La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/07/2001 | SUISSE | N°5C.216/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 juillet 2001, 5C.216/2000


«/2»
5C.216/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

20 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi, M.
Raselli, Mme Nordmann et M. Merkli, juges.
Greffier: M. Fellay.

Dans la cause civile pendante

entre

la Communauté des copropriétaires en PPE de l'immeuble
"X.________", défenderesse et recourante, représentée par Me
Pierre-Antoine Buchard, avocat à Martigny,

et

P.etC.A.________, demandeurs et intimés, tous deux représen-> tés par Me Jacques Philippoz, avocat à Leytron;

(art. 712r CC; révocation de l'administrateur d'une PPE)

Vu les pi...

«/2»
5C.216/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

20 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi, M.
Raselli, Mme Nordmann et M. Merkli, juges.
Greffier: M. Fellay.

Dans la cause civile pendante

entre

la Communauté des copropriétaires en PPE de l'immeuble
"X.________", défenderesse et recourante, représentée par Me
Pierre-Antoine Buchard, avocat à Martigny,

et

P.etC.A.________, demandeurs et intimés, tous deux représen-
tés par Me Jacques Philippoz, avocat à Leytron;

(art. 712r CC; révocation de l'administrateur d'une PPE)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) La société en nom collectif S.________
(ci-après: SNC S.________) a pour activité, depuis 1983, la
promotion, la construction et l'exploitation de l'ensemble
du
complexe des Bains de ..... Elle compte au nombre de ses
associés T.________.

En décembre 1987, la SNC S.________ a érigé en pro-
priété par étages l'immeuble "X.________" sis sur la
parcelle
n° 4358 de la commune de .... (4'288 m2). L'administrateur
de
cette PPE a été désigné en la personne de R.________, direc-
teur de l'Agence immobilière B.________ SA, dont l'adminis-
tratrice unique est T.________. En réalité, la fonction d'ad-
ministrateur de la PPE a été assumée par B.________ SA.

A fin décembre 1987, P.etC.A.________ ont acquis, en
copropriété par moitié chacun, un appartement dans le
bâtiment "X.________".

b) En juillet 1993, la SNC S._______, représentée
par R.________, a procédé à la division de la parcelle no
3103 servant de zone de détente et de verdure au centre du
complexe résidentiel des Nouveaux bains de ...., parcelle de
3'397 m2 qu'elle a amputée de 581 m2 pour les rattacher à la
parcelle n° 4451. Sur cette dernière, elle a fait construire
l'immeuble "Y.________". Cette construction, qui n'a pas su-
scité d'opposition lors de sa mise à l'enquête publique, mas-
que la vue depuis l'appartement des époux A.________.

c) Dès 1993 ou 1994, la SNC S.________ a utilisé
comme local commercial deux studios dont elle était proprié-
taire au rez-de-chaussée de l'immeuble "X.________". Cette
modification de destination, contrairement à ce que
prévoyait

le règlement d'administration et d'utilisation dudit immeu-
ble, n'a pas été soumise à l'assemblée des copropriétaires.

d) En été 1995, la commune de .... a engagé une pro-
cédure d'appel à contribution de plus-values pour la réfec-
tion de chemins dans un périmètre englobant les propriétés
par étages du centre thermal S._________.

e) La société anonyme S.________ SA, constituée en
mars 1996 et à laquelle la SNC S._______ a fait apport de
ses
actifs et passifs liés directement à l'exploitation du
centre
thermal et des anciens bains, a pour but la promotion, la
construction et l'exploitation de l'ensemble du complexe
S.________, la mise en valeur des terrains de la société
pour
la création de logements et d'hôtels, de toutes
installations
balnéaires et hôtelières, médicales ou paramédicales, touris-
tiques, sportives et de fitness, ainsi que de loisirs et
d'animation pour agrémenter le séjour des hôtes. R.________
a
fait partie du conseil d'administration de cette société
anonyme jusqu'au 21 février 2000, date à laquelle il a été
remplacé par T.________.

B.- A l'assemblée des copropriétaires du 9 mars
1996, les époux A.________ ont proposé la révocation de l'ad-
ministratrice de la PPE. Ils invoquaient le double mandat de
B.________ SA qui représentait à la fois la PPE et la SNC
S.________, lesquelles avaient des intérêts divergents. Leur
proposition a été rejetée.

Les époux A.________ ont alors ouvert action en
révocation de l'administratrice contre la communauté des
copropriétaires par étages de l'immeuble "X.________". Par
décision du 2 décembre 1998, le Juge II des districts de
Martigny et St-Maurice a admis leur action.

Saisie d'un appel de la communauté des copropriétai-
res par étages, la IIe Cour civile du Tribunal cantonal va-
laisan l'a rejeté par jugement du 30 août 2000, communiqué
le
5 septembre suivant.

C.- Par la voie d'un recours en réforme interjeté
le 3 octobre 2000, la communauté des copropriétaires par éta-
ges conclut, avec suite de frais et dépens, au rejet de la
demande des époux A.________ et au renvoi de la cause à la
cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau sur le sort des
frais et dépens de l'instance cantonale.

Les intimés concluent au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 126 I 81 consid. 1a; 126 III 274 consid. 1; 125
II 293 consid. 1a et les arrêts cités).

Interjeté en temps utile contre une décision finale
prise en dernière instance cantonale, dans une contestation
civile dont la valeur litigieuse, selon les constatations du
jugement attaqué, dépasse 8000 fr., le recours est recevable
au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.- Aux trois griefs de violation de son devoir de
fidélité par l'administratrice invoqués par les demandeurs,
la cour cantonale a répondu en substance de la façon suivan-
te:
- à défaut d'une procuration spéciale, l'administra-
trice n'avait pas compétence pour s'opposer au projet de
construction de l'immeuble "Y.________", ni pour représenter

la communauté, ces mesures ne relevant pas de la gestion in-
terne;
- il n'incombait pas davantage à l'administratrice
d'intervenir dans la procédure d'appel en plus-value au nom
des copropriétaires, dont chacun avait été avisé personnelle-
ment par la commune;
- quant au changement d'affectation des deux stu-
dios, il constituait une violation formelle des dispositions
réglementaires internes, dont cependant aucun copropriétaire
ne s'était ému à l'époque; venant de l'administratrice de la
PPE, une telle initiative était toutefois inopportune.

La cour cantonale a jugé en revanche plus sérieux
le
conflit d'intérêts résultant de la position multiple de
B.________ SA et de ses organes, retenant ce qui suit à ce
propos: la SNC S.________ a pour vocation la promotion
immobi-
lière et a notamment fait construire le bâtiment
"X.________",
dont les locaux résidentiels ont été vendus à des curistes;
les intérêts de ces derniers, qui recherchent calme, repos,
vue et ensoleillement, sont divergents de ceux de la SNC
S.________, dont l'objectif est de construire le plus possi-
ble dans le périmètre du centre thermal, et de ceux de la
société S.________ SA, qui s'efforce d'attirer le plus grand
nombre de clients possible dans le complexe des bains
qu'elle
exploite. Cette opposition d'intérêts s'est manifestée à
l'occasion de la construction de l'immeuble "Y.________",
qui
est venu occuper un espace jusque-là réservé à la détente et
masquer la vue depuis "X.________"; il en est allé de même
lors de l'affectation commerciale des deux studios de la SNC
S.________, que l'administratrice n'a pas contrôlée. Or,
l'identité des personnes remplissant les fonctions d'organes
de B.________ SA, de S.________ SA et de la SNC S.________
n'offre aux copropriétaires des "X.________" aucune garantie
que leurs intérêts seront pris en considération avant toute
chose par l'administratrice de la PPE. Dame T.________ - qui
est en même temps administratrice unique de B.________ SA,

associée avec signature dans la SNC S.________, représentée
jusqu'à une date toute récente au conseil d'administration
de
S.________ SA par R.________, directeur de B.________ SA -
était exposée à des antagonismes insolubles qui la mettaient
dans l'incapacité de s'acquitter, comme organe de B.________
SA, de ses obligations contractuelles dans le cadre de l'ad-
ministration de la PPE "X.________"; partant, son obligation
de fidélité de mandataire était à tout le moins compromise.
Il en allait de même pour R.________, directeur de
B.________
SA et administrateur, jusqu'au 21 février 2000, de
S.________
SA. L'évidente ambiguïté de la position des deux personnes
en
question aurait dû amener B.________ SA à se démettre sponta-
nément de son mandat.

Un tel conflit d'intérêts constituait donc, pour les
juges cantonaux, un juste motif de révocation au sens de
l'art. 712r CC. La recourante le conteste. A son avis, la ré-
vocation de l'administratrice de la PPE viole le droit fédé-
ral.

3.- a) L'art. 712r CC prévoit que l'assemblée des
copropriétaires peut révoquer en tout temps
l'administrateur,
sous réserve de dommages-intérêts éventuels (al. 1); si au
mépris de justes motifs, l'assemblée refuse de révoquer l'ad-
ministrateur, tout copropriétaire peut, dans le mois, deman-
der au juge de prononcer la révocation (al. 2).

La notion de justes motifs au sens de l'art. 712r
al. 2 CC s'interprète selon l'art. 4 CC. Cela signifie que
le
juge doit prendre en compte toutes les circonstances du cas
d'espèce. Il y a justes motifs lorsque le maintien de l'admi-
nistrateur ne peut pas être exigé parce que les relations de
confiance sont détruites (ATF 126 III 177 consid. 2a), ainsi
lorsque l'administrateur viole gravement son devoir de fidé-
lité (Meier-Hayoz/Rey, Commentaire bernois, n. 18 s. ad art.
712r). Un juste motif de révocation existe, plus
précisément,

lorsque l'administrateur ne remplit pas ses tâches, gère de
manière négligente les fonds qui lui sont confiés, passe ou-
tre aux décisions de l'assemblée des copropriétaires,
chicane
ou invective ces derniers, délègue ses tâches indûment à des
tiers ou se comporte de manière contraire à l'honneur (Meyer-
Hayoz/Rey, loc. cit., n. 19 ad art. 712r). Il ne peut s'agir
que de motifs qui, selon les règles de la bonne foi, ne per-
mettent plus d'exiger d'un ou de tous les copropriétaires de
faire administrer la copropriété par l'administrateur contes-
té. En revanche, de légères violations des devoirs de l'admi-
nistrateur ne sauraient constituer des justes motifs de révo-
cation (Bösch, Commentaire bâlois, n. 5 ad art. 712r).

b) Le Code civil ne contient pas de règles d'incom-
patibilité concernant l'administrateur de la PPE. Par ail-
leurs, il ne ressort pas de l'arrêt attaqué que le règlement
d'administration et d'utilisation de la PPE "X.________" ou
le contrat d'administration la concernant prévoient de
telles
règles. De ce point de vue, B.________ SA était et reste
donc
éligible comme administratrice de la PPE en cause.

La situation présente est d'ailleurs comparable à
celle, courante, où le promoteur ou le constructeur se fait
désigner aussi comme administrateur, solution qui n'implique
pas que des risques, mais également des avantages certains.

c) Lorsque, comme dans la présente affaire, l'unique
administratrice et le directeur de la société
administratrice
de la PPE poursuivent au sein d'autres sociétés des intérêts
opposés à ceux de la communauté des copropriétaires, il y a
sans doute un risque accru que la société administratrice
n'observe pas scrupuleusement son devoir de fidélité envers
la PPE. Toutefois, ce risque abstrait d'une éventuelle viola-
tion du devoir de fidélité ne constitue pas, à lui seul, un
juste motif de révoquer l'administrateur. C'est pourtant ce
seul risque virtuel qu'a retenu en définitive la cour canto-

nale, après avoir clairement écarté deux des trois motifs
concrets de révocation invoqués par les demandeurs. Quant au
troisième (changement d'affectation des studios), elle a
jugé
simplement inopportune le comportement de l'administratrice.
Cette dernière a certes failli à ses devoirs en s'abstenant
d'intervenir. Il s'agit là toutefois d'un manquement mineur,
qui n'a d'ailleurs suscité à l'époque aucune réaction des co-
propriétaires. Cette légère défaillance ne saurait être con-
sidérée, même dans la situation de conflit d'intérêts poten-
tiel évoquée plus haut, comme un juste motif de révocation.

La cour cantonale a donc conclu à tort à l'existen-
ce, en l'espèce, de justes motifs au sens de l'art. 712r al.
2 CC; partant, elle a violé le droit fédéral en révoquant
l'administratrice.

4.- En conséquence, le recours doit être admis et
la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle déci-
sion sur les frais et dépens de la procédure cantonale (art.
159 al. 6 OJ).

La charge des frais et dépens de l'instance
fédérale
incombe aux intimés, solidairement entre eux (art. 156 al. 1
et 7, 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs,

le T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et réforme le jugement attaqué
en ce sens que la demande des intimés est rejetée.

2. Renvoie la cause à l'autorité cantonale pour nou-
velle décision sur les frais et dépens de la procédure canto-
nale.

3. Met à la charges des intimés, solidairement entre
eux:
a) un émolument de justice de 1500 fr.,
b) une indemnité de 1500 fr. à payer à la

recourante à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton du Valais.

__________

Lausanne, le 20 juillet 2001
FYC/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.216/2000
Date de la décision : 20/07/2001
2e cour civile

Analyses

Justes motifs de révoquer l'administrateur de la propriété par étages (art. 712r al. 2 CC). Il y a justes motifs de révoquer l'administrateur, au sens de l'art. 712r CC, lorsque celui-ci viole gravement son devoir de fidélité. Le risque abstrait d'une éventuelle violation de ce devoir ne constitue toutefois pas, à lui seul, un juste motif de révocation (consid. 3).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-20;5c.216.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award