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31/07/2001 | SUISSE | N°2P.107/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 juillet 2001, 2P.107/2001


2P.107/2001
2A.147/2001
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

31 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Hungerbühler, juge
présidant, Müller et Berthoud, juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit administratif
et sur le recours de droit public
formés par

l'Association X.________ et Y.________ SA, toutes deux
représentées par Me Pascal Pétroz, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 9 mars 2001 par le Vice-Président du
Tribunal administratif du canton de Genève, dans la cause
qui
...

2P.107/2001
2A.147/2001
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

31 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Hungerbühler, juge
présidant, Müller et Berthoud, juge suppléant.
Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit administratif
et sur le recours de droit public
formés par

l'Association X.________ et Y.________ SA, toutes deux
représentées par Me Pascal Pétroz, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 9 mars 2001 par le Vice-Président du
Tribunal administratif du canton de Genève, dans la cause
qui
oppose les recourantes au Département de justice et police
et
des transports du canton de G e n è v e;

(art. 27 Cst.: autorisation d'exploiter des jeux;
mesures provisionnelles)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 19 septembre 1995, le Département de justice
et police et des transports du canton de Genève (ci-après:
le
Département cantonal) a autorisé à titre exceptionnel la Fon-
dation internationale pour les personnes handicapées (ci-
après: la Fondation) à exploiter les jeux "Bonheur" et
"Vidéo
Bonheur" dans le canton de Genève, moyennant le respect de
différentes conditions. Cette autorisation provisoire d'une
année a été accordée en raison du but de bienfaisance pour-
suivi et de l'affectation exclusive des recettes à la Fonda-
tion. Elle a été régulièrement renouvelée, toujours à titre
exceptionnel, jusqu'au 31 décembre 2000, date à laquelle la
Fondation a mis un terme à ses activités.

En décembre 2000, la société propriétaire des auto-
mates "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" a vendu son parc de machi-
nes à Y.________ SA qui en a confié l'exploitation à l'Asso-
ciation X.________ (ci-après: l'Association) - dont le secré-
taire est à la tête de Y.________ SA.

Le 15 janvier 2001, Y.________ SA a demandé au Dé-
partement cantonal une décision formelle au sujet de l'enlè-
vement des machines susmentionnées. Le 16 janvier 2001, l'As-
sociation a sollicité l'octroi de patentes pour exploiter
les
jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur". Le 1er février 2001, le
Département cantonal a adressé à Y.________ SA et à l'Asso-
ciation une décision par laquelle il refusait de les autori-
ser à exploiter lesdits jeux et ordonnait que les machines
en
cause soient immédiatement mises hors service et enlevées
des
locaux dans lesquelles elles étaient exploitées illégalement.

B.- L'Association et Y.________ SA ont recouru au
Tribunal administratif du canton de Genève (ci-après: le Tri-
bunal administratif) contre la décision prise le 1er février
2001 par le Département cantonal. Elles ont demandé que
cette
décision soit annulée et que l'Association soit autorisée à
exploiter les machines "Bonheur" et "Vidéo Bonheur". Elles
ont requis la restitution de l'effet suspensif. Elles ont no-
tamment fait valoir que les machines en cause étaient des
jeux d'adresse autorisés et non pas des jeux de hasard prohi-
bés.

Par décision du 9 mars 2001, le Vice-Président du
Tribunal administratif (ci-après: le Vice-Président) a
rejeté
la requête de mesures provisionnelles. Après avoir indiqué
qu'il traiterait la demande de restitution de l'effet suspen-
sif comme une requête de mesures provisionnelles, il a
relevé
que les intéressées n'étaient au bénéfice d'aucune autorisa-
tion d'exploiter les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" et
qu'elles ne pouvaient pas obtenir l'autorisation sollicitée
par le biais d'une décision sur mesures provisionnelles. En
effet, un tel octroi équivaudrait à l'admission du recours
sur le fond. En outre, les intérêts publics protégés par la
loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les jeux de hasard et
les maisons de jeu (loi sur les maison de jeu; LMJ; RS
935.52) l'emportaient sur l'intérêt de l'Association et de
Y.________ SA à exploiter les appareils "Bonheur" et "Vidéo
Bonheur" sans être au bénéfice d'une autorisation ad hoc et
sans que ces appareils aient été homologués conformément à
la
loi sur les maisons de jeu.

C.- L'Association et Y.________ SA ont déposé au
Tribunal fédéral un recours de droit administratif (n°
2A.147/2001) et un recours de droit public (n° 2P.107/2001)
contre la décision prise le 9 mars 2001 par le Vice-Prési-
dent. Dans les deux recours, elles concluent, sous suite de
frais et dépens, à l'annulation de la décision attaquée.
Dans

le recours de droit administratif, elles demandent en outre
au Tribunal fédéral d'ordonner que les effets de la décision
entreprise soient suspendus jusqu'à droit jugé par le Tribu-
nal administratif sur le recours et, par conséquent, d'auto-
riser l'exploitation par l'Association des machines
"Bonheur"
et "Vidéo Bonheur" jusqu'à droit jugé sur le fond par le Tri-
bunal administratif. Dans le recours de droit public, elles
demandent encore au Tribunal fédéral de renvoyer la cause
"au
Tribunal administratif" afin qu'il statue dans le sens des
considérants. Dans le recours de droit administratif, les re-
courantes se plaignent de violation de la liberté économique
ainsi que des principes de la proportionnalité et de l'égali-
té. Dans le recours de droit public, elles reprochent à l'au-
torité intimée d'avoir violé "la liberté du commerce et de
l'industrie" ainsi que le principe de l'interdiction de l'ar-
bitraire.

Le Tribunal administratif a répondu hors délai au
recours de droit administratif et a déclaré qu'il n'avait
pas
d'observations à formuler sur le recours de droit public. Le
Département cantonal conclut, sous suite de frais, au rejet
des recours dans la mesure où ils sont recevables.

Au nom du Département fédéral de justice et police,
la Commission fédérale des maisons de jeu (ci-après: la Com-
mission fédérale) propose de rejeter le recours de droit ad-
ministratif.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et li-
brement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 II 506 consid. 1 p. 507).

b) Les recourantes ont déposé un recours de droit
administratif et un recours de droit public contre la même
décision. Comme les deux recours reposent sur le même état
de
fait et développent des argumentations en grande partie sem-
blables, il se justifie de joindre les causes par économie
de
procédure et de statuer sur les mérites des deux recours
dans
un seul et même arrêt.

Vu le caractère subsidiaire du recours de droit pu-
blic (art. 84 al. 2 OJ), il convient d'examiner d'abord si
la
voie du recours de droit administratif est ouverte. Si tel
est le cas, le recours de droit public est exclu.

2.- La décision attaquée est une décision incidente
prise en dernière instance cantonale et portant sur des mesu-
res provisionnelles.

a) Les décisions incidentes portant sur des mesures
provisionnelles sont attaquables séparément par la voie du
recours de droit administratif si elles peuvent causer un
préjudice irréparable (art. 97 OJ en relation avec les art.
5
et 45 al. 1 et 2 lettre g PA). Dans la procédure du recours
de droit administratif, un pur intérêt de fait, en particu-
lier économique, est suffisant pour qu'on admette un intérêt
digne de protection, c'est-à-dire pour qu'on reconnaisse un
risque de préjudice irréparable (ATF 127 II 132 consid. 2a
p. 136). Cette condition est incontestablement remplie en
l'espèce, puisque la décision entreprise refuse, durant la
procédure de recours cantonal, l'exploitation par les inté-
ressées des jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur", source de
gains.

b) Le recours de droit administratif n'est recevable
contre des décisions incidentes que s'il est ouvert contre
la
décision finale (art. 101 lettre a OJ a contrario). Cette
exigence est satisfaite dans le cas particulier. En effet,
le

recours de droit administratif serait en principe recevable
contre la décision finale, dans la mesure où elle se fonde-
rait sur la loi sur les maisons de jeu.

c) Selon l'art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art.
5 PA, la voie du recours de droit administratif n'est
ouverte
que contre les décisions fondées sur le droit public fédéral
- ou qui auraient dû l'être. Il faut donc que le droit
public
de la Confédération représente la base ou l'une des bases
sur
lesquelles repose la décision entreprise. En l'espèce, la dé-
cision attaquée a été prise sur la base du droit cantonal,
plus particulièrement de l'art. 21 (et non pas 22, comme dit
à la p. 6 de la décision entreprise) de la loi genevoise du
12 septembre 1985 sur la procédure administrative. La loi fé-
dérale sur la procédure administrative n'est applicable à la
procédure devant les autorités cantonales de dernière instan-
ce, qui statuent sur la base du droit public fédéral, que
pour autant que l'art. 1 al. 3 PA le prévoie expressément;
l'art. 56 PA, qui traite des mesures provisionnelles, n'est
pas mentionné à l'art. 1 al. 3 PA. Dès lors se pose la ques-
tion de savoir si le recours de droit administratif est rece-
vable à l'encontre de la décision attaquée, prise en applica-
tion du droit genevois de procédure.

D'après la jurisprudence, la voie du recours de
droit administratif est exceptionnellement ouverte
lorsqu'une
décision fondée exclusivement sur le droit cantonal de procé-
dure a été prise au cours d'une procédure portant sur un ob-
jet relevant du droit administratif fédéral. Il faut pour ce-
la que l'application du droit cantonal complique à l'excès
ou
empêche l'application du droit fédéral matériel et viole en
définitive le droit fédéral. Tel est par exemple le cas si,
sur la base d'une disposition du droit cantonal de
procédure,
l'autorité cantonale n'entre pas en matière sur un recours
et

par conséquent n'examine pas une éventuelle violation du
droit fédéral. Le moyen tiré de ce que l'application du
droit
cantonal de procédure aboutirait en quelque sorte à un déni
de justice doit alors être soulevé par la voie du recours de
droit administratif (ATF 123 I 275 consid. 2c p. 277). De mê-
me, le Tribunal fédéral entre en matière sur un recours de
droit administratif qui s'en prend à la décision d'une auto-
rité cantonale de dernière instance refusant l'effet suspen-
sif si cela revient à préjuger notablement de la décision fi-
nale, c'est-à-dire si la décision incidente est en elle-même
marquée par l'interprétation de la norme de droit fédéral dé-
terminante pour la décision au fond (ATF 107 Ib 395 consid.
1a p. 397/398). Ainsi, le recours de droit administratif est
toujours recevable s'il existe un rapport suffisamment
étroit
entre la décision de procédure fondée sur le droit cantonal
et les questions, relevant du droit fédéral matériel, qui se
posent sur le fond (ATF 123 I 275 consid. 2b p. 277). La dé-
cision attaquée empêche l'exploitation par les recourantes
des jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur", objet de la procédure
au fond, pendant la procédure de recours cantonal. Cela pour-
rait en définitive porter atteinte au droit fédéral. Il con-
vient donc d'admettre en l'espèce la voie du recours de
droit
administratif.

d) Au surplus, déposé en temps utile et dans les
formes prescrites par la loi, le recours de droit administra-
tif est en principe recevable au regard des art. 97 ss OJ.
En
particulier, il ne tombe pas sous le coup des exceptions men-
tionnées à l'art. 99 al. 1 lettre e OJ qui exclut le recours
de droit administratif notamment contre l'octroi ou le refus
d'autorisations de mettre en service des installations tech-
niques. Cette notion comprend les dispositifs servant à un
but déterminé et dont la fabrication et l'usage exigent des
connaissance spéciales; il peut s'agir d'appareils mobiles
ou

d'aménagements fixes de grandes dimensions (ATF 103 Ib 152
consid. 2 p. 153; arrêt non publié du 24 novembre 1999 en la
cause X. SA et A. c. FR, Tribunal administratif et Service
de
la police du commerce et des établissements publics, consid.
1b). Il n'est pas nécessaire de rechercher si les appareils
en cause ici entrent ou non dans cette catégorie. La restric-
tion posée par l'art. 99 al. 1 lettre e OJ ne se rapporte en
effet qu'au fonctionnement technique de l'installation (ATF
121 II 156 consid. 2d p. 157). Le recours de droit adminis-
tratif est en revanche ouvert lorsque la décision est fondée
sur des raisons qui ne sont pas principalement de nature
technique (ATF 104 Ib 123 consid. 1a p. 124; arrêt précité
du
24 novembre 1999, consid. 1b). En l'espèce, le litige porte
sur l'exploitation d'appareils autorisés avant l'entrée en
vigueur de la loi sur les maisons de jeu, question qui ne re-
lève pas de la technique.

Dès lors, le recours de droit public est irreceva-
ble.

Au demeurant, le recours de droit administratif peut
être formé pour violation du droit fédéral (art. 104 lettre
a
OJ) et cette notion inclut, dans les domaines qui relèvent
de
la juridiction administrative fédérale, les droits constitu-
tionnels des citoyens (ATF 124 II 132 consid. 2a p. 137).

3.- Les intéressées ayant recouru au Tribunal admi-
nistratif contre un refus d'autorisation, soit contre une dé-
cision négative, c'est à juste titre que l'autorité intimée
a
traité leur demande de restitution de l'effet suspensif
comme
une requête de mesures provisionnelles (ATF 117 V 185
consid.
Ib p. 188; Fritz Gygi, L'effet suspensif et les mesures pro-
visionnelles en procédure administrative, in RDAF 1976 p.
217
ss, p. 227; cf. aussi Blaise Knapp, Précis de droit adminis-
tratif, 4e éd., Bâle 1991, n° 1079, p. 242, et n° 2081,
p. 430).

Il
incombe à l'autorité qui doit statuer sur l'oc-
troi ou le refus de mesures provisionnelles d'examiner si
les
raisons pour exécuter immédiatement la décision entreprise
sont plus importantes que celles qui justifient le report de
son exécution. Elle doit donc respecter le principe de la
proportionnalité. Pour effectuer la pesée des intérêts en
présence, elle n'est pas tenue de procéder à des investiga-
tions complémentaires; elle peut statuer sur la base des piè-
ces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b p. 191). Elle
dispose d'un large pouvoir d'appréciation qui varie selon la
nature de l'affaire. Elle ne doit pas préjuger de la
décision
finale ni la rendre inefficace (ATF 119 V 503 consid. 3
p. 506). L'issue probable de la procédure au fond n'entre en
considération que si elle ne fait pas de doute (ATF 106 Ib
115 consid. 2a p. 116). Il en va de même pour le Tribunal fé-
déral qui se limite à un examen provisoire du dossier, lors-
qu'il est saisi d'un recours de droit administratif contre
une décision incidente concernant des mesures provisionnel-
les. Pour le surplus, le Tribunal fédéral examine seulement
si l'autorité intimée a commis un excès ou un abus de son
pouvoir d'appréciation et n'annule sa décision que si elle a
omis de tenir compte d'intérêts importants ou les a
appréciés
de façon erronée (arrêt non publié du 11 novembre 1998 en la
cause M. contre Commission de recours du Département fédéral
de l'économie publique, consid. 2a).

4.- Les recourantes soutiennent que la décision at-
taquée viole leur liberté économique ainsi que les principes
de proportionnalité et d'égalité.

Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique
est garantie; elle comprend notamment le libre choix de la
profession, le libre accès à une activité économique lucrati-
ve privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). Cette
liberté protège toute activité économique privée, exercée à
titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou

d'un revenu (Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hotte-
lier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2000,
n. 584, p. 307; Jörg Paul Müller, Grundrechte in der
Schweiz,
3e éd., Berne 1999, p. 644).

Par ailleurs, la décision prise le 1er février 2001
par le Département cantonal que les intéressées ont attaquée
devant le Tribunal administratif se fonde notamment sur la
loi sur les maisons de jeu, qui a pour but d'assurer une ex-
ploitation des jeux sûre et transparente (art. 2 al. 1
lettre
a LMJ), d'empêcher la criminalité et le blanchiment d'argent
dans les maisons de jeu ou par leur intermédiaire (art. 2
al.
1 lettre b LMJ) et de prévenir les conséquences socialement
dommageables du jeu (art. 2 al. 1 lettre c LMJ).

a) Les recourantes prétendent que les appareils
"Bonheur" et "Vidéo Bonheur" ne sont pas des jeux de hasard
prohibés. Elles font valoir qu'ils ont été homologués comme
jeux d'adresse les 5 avril et 19 juin 1995 sous l'empire de
l'ancienne législation sur les maisons de jeu, que ces homo-
logations sont encore valables et qu'aucune décision
formelle
n'a qualifié depuis lors ces jeux de jeux de hasard.

Les recourantes ne sauraient se prévaloir d'une ab-
sence de décision qu'il leur incombe de solliciter. L'art.
58
al. 1 de l'ordonnance du 23 février 2000 sur les jeux de ha-
sard et les maisons de jeu (ordonnance sur les maisons de
jeu; OLMJ; RS 935.521) dispose que toute personne qui entend
exploiter un appareil à sous servant à des jeux d'adresse ou
de hasard (appareil à sous) doit, avant sa mise en exploita-
tion, le présenter à la Commission fédérale. Il faut
rappeler
ici que l'entrée en vigueur de la loi sur les maisons de
jeu,
le 1er avril 2000, a abrogé la loi fédérale du 5 octobre
1929
sur les maisons de jeu (RS 10 p. 270 ss) et l'ordonnance du
1er mars 1929 concernant l'exploitation des jeux dans les
kursaals (RS 10 p. 273 ss) sur la base desquelles les jeux

"Bonheur" et "Vidéo Bonheur" avaient été homologués comme
jeux d'adresse. En outre, il ressort d'un communiqué du Dé-
partement cantonal du 1er septembre 2000 sur les automates
de
jeu à points atypiques, publié dans la Feuille d'Avis Offi-
cielle du canton de Genève du 13 septembre 2000, que toute
exploitation de machines à sous en dehors du casino est in-
terdite dans le canton de Genève. Lorsque Y.________ SA a
acquis les appareils litigieux, elle-même et l'Association
n'avaient aucune autorisation de les exploiter; si les in-
téressées entendaient les exploiter en dehors du casino,
elles devaient solliciter de la Commission fédérale leur
homologation en tant que jeux d'adresse. L'absence de déci-
sion formelle de la Commission fédérale ne permet pas d'in-
férer que les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" pourraient
être encore considérés comme des jeux d'adresse sous
l'empire
de la nouvelle législation en matière de maisons de jeu. Il
résulte en effet d'une lettre adressée à la Fondation le 10
août 2000 par la Commission fédérale que les jeux "Bonheur"
et "Vidéo Bonheur" sont des jeux de hasard au sens de la loi
sur les maisons de jeu. En outre, par courriers des 15 fé-
vrier et 5 mars 2001, la Commission fédérale a confirmé que
les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur" étaient exploités il-
légalement et a précisé qu'une seule demande d'homologation
pour un appareil servant aux jeux d'adresse avait été pré-
sentée, et d'ailleurs rejetée, et qu'aucun appareil servant
aux jeux d'adresse au sens de l'art. 3 al. 3 LMJ n'existait
en Suisse.

Pour le surplus, c'est en vain que les recourantes
invoquent la circulaire de la Commission fédérale du 29 mai
2000 relative notamment au changement de détenteur de l'auto-
risation d'exploiter des appareils à sous servant aux jeux
d'argent. En effet, ladite circulaire subordonne la transmis-
sibilité de l'autorisation d'exploiter de tels appareils à
leur exploitation régulière sans interruption. Or, les inté-

ressées n'ont jamais bénéficié d'une autorisation cantonale
d'exploiter les automates en cause ici. Ces derniers n'ont
donc plus été exploités régulièrement depuis le 1er janvier
2001.

b) Les recourantes font également valoir que la
poursuite de l'exploitation des jeux "Bonheur" et "Vidéo
Bonheur" serait possible, à teneur de l'art. 60 LMJ, s'ils
devaient être considérés comme des jeux de hasard. L'art. 60
LMJ dispose:

"1Les appareils à sous servant à des jeux d'adresse
homologués d'après la pratique en vigueur qui sont
considérés comme des appareils servant à des jeux
de
hasard au sens de la nouvelle législation ne pour-
ront désormais plus être exploités que dans les
grands casinos et les casinos.

2En dehors des établissements précités, les cantons
pourront autoriser, dans un délai de cinq ans à
compter de l'entrée en vigueur de la présente loi,
la continuation de l'exploitation d'un maximum de
cinq des appareils mentionnés à l'al. 1 dans les
restaurants et autres locaux pour autant que ces ap-
pareils aient été mis en exploitation avant le 1er
novembre 1997.

3Après l'expiration de ce délai, seuls les appareils
à sous servant aux jeux d'adresse au sens de la pré-
sente loi pourront encore être exploités dans les
restaurants et autres locaux."

Comme l'art. 60 al. 2 LMJ le précise expressément,
seuls les cantons sont compétents pour autoriser, dans cer-
taines limites, la continuation de l'exploitation des appa-
reils servant aux jeux de hasard en dehors des casinos. Or,
il ressort du communiqué précité du 1er septembre 2000 que,
dans le canton de Genève, l'exploitation de machines à sous
en dehors du casino est interdite. Cette interdiction est
conforme à l'art. 14 al. 1 lettre e de la loi genevoise du
27
octobre 1923 sur l'exercice des professions ou industries

permanentes, ambulantes ou temporaires, selon lequel les dis-
tributeurs automatiques basés sur le jeu d'argent sont inter-
dits. A cet égard, le canton de Genève a toujours eu une pra-
tique restrictive. Il convient de rappeler que c'est à titre
tout à fait exceptionnel et à la suite d'interventions de
l'Office fédéral de la police que le Département cantonal
avait fini par autoriser à titre temporaire et sous
certaines
conditions précises l'exploitation des jeux "Bonheur" et "Vi-
déo Bonheur" dans des établissements publics. Le refus d'ac-
corder des autorisations cantonales d'exploiter des
appareils
servant aux jeux de hasard hors des casinos s'inscrit donc
dans la ligne de la politique cantonale adoptée en la matiè-
re. D'ailleurs, cette politique ne peut qu'être confortée
par
le courrier que le Département de psychiatrie des Hôpitaux
Universitaires de Genève a adressé le 1er décembre 2000 au
Département cantonal et dans lequel il est indiqué que plus
l'offre de jeu est grande, plus le nombre de personnes souf-
frant de la "maladie du jeu" est grand.

c) aa) Dans la pesée des intérêts en présence à la-
quelle elle devait procéder, l'autorité intimée n'a pas
abusé
de son pouvoir d'appréciation ni violé le principe de la pro-
portionnalité en retenant que l'intérêt public au refus
d'une
autorisation provisoire d'exploiter les jeux litigieux l'em-
portait sur l'intérêt privé des recourantes à l'exercice
d'une activité économique. Compte tenu des objectifs poursui-
vis par la loi sur les maisons de jeu, de la politique res-
trictive du canton de Genève dans ce domaine et du caractère
exceptionnel des autorisations temporaires délivrées intuitu
personae à la Fondation, il se justifiait de refuser aux re-
courantes l'autorisation d'exploiter les appareils litigieux
pendant la procédure de recours cantonal et d'éviter de per-
pétuer un régime d'exception qui n'est plus conforme au
droit
fédéral, ni au droit cantonal.

bb) Les recourantes ne peuvent pas se prévaloir du
principe de l'égalité pour poursuivre l'exploitation des
jeux
litigieux dans la mesure où le régime légal a été modifié.
Les autorisations délivrées à titre exceptionnel à la Fonda-
tion ne peuvent plus être octroyées depuis l'entrée en vi-
gueur de la loi sur les maisons de jeu; cinq appareils au ma-
ximum pourraient être laissés temporairement en
exploitation,
conformément à l'art. 60 al. 2 LMJ. Or, comme on l'a vu (cf.
lettre b, ci-dessus), seuls les cantons sont compétents pour
délivrer de telles autorisations et le canton de Genève a dé-
cidé de refuser toute exploitation de machines à sous en de-
hors du casino. Ce refus aurait assurément été opposé à la
Fondation, si elle n'avait pas cessé ses activités, comme il
l'a d'ailleurs été à une société qui avait sollicité le 14
décembre 2000 l'autorisation d'exploiter les jeux "Bonheur"
et "Vidéo Bonheur".

d) Les moyens que les intéressées tirent de préten-
dues violations de la liberté économique ainsi que des prin-
cipes de la proportionnalité et de l'égalité ne sont donc
pas
fondés.

5.- Les recourantes reprochent à l'autorité intimée
d'être tombée dans l'arbitraire, soit d'avoir excédé ou
abusé
de son pouvoir d'appréciation, en refusant à l'Association
l'autorisation d'exploiter les appareils litigieux sans
tenir
compte du fait que les jeux "Bonheur" et "Vidéo Bonheur"
avaient été régulièrement exploités depuis 1995.

Une décision est arbitraire lorsqu'elle contredit
clairement la situation de fait, qu'elle viole gravement une
norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu'elle
heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et
de l'équité. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une so-
lution autre que celle de l'autorité intimée apparaît conce-
vable, voire préférable. A cet égard, le Tribunal fédéral ne

s'écarte de la solution retenue par l'autorité intimée que
si
elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec
la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en
violation d'un droit certain. En outre, pour qu'une décision
soit annulée, il ne suffit pas que sa motivation soit insou-
tenable; encore faut-il que cette décision soit arbitraire
dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168). La nou-
velle Constitution n'a pas amené de changement à cet égard
(ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170).

Les recourantes se bornent à faire valoir que la dé-
cision litigieuse leur apparaît manifestement choquante,
sans
développer de motivation topique. Elles n'exposent pas en
quoi cette décision serait insoutenable, ne se fonderait pas
sur des motifs objectifs ou violerait un droit certain. A
cet
égard, le grief d'arbitraire paraît insuffisamment motivé.
Même s'il était recevable, il serait infondé. En effet, la
décision entreprise fait clairement état de l'absence en fa-
veur des recourantes de toute autorisation d'exploiter les
jeux litigieux, des modifications apportées par la loi sur
les maisons de jeu dans le régime des autorisations et de la
politique stricte du canton de Genève en la matière; de
plus,
elle expose de manière convaincante la prépondérance des in-
térêts publics en jeu sur les intérêts privés des recouran-
tes.

6.- Vu ce qui précède, le recours de droit adminis-
tratif doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
Le recours de droit public est irrecevable.

Succombant, les recourantes doivent supporter les
frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'ont
pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Prononce la jonction des causes 2A.147/2001 et
2P.107/2001.

2. Rejette le recours de droit administratif dans la
mesure où il est recevable.

3. Déclare le recours de droit public irrecevable.

4. Met à la charge des recourantes un émolument ju-
diciaire de 3'500 fr.


5. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re des recourantes, au Département de justice et police et
des transports et au Vice-Président du Tribunal
administratif
du canton de Genève, ainsi qu'au Département fédéral de jus-
tice et police.

Lausanne, le 31 juillet 2001
DAC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Juge présidant,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.107/2001
Date de la décision : 31/07/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-31;2p.107.2001 ?
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