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08/08/2001 | SUISSE | N°1A.112/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 août 2001, 1A.112/2001


«/2»

1A.112/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
*********************************************

8 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

G.________, représentée par Me Alec Reymond, avocat à Genève,

contre

la décision rendue le 9 mai 2001 par la Direction générale
des douanes;

(entraide

judiciaire à l'Espagne)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 4 mai 1998, puis le 18...

«/2»

1A.112/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
*********************************************

8 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

G.________, représentée par Me Alec Reymond, avocat à Genève,

contre

la décision rendue le 9 mai 2001 par la Direction générale
des douanes;

(entraide judiciaire à l'Espagne)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 4 mai 1998, puis le 18 juin suivant, le Tri-
bunal d'instruction n° 11 de Malaga a adressé à la Suisse
une
demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une enquête
pénale ouverte pour escroquerie, obtention frauduleuse de
subventions, contrebande et faux. Dans sa demande initiale,
le magistrat requérant expose qu'un total de 14000 tonnes
d'huile d'origine turque et tunisienne auraient été débar-
quées au Portugal entre les mois de juin 1993 et novembre
1994, et n'auraient été que partiellement dédouanées.
L'huile
aurait ensuite été introduite en Espagne par M.________
comme
huile communautaire, sur la base de fausses factures des so-
ciétés Z.________ et E.________, permettant ainsi d'obtenir
des subventions de la part de l'Etat espagnol, pour le
compte
de la Communauté européenne, ce qui serait confirmé par les
documents saisis en mains de M.________. La demande fait en-
core état de l'implication supposée de R.________ et
I.________. E.________ aurait été créée à la seule fin de fa-
ire croire à la provenance communautaire de l'huile, par des
ventes fictives. Des fausses factures de A.________ auraient
été découvertes. La demande complémentaire fait notamment
état de l'implication de la société G.________, à Genève,
contrôlée par le groupe I.________. Une perquisition est re-
quise au siège de cette société afin de connaître ses rela-
tions avec M.________ et A.________, ainsi que l'audition de
ses responsables et la recherche de ses avoirs bancaires.

Le 9 juin 1998, puis le 13 juillet suivant, la Di-
rection générale des douanes (ci-après: DGD, à qui l'Office
fédéral de la police avait délégué l'exécution de cette de-
mande) est entrée en matière, considérant que les actes dé-
crits pourraient constituer des escroqueries fiscales. La
présence d'enquêteurs étrangers a été admise. La direction
du

IIIe arrondissement des douanes, à Genève, était chargée de
l'exécution.

B.- Le 27 mars 2000, après annulation d'une précé-
dente décision, pour violation du droit d'accès au dossier -
arrêt du 14 septembre 1999 -, et après restitution d'un cer-
tain nombre de pièces, la DGD a rendu une ordonnance de clô-
ture portant sur la transmission de documents bancaires et
du
procès-verbal d'interrogatoire du directeur de G.________,
B.________, et des documents saisis en mains de cette socié-
té. Par arrêt du 4 septembre 2000, le Tribunal fédéral a
confirmé cette décision, considérant notamment que la
demande
d'entraide était suffisamment motivée, que la condition de
la
double incrimination était remplie et que le principe de la
proportionnalité était respecté.

C.- Le 11 décembre 2000, le conseil de G.________ a
informé la DGD que le Tribunal d'instruction de Malaga s'é-
tait d'ores et déjà engagé à remettre au Tribunal de Setubal
(Portugal) une copie de l'interrogatoire de B.________, en
violation du principe de la spécialité. Il s'est ensuite
adressé à l'Office fédéral de la Justice (OFJ) en demandant
la révocation des décisions de clôture, subsidiairement la
suspension de toute transmission. Le 19 décembre 2000, l'OFJ
a rappelé à l'Etat requérant que toute transmission de docu-
ments à un Etat tiers nécessitait le consentement de la
Suisse.

D.- Le 16 janvier 2001, la DGD informa le conseil de
G.________ qu'elle s'apprêtait à remettre à l'autorité requé-
rante les documents saisis le 18 juin 1999 auprès du Banco
di
Lugano, soit une liste de signatures, une procuration et un
extrait de compte de janvier à juillet 1993 avec justifica-
tifs, documents qu'elle avait omis de transmettre précédem-
ment. G.________ s'y est opposée en raison de la violation
alléguée du principe de la spécialité, et du fait que le Tri-

bunal de Setubal (Portugal) avait prononcé, le 10 janvier
2001, un acquittement relatif au délit de contrebande.

Le juge d'instruction espagnol a été interpellé à
propos de ces objections. Le 7 mai 2001, il fit savoir qu'ex-
cepté I.________, aucun inculpé dans la procédure espagnole
n'était concerné par le jugement d'acquittement. La prescrip-
tion était intervenue s'agissant du délit de contrebande, et
il y avait appel sur d'autres points de l'accusation. Aucun
jugement n'avait été rendu en Espagne. Les autorités portu-
gaises avaient simplement été invitées à faire savoir si
elles étaient intéressées à la documentation remise par la
Suisse; elles y avaient d'ailleurs renoncé, compte tenu du
jugement intervenu.

E.- Par décision du 9 mai 2001, la DGD a clôturé la
procédure et décidé de transmettre à l'autorité espagnole
les
documents, relatifs à G.________, saisis en mains du Banco
di
Lugano.

F.- G.________ forme un recours de droit adminis-
tratif contre cette dernière décision. Elle en demande l'an-
nulation, le refus de toute transmission à l'autorité requé-
rante, subsidiairement l'obtention préalable, de la part de
cette dernière, d'une garantie expresse de respect de la rè-
gle de la spécialité.

La DGD et l'OFJ concluent au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours de droit administratif est formé en
temps utile contre une décision de clôture rendue par l'auto-
rité fédérale d'exécution (art. 80g de la loi fédérale sur
l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS
351.1). La recourante a qualité pour recourir contre la

transmission de pièces relatives au compte bancaire dont
elle
est titulaire (art. 80h let. b EIMP, art. 9a let. a OEIMP).
S'agissant d'une décision de clôture complémentaire, la re-
courante ne saurait revenir sur les questions déjà tranchées
à l'occasion des décisions précédentes. Elle n'est admise à
soulever que les griefs qui ne pouvaient l'être à ce moment.
Tel est le cas des arguments relatifs au jugement intervenu
au Portugal, à la violation alléguée du principe de la spé-
cialité et à la motivation de la décision attaquée.

2.- La recourante invoque la règle "ne bis in idem"
(art. 5 EIMP). Elle estime que le jugement rendu le 10 jan-
vier 2001 par le Tribunal de Setubal concerneraient les
mêmes
personnes que celles qui sont poursuivies en Espagne, en par-
ticulier R.________. Même s'il se rapporte aux seules in-
fractions d'association criminelle et d'escroquerie, ce juge-
ment retient que l'huile a été déchargée en quantité décla-
rée, et que des transports frauduleux n'ont pu être établis.
Ce jugement aurait fait l'objet d'un appel, limité à la ques-
tion de l'importation d'huile de noisette. Le jugement
serait
définitif en ce qui concerne la question de l'huile d'olive,
qui fait l'objet de l'enquête en Espagne. Les faits retenus
seraient les mêmes, soit onze importations d'huile depuis la
Turquie et la Tunisie. S'agissant d'infractions à caractère
douanier, le jugement rendu dans un Etat de l'Union euro-
péenne lierait les autres Pays membres.

a) Selon l'art. 5 al. 1 let. a EIMP, la demande
d'entraide est irrecevable si, en Suisse ou dans l'Etat où
l'infraction a été commise, le juge a prononcé un non-lieu
ou
un acquittement ou s'il a renoncé, provisoirement ou défini-
tivement, à infliger une sanction. La recourante considère,
à
tort, que cette disposition serait applicable à défaut d'une
disposition correspondante figurant dans la Convention euro-
péenne d'entraide judiciaire en matière pénale (CEEJ, RS
0.351.1). Selon la jurisprudence en effet, dans les
relations

avec les Etats parties à la CEEJ, le droit interne ne
saurait
s'appliquer à la place du droit conventionnel que lorsqu'il
pose des conditions plus favorables à l'entraide (ATF 123 II
134 consid. 1a et les arrêts cités).

b) Or, selon la réserve formulée par la Suisse à
propos de l'art. 2 CEEJ, le principe "ne bis in idem" ne sau-
rait faire échec à une demande d'entraide judiciaire que
dans
les cas où une procédure pénale est pendante en Suisse ou a
abouti, dans cet Etat, à un jugement pénal sur le fond.
Ainsi
défini de manière plus restrictive qu'à l'art. 5 al. 1 let.
a
EIMP, le principe "ne bis in idem" ne permet pas de refuser
l'entraide judiciaire au motif qu'une décision d'abandon de
poursuite a été rendue dans l'Etat requérant, voire dans un
Etat tiers. Par ailleurs, l'argumentation de la recourante
est contredite par les indications apportées par le
Magistrat
requérant, selon lequel les normes appliquées au Portugal
seraient différentes de celles qui fondent la poursuite en
Espagne. Les personnes concernées par l'enquête au Portugal
ne sont pas non plus les mêmes, à l'exception de R.________
et I.________. Il n'y a pas lieu, cela étant, de rechercher,
compte tenu de la nature des infractions, dans quelle mesure
un jugement d'acquittement rendu au Portugal lierait le juge
espagnol.

3.- La recourante invoque ensuite le principe de la
spécialité. Elle relève qu'en vertu d'un règlement espagnol,
l'autorité judiciaire aurait l'obligation de communiquer à
l'autorité fiscale toute information utile à cette dernière.
Le juge espagnol aurait d'ailleurs agi dans ce sens le 21 fé-
vrier 2001, en transmettant les pièces d'exécution de sa com-
mission rogatoire à un service de l'administration fiscale.
Par ailleurs, le juge d'instruction requérant avait déjà sol-
licité, dans sa demande initiale, la possibilité de transmet-
tre les documents aux autorités portugaises ou italiennes.
Le
5 décembre 2000, il avait clairement offert au Tribunal de

Setubal de lui transmettre le procès-verbal d'interrogatoire
de B.________; après le refus du Tribunal portugais, il se-
rait à craindre qu'une démarche semblable soit entreprise au-
près des autorités italiennes. Des garanties précises de-
vraient en tout cas être exigées sur ces points.

a) Interpellé au sujet de son offre de transmission
aux autorités portugaises, le magistrat requérant a précisé
que ses communications du 5 décembre 2000 et du 16 février
2001 ne tendaient pas à remettre inconditionnellement les
documents transmis par la Suisse, mais à savoir si
l'autorité
portugaise y était toujours intéressée. Le message du 5 dé-
cembre 2000 pourrait certes être interprété différemment,
car
le juge espagnol y indique que la déclaration de B.________
serait "remise dès réception". Le message suivant est
toutefois moins catégorique, les autorités portugaises étant
invitées à faire savoir leur intérêt à consulter le document
et, le cas échéant, à prélever des pièces. En définitive, il
y a lieu de s'en tenir à l'interprétation du juge requérant,
selon laquelle une transmission directe des pièces remises
par la Suisse n'était pas envisagée. Ces éclaircissements,
apportés après que l'OFJ ait spécialement attiré l'attention
de l'autorité requérante sur les exigences découlant du prin-
cipe de la spécialité, sont également valables quant à une
éventuelle transmission à l'Italie, le Portugal y ayant pour
sa part définitivement renoncé.

b) La recourante évoque l'obligation, qui existerait
en droit espagnol, de communiquer au fisc tous
renseignements
susceptibles de l'intéresser. Cette obligation n'implique
toutefois pas que le principe de la spécialité ne pourra pas
être respecté lorsque l'ordonnance de clôture sera communi-
quée, avec les réserves habituelles relatives à ce principe.
Cette réserve, et en particulier l'interdiction de toute uti-
lisation des renseignements transmis à des fins fiscales, a
d'ailleurs déjà été communiquée à l'autorité requérante par

l'OFJ, le 19 décembre 2000. L'autorité requérante se trouve
ainsi liée par les conditions posées par la Suisse, et il
n'y
a aucune raison de penser que l'Etat requérant se soustraira
à ses obligations. L'existence d'une disposition de droit in-
terne instaurant une obligation d'informer le fisc ne change
rien à cette conclusion: il peut raisonnablement être
présumé
que les organes de l'Etat requérant feront primer une obliga-
tion internationale vis-à-vis d'un Etat cocontractant sur
une
disposition de leur droit interne.

4.- La recourante reproche enfin à la décision atta-
quée de comporter une inexactitude en mentionnant que l'en-
quête espagnole porte sur une importation d'huile de noiset-
te, mélangée en partie à de l'huile d'olive, alors que la de-
mande ne mentionne qu'une importation d'huile d'olive. Cette
inexactitude n'entache toutefois en rien l'admissibilité de
l'entraide requise, que ce soit sous l'angle de la
motivation
de la requête, de la double incrimination ou du respect du
principe de la proportionnalité, ces questions ayant déjà
été
examinées à l'occasion des précédentes décisions de clôture.
L'inexactitude relevée n'affecte pas non plus l'étendue de
l'entraide, limitée aux faits mentionnés dans la demande.

5.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
administratif doit être rejeté. Un émolument judiciaire est
mis à la charge de la recourante qui succombe, conformément
à
l'art. 156 al. 1 OJ.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 5000 fr.

3.
Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re de la recourante, à la Direction générale des douanes et
à
l'Office fédéral de la justice (B 110785).

Lausanne, le 8 août 2001
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.112/2001
Date de la décision : 08/08/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-08;1a.112.2001 ?
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