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12/07/2001 | SUISSE | N°H.383/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 juillet 2001, H.383/00


«AZA 7»
H 383/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Meyer, Ferrari et Kernen; Berset, Greffière

Arrêt du 12 juillet 2001

dans la cause

A.________, recourante, représentée par Maître Monica
Bertholet, avocate, rue du Rhône 100, 1211 Genève 3,

contre

Caisse suisse de compensation, avenue Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimée,

et

Tribunal cantonal des assurances, Sion

A.- A.________, divorcée de B.________, e

st créancière
de son ex-époux d'un montant de 143 714 fr. 20 représentant
les pensions alimentaires et les contributions d'entretien
...

«AZA 7»
H 383/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Meyer, Ferrari et Kernen; Berset, Greffière

Arrêt du 12 juillet 2001

dans la cause

A.________, recourante, représentée par Maître Monica
Bertholet, avocate, rue du Rhône 100, 1211 Genève 3,

contre

Caisse suisse de compensation, avenue Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimée,

et

Tribunal cantonal des assurances, Sion

A.- A.________, divorcée de B.________, est créancière
de son ex-époux d'un montant de 143 714 fr. 20 représentant
les pensions alimentaires et les contributions d'entretien
impayées au 13 mai 1998.
Condamné en septembre 1997 par la justice pénale,
B.________ est retourné en Turquie où il a sollicité le
transfert des cotisations qu'il avait versées à l'AVS
suisse.

A.________ a requis du juge le séquestre, à
concurrence de sa créance, des cotisations dont le trans-
fert a été sollicité ou de la créance de son ex-époux
envers la Caisse suisse de compensation. Elle a, par
ailleurs, demandé à l'administration la compensation de sa
créance avec les cotisations de son ex-époux.
Par décision du 18 octobre 1999, la Caisse suisse de
compensation (la Caisse) a refusé la compensation requise.

B.- L'intéressée a recouru devant le Tribunal des
assurances du canton du Valais contre cette décision en
concluant à son annulation, à la validation du séquestre, à
la condamnation de la caisse au paiement en ses mains de
143 713 fr. avec intérêt à 5 % l'an dès le 13 mai 1998, à
défaut, à ce qu'elle soit reconnue titulaire à concurrence
de 143 713 fr. avec intérêt à 5 % de la créance en rembour-
sement de B.________ envers la caisse.
La juridiction cantonale est entrée en matière sur la
demande de compensation, considérant pour le surplus les
autres conclusions comme irrecevables. Elle a rejeté le
recours de l'intéressée, sans frais ni dépens, par jugement
du 2 octobre 2000.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont elle demande l'annulation.
Elle conclut à ce que le juge ordonne le maintien du
séquestre et le versement en ses mains, dans la mesure où
elles sont remboursables à B.________, des cotisations
litigieuses à concurrence de 143 713 fr. plus intérêt à 5 %
dès le 13 mai 1998.
La Caisse a conclu au rejet du recours alors que
l'Office fédéral des assurances sociales n'a pas déposé
d'observations.

Considérant en droit :

1.- Selon les art. 271 ss LP, le séquestre est la
seule mesure conservatoire que le droit fédéral permette de
prendre pour garantir l'exécution forcée ayant pour objet
une somme d'argent. Il appartient aux cantons de désigner
l'autorité chargée d'ordonner le séquestre (art. 23 LP),
compétence qui doit être attribuée à une autorité judi-
ciaire.
Dans le canton de Genève, cette compétence a été
attribuée au président du Tribunal de première instance
(art. 22 de la loi d'application dans le canton de Genève
de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la fail-
lite, RS/GE E 3 60). Il n'existe ainsi aucune compétence du
juge des assurances sociales pour se prononcer en matière
ou au sujet d'un séquestre de la LP.
Dans le cas d'espèce, les juges cantonaux ont dès
lors, à juste titre, déclaré cette conclusion irrecevable,
comme l'est pour le même motif la conclusion de la recou-
rante, reprise en procédure fédérale, tendant à la valida-
tion du séquestre.

2.- a) Selon l'art. 18 al. 3 LAVS, les cotisations
payées par des étrangers originaires d'un État avec lequel
aucune convention n'a été conclue peuvent, à titre excep-
tionnel, être remboursées à eux-mêmes ou à leur survivants.
Les conditions et l'étendue du remboursement sont fixées
dans l'Ordonnance du Conseil fédéral sur le remboursement
aux étrangers des cotisations versées à l'assurance-
vieillesse et survivants, du 29 novembre 1995 (OR-AVS). En
particulier, selon l'art. 1 OR-AVS, le remboursement sup-
pose que les cotisations aient été payées pendant une année
au total et qu'elles n'ouvrent pas droit à une rente.
L'application de cette disposition, à titre exception-
nel, postule clairement l'absence de convention de sécurité
sociale avec l'Etat dont l'assuré est originaire.

b) En l'espèce, il n'est pas contesté que B.________
est un ressortissant turc domicilié en Turquie et que dès
lors font règle les dispositions conventionnelles passées
entre la Suisse et la République de Turquie, à l'exclusion
de l'art. 18 al. 3 LAVS.

3.- a) Les art. 8 à 11 de la Convention de sécurité
sociale entre la Suisse et la République de Turquie (la
Convention), conclue à Ankara le 1er mai 1969, règlent les
conditions auxquelles les ressortissants turcs résidant ou
ayant résidé en Suisse peuvent prétendre les prestations de
l'assurance-vieillesse et survivants et de l'assurance-
invalidité suisses.

b) Ces dispositions ont été complétées par l'art. 10a,
introduit par l'Avenant conclu entre les États contractants
le 25 mai 1979, qui dispose :

«Les ressortissants turcs ont la faculté, en déroga-
tion aux articles 8 et 12 de la Convention, de demander le
transfert aux assurances turques des cotisations versées en
leur faveur à l'assurance-vieillesse et survivants suisse,
à condition toutefois qu'ils n'aient encore bénéficié
d'aucune prestation des assurances vieillesse, survivants
et invalidité suisses et qu'ils aient quitté la Suisse pour
s'établir en Turquie ou dans un pays tiers» (al. 1).
«Les cotisations sont transférées à l'Institut turc
des assurances sociales qui les attribue à l'organisme
assureur compétent selon la législation turque. Ces
cotisations et périodes y relatives sont assimilées à des
cotisations et des périodes turques pour l'ouverture du
droit à une pension turque et pour son calcul. S'il ne
résulte des cotisations transférées aucun avantage pour
l'assuré ou ses survivants dans les assurances-pensions
turques, l'organisme compétent rembourse aux intéressés les
cotisations qui avaient été transférées» (al. 3).

c) Jusqu'en 1982, la Suisse avait adopté, dans les
conventions de sécurité sociale passées avec d'autres pays,
la méthode de calcul qu'elle applique à ses assurances
internes, soit la proratisation de la rente AVS sur la base
des données suisses. Avec les accords passés à cette époque
avec l'Italie, la Grèce et la Turquie, il a été stipulé,
pour des raisons administratives notamment, que les ressor-
tissants de ces pays peuvent demander le transfert des
cotisations AVS à l'assurance de leur pays s'ils quittent
la Suisse définitivement au moment d'atteindre la limite
d'âge fixée par le droit de leur pays (Italie, Grèce) ou,
d'une manière générale, s'ils quittent la Suisse définiti-
vement (Turquie). C'est le but visé par l'art. 10a de la
Convention avec la Turquie. Les cotisations transférées
servent à augmenter la rente du pays d'origine; d'autre
part, l'étranger qui se trouve dans cette situation renonce
définitivement à tous ses droits envers l'assurance suisse,
droits qui pourraient découler de ces cotisations (cf.
Exposé de l'OFAS intitulé "Principales règles concernant
les rentes AVS et AI dans les conventions internationales
conclues par la Suisse", RCC 1982, p. 337).

4.- a) Conformément à l'art. 10a de la Convention,
l'Institut turc des assurances sociales a demandé à la
Caisse suisse de compensation le transfert des cotisations
versées à raison de son activité lucrative en Suisse par
B.________, ressortissant turc retourné définitivement en
Turquie. Au regard des dispositions conventionnelles
précitées, il n'existe pas de base légale permettant de
retenir ou de différer ce versement, voire de le soumettre
à des conditions lorsque les réquisits de la Convention
sont respectés comme en l'espèce. Il n'aurait pu en aller
différemment que dans l'hypothèse - non réalisée dans le
cas particulier (cf. consid. 2) - où l'art. 18 al. 3 LAVS
ainsi que l'OR-AVS seraient applicables.

b) Par ailleurs, il ne saurait être contesté que le
montant n'est pas destiné à être remboursé à l'assuré mais
que, versé à l'intention de l'organisme assureur compétent,
il va constituer un élément pour le financement des rentes
de vieillesse et survivants de la sécurité sociale turque
et permettre d'augmenter les rentes de l'assuré. Dans cette
mesure, ce montant est soustrait à toute exécution forcée
en vertu de l'art. 20 al. 1 LAVS, si bien que la recourante
et créancière n'est pas fondée à en obtenir le paiement
total ou partiel en ses mains.

c) L'art. 10a al. 3 in fine de la Convention réserve
certes le remboursement s'il ne résulte aucun avantage pour
l'assuré ou ses survivants. Mais ce montant ne pourra, le
cas échéant, être déterminé qu'au moment où les conditions
ouvrant le droit à une rente de vieillesse ou de survivants
sont remplies. Or les règles conventionnelles ne permettent
précisément pas de différer ce transfert jusqu'à cette
date, dès lors que, comme on l'a vu, la Convention avec la
Turquie, contrairement aux conventions qui reprennent le
système du transfert des cotisations AVS, prévoit le trans-
fert avant l'âge de la retraite, mais au moment où l'assuré
quitte définitivement la Suisse.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
rejeté.

II. Les frais de justice, d'un montant de 3000 fr., sont
mis à la charge de la recourante et sont couverts par
l'avance de frais de 5000 fr. qu'elle a effectuée; la
différence d'un montant de 2000 fr. lui est restituée.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton du Valais et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 12 juillet 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.383/00
Date de la décision : 12/07/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-12;h.383.00 ?
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