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13/07/2001 | SUISSE | N°4P.69/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juillet 2001, 4P.69/2001


«/2»

4P.69/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Godat Zimmermann.

_________________

Statuant sur le recours de droit public formé
par

B.________, représenté par Me Pierre Boillat, avocat à
Delémont,

contre

l'ordonnance rendue le 8 février 2001 par la IIème Chambre
civile de la Cour d'appel du canton de Berne dans la cause
qui opp

ose le recourant à la société X.________, agissant
par
son conseil d'administration, représentée par Me Claude
Brügger, avocat ...

«/2»

4P.69/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Godat Zimmermann.

_________________

Statuant sur le recours de droit public formé
par

B.________, représenté par Me Pierre Boillat, avocat à
Delémont,

contre

l'ordonnance rendue le 8 février 2001 par la IIème Chambre
civile de la Cour d'appel du canton de Berne dans la cause
qui oppose le recourant à la société X.________, agissant
par
son conseil d'administration, représentée par Me Claude
Brügger, avocat à Tavannes;

(art. 9 Cst.; arbitraire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat de travail du 25 avril 1991, la so-
ciété X.________ a engagé B.________ en qualité de
directeur.

En mai 1999, le président du conseil d'administra-
tion de la société X.________ a écrit à B.________ pour l'in-
former qu'un audit avait été commandé en raison des dysfonc-
tionnements constatés à la direction et dans les services de
l'entreprise. Quelques mois plus tard, les consultants sont
arrivés à la conclusion que B.________ n'avait pas le profil
pour occuper le poste de directeur; le président du conseil
d'administration l'a fait savoir à B.________ en juin 2000.

Dès la mi-juin 2000, le directeur était en congé
pour cause de maladie; il a repris son emploi à mi-temps en
juillet et à 75% à la mi-août 2000.

Lors d'une séance tenue le 8 septembre 2000, le Con-
seil d'administration de la société X.________ a informé
B.________ qu'il avait décidé de rompre le contrat de
travail
le liant à l'entreprise. L'alternative suivante lui était
présentée: soit démissionner, son salaire étant garanti pen-
dant six mois et des mesures d'accompagnement lui étant pro-
posées, soit attendre la notification du congé, qui inter-
viendrait dès son rétablissement complet, le délai de rési-
liation étant de six mois et des mesures d'accompagnement
étant également envisagées. A la même occasion, le Conseil
d'administration a relevé B.________ de ses fonctions de
directeur dès le 30 septembre 2000 et l'a enjoint à remettre
les clés de son bureau au président le 29 septembre 2000.
Par
ailleurs, il a décidé de mettre au concours le poste de di-

recteur en faisant paraître des annonces dans divers jour-
naux.

B.- Le 20 septembre 2000, B.________ a introduit
contre la société X.________ une requête de mesures préli-
minaires et provisoires comprenant les conclusions suivantes:

- «Ordonner à la requise, respectivement à son Conseil d'ad-
ministration, de cesser, avec effet immédiat, de porter at-
teinte aux intérêts personnels du requérant;

- Interdire à la requise, respectivement à son Conseil d'ad-
ministration, de prendre ou exécuter à l'encontre du requé-
rant des mesures de boycott ou de mise à pied, telles que:

. incitation à la démission;
. mises au concours publiques du poste de travail occupé
par le requérant;
. retrait des clés du bureau, etc.».

Par décision du 22 septembre 2000, le Président 3 de
l'arrondissement judiciaire I Courtelary-Moutier-La Neuvevil-
le a interdit à la société X.________, à titre préliminaire
et jusqu'à droit connu sur les conclusions provisoires, d'in-
citer B.________ à démissionner, de mettre au concours publi-
quement son poste de travail et de lui faire déposer les
clés
de son bureau, les conclusions préliminaires étant rejetées
pour le surplus.

Par décision du 10 octobre 2000, le même juge a an-
nulé les interdictions prononcées dans la décision de
mesures
préliminaires, rejeté la requête de mesures provisoires et
mis à la charge de B.________ les frais judiciaires ainsi
que
les dépens de la société X.________.

Le 23 octobre 2000, B.________ a interjeté un appel
dont les conclusions tendaient à ce qu'il soit interdit à la
société X.________ de prendre ou d'exécuter à son encontre

des mesures de mise à l'écart telles que la mise au concours
de son poste, l'éloignement de son lieu de travail ou le re-
trait des clés de son bureau.

Le même jour, le Conseil d'administration de la so-
ciété X.________ a fait diffuser dans l'entreprise une infor-
mation au personnel intitulée «Rupture du contrat du direc-
teur». Le lendemain, un communiqué identique a été transmis
à
divers médias. Le 25 octobre 2000, le Conseil d'administra-
tion a fait paraître dans deux journaux une annonce mettant
au concours le poste de directeur de la société X.________.

Par ordonnance du 26 octobre 2000, le Président de
la IIème Chambre civile de la Cour d'appel du canton de
Berne
a refusé d'accorder l'effet suspensif requis par l'appelant.

Dans une lettre du 3 novembre 2000, B.________ a
demandé à la Cour d'appel de constater que le litige avait
perdu son objet à la suite de l'exécution par la société
X.________ des mesures dont il requérait l'interdiction; il
concluait à ce que les frais et dépens soient mis à la
charge
de l'intimée.

Par ordonnance de liquidation du 8 février 2001, la
IIème Chambre civile a constaté que la procédure était deve-
nue sans objet et a rayé l'affaire du rôle. Elle a condamné
B.________ à payer les frais de première instance par
1000 fr. et les frais de deuxième instance par 500 fr.; elle
l'a également condamné à verser à la société X.________ une
indemnité de dépens de 4566 fr.20 pour la première instance
et de
1832 fr.85 pour la deuxième instance.

C.- B.________ forme un recours de droit public au
Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'ordonnance

de liquidation dans la mesure où il a été condamné au paie-
ment des frais et dépens, ainsi qu'au renvoi de la cause à
la
cour cantonale pour nouvelle décision sur ce point. A titre
éventuel, il demande que les frais des deux instances canto-
nales et ses propres dépens soient mis à la charge de l'inti-
mée.

La société X.________ propose le rejet du recours
dans la mesure où il est recevable.

Pour sa part, la cour cantonale se réfère aux consi-
dérants de sa décision.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 126 I 81 consid. 1 p. 83, 207 consid. 1; 126 III
274 consid. 1 p. 275; 125 I 253 consid. 1a p. 254, 412 con-
sid. 1a p. 414).

a) De jurisprudence constante, le recours de droit
public a, sauf exceptions non réalisées en l'espèce, une
fonction purement cassatoire; le recourant ne peut ainsi con-
clure qu'à l'annulation, totale ou partielle, de la décision
attaquée (ATF 125 I 104 consid. 1b p. 107; 124 I 231 consid.
1 p. 232; 123 I 87 consid. 5 p. 96). Dans la mesure où elles
tendent simplement au renvoi de la cause à l'autorité précé-
dente, les conclusions principales du recourant sont toute-
fois admissibles, car cette mesure est inhérente à l'annula-
tion de la décision. En revanche, en cas d'admission du re-
cours, il n'y aurait pas lieu d'entrer en matière sur les
conclusions éventuelles, par lesquelles le recourant prétend

voir le Tribunal fédéral se substituer à la cour cantonale
pour trancher la question des frais et dépens.

b) Aux termes de l'art. 86 al. 1 OJ, le recours de
droit public n'est recevable qu'à l'encontre des décisions
prises en dernière instance cantonale. En d'autres termes,
les griefs soulevés devant le Tribunal fédéral ne doivent
plus pouvoir faire l'objet d'un recours ordinaire ou extraor-
dinaire de droit cantonal (ATF 126 I 257 consid. 1a; 119 Ia
421 consid. 2b).

En droit bernois, la voie de l'appel n'est pas ou-
verte contre l'ordonnance sur les frais rendue par la Cour
d'appel à la suite d'un litige devenu sans objet (cf. art.
206 al. 2 du code de procédure civile du canton de Berne
[ci-après: Cpcb]; Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, Die Zi-
vilprozessordnung für den Kanton Bern, 5e éd., n. 6 ad art.
206 Cpcb). En revanche, une telle décision peut faire
l'objet
d'un pourvoi en nullité (art. 359 Cpcb; Leuch/Marbach/Keller-
hals/Sterchi, op. cit., n. 6 ad art. 206 et n. 1a ad art.
359
Cpcb). En l'espèce, le recourant se plaint d'une
appréciation
arbitraire des preuves, de l'application arbitraire du droit
cantonal, de la violation de la force dérogatoire du droit
fédéral et de la violation du principe de la proportionnali-
té. Aucun de ces griefs ne correspond à l'une des causes de
nullité énumérées à l'art. 359 Cpcb, de sorte que le recours
est recevable sous cet angle.

2.- a) Pour se prononcer sur les frais et dépens de
la procédure devenue sans objet, la cour cantonale a procédé
à un examen sommaire des chances de succès qu'auraient eues
les parties si la procédure avait abouti à un jugement. Elle
s'est demandé ainsi si le recourant avait rendu vraisembla-
ble, d'une part, que les mesures dont il réclamait l'inter-
diction portaient une atteinte illicite, imminente ou actuel-

le, à sa personnalité et, d'autre part, que cette atteinte
risquait de lui causer un préjudice difficilement réparable.
Faisant siens, pour l'essentiel, les considérants de la déci-
sion de première instance sur mesures provisoires, la Cour
d'appel observe que si la mise au concours publique du poste
et l'obligation de remettre les clés du bureau à très court
terme constituent des atteintes à la personnalité du recou-
rant, elles ne revêtent pas un caractère illicite, l'intérêt
privé de l'intimée à bénéficier d'une situation claire par
rapport à la marche de ses affaires s'avérant prépondérant.
Les juges cantonaux ajoutent que la mise en oeuvre du droit
d'être occupé pendant le délai de congé est très difficile-
ment réalisable et qu'une interdiction de chercher immédia-
tement à repourvoir un poste de cadre supérieur en cas de
résiliation du contrat du titulaire peut mettre en péril
l'entreprise concernée. En conséquence, la IIème Chambre
civile estime que le recourant aurait succombé si la procé-
dure d'appel avait été menée à son terme et qu'il se
justifie
de mettre à sa charge les frais et dépens des deux
instances.

b) Dans un premier moyen, le recourant reproche à la
cour cantonale d'avoir retenu arbitrairement que la
procédure
était devenue sans objet le 26 octobre 2000, date du refus
de
l'effet suspensif, et non à partir du 23 octobre 2000, date
à
laquelle l'intimée a commencé à exécuter les mesures dont le
recourant demandait l'interdiction. Or, poursuit le recou-
rant, la décision sur mesures provisoires du 10 octobre 2000
n'était pas encore entrée en force de chose jugée en date du
23 octobre 2000. Ainsi, la cour cantonale aurait dû
constater
que l'intimée avait rendu le litige sans objet en ne respec-
tant pas les interdictions imposées par la décision sur mesu-
res préliminaires du 22 septembre 2000. Par conséquent, il
serait arbitraire de n'avoir pas mis les frais de la procédu-
re et les dépens du recourant à la charge de l'intimée.

Selon le recourant, la Cour d'appel a, en outre, ap-
précié les preuves de manière insoutenable en constatant que
le directeur de l'entreprise cherchait à obtenir des mesures
provisoires pendant le délai de congé, alors qu'en réalité
son contrat de travail n'était pas résilié à l'époque. Ce
faisant, les juges cantonaux auraient également gravement
méconnu l'art. 336c al. 1 let. b et al. 2 CO, instituant la
nullité d'une résiliation signifiée pendant une incapacité
de
travail totale ou partielle qui résulte d'une maladie.
Fondée
sur une prémisse inexacte, la pesée d'intérêts à laquelle la
cour cantonale s'est livrée serait entachée d'arbitraire et
ne respecterait pas le principe de la proportionnalité consa-
cré à l'art. 5 al. 2 Cst.

3.- a) L'interdiction de l'arbitraire, déduite de
l'art. 4 aCst., est expressément consacrée à l'art. 9 Cst.
Selon la jurisprudence rendue sous l'ancien droit et
toujours
valable (ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170), une décision
n'est
pas arbitraire du seul fait qu'une autre solution pourrait
se
défendre, voire même être préférable. Le Tribunal fédéral
n'annulera la décision attaquée que lorsque celle-ci est ma-
nifestement insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction
évidente avec la situation de fait, qu'elle viole gravement
une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou en-
core lorsqu'elle heurte de manière choquante le sentiment de
la justice et de l'équité. Par ailleurs, il ne suffit pas
que
la motivation critiquée soit insoutenable; encore faut-il
que
la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 126
I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 166 consid. 2a; 125 II 10 con-
sid. 3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134; 124 I 247 consid. 5 p.
250; 124 V 137 consid. 2b).

L'ordonnance attaquée a été rendue en application de
l'art. 206 al. 1 Cpcb. Selon cette disposition, le tribunal
qui constate que le litige est devenu sans objet, déclare

l'affaire liquidée et, après avoir entendu les parties, mais
sans autre débat, statue sur les frais mis à la charge de
chaque partie et en fixe le montant. Pour ce faire, le juge
déterminera quelle partie aurait dû supporter les frais au
regard des art. 58 ss Cpcb si la procédure n'avait pas perdu
son objet; en règle générale, il s'agira de la partie qui au-
rait succombé au fond. Le juge se fondera sur la situation
existant lors de la survenance du motif rendant le procès
sans objet (Leuch/Marbach/Kellerhals/Sterchi, op. cit., n. 5
ad art. 206 Cpcb). Le droit de procédure fédéral connaît une
règle similaire à l'art. 72 PCF, applicable par renvoi de
l'art. 40 OJ. Selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral

doit commencer par déterminer l'issue probable du litige.
S'il n'est pas en mesure de le faire sur le vu du dossier,
il
appliquera alors les principes généraux du droit de procédu-
re; ceux-ci commandent de mettre les frais et dépens à la
charge de la partie qui a provoqué la procédure devenue sans
objet ou chez laquelle résident les motifs ayant mis fin au
litige (ATF 118 Ia 488 consid. 4a p. 494).

b) En l'espèce, il n'apparaît pas déterminant que la
cour cantonale ait fixé au 26 octobre plutôt qu'au 23
octobre
2000 le moment auquel la procédure a perdu son objet. En ef-
fet, la décision sur mesures provisoires du 10 octobre 2000
était immédiatement exécutoire (cf. art. 397 al. 1 Cpcb) et,
en matière sommaire, l'appel n'est pas assorti d'un effet
suspensif automatique (cf. art. 336a al. 1 Cpcb). Dès lors,
contrairement à ce qu'il semble prétendre, le recourant ne
pouvait pas, le 23 octobre 2000, invoquer la décision sur me-
sures préliminaires du 22 septembre 2000 pour obtenir une
abstention de la part de l'intimée.

Au demeurant, il est vrai que le procès est devenu
sans objet à la suite des dispositions prises par l'intimée
dès le 23 octobre 2000. Cette situation ne dispensait toute-

fois pas la IIème Chambre civile d'examiner les chances de
succès de l'appel si elle estimait être en mesure de le fai-
re. En tout cas, il n'y avait aucun arbitraire à procéder de
la sorte. Le premier grief ne peut qu'être rejeté.

c) Les mesures provisionnelles requises par le re-
courant étaient fondées sur l'art. 28c al. 1 CC.
Conformément
à cette disposition, il appartient au requérant de rendre
vraisemblable qu'il est l'objet d'une atteinte illicite à sa
personnalité, que cette atteinte est imminente ou actuelle
et
qu'elle risque de lui causer un préjudice difficilement répa-
rable. Vu le caractère absolu des droits de la personnalité,
toute atteinte est en principe illicite (cf. art. 28 al. 2
CC; Andreas Bucher, Personnes physiques et protection de la
personnalité, 4e éd., n. 623, p. 145; Pierre Tercier, Le nou-
veau droit de la personnalité, n. 591, p. 85). Mais le
requis
peut se prévaloir de l'un des motifs justificatifs prévus à
l'art. 28 al. 2 CC, en particulier d'un intérêt privé prépon-
dérant (cf. ATF 126 III 305 consid. 4a). Le juge procédera
alors à une pesée des intérêts en présence; il examinera si
le but poursuivi par le requis et les moyens mis en oeuvre à
cette fin sont dignes de protection (ATF 126 III 305 consid.
4a et les références).

Les dispositions que l'appelant voulait interdire à
l'intimée consistaient en la mise au concours de son poste
de
directeur, sa mise à l'écart de son lieu de travail et le re-
trait des clés de son bureau. En appel, le recourant ne men-
tionnait plus l'incitation à la démission. Au moment où la
procédure est devenue sans objet, le contrat de travail du
recourant n'avait pas été résilié. En effet, aucun élément
du
dossier ne laisse supposer que le directeur avait alors reçu
son congé. Au contraire, le compte-rendu de la séance du 8
septembre 2000 indique clairement que la notification de la
résiliation interviendra une fois le recourant rétabli. Or,

en octobre 2000, le directeur travaillait toujours à temps
partiel pour cause de maladie. C'est donc manifestement à
tort que la cour cantonale s'est référée à un éventuel droit
d'être occupé «pendant le délai de congé» et, deux lignes
plus loin, à la «résiliation du contrat de travail du titu-
laire». Il reste donc à examiner si, partant de cette consta-
tation erronée, la Cour d'appel est parvenue à un résultat
arbitraire.

Les mesures que le recourant entendait prévenir
constituaient indéniablement des atteintes aux droits de la
personnalité du travailleur, que l'employeur doit du reste
protéger et respecter en vertu de l'art. 328 CO. Voir son
poste mis au concours sans que le contrat de travail n'ait
été résilié apparaît comme un désaveu public; de même, les
mesures de mise à l'écart, telles l'éloignement du lieu de
travail et la restitution des clés du bureau, sont
contraires
au droit du travailleur d'exercer l'activité pour laquelle
il
a été engagé («droit d'être occupé»; Brunner/Bühler/Waeber,
Commentaire du contrat de travail, 2e éd., p. 100;
Rehbinder,
Berner Kommentar, n. 11 ad art. 328 CO). Dans le même ordre
d'idées, le Tribunal fédéral a déjà eu l'occasion de quali-
fier d'atteinte non négligeable aux droits de la
personnalité
le sort réservé à un chef de succursale qui s'était vu privé
publiquement des attributs de sa fonction (notamment retrait
du droit de signature sur les comptes bancaires et de sa car-
te de crédit) sans que le contrat de travail n'ait été rési-
lié (arrêt non publié du 12 décembre 1996, reproduit par Ga-
briel Aubert, Jurisprudence sur la résiliation du contrat de
travail, in Journée 1997 de droit du travail et de la sécuri-
té sociale, p. 123 ss, n. 10). Il convient de souligner néan-
moins que le droit à la protection de la personnalité du tra-
vailleur n'est pas absolu (Streiff/von Kaenel, Leitfaden zum
Arbeitsvertragsrecht, 5e éd., p. 202). En particulier, le
droit d'être occupé trouve sa limite dans un intérêt prépon-

dérant contraire de l'employeur, comme celui d'éloigner un
travailleur incompétent (Rehbinder, op. cit., n. 11 ad art.
328 CO).

Reprenant à son compte la pesée d'intérêts opérée
par le juge de première instance, la Cour d'appel est parve-
nue à la conclusion que l'intérêt de l'employeur à mettre ra-
pidement au concours le poste de directeur et à écarter le
titulaire était supérieur à l'intérêt contraire du
recourant.
Cette pondération résiste-t-elle au grief d'arbitraire,
étant
rappelé que le contrat de travail n'avait en réalité pas été
résilié?

Il résulte des faits relatés dans la décision du 10
octobre 2000 que, selon l'audit commandé par le conseil d'ad-
ministration, les qualités du recourant ne correspondaient
pas à celles exigées pour le poste de directeur et un
nouveau
directeur devait être désigné. Avant la mise en route de
l'audit, le conseil d'administration avait du reste déjà
constaté des dysfonctionnements au sein de la direction, en
particulier un manque de communication, de transparence et
de
collaboration entre la direction et les chefs de service.
L'intimée pouvait donc faire valoir la nécessité de rempla-
cer, le plus rapidement possible, un directeur jugé incompé-
tent. S'agissant d'une entreprise qui occupe tout de même
160
personnes, cet intérêt-là est important. Au surplus, l'emplo-
yeur pouvait invoquer un intérêt certain à ne pas maintenir
le recourant dans sa fonction de directeur, vu le risque évi-
dent de conflits préjudiciables à la marche de l'entreprise
que cette situation risquait de créer. Les mesures mises en
cause par le recourant répondaient dès lors à des intérêts
dignes de protection de l'intimée.

Dans les circonstances de l'espèce, il n'apparaît en
tout cas pas insoutenable d'admettre que ces intérêts l'em-

portent sur ceux du recourant, même non licencié, à ne pas
voir son poste mis au concours et à continuer à occuper l'em-
ploi pour lequel il avait été engagé. En déniant un
caractère
illicite aux atteintes que le recourant voulait empêcher, la
cour cantonale n'a pas abouti à un résultat arbitraire et
pouvait ainsi partir de l'idée que l'appel était voué à
l'échec. Le second moyen soulevé par le recourant se révèle
également mal fondé.

4.- Le recourant, qui succombe, prendra à sa charge
les frais de la procédure (art. 156 al. 1 OJ) et versera à
l'intimée une indemnité à titre de dépens (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une in-
demnité de 2000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIème Chambre civile de la Cour
d'appel du canton de Berne.

____________

Lausanne, le 13 juillet 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.69/2001
Date de la décision : 13/07/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-13;4p.69.2001 ?
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