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26/07/2001 | SUISSE | N°C.288/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juillet 2001, C.288/00


«AZA 7»
C 288/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Ursprung;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 26 juillet 2001

dans la cause

K.________, recourante, représentée par Maître Alain-Valéry
Poitry, avocat, rue Juste-Olivier 16, 1260 Nyon,

contre

Caisse d'assurance-chômage de la Société des Jeunes
Commerçants, rue du Grand-Pont 18, 1003 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) Après une périod

e de chômage qui s'est achevée
dans le courant de l'année 1992, K.________ a travaillé
comme conseillère en personnel chez X.________ ...

«AZA 7»
C 288/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Ursprung;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 26 juillet 2001

dans la cause

K.________, recourante, représentée par Maître Alain-Valéry
Poitry, avocat, rue Juste-Olivier 16, 1260 Nyon,

contre

Caisse d'assurance-chômage de la Société des Jeunes
Commerçants, rue du Grand-Pont 18, 1003 Lausanne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- a) Après une période de chômage qui s'est achevée
dans le courant de l'année 1992, K.________ a travaillé
comme conseillère en personnel chez X.________ SA du
1er janvier au 30 avril 1997, puis comme courtière au
service de Y.________ SA du 1er janvier au 4 mars 1998.

Le 13 avril 1999, elle a déposé auprès de la Caisse
d'assurance-chômage de la Société des jeunes commerçants
(ci-après : la caisse) une demande d'indemnité de chômage à
partir du 1er mars 1998. Elle y indiquait que si sa demande
était tardive, c'était parce qu'elle avait reçu, au mois de
mars 1998, des renseignements erronés de la part de l'Offi-
ce régional de placement de Z.________ (ci-après : ORP),
selon lesquels elle ne remplissait pas les conditions
relatives à la période de cotisation et n'avait donc pas
droit à des prestations de chômage.
Par décision du 30 avril 1999, la caisse a refusé
d'indemniser la perte de travail subie par l'assurée, motif
pris que celle-ci n'avait pas exercé une activité soumise à
cotisation durant six mois au moins dans le délai-cadre re-
latif à la période de cotisation (soit du 23 février 1997
au 22 février 1999).

b) K.________ a contesté cette décision devant le Ser-
vice de l'emploi du canton de Vaud (ci-après : le service),
en invoquant le droit à la protection de la bonne foi.
Dans sa détermination, l'ORP a exposé qu'aucun de ses
employés ne se souvenait avoir reçu un appel téléphonique
de K.________ au mois de mars 1998; de plus, aucun dossier
n'avait été ouvert à ce nom. En revanche, le registre des
téléphones contenait la trace d'un appel de l'assurée reçu
quelques six mois plus tard, le 16 octobre 1998, au cours
duquel un rendez-vous avait été fixé avec un conseiller
pour le 28 octobre 1998. L'assurée l'avait toutefois annulé
et n'avait repris contact avec l'ORP qu'au mois de février
1999. K.________ a produit une écriture complémentaire dans
laquelle elle précisait qu'elle avait effectivement rappelé
l'ORP au mois d'octobre 1998, mais seulement pour s'enqué-
rir d'un poste vacant au sein de l'administration; pour le
surplus, elle maintenait avoir été induite en erreur par
l'ORP.
Par décision du 21 octobre 1999, le service a rejeté
le recours.

B.- L'assurée a déféré cette décision au Tribunal
administratif du canton de Vaud, en produisant le témoi-
gnage écrit de cinq personnes attestant ses dires.
Par jugement du 9 août 2000, la juridiction cantonale
a rejeté son recours, en considérant que les conditions
mises à la protection de la bonne foi n'étaient pas réa-
lisées dans le cas particulier.

C.- K.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation.
Elle conclut, sous suite de frais et dépens, principa-
lement, à l'octroi d'indemnités de chômage dès le 1er mars
1998, subsidiairement, au renvoi de la cause au tribunal
cantonal «pour nouvelle instruction et débat».
La caisse et le Secrétariat d'Etat à l'économie ont
renoncé à se déterminer. De son côté, l'ORP a confirmé les
termes de sa précédente détermination.

Considérant en droit :

1.- La recourante soulève plusieurs griefs d'ordre
formels sur le déroulement de la procédure cantonale qu'il
convient d'examiner en premier lieu (ATF 124 V 92 con-
sid. 2).

2.- Elle reproche tout d'abord aux premiers juges de
ne pas avoir respecté son droit aux débats publics (art. 30
al. 3 Cst. et 6 par. 1 CEDH). Elle se plaint ensuite d'une
violation de son droit d'être entendue (art. 29 al. 2
Cst.), dans la mesure où les juges cantonaux ont refusé
d'ordonner «une audience de comparution personnelle et de
témoins» comme elle l'avait demandé.

a) L'obligation d'organiser des débats publics au sens
de l'art. 6 par. 1 CEDH et de l'art. 30 al. 3 Cst. suppose
une demande, formulée de manière claire et indiscutable de

l'une des parties au procès; de simples requêtes de preu-
ves, comme des demandes tendant à une comparution ou à une
interrogation personnelle, à l'interrogatoire des parties,
à une audition de témoins ou à une inspection locale ne
suffisent pas pour fonder une semblable obligation (ATF
125 V 38 consid. 2).
Or, dans son recours devant l'autorité cantonale, la
recourante n'a fait que requérir la mise en oeuvre de
mesures d'instruction. Partant, ce grief se révèle mal
fondé.

b) L'art. 29 al. 2 Cst. ne garantit pas plus que
l'art. 4 al. 1 aCst. le droit de s'exprimer oralement
devant l'autorité appelée à statuer (ATF 125 I 219 con-
sid. 9b; Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel
suisse, vol. II, n° 1300). Du reste, la recourante a eu
largement la possibilité de s'expliquer par écrit dans la
procédure cantonale, ce qui lui a permis d'exercer pleine-
ment son droit d'être entendue.
Quant à son reproche portant sur le refus des premiers
juges d'interroger les témoins dont elle avait requis l'au-
dition, il est tout aussi infondé. En effet, le juge peut
mettre un terme à l'instruction si, en se fondant sur une
appréciation consciencieuse des preuves fournies par les
investigations auxquelles il doit procéder d'office, il est
convaincu que certains faits présentent un degré de vrai-
semblance prépondérante et que d'autres mesures probatoires
ne pourraient plus modifier cette appréciation; une telle
manière de procéder ne viole pas le droit d'être entendu
(ATF 124 V 94 consid. 4b, 122 V 162 consid. 1d, 119 V 344
consid. 3c et les références). Comme il sera démontré dans
le cadre de l'examen au fond, la juridiction cantonale pou-
vait, au vu des témoignages écrits produits par la recou-
rante en cours de procédure et par appréciation anticipée
des preuves, s'estimer suffisamment renseignée pour tran-
cher le litige (infra consid. 4c).

3.- Selon l'art. 8 al. 1 let. e LACI, l'assuré a droit
à l'indemnité de chômage s'il remplit les conditions rela-
tives à la période de cotisation ou en est libéré. Aux
termes de l'art. 13 al. 1 LACI, 1ère phrase, remplit les
conditions relatives à la période de cotisation celui qui,
dans les limites du délai-cadre (art. 9 al. 3 LACI), a
exercé durant six mois au moins une activité soumise à
cotisation. Depuis le 1er janvier 1998, l'assuré qui se
retrouve au chômage dans l'intervalle de trois ans à
l'issue de son délai-cadre d'indemnisation doit toutefois
justifier d'une période de cotisation minimale de 12 mois
(art. 13 al. 1 LACI, 2ème phrase).
Dans le cas particulier, il s'est écoulé plus de trois
ans entre la première période d'indemnisation dont la re-
courante a bénéficié et sa nouvelle demande d'indemnité, de
sorte que c'est l'art. 13 al. 1 LACI 1ère phrase qui s'ap-
plique. A cet égard, il est constant qu'au moment du dépôt
de sa demande d'indemnité de chômage en avril 1999, la
recourante n'en réalisait pas les exigences; elle ne le
soutient du reste pas. Est en revanche litigieux le point
de savoir si, en vertu du principe de la protection de la
bonne foi, elle peut tout de même prétendre le versement
d'indemnités de chômage dès le mois de mars 1998, en raison
d'un renseignement erroné qu'elle aurait reçu de l'ORP.

4.- Les principes que la jurisprudence déduisait de
l'art. 4 al. 1 aCst., en ce qui concerne le droit à la
protection de la bonne foi, valent également sous le régime
de l'art. 9 Cst. (ATF 126 II 387 consid. 3a). C'est ainsi
notamment qu'un renseignement ou une décision erronés peu-
vent obliger l'administration à consentir à l'administré un
avantage contraire à la loi, si certaines conditions
- cumulatives - sont réunies (ATF 121 V 66 consid. 2a et
les références).

a) En l'occurrence, K.________ allègue qu'elle avait,
au mois de mars 1998, contacté téléphoniquement l'ORP pour
s'informer de ses droits en matière de chômage; une em-
ployée lui aurait alors répondu que, du moment qu'elle
avait déjà été inscrite au chômage, elle devait justifier
d'une période de cotisation minimale de douze mois au cours
des deux dernières années. Pour sa part, l'ORP nie avoir
donné un tel renseignement. Cette question doit dès lors
être tranchée selon les principes généraux en matière de
preuve.

b) Dans le domaine des assurances sociales notamment,
la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon
lequel les faits pertinents de la cause doivent être cons-
tatés d'office par le juge. Mais ce principe n'est pas
absolu; sa portée est restreinte par le devoir des parties
de collaborer à l'instruction de l'affaire. Celui-ci com-
prend en particulier l'obligation des parties d'apporter,
dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé
d'elles, les preuves commandées par la nature du litige et
des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir
supporter les conséquences de l'absence de preuves (ATF
125 V 195 consid. 2 et les références).
On rappellera également qu'en droit des assurances
sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions
contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être
établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus
vraisemblables, c'est-à-dire qui présentent un degré de
vraisemblance prépondérante. Il ne suffit donc pas qu'un
fait puisse être considéré seulement comme une hypothèse
possible. Parmi tous les éléments de fait allégués ou
envisageables, le juge doit, le cas échéant, retenir ceux
qui lui paraissent les plus probables (ATF 125 V 195 con-
sid. 2, 121 V 47 consid. 2a, 208 consid. 6b et la réfé-
rence). Aussi n'existe-t-il pas, en droit des assurances

sociales, un principe selon lequel l'administration ou le
juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l'assuré
(RAMA 1999 no U 349 p. 478 consid. 2b).

c) En l'espèce, aucun élément concret ne vient étayer
les affirmations de la recourante. Cette dernière a certes
produit plusieurs témoignages écrits, selon lesquels elle a
téléphoné à l'ORP et s'est entendue répondre qu'elle
n'avait pas droit aux indemnités de chômage, en raison
d'une période de cotisation insuffisante. Toutefois, ces
déclarations ne font que relater les faits tels que
K.________ les a elle-même rapportés aux témoins. Ils cons-
tituent tout au plus un indice d'une prise de contact avec
l'ORP, mais ne permettent pas d'établir que les propos
échangés au cours d'un éventuel entretien téléphonique
l'ont été dans les termes que la recourante prétend. A cet
égard, on ne voit pas ce que l'audition des témoins aurait
pu apporter de plus, puisqu'aucun d'entre eux n'est le
témoin direct des faits allégués. De façon toute générale,
on peut, il est vrai, s'étonner que la recourante n'ait pas
requis de prestations de l'assurance-chômage au cours de
l'année 1998, alors qu'elle se trouvait à l'époque sans
travail et en proie à des difficultés financières. Mais
cette seule circonstance est en soi insuffisante pour qu'on
puisse considérer, au degré de la vraisemblance prépondé-
rante, que l'ORP lui a donné un renseignement inexact. La
recourante doit dès lors supporter les conséquences de
l'absence de preuve sur ce point.

5.- Dans un dernier moyen, la recourante soutient que
la décision litigieuse est inopportune, voire dispropor-
tionnée, dès lors qu'elle a effectivement cotisé durant six
mois à l'assurance-chômage et qu'il lui manque, dans le
délai-cadre courant du 23 février 1997 au 22 février 1999,
«1 mois et 19 jours seulement» pour remplir les conditions
de l'art. 13 al. 1 LACI 1ère phrase.

C'est méconnaître que le pouvoir d'appréciation de
l'administration trouve ses limites dans le principe de la
légalité. Une autorité ne peut prendre une décision en
s'inspirant de motifs de pure opportunité que si la loi l'y
autorise (Knapp, Précis de droit administratif, 4ème édi-
tion, Bâle/Francfort-sur-le-Main 1991, p. 35 no 162). Or,
le texte clair de l'art. 13 LACI ne laisse pas de place à
une solution différente de celle retenue par la caisse.

6.- Le recours est mal fondé.
Succombant, la recourante ne saurait prétendre une in-
demnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1
en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Vaud et au
Secrétariat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 26 juillet 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.288/00
Date de la décision : 26/07/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-26;c.288.00 ?
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