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13/07/2001 | SUISSE | N°2P.118/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juillet 2001, 2P.118/2001


2P.118/2001
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

13 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Müller et Meylan, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

la Commune des Brenets, représentée par Me Jean-Claude
Schweizer, avocat à Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 2 avril 2001 par le Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel dans la c

ause qui oppose la
recourante
à AX.________ et BX.________, représentés par Me Stéphane
Boillat, avocat à Saint-Im...

2P.118/2001
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

13 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Müller et Meylan, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

la Commune des Brenets, représentée par Me Jean-Claude
Schweizer, avocat à Neuchâtel,

contre

l'arrêt rendu le 2 avril 2001 par le Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel dans la cause qui oppose la
recourante
à AX.________ et BX.________, représentés par Me Stéphane
Boillat, avocat à Saint-Imier et au Département de l'instruc-
tion publique et des affaires culturelles du canton de
Neuchâtel;

(autonomie communale; fréquentation de l'école enfantine en
dehors de la commune de domicile)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 14 juin 1999, AX.________ et BX.________,
domiciliés dans la commune des Brenets, ont sollicité l'auto-
risation de scolariser leur fils C.________, né le 4
novembre
1994, à l'école enfantine du Locle, tout en étant dispensés
des frais d'écolage. Ils alléguaient les difficultés de
transport entre leur domicile et la commune des Brenets,
alors qu'ils avaient la possibilité d'emmener leur fils en
voiture en se rendant à leur lieu de travail respectif, au
Locle et à Chaux-de-Fonds. Sans réponse de la commune, ils
ont renouvelé leur requête le 18 juin 2000, pour l'année sco-
laire 2000-2001.

Par prononcé du 28 juin 2000, la Commission scolaire
des Brenets a décidé d'accepter la scolarisation de l'enfant
au Locle durant l'année 1999-2000, mais de réclamer aux pa-
rents une contribution de 2'800 fr. sur l'écolage de 3'572
fr.
facturé par la Ville du Locle à la commune des Brenets. En
revanche, afin d'éviter de créer un précédent qui aurait pu
remettre en question l'existence d'une école enfantine dans
la commune, elle s'est opposée à la poursuite de cette scola-
risation pour l'année 2000-2001, les époux X.________ étant
informés que, dans le cas contraire, ils devraient supporter
l'intégralité des frais d'écolage au Locle.

B.- Après le rejet de leur recours par le Départe-
ment de l'instruction publique et des affaires culturelles,
le 18 août 2000, les époux X.________ ont recouru auprès du
Tribunal administratif; ils insistaient sur le fait qu'en
l'absence de ramassage scolaire et de transport public, leur
enfant n'était pas en mesure de se rendre seul à l'école.

Par arrêt du 2 avril 2001, le Tribunal administratif
a admis le recours et prononcé que les conditions pour accor-
der une dérogation selon l'art. 25 al. 2 de la loi neuchâte-
loise sur l'organisation scolaire du 28 mars 1984 (en
abrégé:
LOS) étaient réunies.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation de son autonomie, la commune des Brenets con-
clut, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ar-
rêt du Tribunal administratif, la cause étant renvoyée à
l'autorité intimée pour nouvelle décision.

Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt et
conclut au rejet du recours, alors que le Département de
l'instruction publique et des affaires culturelles conclut à
son admission, en estimant que la juridiction cantonale a
fait une interprétation extensive de l'art. 25 al. 2 LOS, in-
compatible avec une bonne organisation scolaire.

Au terme de leurs observations, AX.________ et
BX.________ concluent au rejet du recours, sous suite de
frais et dépens.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours de droit public formé par une com-
mune pour violation de son autonomie est, selon la jurispru-
dence, un recours "pour violation de droits constitutionnels
des citoyens", au sens de l'art. 84 al. 1 lettre a OJ, et
les
conditions légales de recevabilité des art. 84 ss OJ s'y ap-
pliquent (ATF 119 Ia 214 consid. 1a p. 216; 103 Ia 468 con-
sid. 4a p. 474; A cet égard, la réclamation pour violation
de
l'autonomie des communes, actuellement prévue par l'art. 189
al. 1 lettre b Cst., n'a pas d'autre portée que de consacrer

expressément la solution jurisprudentielle (FF 1997 I 433;
Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit cons-
titutionnel suisse, vol. I, Berne 2000, n. 2018 ss, p. 726).

b) Selon la jurisprudence relative à l'art. 84 al. 1
lettre a OJ, le recours pour violation de droits constitu-
tionnels des citoyens n'est recevable que si l'acte attaqué,
pris sous la forme d'un arrêté de portée générale ou d'une
décision particulière, affecte d'une façon quelconque la si-
tuation juridique du justiciable, notamment en lui imposant
une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer (ATF
125
I 119 consid. 2a p. 121 et les arrêts cités). La commune qui
se plaint d'une violation de son autonomie doit elle aussi
être atteinte ou affectée dans sa situation juridique, en
tant que détentrice de la puissance publique (ATF 124 I 223
consid. 1b p. 226 et les arrêts cités). La question de
savoir
si, dans un domaine juridique particulier, la commune jouit
effectivement de l'autonomie qu'elle invoque, ne se rapporte
pas à la recevabilité du recours, mais à son bien-fondé (ATF
124 I 223 consid. 1b p. 226; 121 I 218 consid. 2a p. 220;
119
Ia 214 consid. 1c p. 216/217, 285 consid. 4a p. 294, et les
arrêts cités).

c) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'es-
pèce, le recours de droit public ne peut tendre qu'à l'annu-
lation de la décision attaquée (ATF 127 II 1 consid. 2c p.
5;
126 II 377 consid. 8c p. 395 et les arrêts cités). Les con-
clusions de la recourante qui sortent de ce cadre sont dès
lors irrecevables.

2.- a) L'autonomie communale est garantie dans les
limites fixées par le droit cantonal (art. 50 al. 1 Cst.).
Une commune bénéficie de la protection de son autonomie, as-
surée par la voie du recours de droit public, dans les domai-
nes que le droit cantonal ne règle pas de façon exhaustive,

mais qu'il laisse en tout ou partie dans la sphère
communale,
conférant par là aux autorités municipales une liberté de dé-
cision appréciable (ATF 126 I 133 consid. 2 p. 136; 124 I
223
consid. 2b p. 226/227). L'existence et l'étendue de l'autono-
mie communale dans une matière concrète sont déterminées es-
sentiellement par la constitution et la législation cantona-
les, voire exceptionnellement par le droit cantonal non
écrit
et coutumier (ATF 122 I 279 consid. 8b p. 290; 116 Ia 285
consid. 3a p. 287; 115 Ia 42 consid. 3 p. 44 et les arrêts
cités). L'autonomie de la commune lui permet de se plaindre
tant des excès de compétence d'une autorité cantonale que de
la violation par celle-ci des règles du droit fédéral, canto-
nal ou communal qui régissent la matière (ATF 126 I 133 con-
sid. 2 p. 136; 124 I 223 consid. 2b p. 227; 122 I 279
consid.
8c p. 291, et les arrêts cités).

b) En droit neuchâtelois, l'autonomie communale est
garantie dans les limites de la Constitution et des lois
(art. 64 al. 3 Cst.neuch.). En matière scolaire, la loi ne
laisse que peu de liberté aux communes, même si celles-ci
collaborent à son application, notamment en étant responsa-
bles de l'organisation et de la gestion des écoles. En ce
qui
concerne plus particulièrement l'école enfantine, l'art. 5
de
la loi cantonale du 17 octobre 1983 sur l'école enfantine
prévoit certes que chaque commune édicte les dispositions
d'organisation de son école enfantine, mais ces dispositions
sont soumises à la ratification du Conseil d'Etat, lequel
est
chargé des modalités d'application. Ainsi, selon l'art. 6 du
règlement d'application de la loi sur l'école enfantine du
12
mai 1999 (ci-après: le règlement), le Département de l'ins-
truction publique et des affaires culturelles exerce la sur-
veillance de l'organisation et des activités de l'école en-
fantine (al. 1) et détermine les modalités de cette tâche en
l'attribuant au service de l'enseignement primaire et à
l'inspection de l'école enfantine (al. 2). Comme pour
l'école
primaire (art. 13 LOS), le règlement prévoit que chaque com-

mune dispose d'une école enfantine, mais que des communes li-
mitrophes peuvent s'entendre pour créer une école enfantine
intercommunale. Pour ce qui est du financement, l'art. 23 du
règlement prescrit que les subventions cantonales en matière
d'école enfantine sont régies par les mêmes dispositions que
celles applicables aux écoles primaires et secondaires du de-
gré inférieur (art. 45 à 61 LOS). D'une manière générale, le
droit cantonal règle donc de manière précise et détaillée
les
questions touchant à l'école obligatoire, afin d'assurer
l'égalité de traitement pour les prestations scolaires en fa-
veur des élèves, quel que soit le lieu de domicile. Tel est
notamment le cas de de l'art. 25 LOS, prescrivant que:

"1. Les élèves fréquentent l'école primaire de la
commune qu'ils habitent.

2. Ils peuvent fréquenter l'école d'une autre com-
mune lorsqu'elle est sensiblement plus proche
de
leur domicile ou lorsque l'organisation des
classes le justifie."

La loi sur l'école enfantine et son règlement d'ap-
plication ne contiennent pas de dispositions semblables,
mais
il n'est pas contesté que l'art. 25 LOS s'applique par analo-
gie aux enfants qui suivent l'école enfantine.

c) Contrairement à ce que soutient la recourante, il
résulte de la réglementation précitée que le droit cantonal
entend fixer de façon uniforme le principe de la fréquenta-
tion de l'école au lieu de domicile des enfants et les situa-
tions qui permettent de déroger à ce principe. Les communes
peuvent certes interpréter la notion de proximité de manière
plus ou moins large, selon qu'elles mettent l'accent sur la
distance effective entre l'école et le domicile de l'enfant
concerné ou qu'elles tiennent compte avant tout des voies
d'accès et des moyens de transports disponibles. Le choix en-
tre les différentes interprétations possibles ne saurait tou-

tefois dépendre uniquement des circonstances locales, suscep-
tibles de varier d'une commune à l'autre. La compétence déci-
sionnelle laissée aux communes ne relève donc pas de leur au-
tonomie. A cela s'ajoute que, dans la mesure où l'octroi
d'une dérogation au principe de la fréquentation de l'école
au lieu de domicile met également en cause la commune où la
scolarisation est prévue, il paraît juste que la loi impose
une pratique uniforme sur tout le territoire cantonal.

Il est vrai que les craintes de la recourante et du
département intimé pourraient être fondées, si l'autorité
cantonale de recours donnait de l'art. 25 al. 2 LOS une in-
terprétation toujours plus extensive qui, à la longue, ne se-
rait pas sans incidence sur l'organisation et la gestion des
écoles communales. En l'état, ces craintes ne suffisent ce-
pendant pas à considérer que la recourante puisse être tou-
chée dans son autonomie, eu égard aux compétences que lui
confère le droit cantonal dans l'organisation de son école
enfantine.

3.- Au vu de ce qui précède le recours doit être re-
jeté dans la mesure où il est recevable. La recourante - qui
succombe, et dont les intérêts pécuniaires sont en cause -
devra supporter un émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ).
Il lui appartiendra également de verser aux intimés, repré-
sentés par un mandataire professionnel, une indemnité à
titre
de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable.

2. Met à la charge de la recourante un émolument ju-
diciaire de 2'000 fr.

3. Dit que la recourante versera aux époux
AX.________ et BX.________ une indemnité de 2'000 fr. à
titre
de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Département de l'instruction publique
et des affaires culturelles et au Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel.
_______________

Lausanne, le 13 juillet 2001
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.118/2001
Date de la décision : 13/07/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-13;2p.118.2001 ?
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