, la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le
recours de X.________.

C.- Celui-ci se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral contre cet arrêt. Il conclut à l'annulation de la
décision attaquée.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le pourvoi en nullité ne peut être formé que
pour violation du droit fédéral, à l'exclusion de la vio-
lation de droits constitutionnels (art. 269 PPF).

Le pourvoi n'est pas ouvert pour se plaindre de
l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83). Sous
réserve de la rectification d'une inadvertance manifeste,
la Cour de cassation est liée par les constatations de
fait de l'autorité cantonale (art. 277bis al. 1 PPF). Il
ne peut être présenté de griefs contre celles-ci, ni de
faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1
let. b PPF). Le raisonnement juridique doit être mené sur
la base des faits retenus dans la décision attaquée, dont
le recourant est irrecevable à s'écarter (ATF 126 IV 65
consid. 1 p. 66/67 et les arrêts cités).

La Cour de cassation n'est pas liée par les mo-
tifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des con-
clusions du recourant (art. 277bis PPF). Les conclusions
devant être interprétées à la lumière de leur motivation
(ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts cités), le
recourant a circonscrit les points litigieux.

2.- Le recourant invoque une violation de l'art.
91 al. 3 LCR.

a) En vertu de cette disposition, est punissable
de l'emprisonnement ou de l'amende celui qui aura conduit
un véhicule automobile et qui intentionnellement se sera
opposé ou dérobé à une prise de sang qui avait été ordon-
née ou qu'il devait escompter qu'elle le serait, ou à un
examen médical complémentaire, ou qui aura fait en sorte
que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur
but.

Selon la jurisprudence, le fait de ne pas annon-
cer immédiatement un accident à la police remplit les
conditions objectives de la soustraction à la prise de
sang lorsque (1) le conducteur avait l'obligation, selon
l'art. 51 LCR, d'avertir la police sans retard, (2) que
cette annonce était possible, et (3) qu'au regard des
circonstances du cas, la police aurait avec une haute
vraisemblance ordonné une prise de sang à l'annonce de
l'accident. Savoir si une prise de sang aurait été ordon-
née avec une haute vraisemblance est fonction des cir-
constances concrètes. Figurent parmi celles-ci d'une part
l'accident en tant que tel (genre, gravité, déroulement)
et d'autre part, l'état ainsi que le comportement du con-
ducteur avant et après l'accident jusqu'à l'ultime moment
où l'annonce aurait pu être faite (ATF 126 IV 53 consid.
2a p. 55/56; cf. aussi Corboz, Les principales infrac-
tions, Berne 1997, art. 91 LCR, no 71, p. 426/427). Sur
le plan subjectif, le dol éventuel suffit. Cela est le
cas lorsque le conducteur connaissait les faits fondant
l'obligation d'aviser la police et la haute vraisemblance
de l'ordre de prise de sang et que l'omission de l'an-
nonce prescrite par l'art. 51 LCR ne peut raisonnablement
s'expliquer que par l'acceptation d'une soustraction à
une prise de sang (ATF 126 IV 53 consid. 2a p. 55/56).

Quoique la loi parle de dérobade à une prise de
sang, elle incrimine une dérobade à la procédure de prise
de sang, dont la première étape est en pratique le test
de l'éthylomètre (cf. art. 138 al. 3 OAC; Corboz, op.
cit., art. 91 LCR, no 72, p. 427; Bussy/Rusconi, Code
suisse de la circulation routière, Commentaire, 3ème éd.,
Lausanne 1996, art. 91 LCR no 2.4 let. b)

b) Le recourant ne conteste pas avoir manqué à
son devoir d'annoncer l'accident immédiatement, comme le
prévoit l'art. 51 al. 3 LCR. Il prétend uniquement que
les circonstances concrètes ne permettaient pas de con-
clure que la police aurait très vraisemblablement ordonné
la procédure de prise de sang. Déterminer si, compte tenu
des circonstances du cas, il existe une haute vraisem-
blance de prise de sang est une question de droit que le
Tribunal fédéral examine librement.

c) Pour motiver sa décision, la cour cantonale
s'est référée à la solution suivie par le Tribunal fédé-
ral dans un arrêt non publié du 13 janvier 1999 (cause
6S.843/1998). Dans cette affaire, le conducteur circulait
en voiture sur une avenue de Lausanne vers 1 h 30 en zig-
zaguant sur la chaussée, avait brusquement dévié sur la
droite, avait ainsi embouti une voiture stationnée et
avait ensuite poursuivi sa route. Le Tribunal fédéral a
relevé que, compte tenu des circonstances de l'accident,
la police aurait interrogé le conducteur sur son emploi
du temps dans les heures précédentes et aurait appris
qu'il avait consommé une bouteille de vin avec deux amis,
dont l'un n'avait bu qu'un verre. Pour le Tribunal fédé-
ral, la police aurait très probablement ordonné une prise
de sang même en l'absence de signes d'ivresse dans le
comportement général du conducteur, dès lors que la cause
la plus plausible de l'accident était bien une perte de
maîtrise liée à l'état de celui-ci.

Par ailleurs, la cour cantonale s'est distanciée
de deux arrêts publiés du Tribunal fédéral (ATF 106 IV
396; 109 IV 137). Il ressort du premier arrêt qu'une au-
tomobiliste en rentrant chez elle à 5 h après une nuit de
carnaval a touché une voiture parquée dans un petit che-
min; ce n'est que le matin à 11 h qu'elle a avisé le lésé
par écrit; dans la soirée, elle avait consommé un verre
de rhum avant minuit. Pour le Tribunal fédéral, les cir-
constances décrites n'autorisaient pas de conclure que la
conductrice devait sérieusement envisager une prise de
sang (cf. ATF 106 IV 396 consid. 4 p. 397/398).

S'agissant de l'autre arrêt publié, il en ressort
que circulant en voiture dans la nuit du 4-5 janvier 1981
après une soirée chez des amis, un conducteur a glissé
sur la chaussée en pente, recouverte de verglas et d'une
couche de neige fraîche, a endommagé un signal routier et
des piliers reliés par des chaînes et a quitté les lieux.
Le Tribunal fédéral a exposé que rien dans le déroulement
de l'accident n'évoquait le soupçon d'une ébriété, l'ac-
cident ayant été causé selon les constatations cantonales
par le mauvais état de la route; en vertu des faits rete-
nus, il n'existait pas non plus chez le conducteur de si-
gnes (expression hésitante, démarche, haleine) d'ivresse;
le fait que le conducteur ait déclaré avoir bu ce soir-là
un apéritif et deux verres de vin en mangeant et que
l'autorité cantonale ait douté de ses déclarations ne
rendait pas hautement vraisemblable que la police aurait
ordonné une prise de sang, pas plus que le fait que le
conducteur ait été condamné pour ivresse au volant deux
mois et demi plus tôt après une soirée chez les mêmes
amis; certes, en auditionnant le conducteur ou ses passa-
gers sur le déroulement de la soirée, un policier aurait
pu le soupçonner d'être en état d'ébriété alors même
qu'il semblait à jeun et que l'accident s'expliquait par
le verglas et aurait en outre pu apprendre d'une manière

ou d'une autre la condamnation antérieure; on ne pouvait
cependant en déduire que le policier aurait très vraisem-
blablement ordonné une prise de sang ou une mesure sem-
blable (cf. ATF 109 IV 137 consid. 3 p. 141/142).

d) La solution suivie à l'ATF 106 IV 396 a été
jugée discutable en doctrine (cf. Bussy/Rusconi, op.
cit., art. 91 LCR no 11.1 p. 701; Hans Jürg Naegeli, Zur
neueren Rechtsprechung im Strassenverkehr, RJB 1981, p.
326 ss, spéc. 353-355). On peut en effet se demander si
un accident survenu à l'aube après avoir fêté le carnaval
ne crée pas une suspicion suffisamment forte pour con-
clure à une haute vraisemblance de prise de sang. Dans la
mesure où toutefois cette situation ne correspond en rien
à celle du présent cas, il n'y a pas lieu d'examiner à
nouveau cette question ici.

En ce qui concerne les deux autres arrêts préci-
tés (celui non publié du 13 janvier 1999 et l'ATF 109 IV
137), les circonstances de l'accident ont joué un rôle
décisif. Pour la première affaire, le conducteur circu-
lait en zigzaguant, a sans raison obliqué à droite et a
ainsi embouti une voiture stationnée. Ces circonstances
évoquaient immédiatement un état d'ébriété et suffisaient
en soi à rendre très vraisemblable l'ordre d'une prise de
sang. Dans le second cas, la configuration des lieux -
chaussée en pente, verglacée et enneigée - expliquait ai-
sément la sortie de route et pouvait ainsi reléguer à
l'arrière plan toute autre considération, notamment rela-
tive à une éventuelle ébriété.

e) En l'espèce, l'arrêt attaqué ne contient au-
cune constatation en vertu de laquelle le recourant au-
rait présenté des signes (expression hésitante, démarche,
haleine) d'ivresse le soir en question. Il n'existe donc
à cet égard aucun indice d'ébriété de nature à rendre

très vraisemblable un ordre de prise de sang. Les dégâts
insignifiants provoqués par l'accident ne permettent pas
non plus de conclure à une haute vraisemblance. Que le
recourant ait signalé lors de son audition par la police
près d'un mois après les faits qu'il avait bu du vin en
mangeant une fondue dans l'après-midi peut certes avoir
de l'importance quant à l'élément subjectif de l'art. 91
al. 3 LCR. Mais cette consommation plusieurs heures avant
l'accident ne suffit en soi pas, indépendamment de tout
autre facteur, à créer objectivement un soupçon d'ébriété
et à rendre très vraisemblable la prise de sang, en sup-
posant que la police ait appris cette donnée si elle é-
tait intervenue sur l'accident. La cour cantonale n'a en
tout cas pas constaté en fait que le recourant avait con-
sommé beaucoup d'alcool, ce dont on aurait pu déduire,
dans l'appréciation des preuves, qu'il présentait des si-
gnes extérieurs d'ivresse au moment de l'accident (cf.
Corboz, op. cit., art. 91 LCR, no 71, p. 427).

En ce qui concerne les circonstances de l'acci-
dent, la cour cantonale s'est référée au jugement de pre-
mière instance. Il en ressort que vers 21 h, le recourant
a perdu la maîtrise de son véhicule dans un virage à
droite et que cette perte de maîtrise "a été induite par
une vitesse inadaptée aux conditions de la route, la
chaussée étant trempée et la température inférieure à
zéro degré" (jugement de première instance, p. 4). La
cour cantonale a indiqué que la présence de verglas sur
la chaussée n'était pas établie (cf. arrêt attaqué,
p. 13). En l'absence de verglas, on saisit difficilement
pourquoi le juge de première instance a spécifié que la
vitesse était inadaptée, "la chaussée étant trempée et la
température inférieure à zéro degré". Cette indication
laisse plutôt penser que les conditions hivernales ont
joué un rôle dans l'accident. Par ailleurs, la configura-
tion des lieux de l'accident n'est décrite avec préci-

sion nulle part. Il ressort simplement des constatations
cantonales que l'accident s'est déroulé dans un virage à
droite sur la route cantonale. En l'absence de signes
d'ivresse et de dégâts importants comme en l'espèce, les
circonstances de l'accident tiennent un rôle déterminant
pour apprécier la haute vraisemblance de la prise de
sang. Car en pareil cas, plus l'accident peut s'expliquer
par des circonstances indépendantes du conducteur - con-
ditions climatiques, configuration des lieux -, moins on
saurait conclure à une haute vraisemblance. Dès lors
qu'il manque des éléments essentiels sur ces points dans
l'arrêt attaqué, la cause doit être retournée à l'autori-
té cantonale
en application de l'art. 277 PPF.

En outre, l'arrêt attaqué révèle que les antécé-
dents du recourant sont mauvais (condamnation pénale pour
ivresse au volant en 1996). Dans une certaine mesure, de
mauvais antécédents peuvent aussi être pris en considéra-
tion pour apprécier la haute vraisemblance de la prise de
sang, à condition bien sûr qu'il soit établi que la po-
lice en aurait eu connaissance (cf. Corboz, op. cit.,
art. 91 LCR, no 71, p. 427). L'arrêt attaqué ne contient
aucune indication à ce propos. Il ne fournit pas non plus
de renseignements sur l'existence éventuelle de consignes
ou de directives au sein de la police sur le comportement
à adopter lors d'une intervention sur un accident pour ce
qui a trait au repérage des usagers de la route sous
l'influence de l'alcool. Il s'agit là aussi d'éléments
pertinents pour déterminer la haute vraisemblance de la
prise de sang.

En définitive, l'élucidation incomplète des faits
ne permet pas de revoir l'application de la loi. Le juge-
ment attaqué doit donc être annulé conformément à l'art.
277 PPF et la cause renvoyée à la juridiction cantonale.

3.- Il est statué sans frais et une indemnité
est allouée au recourant (art. 278 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le pourvoi en application de l'art. 277
PPF, annule l'arrêt attaqué et renvoie la cause à l'auto-
rité cantonale pour nouvelle décision.

2. Dit qu'il n'est pas perçu de frais.

3. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera
une indemnité de 2'000 francs au recourant.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud
et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois.

__________

Lausanne, le 8 août 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.435/2001
Date de la décision : 08/08/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-08;6s.435.2001 ?
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