La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/07/2001 | SUISSE | N°U.492/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 juillet 2001, U.492/00


«AZA 7»
U 492/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Ursprung; Addy,
Greffier

Arrêt du 31 juillet 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Me Sébastien Fanti,
avocat, place du Midi 27, 1951 Sion,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal cantonal des assurances, Sion

A.- A la suite d'une chute à ski survenue en janvier
1991, A.________

fut transporté à l'Hôpital X.________ où
les médecins posèrent le diagnostic de traumatisme crânio-
cérébral avec perte de connais...

«AZA 7»
U 492/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Ursprung; Addy,
Greffier

Arrêt du 31 juillet 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Me Sébastien Fanti,
avocat, place du Midi 27, 1951 Sion,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal cantonal des assurances, Sion

A.- A la suite d'une chute à ski survenue en janvier
1991, A.________ fut transporté à l'Hôpital X.________ où
les médecins posèrent le diagnostic de traumatisme crânio-
cérébral avec perte de connaissance et amnésie circonstan-
cielle, diplopie sur discrète parésie de l'oblique supé-
rieur gauche, fracture de l'humérus droit sous-capitale,

pneumothorax droit ainsi que contusion de la hanche droite.
Quelques jours après sa sortie de l'hôpital en février
1991, A.________ fut victime d'une embolie pulmonaire qui
nécessita un nouveau séjour hospitalier (rapport du 3 avril
1991 du docteur B.________, médecin-assistant à l'Hôpital
X.________). Le 15 juillet 1991, il reprit son travail
d'ouvrier d'usine chez Y.________ SA, d'abord à 50 %, puis
à 100 % dès le 29 juillet suivant. La Caisse nationale
suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) prit en charge
les conséquences de l'accident de ski.
Peu de temps après la reprise de son travail, l'assuré
se plaignit de douleurs persistantes dans la région de
l'épaule droite ainsi que d'une mobilité réduite de celle-
ci (cf. rapports médicaux intermédiaires établis les
14 septembre et 14 décembre 1991 par le docteur C.________,
médecin traitant). Le 3 mars 1992, à la suite d'une exacer-
bation des douleurs, il fit une nouvelle déclaration d'ac-
cident à la CNA qui accepta de traiter le cas comme une
rechute de l'accident de ski du 26 janvier 1991. Il bénéfi-
cia de séances de physiothérapie qui n'apportèrent toute-
fois pas d'amélioration durable, si bien qu'il annonça une
nouvelle rechute le 17 décembre 1992, en complétant ses
plaintes par la mention de maux de tête ainsi que de trou-
bles de la mémoire et du sommeil. En février 1993, il si-
gnala encore des douleurs thoraciques à gauche (cf. rapport
du docteur C.________ du 21 février 1993) qui donnèrent
lieu à des examens pulmonaires (scintigraphie pulmonaire,
test d'effort...) dont les résultats se révélèrent dans les
limites de la normale. Par la suite, il annonça encore de
nombreuses rechutes qui furent toutes prises en charge par
la CNA (cf. déclarations d'accident du 10 mars 1994,
9 février 1995, 27 septembre 1995 et 11 juillet 1996).

Le 23 octobre 1997, A.________ fit l'annonce d'une
énième rechute à la CNA. Le docteur D.________, médecin
traitant, attesta une incapacité de travail pour la période
du 15 au 21 octobre 1997 et ordonna un bilan neurologique
qui permit de diagnostiquer, pour la première fois, des
troubles neuropsychologiques (rapport du 3 décembre 1997 de
la doctoresse E.________, neuropsychologue). Au vu de ce
résultat, la CNA décida de confier une expertise médicale
au professeur F.________, médecin-chef de la division
autonome de neuropsychologie Z.________. A l'issue de ses
investigations, l'expert confirma l'existence de troubles
neuropsychologiques, tout en faisant également état d'«une
thymie dépressive avec idées suicidaires». Il conclut que
la symptomatologie de l'assuré était «très probablement
liée à l'accident» et préconisa la mise en oeuvre d'un
traitement antidépresseur (rapport du 8 avril 1998).
Dans une prise de position du 4 juin 1998, le docteur
G.________, membre de l'équipe de médecine des accidents de
la CNA, considéra que l'accident de ski du 26 janvier 1991
était tout au plus une cause possible et partielle des
troubles neuropsychologiques diagnostiqués, ceux-ci devant
bien plutôt, à son sens, être imputés à la thymie dépres-
sive de l'assuré.
Par décision du 17 juin 1998, la CNA refusa de prendre
en charge la rechute annoncée le 23 octobre 1997, motif
pris de l'absence de «corrélation pour le moins probable»
entre celle-ci et l'accident assuré. Saisie d'une opposi-
tion, la CNA la rejeta par une nouvelle décision le
29 juillet 1999.

B.- A.________ recourut contre cette décision sur
opposition.
Par jugement du 8 novembre 2000, le Tribunal cantonal
des assurances du canton du Valais rejeta le recours.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert, sous suite de
frais et dépens, l'annulation, en concluant à ce que la CNA
soit condamnée à prendre en charge les suites de la rechute
annoncée le 23 octobre 1997.
La CNA conclut au rejet du recours, tandis que l'Offi-
ce fédéral des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit du recourant à des
prestations d'assurance à charge de l'intimée, pour les
suites de l'accident de ski survenu le 26 janvier 1991.

2.- Le droit à des prestations découlant d'un accident
assuré suppose d'abord, entre l'événement dommageable de
caractère accidentel et l'atteinte à la santé, un lien de
causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu'il y
a lieu d'admettre que, sans cet événement accidentel, le
dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu'il ne se-
rait pas survenu de la même manière. Il n'est pas néces-
saire, en revanche, que l'accident soit la cause unique ou
immédiate de l'atteinte à la santé; il faut et il suffit
que l'événement dommageable, associé éventuellement à d'au-
tres facteurs, ait provoqué l'atteinte à la santé physique
ou psychique de l'assuré, c'est-à-dire qu'il se présente
comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si
l'événement assuré et l'atteinte à la santé sont liés par
un rapport de causalité naturelle est une question de fait,
que l'administration ou, le cas échéant, le juge examine en
se fondant essentiellement sur des renseignements d'ordre
médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la
règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée
généralement à l'appréciation des preuves dans l'assurance
sociale. Ainsi, lorsque l'existence d'un rapport de cause à

effet entre l'accident et le dommage paraît possible, mais
qu'elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas
particulier, le droit à des prestations fondées sur l'acci-
dent assuré doit être nié (ATF 125 V 322 consid. 5a;
119 V 337 consid. 1 et les références).

3.- a) S'appuyant sur l'opinion du docteur G.________,
les premiers juges ont considéré que les troubles neuro-
psychologiques du recourant diagnostiqués par les docteurs
E.________ et F.________ ne pouvaient, au degré de vraisem-
blance requis, être mis en relation de causalité naturelle
avec l'accident assuré. Ils ont écarté les conclusions en
sens contraire du professeur F.________ au motif que
celles-ci ne reposaient sur «aucun fondement scientifique»
et qu'elles procédaient, en définitive, d'un «simple rai-
sonnement 'post hoc, ergo propter hoc'.»
Le recourant conteste ce point de vue. Il soutient que
la préférence doit être donnée aux conclusions du profes-
seur F.________, en insistant sur les compétences profes-
sionnelles de ce praticien qu'il présente comme un «éminent
spécialiste en neuropsychologie et en neurochirurgie», par
opposition au docteur G.________, qu'il décrit comme «un
généraliste au surplus employé de la SUVA». En résumé, il
considère que «le Tribunal cantonal erre en qualifiant (ce
dernier) d'expert et en mettant son avis sur pied d'égalité
avec celui de spécialistes reconnus». Il renvoie également
à l'opinion de ses médecins traitants, les docteurs
C.________ et D.________, qui corroborent l'opinion du
professeur F.________.
Pour sa part, l'intimée se rallie aux considérants du
jugement attaqué, en réfutant les suspicions soulevées par
le recourant au sujet des compétences du docteur G.________
qui, fait-elle valoir, est un spécialiste reconnu en neu-
rologie bien qu'il ne soit pas membre de la FMH. Elle

exhorte la Cour de céans à ne pas tenir compte, sur ce
point, des affirmation «aussi fausses qu'inadmissibles» du
recourant.

b) La polémique engagée par les parties autour des
qualifications et des compétences du docteur G.________ est
aussi vaine qu'inutile.
En effet, à teneur de la jurisprudence, l'élément
décisif pour apprécier la valeur probante d'une pièce médi-
cale n'est en principe ni son origine, ni sa désignation
sous la forme d'un rapport ou d'une expertise, mais bel et
bien son contenu (ATF 125 V 352 consid. 3a; Spira, La preu-
ve en droit des assurances sociales, in : Mélanges en
l'honneur de Henri-Robert Schüpbach, Bâle, Genève et Munich
2000, p. 268; Omlin, Die Invalidität in der obligatorischen
Unfallversicherung, thèse Fribourg 1995, p. 297 sv.;
Morger, Unfallmedizinische Begutachtung in der SUVA, in
RSAS 32/1988 p. 332 sv.). Il importe, pour conférer pleine
valeur probante à un rapport médical, que les points liti-
gieux importants aient fait l'objet d'une étude circons-
tanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets,
qu'il prenne également en considération les plaintes expri-
mées par la personne examinée, qu'il ait été établi en
pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du
contexte médical et l'appréciation de la situation médicale
soient claires et enfin que les conclusions de l'expert
soient dûment motivées (ATF 125 V 352 consid. 3a et les
références).

c) En l'espèce, à l'issue de deux consultations médi-
cales ponctuées d'une série de tests neurologiques, le
professeur F.________ a mis en évidence des troubles de la
mémoire et du raisonnement associés à «un accès lexical ré-
duit et des signes de fléchissement des aptitudes exécuti-
ves et gnosiques visuelles». Il a également relevé, sur le
plan comportemental, «des modifications de la personnalité

se manifestant notamment par une thymie dépressive avec
idées suicidaires». Selon lui, l'ensemble de cette sympto-
matologie est «très probablement liée à l'accident (assu-
ré)» étant donné qu'avant la survenance de celui-ci, le
recourant ne présentait ni éléments prémorbides signifi-
catifs, ni troubles thymiques. Le professeur F.________
préconise la mise en oeuvre d'un traitement antidépresseur.
Avec l'intimée et les premiers juges, on doit convenir
que les conclusions de l'expert sur la question de la cau-
salité naturelle sont peu étayées, voire résultent d'un
raisonnement «post hoc, ergo propter hoc», lequel est im-
propre à établir un rapport de cause à effet entre un acci-
dent assuré et une atteinte à la santé, comme la Cour de
céans a déjà eu l'occasion de le préciser (ATF 119 V 341 s.
consid. 2b/bb; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 s. consid. 3b).
C'est donc à raison que l'intimée et les premiers
juges ont mis en doute la valeur probante de l'expertise du
professeur F.________, d'autant que les conclusions de
celle-ci sont contestées par le docteur G.________.
Néanmoins, la Cour cantonale ne pouvait pas, comme
elle l'a fait, considérer qu'elle disposait de suffisamment
d'éléments pour trancher le litige.

d) Selon le docteur G.________, le traumatisme céré-
bral subi en 1991 par le recourant est, compte tenu de son
peu de gravité, une cause seulement possible - et par-
tielle - des troubles neuropsychologiques qui ont été mis
en évidence. Ceux-ci trouveraient bien plutôt, toujours
selon le médecin-conseil de la CNA, leur origine dans l'hu-
meur dépressive du recourant, laquelle serait par ailleurs,
à l'instar de ses troubles du sommeil, une conséquence de
ses maux de tête et de ses douleurs chroniques à l'épaule
et à la nuque. Or, le docteur G.________ tient la relation
de causalité entre ces douleurs et l'accident assuré tout
au plus pour possible, compte tenu du temps qui s'est écou-

lé avant que celles-ci ne se manifestent (plusieurs mois)
et vu, également, l'absence de substrat organique pouvant
les expliquer.
En l'état du dossier, on ne saurait, sans autre exa-
men, souscrire à cette thèse. En effet, pour arriver à la
conclusion que les troubles neuropsychologiques du recou-
rant ne sont pas dans une relation de causalité naturelle
avec l'accident de ski, le docteur G.________ postule, en
premier lieu, que leur origine est psychogène et, en second
lieu, que celle-ci est étrangère à l'accident assuré. Le
recourant n'a toutefois fait l'objet d'aucune investigation
sur le plan psychiatrique. On ne voit dès lors pas sur quoi
se fonde le docteur G.________ pour affirmer que, selon
toute vraisemblance, l'humeur dépressive du recourant est
la principale cause de ses troubles neurologiques («Herr
A.________ neuropsychologischen Funktionsstörungen ist
anteilsmässig wahrscheinlich am meisten der depressiven
Verstimmung zuzuschreiben»; rapport d'expertise p. 3).
C'est le lieu de rappeler que, selon la jurisprudence,
une expertise médicale établie uniquement sur la base d'un
dossier n'a de valeur probante que pour autant que celui-ci
contienne suffisamment d'appréciations médicales qui,
elles, se fondent sur un examen personnel de l'assuré (cf.
RAMA 1988 no U 56 p. 370 sv. consid. 5b et la référence).
Au surplus, cette jurisprudence doit être relativisée quand
il s'agit d'apprécier - comme en l'espèce - des questions
qui nécessitent une expertise psychiatrique, en ce sens
qu'une telle expertise doit, en principe, se faire sur la
base d'une consultation médicale (cf. arrêt du Tribunal
fédéral W. du 28 novembre 2000, 6P.129/2000, destiné à la
publication, consid. 2e-g et les références).

e) Dans ces conditions, il se justifie d'admettre le
recours, d'annuler le jugement entrepris et de renvoyer la
cause à la juridiction cantonale afin qu'elle mette en
oeuvre une expertise judiciaire afin de déterminer
si l'ac-

cident assuré est la cause naturelle des atteintes à la
santé du recourant (soit ses troubles neuropsychologiques
mais également l'état dépressif diagnostiqué par le profes-
seur F.________ et les médecins traitants; cf. rapport du
24 septembre 1998 des docteurs C.________ et D.________).

4.- Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à
une indemnité de dépens à la charge de l'intimée qui suc-
combe (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement atta-
qué est annulé, le dossier de la cause étant renvoyé
au Tribunal cantonal des assurances du canton du Va-
lais pour instruction complémentaire et nouveau juge-
ment au sens des motifs.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'intimée versera au recourant une indemnité de dépens
de 2500 fr. pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal cantonal des assurances du canton du Valais et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 31 juillet 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe chambre :

p. le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.492/00
Date de la décision : 31/07/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-31;u.492.00 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award