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18/07/2001 | SUISSE | N°5C.107/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 juillet 2001, 5C.107/2001


«/2»
5C.107/2001

IIe C O U R C I V I L E
****************************

18 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Bianchi, juge prési-
dant, Raselli et Merkli. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________ et dame A.________, défendeurs et recourants, re-
présentés par Me Pierre Daudin, avocat à Genève,

et

B.________ et dame B.________, demandeurs et intimés, repré-
sentés par Me Jean-Marc Siegrist, avocat à Genève;


(servitude de passage; action en constatation de droit)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivan...

«/2»
5C.107/2001

IIe C O U R C I V I L E
****************************

18 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. les juges Bianchi, juge prési-
dant, Raselli et Merkli. Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________ et dame A.________, défendeurs et recourants, re-
présentés par Me Pierre Daudin, avocat à Genève,

et

B.________ et dame B.________, demandeurs et intimés, repré-
sentés par Me Jean-Marc Siegrist, avocat à Genève;

(servitude de passage; action en constatation de droit)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1980, les propriétaires de la parcelle
n° xxx sise sur le territoire de la commune de Vernier (Ge-
nève), chemin X.________, ont convenu de la diviser et d'en
faire les parcelles nos xxxA, xxxB, xxxC et xxxD.

Lors de cette mutation qui a fait l'objet du tableau
n° x/1980, il a été inscrit en particulier dans le registre
foncier une servitude de passage, soit de destination de
chemin et de passage à tous usages, y compris d'égoûts, de
canalisations et de conduites de toute nature. Cette servi-
tude s'exerçait au profit des parcelles nos xxxA, xxxB et
xxxD sur la partie des parcelles nos xxxA et xxxC figurée
par une zone hachurée sur le tableau de mutation, lequel a
été établi le 10 janvier 1980 par l'ingénieur et géomètre
officiel Y.________.

B.- Les parcelles nos xxxC et xxxA longeaient au
nord le chemin X.________, alors que les parcelles nos xxxD
et xxxB étaient contiguës aux parcelles nos xxxC et xxxA,
l'ensemble formant schématiquement le carré suivant:

Chemin X.________
xxxC - xxxA
xxxD - xxxB

Du point de vue de son assiette, la servitude de
passage prenait son assise sur la parcelle n° xxxC à son
extrémité nord-ouest et commençait son parcours parallèle-
ment au chemin X.________ pour gagner l'extrémité nord-est
de la parcelle n° xxxA, puis pour longer, perpendicu-
lairement audit chemin, le côté est de cette dernière par-
celle jusqu'à la parcelle n° xxxB. En outre, à l'extrémité

nord-est de la parcelle n° xxxC, le tracé du passage se di-
visait vers la droite en faisant un virage à angle droit
pour longer le côté est de cette parcelle jusqu'à la par-
celle n° xxxD.

En d'autres termes, le tracé de la servitude était
comparable à la lettre F dont les deux barres représentaient
le parcours de la servitude perpendiculaire au chemin
X.________ et aboutissant aux parcelles nos xxxD et xxxB.

C.- La parcelle n° xxxD, devenue depuis la parcelle
n° bbb, a été vendue en mars/avril 1980 aux époux B.________
et dame B.________, en copropriété chacun pour une demie.
Quant à la parcelle n° xxxC, devenue depuis la parcelle n°
aaa, elle a été vendue en juillet/août 1980 aux époux
A.________ et dame A.________, en copropriété chacun pour
une demie. Les parcelles nos xxxA et xxxB, devenues depuis
les parcelles nos ccc et ddd, ont été acquises respective-
ment par les époux C.________ et par les époux D.________,
ce qui donne le schéma suivant:

Chemin X.________
aaa (A.________) - ccc (C.________)
bbb (B.________) - ddd (D.________)

Tous les propriétaires du lotissement ont accepté
l'assiette de la servitude de passage telle qu'elle figurait
sur le plan établi le 10 janvier 1980 par Y.________.

D.- Le chemin d'accès du chemin X.________ à la
parcelle n° bbb, tel qu'il a été conçu sous les auspices de
l'architecte Z.________, alors mandaté par les propriétaires
du lotissement à l'exception des époux B.________, a été
réalisé entre les mois de décembre 1981 et mars 1983.

L'arrêt attaqué contient des constatations contra-
dictoires sur la largeur de ce chemin: d'une part, la cour
cantonale a constaté que ce chemin a été construit avec une
largeur de 3 m au lieu de 4 m dans les deux parties de son
tracé perpendiculaires au chemin X.________; d'autre part,
elle a constaté qu'il a été rendu encore plus étroit en 1987
à la suite de travaux effectués par les époux A.________,
pour présenter une largeur réduite à environ 3 m au lieu de
4 m.

Dès 1986, B.________ s'est plaint des difficultés
liées à l'étroitesse du chemin d'accès. La largeur de celui-
ci a été réduite par une bordure de pierres dans le courant
du mois de juillet 1987 et, dès le mois de mars 1989, les
époux A.________ ont pris des mesures rendant encore plus
difficile l'accès à la parcelle des époux B.________ par la
création d'obstacles et la pose de panneaux de signalisation
destinés à limiter l'utilisation du chemin.

Selon un plan de situation établi le 10 juin 1997
par l'ingénieur et géomètre officiel G.________, le virage à
angle droit du chemin d'accès à la parcelle no bbb - angle
dans lequel se trouve un obstacle constitué par une grosse
pierre - doit être évasé.

À partir du 20 juin 1997, les époux B.________ ont
entrepris en vain des démarches auprès des époux A.________
pour obtenir un tracé conforme du chemin d'accès à leur par-
celle.

E.- L'emplacement des canalisations a été déterminé
par Z.________, selon un plan daté du 23 août 1982, de sorte
que ces canalisations ne suivent pas le tracé de la servitu-
de de passage, mais empiètent pour partie sur la parcelle
n° aaa en ce qui concerne les eaux pluviales provenant de la
parcelle n° bbb ou y arrivant.

F.- Le 21 avril 1998, les époux B.________ ont ac-
tionné les époux A.________ devant le Tribunal de première
instance du canton de Genève. Ils concluaient notamment à ce
qu'autorisation leur soit donnée de faire procéder sur la
parcelle des défendeurs à des travaux d'élargissement, con-
formément aux plans dressés par G.________ et selon un devis
descriptif établi le 23 septembre 1997 par l'entreprise
E._______ pour 19'357 fr. 45, montant à charge de chacune
des parties pour la moitié, et à ce que le chemin d'accès à
leur parcelle soit libre de toute entrave.

Les défendeurs se sont opposés à la demande princi-
pale et ont pris des conclusions reconventionnelles tendant
à ce que les demandeurs soient condamnés à enlever à leurs
frais les canalisations empiétant sur la parcelle des défen-
deurs et à les réinstaller conformément au plan dressé par
l'architecte Z.________ le 6 février 1980. Ces conclusions
étaient prises pour le seul cas où il ne serait pas retenu
que les parties ont pris des dispositions dérogatoires quant
à l'assiette de la servitude de passage et de canalisations.

G.- Par jugement du 14 septembre 2000, le Tribunal
de première instance a fait droit aux conclusions des deman-
deurs et rejeté les conclusions reconventionnelles des dé-
fendeurs.

Par arrêt du 16 mars 2001, la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement
de première instance.

H.- Agissant par la voie du recours en réforme au
Tribunal fédéral, les défendeurs concluent avec suite de

frais et dépens à la réforme de cet arrêt, principalement
dans le sens du rejet des conclusions de la demande et sub-
sidiairement dans le sens de l'admission des conclusions re-
conventionnelles.

Il n'a pas été demandé de réponse.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- L'arrêt attaqué tranche une contestation civile
portant sur des droits de nature pécuniaire dont la valeur
dépasse largement 8'000 fr.; il constitue une décision fina-
le prise par le tribunal suprême du canton de Genève qui ne
peut pas être l'objet d'un recours ordinaire de droit canto-
nal. Le recours en réforme, interjeté en temps utile, est
donc recevable au regard des art. 46, 48 al. 1 et 54 al. 1
OJ.

2.- a) Selon la cour cantonale, la servitude de
passage à l'origine du présent litige doit être considérée
comme une servitude affirmative, en ce sens qu'elle con-
traint les défendeurs à tolérer sur leur fonds le passage en
provenance des trois autres parcelles du lotissement. Dès
lors, les demandeurs jouissent en particulier, comme moyen
de protection, de l'action à raison du trouble fondée sur
l'art. 679 CC qui leur permet de requérir un rétablissement
des lieux conforme à la servitude (arrêt attaqué, consid.
3), telle qu'elle est délimitée par le plan figurant sur le
tableau de mutation n° x/1980 de la commune de Vernier (cf.
arrêt attaqué, consid. 5).

b) Toujours selon les juges cantonaux, il est cons-
tant que d'après les constatations du géomètre officiel

G.________, l'assiette de la servitude n'est pas respectée
par le fait que, tout au long de son parcours sur la par-
celle n° aaa, le chemin d'accès à la parcelle n° bbb pré-
sente un tracé plus étroit. Il est établi qu'au fil des an-
nées, les défendeurs ont pris des dispositions pour entraver
ou rendre plus incommode l'exercice de la servitude, enfrei-
gnant ainsi l'art. 737 al. 3 CC et contraignant finalement
les demandeurs à ouvrir action. Le fait qu'à l'origine, le
tracé délimité par l'architecte Z.________ n'a pas donné
lieu à une contestation de la part des demandeurs est par
ailleurs sans importance, étant donné que les défendeurs ont
mis eux-mêmes fin à l'accord tacite qui existait à ce sujet
en prenant des mesures unilatérales restreignant encore da-
vantage l'accès à la parcelle n° bbb. Les défendeurs ne peu-
vent donc plus, de bonne foi, se prévaloir de la tolérance
dont ils bénéficiaient à l'origine pour avoir modifié la
situation de fait sans l'accord des autres propriétaires
concernés (arrêt attaqué, consid. 4).

c) La cour cantonale a relevé qu'en tant qu'action
réelle, l'action en cessation de trouble ne se prescrit pas;
est réservé le cas où le lésé tolère la situation dont il se
plaint pendant longtemps, ce qui peut impliquer un abus de
droit s'il en demande subitement la suppression. Dans le cas
particulier, il apparaît que les relations entre les parties
se sont progressivement dégradées pour en arriver à une rup-
ture dès l'année 1987, et que les demandeurs se sont plaints
dès 1986 de l'étroitesse du chemin puis des entraves appor-
tées à l'exercice de la servitude de passage. Ainsi, l'hypo-
thèse d'un abus de droit de la part des demandeurs ne peut
être retenue. De même, il n'est pas possible de soutenir sé-
rieusement que les demandeurs auraient fait naître chez les
défendeurs une confiance qu'ils auraient ensuite déçue. En
effet, le dommage qu'ils allèguent a pour seule source les
entraves qu'ils ont mises à l'exercice de la servitude, soit

leur propre comportement qui a consisté à mettre fin à l'ac-
cord tacite portant sur le tracé originaire du chemin (arrêt
attaqué, consid. 6).

d) L'autorité cantonale a exposé que contrairement
au chemin d'accès faisant l'objet de la servitude litigieu-
se, les canalisations passant sous le terrain des défendeurs
ne donnent lieu à aucune difficulté, de sorte qu'il n'appa-
raît nullement nécessaire de déplacer les canalisations pas-
sant sous le terrain des défendeurs et se trouvant hors de
l'assiette de la servitude. Au surplus, de l'aveu même des
défendeurs, leur demande reconventionnelle n'est que subsi-
diaire ou conditionnelle dans la mesure où son existence dé-
pend de la seule admission de la demande principale et se-
rait rendue caduque par le rejet de celle-ci. Ainsi, la de-
mande reconventionnelle procède manifestement d'un pur es-
prit de chicane et de rétorsion pour ne répondre à aucune
nécessité pratique, de sorte qu'elle ne peut qu'être rejetée
comme constitutive d'un abus de droit (arrêt attaqué,
consid. 7).

3.- Les défendeurs reprochent à l'autorité canto-
nale d'avoir commis deux inadvertances manifestes dans la
constatation des faits.

a) Selon la jurisprudence, il n'y a inadvertance
manifeste au sens de l'art. 63 al. 2 OJ que lorsque l'auto-
rité cantonale a omis de prendre en considération une pièce
déterminée, versée au dossier, ou l'a mal lue, s'écartant
par mégarde de sa teneur exacte, en particulier de son véri-
table sens littéral, et qu'il en résulte une erreur évidente
dans la constatation des faits pertinents (ATF 115 II 399
consid. 2a; 109 II 159 consid. 2b et les arrêts cités).
L'absence de mention d'une pièce dans l'appréciation des
preuves ne signifie pas encore qu'il y ait inadvertance, qui

plus est inadvertance manifeste: il faut que ladite pièce
n'ait pas été examinée, même implicitement, en d'autres ter-
mes que le juge n'en ait pas pris connaissance ou l'ait pu-
rement et simplement laissée de côté; dès l'instant où une
constatation de fait repose sur l'appréciation, même insou-
tenable, d'une preuve, d'un ensemble de preuves ou d'indi-
ces, une inadvertance est exclue (arrêt non publié du 5 dé-
cembre 1995, reproduit in SJ 1996 p. 353, consid. 3a; arrêt
non publié du 15 novembre 1994, reproduit in SJ 1995 p. 262,
consid. 2a).

b) Selon les défendeurs, la constatation des juges
cantonaux selon laquelle le chemin d'accès du chemin
X.________ à la parcelle n° bbb a été conçu et réalisé sous
les auspices de l'architecte Z.________, alors mandaté par
les propriétaires du lotissement à l'exception des deman-
deurs (cf. lettre D supra), serait en contradiction manifes-
te avec une lettre, produite au dossier, adressée le 4 avril
1981 par l'architecte F.________ à son collègue Z.________.

Toutefois, il résulte des références figurant entre
parenthèses dans l'arrêt attaqué à la suite de la constata-
tion incriminée que celle-ci repose sur l'appréciation - qui
ne peut être revue en instance de réforme - d'un ensemble de
preuves, de sorte qu'une inadvertance manifeste est exclue
(cf. consid. a supra).

c) Les défendeurs reprochent également à la cour
cantonale une inadvertance manifeste pour avoir retenu,
après avoir constaté que le chemin litigieux avait été cons-
truit avec une largeur de
3 m au lieu de 4 m dans les deux
parties de son tracé perpendiculaires au chemin X.________,
que ce chemin a été rendu encore plus étroit en 1987 à la
suite de travaux effectués par les défendeurs pour présenter

une largeur réduite à environ 3 m au lieu de 4 m (cf. lettre
D supra).

Il est vrai que ces constatations sont contradic-
toires. Toutefois, il ressort ici aussi des références figu-
rant entre parenthèses dans l'arrêt attaqué que ces consta-
tations contradictoires reposent sur l'appréciation de dif-
férents éléments de preuve, et les défendeurs ne démontrent
pas que la seconde constatation procède d'une mauvaise lec-
ture évidente, par l'autorité cantonale, des pièces citées.
De toute manière, ainsi qu'on le verra, cette contradiction
dans l'état de fait n'est pas propre à influer sur l'issue
du litige.

4.- En droit, les défendeurs émettent contre l'ar-
rêt attaqué une série de critiques, qui peuvent être résu-
mées comme il suit:

a) C'est à tort que la cour cantonale aurait jugé
que l'action des demandeurs repose sur l'action en cessation
de trouble de l'art. 679 CC. En effet, selon la jurispru-
dence, les relations entre le propriétaire du fonds servant
et le bénéficiaire de la servitude ne relèvent pas des rap-
ports de voisinage, mais du droit des servitudes, notamment
de l'art. 737 CC. L'action "confessoire" que le titulaire de
la servitude peut intenter contre quiconque trouble l'exer-
cice de la servitude, y compris contre le propriétaire du
fonds grevé, ne pourrait en aucun cas mener à la condamna-
tion des défendeurs à aménager pour moitié à leurs frais un
accès conforme à la servitude de passage. Une telle conda-
mnation serait contraire à l'art. 730 CC, dont il résulte
qu'une servitude ne peut exiger du propriétaire du fonds
grevé qu'une attitude passive, et non une prestation positi-
ve comme de participer pour moitié à un revêtement bitumi-
neux. Une telle condamnation serait d'ailleurs aussi con-
traire à l'art. 741 CC, dont il découle que les frais de

construction et d'entretien des installations nécessaires à
l'exercice de la servitude incombent de façon naturelle à
celui qui en profite, soit au premier chef au bénéficiaire
de la servitude.

b) Il résulterait des faits établis par la cour
cantonale que l'aménagement du droit de passage à une lar-
geur de trois mètres est dû sur certains tronçons à la con-
figuration du terrain et sur d'autres (cheminement d'accès à
la villa des demandeurs) suit fidèlement le plan établi et
réalisé par l'architecte mandaté par les quatre proprié-
taires concernés, y compris les demandeurs. L'exercice de la
servitude telle qu'elle avait été concrétisée par le tracé
des cheminements dès 1981 n'ayant jamais varié, l'art. 737
al. 3 CC ne serait pas applicable, car les défendeurs n'au-
raient jamais empêché ou rendu plus incommode l'exercice de
la servitude.

c) L'étendue de la servitude serait déterminée,
outre par l'inscription, par le contrat constitutif de la
servitude déposé comme pièce justificative au registre fon-
cier, et ce titre d'acquisition devrait être interprété no-
tamment au regard du comportement ultérieur des parties. Or,
en l'espèce, l'autorité cantonale aurait méconnu l'existence
d'un accord tacite portant sur le tracé original du chemin
d'accès, tracé qui remonte à 1981. En outre, comme pendant
des années, les demandeurs n'ont pas remis en question la
largeur du cheminement d'accès à leur villa, prétendre au-
jourd'hui que l'assiette de la servitude doit être rétablie
conformément au plan du tableau de mutation constituerait
une attitude contradictoire constitutive d'un abus de droit.

d) Enfin, la cour cantonale se contredirait dans
son raisonnement en admettant que le tracé des canalisations
n'a pas à être remis en cause, contrairement à celui de la
servitude de passage. En effet, elle affirme qu'il n'est pas

nécessaire de recourir à des éléments extrinsèques en vue de
déterminer l'assiette de la servitude, dans la mesure où
cette assiette ressort du plan figurant sur le tableau de
mutation. L'autorité cantonale devrait donc logiquement en
déduire que le tracé des canalisations soit modifié pour se
trouver en conformité avec ledit plan.

5.- a) Aux termes de l'art. 738 al. 1 CC, l'ins-
cription fait règle, en tant qu'elle désigne clairement les
droits et les obligations dérivant de la servitude. Comme
l'inscription est très sommaire, il est souvent nécessaire
de recourir à d'autres éléments pour déterminer le contenu
de la servitude (Steinauer, Les droits réels, tome II, 2e
éd. 1994, n. 2292). Selon l'art. 738 al. 2 CC, ce contenu
peut alors être précisé soit par son origine, soit par la
manière dont la servitude a été exercée pendant longtemps,
paisiblement et de bonne foi. L'origine de la servitude,
c'est le titre d'acquisition, à savoir en général le contrat
constitutif déposé comme pièce justificative au registre
foncier (Steinauer, op. cit., n. 2294). Lorsque ce titre
d'acquisition ne permet pas de déterminer le contenu de la
servitude, il est possible de tenir compte de la manière
dont celle-ci a été exercée, paisiblement et de bonne foi
(Steinauer, op. cit., n. 2295).

En l'espèce, si l'inscription au registre foncier
ne précise pas le contenu de la servitude de passage liti-
gieuse, l'acte constitutif déposé comme pièce justificative
au registre foncier désigne exactement l'assiette de cette
servitude, puisqu'il prévoit que celle-ci s'exerce au profit
de la parcelle n° xxxD (actuellement n° bbb) sur la partie
de la parcelle n° xxxC (actuellement n° aaa) figurée par une
zone hachurée sur le tableau de mutation. Il n'y a donc pas
à tenir compte de la manière dont la servitude litigieuse a
été exercée dans les premières années après sa consti-

tution, sous réserve d'un éventuel abus de droit de la part
des demandeurs (cf. consid. 5d infra).

b) Selon l'art. 737 CC, celui à qui la servitude
est due peut prendre toutes les mesures nécessaires pour la
conserver et pour en user (al. 1); il est tenu d'exercer son
droit de la manière la moins dommageable (al. 2); le pro-
priétaire grevé ne peut en aucune façon empêcher ou rendre
plus incommode l'exercice de la servitude (al. 3). Il ré-
sulte de cette disposition que celui à qui une servitude de
passage est due sur un chemin a le droit de l'aménager et de
l'entretenir de manière à pouvoir exercer son droit (ATF 115
IV 26 consid. 3a et les références citées).

Si des travaux d'entretien, de réparation et de ré-
novation peuvent être entrepris même contre la volonté du
propriétaire du fonds servant sans que le propriétaire du
fonds dominant soit tenu d'agir en justice par une "actio
confessoria" (cf. ATF 115 IV 26 consid. 3a), les demandeurs
ont agi prudemment en sollicitant du juge l'autorisation de
faire procéder sur la parcelle des défendeurs aux travaux
d'élargissement nécessaires pour pouvoir exercer leur droit
de passage conformément à l'acte constitutif de la servi-
tude. Dès lors qu'il est constant que cette dernière doit
s'exercer sur une largeur de 4 m et que le chemin n'a ac-
tuellement qu'une largeur de 3 m, c'est à bon droit que les
juges cantonaux ont accordé aux demandeurs l'autorisation
sollicitée.

c) Aux termes de l'art. 741 CC, le propriétaire du
fonds dominant entretient les ouvrages nécessaires à l'exer-
cice de la servitude (al. 1); si ces ouvrages sont également
utiles au propriétaire grevé - par exemple parce qu'il em-
prunte le chemin sur lequel s'exerce une servitude de pas-
sage (Steinauer, op. cit., n. 2284) -, la charge de l'entre-
tien incombe aux deux parties, en proportion de leur intérêt

(al. 2). La même règle vaut pour les frais de construction
de ces ouvrages (Steinauer, op. cit., n. 2283; Liver, Zür-
cher Kommentar, Band IV/2a/1, 1980, n. 28 ad art. 741 CC).

En l'espèce, les défendeurs ne prétendent pas
qu'ils n'utilisent pas eux aussi le chemin litigieux, et ils
n'exposent pas (cf. art. 55 al. 1 let. c OJ) quelle autre
proportion que celle retenue par la cour cantonale il y
aurait lieu d'appliquer au regard de l'art. 741 al. 2 CC, de
sorte qu'il n'y a pas lieu de revoir l'arrêt attaqué sur ce
point.

d) Contrairement à ce que soutiennent les défen-
deurs (cf. consid. 4c supra), les demandeurs ne commettent
pas un abus de droit en demandant que l'assiette de la ser-
vitude soit rendue conforme au plan figurant dans l'acte
constitutif de celle-ci. Sur ce point, les défendeurs peu-
vent être renvoyés aux motifs convainquants et détaillés de
l'arrêt attaqué, tels qu'ils ont été résumés plus haut (con-
sid. 2c). De même, en ce qui concerne le rejet des conclu-
sions reconventionnelles subsidiaires des défendeurs, il
peut être renvoyé aux motifs de l'arrêt attaqué, tels qu'ils
ont été reproduits en substance plus haut (consid. 2d). Il
convient de souligner que, contrairement à ce que prétendent
les défendeurs (cf. consid. 4d supra), la cour cantonale
n'opère pas de distinction injustifiée entre le tracé de la
servitude de passage et celle de la servitude de canalisa-
tions, la demande reconventionnelle relative à cette derniè-
re devant être rejetée parce qu'elle procède d'un pur esprit
de chicane et de rétorsion pour ne répondre à aucune néces-
sité pratique, contrairement à la demande principale.

6.- En définitive, le recours se révèle mal fondé
en tant qu'il est recevable et ne peut ainsi qu'être rejeté
dans cette même mesure, ce qui entraîne la confirmation de
l'arrêt attaqué. Les défendeurs, qui succombent, supporte-

ront solidairement entre eux les frais judiciaires (art. 156
al. 1 et 7 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer de
dépens dès lors que les demandeurs n'ont pas été invités à
répondre au recours et n'ont ainsi pas assumé de frais pour
la procédure devant le Tribunal fédéral (Poudret/Sandoz-Mo-
nod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciai-
re, vol. V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble et confirme l'arrêt attaqué.

2. Met un émolument judiciaire de 5'000 fr. à la charge
solidaire des défendeurs.

3. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du
canton de Genève.

__________

Lausanne, le 18 juillet 2001
ABR/moh

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Juge présidant,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.107/2001
Date de la décision : 18/07/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-18;5c.107.2001 ?
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