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06/08/2001 | SUISSE | N°6S.398/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 août 2001, 6S.398/2001


«/2»
6S.398/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

6 août 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et Mme Escher, Juges.
Greffière: Mme Angéloz.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Robert Assael, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 8 mai 2001 par la Cour de cassation
genevoise dans la cause qui oppose le recourant

au
Procureur général du canton de G e n è v e;

(art. 43 ch. 1 al. 2 CP; internement)

Vu les pièces du dossier, d'...

«/2»
6S.398/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

6 août 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Wiprächtiger et Mme Escher, Juges.
Greffière: Mme Angéloz.
___________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

X.________, représenté par Me Robert Assael, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 8 mai 2001 par la Cour de cassation
genevoise dans la cause qui oppose le recourant au
Procureur général du canton de G e n è v e;

(art. 43 ch. 1 al. 2 CP; internement)

Vu les pièces du dossier, d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par arrêt du 15 janvier 1999, la Cour de
cassation genevoise a rejeté le recours formé par
X.________ contre un arrêt du 8 mai 1999 de la Cour
d'assises de Genève le condamnant, pour viols et
contraintes sexuelles commis avec cruauté (art. 189 al. 1
et 3 et 190 al. 1 et 3 CP), actes d'ordre sexuel sur une
jeune fille de moins de 16 ans (art. 187 ch. 1 CP), dé-
lits manqués de contrainte (art. 22 al. 1 et 181 CP) et
tentatives de viol (art. 21 al. 1 et 190 al. 1 et 3 CP),
à la peine de 18 ans de réclusion et ordonnant un trai-
tement psychothérapeutique ambulatoire en milieu carcéral
aux fins de réduire le risque de récidive qu'il présen-
tait.

Saisie d'un pourvoi en nullité de X.________, la
Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral l'a partiel-
lement admis par arrêt du 31 mars 1999 (6S.84/1999), pour
le motif que, nonobstant la gravité particulière des
actes commis qu'il n'était pas question de minimiser, on
ne parvenait pas à s'expliquer une peine de 18 ans de
réclusion, compte tenu de la responsabilité restreinte de
l'accusé.

B.- Statuant à nouveau le 21 mai 1999, la Cour de
cassation genevoise a condamné X.________ à la peine de
12 ans de réclusion et à suivre un traitement
psychothérapeutique ambulatoire en milieu carcéral.

Par arrêt du 10 août 1999 (6S.418/1999), la Cour de
cassation pénale du Tribunal fédéral a admis un pourvoi
en nullité formé par le Procureur général du canton de

Genève contre la nouvelle décision de la Cour de cassa-
tion genevoise; elle a considéré, en bref, que, compte
tenu de la diminution de peine opérée et du fait que, se-
lon l'expertise psychiatrique, X.________ présentait un
risque de récidive et compromettait la sécurité publique,
l'autorité cantonale ne pouvait se borner à confirmer le
traitement ambulatoire en milieu carcéral ordonné précé-
demment, mais devait examiner s'il ne se justifiait pas
de prononcer un internement en application de l'art. 43
ch. 1 al. 2 CP.

C.- Par arrêt du 22 septembre 1999, la Cour de
cassation genevoise a renvoyé l'affaire à la Cour d'as-
sises.

Le 14 février 2000, le Président de la Cour d'as-
sises a ordonné un complément d'expertise portant sur
l'application de l'art. 43 CP. Ce complément d'expertise
a été confié à l'Institut universitaire de médecine lé-
gale, qui avait déjà été chargé de procéder à la première
expertise, établie le 10 octobre 1997 par le professeur
Y.________, et le Dr Z.________.

Dans la première expertise, relevant que "l'inter-
nement en milieu psychiatrique ne constituerait pas une
mesure thérapeutique adaptée à la pathologie" de l'inté-
ressé, les experts avaient recommandé "une prise en
charge pendant l'exécution de la peine ou pendant l'in-
ternement dans un établissement pénitentiaire (établis-
sement approprié)".

Dans le complément d'expertise, du 14 juillet 2000,
les experts ont estimé qu'un traitement médical, de type
psychothérapeutique et sociothérapeutique, était indis-
pensable afin d'éliminer ou d'atténuer le danger de voir

l'accusé commettre d'autres actes punissables, relevant
que ce dernier, en raison de son état mental, compromet-
tait gravement la sécurité publique. Les experts ont
maintenu que l'internement en milieu psychiatrique ne
constituait pas, actuellement, une mesure thérapeutique
adaptée à la pathologie de l'intéressé et que le travail
psychothérapeutique, qui leur paraissait toujours la
meilleure approche pour diminuer le risque de récidive,
devait se poursuivre pendant l'exécution de la peine. Ils
ont ajouté qu'une nouvelle expertise, pendant la période
de libération conditionnelle et de semi-liberté, devrait
permettre de planifier un éventuel régime de fin de peine
et que, durant ces périodes puis en liberté, un travail
psychothérapeutique serait indispensable et représente-
rait la meilleure mesure pour éviter la récidive.

Par arrêt du 18 septembre 2000, la Cour d'assises,
après avoir longuement entendu l'un des experts, le profes-
seur Y.________, a prononcé l'internement de X.________ en
application de l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP.

Saisie d'un recours de X.________, la Cour de
cassation genevoise l'a rejeté par arrêt du 8 mai 2001.

D.- X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal
fédéral. Invoquant une violation de l'art. 43 ch. 1 al. 2
CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, en
sollicitant l'assistance judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recourant soutient que l'internement pro-
noncé à son encontre viole l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP.

a) Selon cette disposition, si, en raison de son
état mental, le délinquant compromet gravement la sé-
curité publique et si cette mesure est nécessaire pour
prévenir la mise en danger d'autrui, le juge ordonnera
l'internement; celui-ci sera exécuté dans un établisse-
ment approprié.

L'internement au sens de l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP
concerne, d'une part, les auteurs particulièrement dan-
gereux qui ne sont accessibles à aucun traitement et,
d'autre part, ceux qui nécessitent un traitement et sont
aptes à être traités mais dont on peut craindre qu'ils ne
commettent de graves infractions s'ils sont l'objet d'un
traitement ambulatoire ou s'ils sont soignés dans un hô-
pital ou un hospice; il s'agit, dans cette seconde hypo-
thèse, des auteurs qui, en dépit d'un traitement ou de
soins, risquent sérieusement de commettre des infractions
graves, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de
l'établissement; chez ceux-ci, les chances de guérison
sont, à court ou à moyen terme, à ce point incertaines
que des infractions graves sont à craindre dans l'inter-
valle. Pendant l'internement, une aide thérapeutique ou
médicale doit si possible être prodiguée; l'aspect cura-
tif doit être pris en compte en sus de l'aspect sécuri-
taire. L'internement constituant une atteinte grave à la
liberté personnelle, il ne doit pas être ordonné si la
dangerosité que présente l'auteur peut être contenue
d'une autre manière. L'internement selon l'art. 43 CP ne
doit pas obligatoirement être exécuté dans un établisse-
ment dirigé par un médecin, mais peut aussi être exécuté

dans un établissement pénitentiaire (ATF 127 IV 1 consid.
2a p. 4; 125 IV 118 consid. 5b/bb p. 120 et les réfé-
rences).

La question de savoir si l'auteur compromet gra-
vement la sécurité publique au sens de l'art. 43 ch. 1
al. 2 CP est une question de droit, de même que celle de
savoir si l'internement est nécessaire pour prévenir la
mise en danger d'autrui. Pour déterminer si la sécurité
publique est gravement compromise, il faut tenir compte
non seulement de l'imminence et de la gravité du danger,
mais aussi de la nature et de l'importance du bien juri-
dique menacé. Lorsque des biens juridiques importants,
tels que la vie ou l'intégrité corporelle, sont mis en
péril, il faut se montrer moins exigeant quant à l'im-
minence et à la gravité du danger que lorsque des biens
de moindre valeur, tels que la propriété ou le patri-
moine, sont menacés. De même, lorsque des biens juridi-
ques importants sont mis en péril, l'internement du dé-
linquant pourra être considéré comme nécessaire au sens
de l'art. 43 ch. 1 al. 2 CP alors même que le danger
n'est pas particulièrement grave. A cet égard, il con-
vient de ne pas perdre de vue qu'il est par définition
aléatoire et difficile d'évaluer le degré de dangerosité
d'un individu. Lorsque, sur la base d'une expertise psy-
chiatrique, le juge acquiert la conviction que le délin-
quant, même s'il est traité médicalement, pourra présen-
ter un danger pour autrui dans le futur, il doit admettre
que la dangerosité de celui-ci justifie son internement.
S'agissant de la décision sur le pronostic, le principe
"in dubio pro reo" n'est pas applicable (ATF 127 IV 1
consid. 2a p. 5; 118 IV 108 consid. 2a p. 114 et les
références).

b) Alléguant sa motivation à suivre un traitement,
son évolution positive et la durée prévisible, de 3 ou

4 ans selon lui, de la psychothérapie qu'il a entreprise,
le recourant soutient qu'il présente de bonnes chances de
guérison à court ou moyen terme, de sorte qu'un interne-
ment n'est pas nécessaire.

Rien dans l'arrêt attaqué - dont les constatations
de fait lient la Cour de céans (art. 277bis PPF) - ne
permet de retenir que le recourant présenterait de bonnes
chances de guérison à court ou à moyen terme. Autant que
celui-ci tente de le déduire de passages extraits de di-
verses pièces du dossier, notamment de procès-verbaux
d'audition, de témoignages et d'avis médicaux, son argu-
mentation se réduit à une rediscussion de l'appréciation
des preuves, irrecevable dans un pourvoi en nullité, qui
ne peut être formé que pour violation du droit fédéral
(art. 269 PPF; ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83; 123 IV 184
consid. 1a p. 186; 118 IV 309 consid. 2b p. 317).

Des faits retenus, il résulte que le recourant né-
cessite impérativement un traitement, jugé indispensable
par les experts, et qu'il est apte à être traité, ce qui
n'est d'ailleurs pas contesté. Il en résulte également
que le recourant présente un important risque de récidive
et qu'actuellement encore il compromet gravement la sécu-
rité publique, comme l'ont toujours souligné les experts.
Il existe donc incontestablement un danger sérieux que le
recourant, qui a commis de très graves infractions contre
l'intégrité sexuelle, n'en vienne à récidiver, s'en pre-
nant à nouveau à des biens juridiquement protégés de
haute valeur. Dans ces conditions, au vu de la jurispru-
dence précitée (cf. supra, let. a), l'arrêt attaqué ne
viole en rien le droit fédéral en tant qu'il retient que
le recourant compromet gravement la sécurité publique et
que son internement est nécessaire. La motivation du re-
courant à poursuivre le traitement psychothérapeutique

entrepris n'y change rien (ATF 121 IV 297 consid. 2c
p. 302; 118 IV 108 consid. 2a p. 112 ss).

c) Se référant à la solution proposée par les ex-
perts, soit un traitement psychothérapeutique ambula-
toire, le recourant reproche à l'autorité cantonale
d'avoir méconnu le principe de la subsidiarité.

Les experts ont préconisé un traitement psychothé-
rapeutique effectué ambulatoirement; ils ont estimé qu'un
internement n'était pas adapté à la pathologie du recou-
rant, expliquant qu'il était important que ce dernier
puisse poursuivre le traitement psychothérapeutique en-
trepris en 1998 et que ce traitement puisse se dérouler
dans un établissement non psychiatrique; dans cette
mesure, le traitement préconisé apparaissait comme la
meilleure approche pour prévenir le risque de récidive.

Il en résulte que, du point de vue thérapeutique,
un traitement psychothérapeutique effectué dans un éta-
blissement non psychiatrique apparaît plus bénéfique pour
le recourant. Le principe de la subsidiarité commande
toutefois de renoncer à un internement si la dangerosité
que présente l'auteur peut être contenue d'une autre
manière (cf. supra, let. a). La question n'est donc pas
de savoir si une autre mesure, en l'occurrence un traite-
ment psychothérapeutique ambulatoire, serait préférable
du point de vue thérapeutique, mais si elle serait suf-
fisante pour prévenir une mise en danger d'autrui. Or,
dans le cas d'espèce, un internement est nécessaire pour
éviter la réalisation de ce risque (cf. supra, let. b).
Le traitement préconisé par les experts, auquel le re-
courant se soumet depuis 1998, n'a du reste pas permis de
juguler ce risque, qui est toujours aussi important. Dès
lors, même si un traitement psychothérapeutique ambula-
toire serait préférable du point de vue thérapeutique, il

pouvait être admis sans violation du droit fédéral que
l'internement du recourant apparaît comme la seule mesure
propre à prévenir la mise en danger d'autrui. Au demeu-
rant, l'internement selon l'art. 43 CP ne doit pas obli-
gatoirement être exécuté dans un établissement médical
ou psychiatrique, mais peut aussi être exécuté dans un
établissement pénitentiaire; en outre, l'internement
n'exclut pas un traitement psychothérapeutique, qui doit
au contraire être prodigué autant que possible durant
l'exécution de cette mesure (cf. supra, let. a).

2.- Le pourvoi doit ainsi être rejeté dans la me-
sure où il est recevable. Comme il était d'emblée dénué
de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut
être accordée (art. 152 al. 1 OJ) et le recourant, qui
succombe, supportera les frais (art. 278 al. 1 PPF).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3. Met à la charge du recourant un émolument
judiciaire de 800 francs.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Procureur général du canton de
Genève et à la Cour de cassation genevoise.
__________

Lausanne, le 6 août 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le
Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.398/2001
Date de la décision : 06/08/2001
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-08-06;6s.398.2001 ?
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