La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

30/07/2001 | SUISSE | N°5P.151/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 juillet 2001, 5P.151/2001


«/2»

5P.151/2001

IIe C O U R C I V I L E
****************************

30 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Pierre Gabus, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 16 mars 2001 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant à Y.________, i

ntimée, représentée par Me
Susannah Maas, avocate à Genève;

(art. 8 et 9 Cst.; mesures provisoires
selon l'art. 137 al...

«/2»

5P.151/2001

IIe C O U R C I V I L E
****************************

30 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Pierre Gabus, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 16 mars 2001 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant à Y.________, intimée, représentée par Me
Susannah Maas, avocate à Genève;

(art. 8 et 9 Cst.; mesures provisoires
selon l'art. 137 al. 2 CC)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________, né en 1942, et Y.________, née en
1944, tous deux originaires de Genève, se sont mariés le 16
juillet 1968 à Antibes (Alpes-Maritimes/ France); ils ont eu
deux enfants, aujourd'hui majeurs.

B.- Le 27 avril 2000, Y.________ a ouvert action en
divorce devant le Tribunal de première instance du canton de
Genève. À l'issue de l'audience d'interrogatoire des parties
du 6 juin 2000, elle a sollicité l'ouverture d'une instruc-
tion sur mesures provisoires.

C.- Par jugement sur mesures provisoires du 26 octo-
bre 2000, le Tribunal de première instance a notamment attri-
bué à l'épouse la jouissance exclusive de l'appartement con-
jugal - copropriété des époux - et condamné le mari à verser
à son épouse une contribution d'entretien de 4'800 fr. par
mois ainsi qu'un montant de 8'500 fr. à titre de provisio ad
litem.

D.- Par arrêt du 16 mars 2001 rendu sur appel du ma-
ri, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de
Genève a notamment réduit la contribution d'entretien due
par
le mari à 3'500 fr. par mois et confirmé la condamnation de
celui-ci à verser un montant de 8'500 fr. à titre de
provisio
ad litem.

E.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, le mari conclut, avec suite de frais et
dépens, à l'annulation de cet arrêt.

L'intimée propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Les décisions statuant sur les mesures provisoi-
res pendant la procédure de divorce (art. 137 CC, auparavant
art. 145 aCC) ne sont pas des décisions finales au sens de
l'art. 48 OJ et ne sont dès lors pas susceptibles d'être at-
taquées par la voie du recours en réforme; elles constituent
en revanche des décisions finales au sens de l'art. 87 OJ et
peuvent, comme telles, faire l'objet d'un recours de droit
public pour arbitraire (ATF 100 Ia 14 consid. 1 a et b; ATF
126 III 261 consid. 1). Formé en temps utile contre une
telle
décision prise en dernière instance cantonale, le recours
est
dès lors recevable au regard des art. 86 al. 1, 87 et 89
al. 1 OJ.

2.- a) La cour cantonale a constaté que le recou-
rant, qui exploite à plein temps un cabinet de médecin-den-
tiste, a réalisé un chiffre d'affaires de 500'978 fr. en
1994, de 499'666 fr. en 1995, de 487'736 fr. en 1996, de
479'550 fr. en 1997, de 450'316 fr. en 1998 et de 443'474
fr.
en 1999. Pour l'an 2000, il aurait réalisé un chiffre d'af-
faires de 417'158 fr., qui aurait dégagé un bénéfice net de
132'502 fr. après déduction des frais généraux dans lesquels
sa fiduciaire a notamment inclus un poste "Congrès - Perfec-
tionnement - Réceptions médicales" de 12'095 fr. ainsi qu'un
poste "Décoration - Dons - Cadeaux" de 2'953 fr. (arrêt atta-
qué, p. 3). Sur cette base, les juges cantonaux ont retenu
que le recourant était capable de gagner au moins 12'000 fr.
net par mois, en réduisant d'environ 15'000 fr. ses frais gé-
néraux non indispensables prima facie, correspondant aux
deux
postes cités plus haut (arrêt attaqué, p. 7).

Quant aux charges incompressibles du recourant,
l'autorité cantonale a retenu qu'elles se montaient à 6'495
fr. par mois, à savoir 1'190 fr. d'entretien pour une person-
ne seule, 1'725 fr. de loyer et charges, 259 fr. de primes

LAMal, 105 fr. de primes LAA, 1'626 fr. d'impôt cantonal et
communal, 446 fr. d'impôt fédéral direct et 1'144 fr. de 3e
pilier A (arrêt attaqué, p. 8). Les charges mensuelles de
l'intimée s'élevant quant à elles à 4'385 fr. pour un revenu
de 2'886 fr., le revenu global des époux se montait à 14'886
fr. pour un minimum vital global de 10'880 fr., laissant un
excédent de 4'006 fr. à répartir par moitié entre les époux.
Les juges cantonaux ont ainsi fixé la contribution mensuelle
du mari à l'entretien de son épouse à 3'500 fr., ce qui lais-
se à chaque conjoint un disponible de 2'000 fr. après couver-
ture de son minimum vital (arrêt attaqué, p. 8/9).

b) Le recourant reproche à l'autorité cantonale
d'avoir omis de manière arbitraire de déduire du bénéfice
net, tel qu'il ressort du bilan de l'année 2000, les charges
sociales dont il doit s'acquitter sur cette base; ces
charges
représenteraient pour un indépendant une déduction effective
de 12,2%, selon ce que le recourant avait indiqué dans son
mémoire d'appel. En l'espèce, les juges cantonaux auraient
ainsi arbitrairement omis de déduire un montant de plus de
16'000 fr. par an, soit plus de 1'300 fr. par mois, différen-
ce suffisamment importante pour donner à leurs conclusions
un
caractère choquant.

Saisi d'un recours de droit public pour violation
de l'art. 9 Cst., le Tribunal fédéral n'annule une décision
que si elle se révèle arbitraire non seulement dans ses mo-
tifs, mais également dans son résultat (ATF 125 I 166
consid.
2a et la jurisprudence citée), ce qui n'est pas le cas en
l'espèce. En effet, la cour cantonale aurait pu sans arbi-
traire se fonder sur la moyenne des revenus du recourant du-
rant les quatre ou cinq dernières années, à l'instar du pre-
mier juge qui a relevé qu'une telle méthode permettait d'éta-
blir un revenu plus conforme à la réalité, en prenant en
compte les inévitables fluctuations de bénéfice suivant les
années. Or, il résulte des pièces produites par le recourant

devant les autorités cantonales que celui-ci a réalisé les
bénéfices nets et chiffres d'affaires suivants entre 1996 et
2000:

année bénéfice net chiffre d'affaires

1996 190'780 fr. 487'736 fr.
1997 175'389 fr. 479'550 fr.
1998 141'341 fr. 450'316 fr.
1999 135'360 fr. 443'474 fr.
2000 132'502 fr. 417'158 fr.

Entre 1996 et 2000, le recourant a ainsi réalisé un
bénéfice annuel net moyen de 155'074 fr. En déduisant de ce
bénéfice moyen les cotisations que le recourant a dû verser
à
sa caisse AVS, soit en moyenne 17'515 fr. (cotisations per-
sonnelles AVS/AI/APG 9,5% l'an, frais d'administration 1% de
la cotisation personnelle et contributions au régime des al-
locations familiales 1,7% l'an, soit 14'732 fr. + 147 fr. +
2'636 fr.), on aboutit à un revenu moyen net de 137'559 fr.
par année ou 11'463 fr. par mois. C'est dire qu'en tenant
compte du fait que les dépenses enregistrées sous les postes
"Congrès - Perfectionnement - Réceptions médicales" et "Déco-
ration - Dons - Cadeaux", qui ont représenté quelque 15'000
fr. pour l'année 2000 et pouvaient sans arbitraire être con-
sidérées par les juges cantonaux comme non indispensables
prima facie (cf. consid. 2c infra), il n'apparaît pas arbi-
traire de retenir que le recourant peut réaliser un revenu
net de 12'000 fr. par mois.

c) Le recourant taxe d'arbitraire le refus de la
cour cantonale d'admettre la déduction de 15'048 fr. pour
les
postes "Congrès - Perfectionnement - Réceptions médicales"
et
"Décoration - Dons - Cadeaux", car ces deux postes correspon-
dent à des frais effectivement engagés par le recourant. Par
ailleurs, le perfectionnement professionnel et la formation

continue revêtiraient un caractère obligatoire dans l'exerci-
ce des professions médicales, soit parce qu'ils sont exigés
par le droit sanitaire cantonal, soit parce qu'ils sont impo-
sés par les associations professionnelles concernées.

Cette simple affirmation ne démontre nullement le
caractère arbitraire de l'appréciation opérée par les juges
cantonaux. Le recourant, à qui il incombait de rendre vrai-
semblable non seulement la réalité, mais aussi le caractère
indispensable de ses frais généraux, ne se réfère à aucun
élément de preuve qui aurait été soumis aux juges cantonaux
sur ce point. Son grief se révèle ainsi mal fondé en tant
qu'il n'est pas déjà irrecevable au regard des exigences de
motivation posées par l'art. 90 al. 1 let. b OJ.

3.- a) L'autorité cantonale a condamné le recourant
à verser à son épouse une provisio ad litem de 8'500 fr.
Elle
a considéré que l'intimée percevra, jusqu'au 4 janvier 2002,
6'374 fr. par mois pour vivre, dont à déduire 4'385 fr. de
charges, ce qui laissera un montant disponible de 1'989 fr.
pour ses autres dépenses; or un tel montant, qui ne lui est
assuré que pour moins d'un an, ne lui permettra pas de se
constituer une épargne dont elle pourrait librement
disposer,
par exemple pour assumer le coût total de la procédure de di-
vorce, de sorte que les conditions du versement d'une provi-
sio ad litem (cf. SJ 1981 p. 126 consid. 5) sont réunies en
l'espèce (arrêt attaqué, p. 10).

b) Outre le fait de s'être basée sur un revenu dé-
terminé en fonction de calculs qui relèvent de l'arbitraire
(cf. consid. 2 supra), le recourant reproche à l'autorité
cantonale d'avoir considéré à tort que l'intimée était dans
l'incapacité de faire face, par ses propres moyens, à ses
frais de procès en divorce au sens de l'arrêt publié in SJ
1981 p. 126; il relève qu'outre les différents comptes que
possède l'intimée, celle-ci est, avec son époux, coproprié-

taire de plusieurs biens immobiliers, dont l'appartement con-
jugal qu'elle occupe et qui pourra être vendu dès qu'elle au-
ra décidé de déménager.

Une telle argumentation ne satisfait manifestement
pas aux exigences posées à la motivation du recours de droit
public par l'art. 90 al. 1 let. b OJ. En effet, le recourant
n'indique pas de quels comptes - non mentionnés dans l'arrêt
attaqué - l'intimée serait titulaire, et pour quels
montants;
au demeurant, dans la partie en fait de son recours, il ne
fait allusion qu'à des comptes de troisième pilier, lesquels
sont soustraits à la libre disposition de leur titulaire.
Quant à l'appartement conjugal ou à d'autres biens immobi-
liers - non mentionnés dans l'arrêt attaqué, le recourant
faisant quant à lui allusion dans la partie en fait de son
recours à un appartement à Vence - dont les époux seraient
copropriétaires, X.________ ne démontre pas qu'ils
pourraient
rapidement être grevés ou vendus de manière à procurer à
l'intimée les moyens nécessaires pour faire face à ses frais
de procès.

c) C'est enfin à tort que le recourant fait grief
aux juges cantonaux d'avoir contrevenu au principe d'égalité
prévu par l'art. 8 Cst. en mettant les frais du procès à la
charge de l'une des deux parties, en l'espèce le recourant,
alors que chacune d'elles dispose d'un montant identique
après couverture de son minimum vital.

Selon la jurisprudence rendue sous l'angle de l'art.
4 aCst., le principe de l'égalité de traitement (art. 8
Cst.)
est étroitement lié à celui de l'interdiction de
l'arbitraire
(art. 9 Cst.); ainsi, une décision est arbitraire
lorsqu'elle
ne repose pas sur des motifs sérieux et objectifs ou n'a ni
sens ni but, alors qu'elle viole le principe de l'égalité de
traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques
qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard
de

la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de
faire des distinctions qui s'imposent au vu des
circonstances
(ATF 125 I 1 consid. 2 b/aa et la jurisprudence citée).

En l'espèce, la cour cantonale a relevé que le mon-
tant dont dispose l'intimée en sus de la couverture de son
minimum vital ne lui est assuré que pour moins d'un an, ce
qui ne lui permettra pas de se constituer une épargne dont
elle pourrait librement disposer, par exemple pour assumer
le
coût total de la procédure de divorce (cf. consid. 3a
supra).
Il s'agit là d'un motif raisonnable au regard de la
situation
de fait à réglementer, de sorte que l'on ne discerne pas de
violation du principe de l'égalité de traitement.

4.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe,
supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ) ainsi
que ceux engagés par l'intimée pour sa brève réponse au re-
cours (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met à la charge du recourant:
a) un émolument judiciaire de 2'000 fr.;
b) une indemnité de 1'000 fr. à verser à l'intimée à
titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 30 juillet 2001
ABR/vlc

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.151/2001
Date de la décision : 30/07/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-30;5p.151.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award