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31/07/2001 | SUISSE | N°I.1/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 juillet 2001, I.1/01


«AZA 7»
I 1/01 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 31 juillet 2001

dans la cause

A.________, recourante, représentée par Me Jean-Patrick
Gigandet, avocat, rue de la Gruère 7, 2350 Saignelégier,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue
Bel-Air 3, 2350 Saignelégier, intimé,

et

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Porrentruy

A.- A.___

_____ a exploité, à titre indépendant, une
entreprise de charpenterie, couverture, menuiserie jusqu'en
1997. Dès 1995, elle a rencontr...

«AZA 7»
I 1/01 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 31 juillet 2001

dans la cause

A.________, recourante, représentée par Me Jean-Patrick
Gigandet, avocat, rue de la Gruère 7, 2350 Saignelégier,

contre

Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura, rue
Bel-Air 3, 2350 Saignelégier, intimé,

et

Tribunal cantonal de la République et canton du Jura,
Porrentruy

A.- A.________ a exploité, à titre indépendant, une
entreprise de charpenterie, couverture, menuiserie jusqu'en
1997. Dès 1995, elle a rencontré des problèmes de santé.
A partir du 26 juin 1997, elle a bénéficié de 720 in-
demnités journalières que lui a versées son assureur perte
de gain.

Dans un rapport du 1er octobre 1997, le docteur
B.________, spécialiste en maladies rhumatismales, a posé
le diagnostic de lombalgies chroniques sur scoliose
dégénérative du rachis lombaire, ainsi que de hernies
discale et intra-foraminale.
Le 5 novembre 1997, elle a déposé une demande de
prestations de l'assurance-invalidité (reclassement dans
une nouvelle profession et rente), en raison de douleurs
dorsales survenues dès 1995.
Le docteur C.________, médecin traitant, a constaté
que sa patiente présentait une incapacité de travail de
100 % du 26 avril 1997 au 31 janvier 1999 et de 50 % à
partir de cette date (rapports des 14 novembre 1997 et
1er août 1999).
Dans un rapport du 11 janvier 1999, le docteur
D.________, spécialiste en médecine interne et rhumato-
logie, a déclaré qu'au vu des problèmes rachidiens
présentés par A.________, il ne lui paraissait pas possible
qu'elle poursuive son travail de menuisier charpentier, en
revanche un travail à temps réduit (50 % à 60 environ) lui
semblait indiqué.
A.________ a travaillé à 50 %, à partir du 1er février
1999, comme ouvrière de fabrication, et à partir du 2 mai
2000, comme ouvrière polyvalente, à 50 %.
Par décision du 21 février 2000, l'Office de l'assu-
rance-invalidité du canton du Jura (ci-après : OAI) a nié
le droit de l'assurée à une rente d'invalidité, au motif
qu'elle ne subissait pas de perte économique.

B.- A.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal cantonal du canton du Jura, Chambre des assu-
rances, en concluant à l'octroi des prestations demandées.
Elle a produit un rapport médical du 28 février 2000

du docteur D.________, dont il ressort qu'elle présentait
actuellement une capacité de travail de 50 % et qu'il était
difficile d'envisager une augmentation de ce taux.
Par jugement du 23 novembre 2000, la juridiction
cantonale a rejeté le recours formé par l'assurée.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont elle demande l'annulation.
Sous suite de frais et dépens, elle conclut, principale-
ment, à l'octroi d'une demi-rente d'invalidité et, subsi-
diairement, au renvoi de la cause, pour nouvelle décision,
à l'autorité qui a statué en première instance. Elle
sollicite également le bénéfice de l'assistance judiciaire
gratuite.
L'OAI conclut au rejet du recours. L'Office fédéral
des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Est litigieux le taux d'invalidité présenté par la
recourante.

2.- Les premiers juges ont exposé les règles et prin-
cipes jurisprudentiels applicables en matière d'évaluation
de l'invalidité, de sorte qu'il suffit de renvoyer à leur
jugement.

3.- a) La juridiction cantonale a considéré que la
recourante présentait une incapacité de travail de 40 à
50 %, mais que la comparaison des revenus ne laissait
apparaître aucune perte de gain. Pour déterminer le revenu
sans invalidité, elle s'est fondée sur les revenus nets que
la recourante a obtenus en 1995 (6893 fr.) et en 1996
(4656 fr.), soit les deux années précédant l'incapacité
totale de travail qu'elle a subie jusqu'en janvier 1999.

Elle a comparé ces montants avec le revenu mensuel net de
1320 fr. que la recourante a réalisé, depuis le 1er février
1999, en tant qu'ouvrière de fabrication à un taux d'occu-
pation de 50 %.

b) La recourante admet qu'elle présente un taux d'in-
capacité de travail de 50 %, mais soutient que les premiers
juges auraient dû appliquer la méthode extraordinaire de
comparaison des revenus, en lieu et place de la méthode
générale de comparaison. L'entreprise avait dû être liqui-
dée, en raison de ses problèmes de santé et au vu de la
conjoncture. Par ailleurs, l'exploitation n'était plus
adaptée à une femme de son âge. Pour ces divers motifs,
elle avait décidé d'exercer une activité professionnelle
dépendante, de sorte qu'il était arbitraire de retenir, à
titre de revenu sans invalidité, le revenu d'une activité
qu'elle n'aurait plus exercée si elle avait été valide.
Elle se prévaut, à cet égard, d'une violation de l'art. 28
al. 2 LAI. A son sens, le revenu sans invalidité devrait
correspondre au double du salaire qu'elle réalise, dès lors
que les médecins lui reconnaissent une capacité de travail
de 50 %, seulement, et qu'il paraît difficile d'envisager
une augmentation de ce taux, eu égard à l'évolution peu
favorable de ses problèmes rhumatologiques (rapport du
docteur D.________ du 28 décembre 2000). Elle en conclut
qu'en l'espèce, le taux de l'invalidité se confond avec le
taux de l'incapacité fonctionnelle.

4.- a) Aux termes de l'art. 28 al. 2 LAI, le revenu du
travail que l'invalide pourrait obtenir en exerçant l'acti-
vité qu'on peut raisonnablement attendre de lui, après
exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte
tenu d'une situation équilibrée du marché du travail, est
comparé au revenu qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas
invalide.

Le revenu sans invalidité se détermine en règle géné-
rale d'après le dernier salaire que l'assuré a obtenu avant
l'atteinte à la santé, en tenant compte de l'évolution des
salaires intervenue jusqu'au moment du prononcé de la déci-
sion (Meyer-Blaser, Bundesgesetz über die Invalidenversi-
cherung (IVG), 1997, p. 205 et 206).
En principe, un gain modeste sera également pris en
considération pour déterminer le revenu sans invalidité,
s'il est établi que l'assuré s'en serait contenté même s'il
avait été en bonne santé (ATF 125 V 157 consid. 5c/bb et
les arrêts cités; Meyer-Blaser, op. cit. p. 208). En re-
vanche, si compte tenu de l'ensemble des circonstances du
cas particulier, il apparaît que l'assuré ne s'est pas
contenté d'un revenu modeste de son plein gré, il y aura
lieu - à défaut d'indices concrets déterminants - de se
référer aux valeurs médianes résultant de l'enquête de
l'Office fédéral de la statistique sur la structure des
salaires pour fixer le revenu sans invalidité (VSI 1999
p. 248 sv consid. 3b; RCC 1992 p. 96 sv consid. 4; comp.
Meyer-Blaser, op. cit. p. 208).

b) En l'espèce, le dossier révèle qu'après une période
de haute conjoncture (1980-1990), la recourante a réalisé
un revenu de 4900 fr. en 1993 et de 6100 fr. en 1994; les
revenus nets de la recourante en 1995 et 1996 étaient res-
pectivement de 6893 fr. et 4656 fr. Par ailleurs, les reve-
nus retenus pour l'IFD en 1991 et 1992 étaient de 5275 fr.
et de 0 fr. Il découle de ces données chiffrées que, depuis
1991, les revenus réalisés avant et après l'apparition des
douleurs invalidantes (1995) sont du même ordre de grandeur
(sous réserve des années 1997 et 1998, non déterminantes,
pendant lesquelles la recourante a bénéficié d'indemnités
journalières de son assurance perte de gain). Dans la
mesure où, pendant au moins quatre ans avant la date de
l'apparition des douleurs, la recourante s'est contentée
d'un revenu moyen de 4068 fr., il n'y a aucun indice

concret (au sens de la jurisprudence citée au consid. 4a
ci-dessus) indiquant que, sans invalidité, elle aurait
cherché à augmenter ses revenus et opté pour une activité
dépendante, contrairement à ce qu'elle soutient. C'est
ainsi à juste titre que les premiers juges se sont fondés,
pour déterminer le revenu sans invalidité, sur le revenu
moyen réalisé par la recourante en 1995 et 1996.

c) La situation de la recourante se distingue de celle
du négociant visé par l'arrêt du 15 octobre 1991 (RCC 1992
p. 96 sv consid. 4), en ce sens que l'assuré en question
s'était contenté d'un gain modeste, uniquement parce ce
qu'il puisait dans sa fortune personnelle pour compléter
ses revenus. Cette situation a basculé lorsqu'il est tombé
en faillite. Compte tenu de cette circonstance, notamment,
la cour de céans a retenu qu'en l'absence d'invalidité,
l'assuré ne se serait pas contenté d'un salaire modeste.
En l'espèce, la fortune de la recourante n'a pas subi
pareille diminution. Au contraire, ses déclarations
d'impôts font apparaître une augmentation de sa fortune
nette de 55 637 fr., en 1993, à 105 000 fr. en 1996, soit
l'année précédant le début de son incapacité totale de
travail. C'est donc, de son plein gré, et indépendamment de
l'état de sa fortune que la recourante s'est contentée d'un
salaire modeste de 1991 à 1996.

d) Il apparaît dès lors, que le revenu réalisé par la
recourante depuis le 1er février 1999 (1320 fr. par mois)
est supérieur au revenu moyen des deux dernières années
d'exploitation, soit 1995 et 1996 (5774 fr.). On aboutirait
à la même constatation si l'on prenait en considération le
revenu moyen réalisé par l'intéressée de 1991 à 1996
(4632 fr.). Partant, ne subissant pas d'incapacité de gain,
la recourante n'a pas droit à une rente d'invalidité.
Le recours est mal fondé.

5.- La recourante sollicite le bénéfice de l'assis-
tance judiciaire pour la procédure fédérale. Les premiers
juges avaient refusé cette aide, par jugement séparé du
23 novembre 2000, au motif qu'elle dispose d'un immeuble
d'une valeur officielle de 409 480 fr. et qu'en dépit de
dettes hypothécaires s'élevant à 260 000 fr., elle pouvait
encore contracter un emprunt sur son immeuble. La recou-
rante fait valoir, à raison, qu'on en saurait exiger d'elle
qu'elle entame sa fortune immobilière en sollicitant un
prêt garanti par l'immeuble, ses revenus totaux nets
(1368 fr. x 13 = 17 784 fr.) ne permettent pas - compte
tenu de ses autres charges mensuelles de 810 fr. - de
supporter les intérêts hypothécaires actuels (15 762 fr.,
selon l'attestation du 11 janvier 2001 de la Banque
Raffeisen). On doit retenir que dans ces circonstances, la
recourante n'est plus en mesure d'obtenir des crédits sup-
plémentaires (ATF 119 Ia 13 consid. 5a et les références).
Partant, on peut admettre l'état d'indigence allégué. Le
fait qu'une aide sociale de 1000 fr. par mois lui a été
octroyée pour la période du 1er juillet 1999 au 1er août
2000, ne change rien à cette appréciation. En effet, cette
aide - qui n'a été reçue que durant sept mois, sur les
douze mois déterminants - est remboursable.
Par ailleurs, les conclusions n'étaient pas d'emblée
vouées à l'échec et l'assistance d'un avocat était justi-
fiée par la relative complexité des problèmes juridiques
qui se posaient en l'espèce.
S'agissant d'un litige qui concerne l'octroi ou le
refus de prestations d'assurance, la procédure est gratuite
(art. 134 OJ). Dans cette mesure, la requête de la recou-
rante tendant à l'octroi de l'assistance judiciaire gra-
tuite est sans objet. En revanche, elle est bien fondée
dans la mesure où elle tend à la prise en charge des
honoraires de son avocat (art. 152 al. 2 OJ).
La recourante est toutefois rendue attentive au fait
qu'elle devra rembourser la caisse du tribunal si elle
devient ultérieurement en mesure de la faire (art. 152
al. 3 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'assistance judiciaire est accordée à la recourante.
Les honoraires (y compris la taxe à la valeur ajoutée)
de Me Jean-Patrick Gigandet, avocat d'office, sont
fixés à 2500 fr. et seront supportés par la caisse du
tribunal.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal cantonal du canton du Jura, Cour des assu-
rances sociales, et à l'Office fédéral des assurances
sociales.

Lucerne, le 31 juillet 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.1/01
Date de la décision : 31/07/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-31;i.1.01 ?
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