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17/07/2001 | SUISSE | N°4P.84/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 juillet 2001, 4P.84/2001


«/2»

4P.84/2001

Ie C O U R C I V I L E
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17 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Leu, juge présidant, M. Corboz et
Mme Klett, juges. Greffier: M. Ramelet.

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Statuant sur le recours de droit public
formé par

L.________, représenté par Me Michel Bosshard, avocat à
Genève,

contre

les décisions prises les 22 février et 16 mars 2001 par le
Procureur général du canton de Genève dans la cause qui op-
pose le recouran

t à 1. A.________, représenté par Me Carlo
Sommaruga, avocat à Genève, et 2. B.________;

(art. 9 Cst.; évacuation d'un locata...

«/2»

4P.84/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

17 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Leu, juge présidant, M. Corboz et
Mme Klett, juges. Greffier: M. Ramelet.

____________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

L.________, représenté par Me Michel Bosshard, avocat à
Genève,

contre

les décisions prises les 22 février et 16 mars 2001 par le
Procureur général du canton de Genève dans la cause qui op-
pose le recourant à 1. A.________, représenté par Me Carlo
Sommaruga, avocat à Genève, et 2. B.________;

(art. 9 Cst.; évacuation d'un locataire; déni de justice)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 31 juillet 2000, le Tribunal
des baux et loyers du canton de Genève, à la requête du bail-
leur L.________, a condamné les locataires A.________ et
B.________ à évacuer immédiatement l'immeuble qu'ils
occupent
à Carouge. La requête du bailleur était fondée sur l'art.
257d CO (non-paiement du loyer). Le 13 octobre 2000, la men-
tion exécutoire a été apposée sur ledit jugement.

Le 22 février 2001, donnant suite à une requête
d'évacuation formée par le bailleur, et après audience, le
Procureur général du canton de Genève a confirmé que, d'ac-
cord entre les parties, la requête d'exécution forcée était
suspendue à la condition que l'arriéré soit acquitté avant
le
20 mars 2001 et que l'indemnité courante soit régulièrement
versée.

Par lettre du 1er mars 2001, le conseil du bailleur
a informé le Procureur général que son client maintenait sa
requête en évacuation et sollicitait une reprise immédiate
de
l'instance. Par courrier du 14 mars 2001, le même avocat a
porté à la connaissance du Procureur général que le solde
des
loyers dus, soit 6056 fr.95, avait été versé "par la mère de
Monsieur B.________", le loyer du mois de mars restant cepen-
dant impayé à cette date; il a précisé que son client mainte-
nait malgré tout sa requête en évacuation et requérait que
la
cause soit reprise dans les meilleurs délais.

Par décision du 16 mars 2001, le Procureur général
a répondu qu'il n'entendait pas reprendre la procédure d'exé-
cution forcée. Il a rappelé que l'exécution forcée avait été
suspendue à la condition que l'arriéré soit réglé avant le
20
mars 2001 et a relevé que cette condition avait été respec-

tée. Ajoutant que l'indemnité courante devait ensuite être
"régulièrement versée", ce qui supposait qu'une indemnité
soit au moins payée chaque mois, il a considéré qu'il lui ap-
paraissait dès lors prématuré d'affirmer que les conditions
susdites ne seraient pas respectées, le mois de mars n'étant
pas encore terminé et l'occupant, soit pour lui sa mère,
ayant déjà fait un effort important le mois courant.

B.- L.________ forme un recours de droit public au
Tribunal contre les décisions du Procureur général des 22 fé-
vrier et 16 mars 2001, dont il demande l'annulation, la
cause
étant renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle
décision.
Il invoque la violation de l'art. 9 Cst., ainsi que le
retard
injustifié constitutif d'un déni de justice formel.

A.________ conclut à l'irrecevabilité du recours.

Le Procureur général présente des observations et
conclut au rejet du recours dans la mesure où il est receva-
ble.

B.________ ne s'est pas déterminé.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le Tribunal fédéral examine d'office et li-
brement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
127 II 198 consid. 2; 126 III 485 consid. 1).

b) Eu égard à la nature cassatoire du recours de
droit public (ATF 127 III 279 consid. 1b; 127 II 1 consid.
2c), le chef de conclusions tendant au renvoi de la cause
est
superfétatoire (ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb).

2.- A propos de la recevabilité de son recours, le
recourant relève qu'une décision, qui, comme en l'espèce, su-
bordonne l'exécution d'un jugement à l'avènement d'une con-
dition, ne met pas fin à la procédure d'exécution et revêt
un
caractère incident. A l'en croire, dès l'instant où il fait
valoir valablement, à côté de la violation de l'art. 9 Cst.,
un autre grief qui n'est pas manifestement irrecevable ou
mal
fondé, la voie du recours de droit public lui serait
ouverte,
quand bien même les décisions déférées ne lui auraient pas
causé un préjudice irréparable. Soulignant aussi que le re-
cours de droit public n'est possible qu'après épuisement des
moyens de droit cantonal, le bailleur affirme qu'en l'espèce
aucun recours de droit cantonal n'est prévu contre la déci-
sion du Procureur général relative à l'évacuation des loca-
taires.

Le recourant conteste avoir jamais donné son accord
à une suspension de la procédure. Sur le fond, il se réfère
à
l'art. 474A al. 2 LPC gen., qui prévoit que le procureur gé-
néral peut, pour des motifs humanitaires, surseoir à l'exécu-
tion dans la mesure nécessaire pour permettre le relogement
du locataire. Il relève que le Tribunal fédéral considère
que, si l'autorité judiciaire dispose d'une certaine
latitude
d'appréciation dans la diligence qu'elle apporte à cette exé-
cution, l'ajournement de la décision doit rester
relativement
bref et ne pas équivaloir à une nouvelle prolongation du
bail
(ATF 117 Ia 336 consid. 2b). Aussi le renvoi de l'exécution
sine die ne serait-il pas admissible. En décidant de suspen-
dre la procédure, à la condition que l'indemnité courante
soit payée régulièrement, le Procureur général aurait gros-
sièrement violé la loi, laquelle ne prévoit pas l'évacuation
conditionnelle d'un locataire.

Enfin, en rendant une décision de suspension à la
place d'une décision d'évacuation assortie d'un délai raison-
nable, le Procureur général aurait contrevenu au principe de

l'interdiction du déni de justice formel. Il allègue à cet
égard qu'il s'est écoulé huit mois depuis le prononcé du ju-
gement, et presque six mois depuis la première sommation.

3.- a) Il ne sera pas tenu compte de l'affirmation
du recourant selon laquelle, contrairement à ce que constate
la décision du 22 février 2001, il n'aurait jamais donné son
accord à une suspension de la procédure. En effet, en instan-
ce de recours de droit public, les constatations de fait,
comme l'appréciation des preuves, ne peuvent être attaquées
que si elles sont arbitraires, ou opérées en violation de ga-
ranties de procédure, telles que la violation du droit
d'être
entendu (cf. ATF 118 Ia 28 consid. 1b). Comme le recourant
n'expose même pas que l'une de ces conditions serait
remplie,
sa critique de la constatation incriminée est irrecevable.

b) C'est à raison que le recourant a affirmé qu'une
décision qui subordonne l'exécution d'un jugement à l'avène-
ment d'une condition ne met pas fin à la procédure d'exécu-
tion, de sorte qu'il s'agit d'une décision incidente (ATF
117
Ia 336 consid. 1a). Partant, le recours de droit public
n'est
recevable contre une telle décision que s'il peut en
résulter
un préjudice irréparable (art. 87 al. 2 OJ). En tant qu'il
est fondé sur l'art. 9 Cst. et invoque l'arbitraire, le re-
cours doit démontrer l'existence d'un dommage irréparable
entraîné par la décision attaquée ou, à tout le moins, le
risque de la survenance d'un tel préjudice. Or, le recourant
- qui nie à tort l'application de la restriction de l'art.
87
al. 2 OJ - ne dit rien à ce sujet, et n'explique pas quel
est
le risque de dommage irréparable auquel il est exposé. Le re-
cours fondé sur l'art. 9 Cst. doit donc être déclaré irrece-
vable (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 122 I 70 consid. 1c).

c) Le recours invoque le retard injustifié sanc-
tionné à l'art. 29 al. 1 Cst. Dans sa jurisprudence publiée,
le Tribunal fédéral a jugé que les recours qui étaient
fondés

sur l'art. 4 aCst., dans lesquels était allégué un retard in-
justifié constitutif d'un déni de justice formel, n'étaient
pas soumis aux restrictions de l'art. 87 OJ (ATF 117 Ia 336
consid. 1a). Dans un arrêt non publié du 23 mai 2000 dans la
cause 1P.301/2000, consid. 4, le Tribunal fédéral a
toutefois
estimé que l'exigence du dommage irréparable devait
également
s'appliquer aux recours basés sur l'art. 29 al. 1 Cst.

La question peut rester indécise puisqu'il est abu-
sif pour le recourant de soutenir que la décision de suspen-
sion cause un retard injustifié, dès l'instant où il s'est
déclaré d'accord avec la prise d'une décision de cette natu-
re. De toute manière, il n'apparaît pas que le recourant se
soit plaint d'un retard injustifié ou d'un déni de justice
avant le dépôt de son recours.

4.- Il suit de là que le recours doit être rejeté
dans la mesure de sa recevabilité. Vu l'issue de la
querelle,
le recourant supportera les frais judiciaires et versera des
dépens à l'intimé qui a procédé (art. 156 al. 1 et 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;
2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimé
A.________ une indemnité de 2000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et au Procureur général du canton de Genève.

____________

Lausanne, le 17 juillet 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.84/2001
Date de la décision : 17/07/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-17;4p.84.2001 ?
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