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09/07/2001 | SUISSE | N°K.139/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 juillet 2001, K.139/00


«AZA 7»
K 139/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Rüedi et Widmer; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 9 juillet 2001

dans la cause

1. Caisse-maladie Amasco/SSEC, 8400 Winterthur,
2. Caisse-maladie Artisana, Effingerstrasse 59,
3000 Berne,
3. Avenir Assurances, Société suisse d'assurance-maladie
et accidents, route du Petit-Moncor 6,
1752 Villars-sur-Glâne,
4. La Caisse Vaudoise, Assurance maladie et accidents, rue
Caroline 11, 1001 Lausa

nne,
5. Caisse-maladie CFF, Bahnhofplatz 10B, 3011 Berne,
6. Caisse Genevoise d'Assurance Maladie, chemin des
Po...

«AZA 7»
K 139/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Rüedi et Widmer; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 9 juillet 2001

dans la cause

1. Caisse-maladie Amasco/SSEC, 8400 Winterthur,
2. Caisse-maladie Artisana, Effingerstrasse 59,
3000 Berne,
3. Avenir Assurances, Société suisse d'assurance-maladie
et accidents, route du Petit-Moncor 6,
1752 Villars-sur-Glâne,
4. La Caisse Vaudoise, Assurance maladie et accidents, rue
Caroline 11, 1001 Lausanne,
5. Caisse-maladie CFF, Bahnhofplatz 10B, 3011 Berne,
6. Caisse Genevoise d'Assurance Maladie, chemin des
Pontets 3bis, 1212 Grand-Lancy,
7. Caisse-maladie suisse pour les industries du bois et du
bâtiment et branches annexes (CMBB), avenue de la
Gare 20, 1950 Sion,
8. Caisse maladie publique (CMP-OEKK), 3186 Düdingen,
9. CONCORDIA Assurance suisse de maladie et accidents,
Bundesplatz 15, 6002 Lucerne,
10. Caisse-maladie CPT, Tellstrasse 18, 3000 Berne 22,
11. CSS Assurance, Rösslimattstrasse 40, 6002 Lucerne,
12. Caisse maladie Evidenzia, fusionnée avec Visana,
3000 Berne,
13. FAMA, Caisse-maladie et accidents, nouveau: SUPRA,
14. "La Fédérale" Caisse de santé, Brislachstrasse 2,
4242 Laufen,
15. FRV, 1820 Montreux,
16. FTMH caisse-maladie et accident, Weltpoststrasse 20,
3000 Berne 15,
17. Caisse-maladie et accident FUTURA, avenue de la
Gare 20, 1951 Sion,

18. Société suisse Grütli (actuellement Visana),
3000 Berne,
19. Helsana Assurances SA, Stadelhoferstrasse 25,
8024 Zürich,
20. Hermes caisse-maladie, avenue de la Gare 20, 1951 Sion
21. INTRAS Caisse Maladie, Administration Centrale, rue
Blavignac 10, 1227 Carouge GE,
22. Kolping Krankenkasse, Badenerstrasse 78, 8026 Düben-
dorf,
23. Caisse maladie Mutual, 1227 Carouge GE,
24. Mutuelle Valaisanne, avenue de la Gare 20, 1951 Sion,
25. Philos, Caisse maladie-accident, Section AMBB, avenue
d'Ouchy 7, 1001 Lausanne,
26. Caisse-maladie Progrès, rue Daniel-Jean Richard 19,
2400 Le Locle,
27. Sanitas Assurance suisse de maladie, Lagerstrasse 107,
8021 Zürich,
28. SUPRA Caisse-maladie, chemin de Primerose 35,
1000 Lausanne 3,
29. SWICA Organisation de santé, Römerstrasse 38,
8401 Winterthur,
30. UNITAS, Assurance suisse de maladie et accidents,
Weidengasse 3, 5012 Schönenwerd,
31. Universa Caisse-maladie, avenue de la Gare 20,
1950 Sion,
32. Wincare Assurances, Konradstrasse 14, 8401 Winterthur,
recourantes, toutes les trente-deux agissant par la Fédéra-
tion vaudoise des assureurs-maladie, avenue de la Rasude 2,
1006 Lausanne,
elle-même représentée par Me Jacques Morier-Genoud, avocat,
rue Centrale 5, 1002 Lausanne, auquel s'est substitué
Me Olivier Burnet, avocat, Petit-Chêne 18, 1003 Lausanne,

contre

P.________, intimé, représenté par Me Daniel Pache, avocat,
Place St-François 11 et 12, 1003 Lausanne,

et

Tribunal arbitral des assurances du canton de Vaud,
Lausanne

A.- Le 16 juillet 1998, trente-deux caisses-maladie,
toutes représentées par la Fédération vaudoise des assu-
reurs-maladie (ci-après : FVAM), ont requis la constitution
du Tribunal arbitral des assurances du canton de Vaud dans
le litige qui les oppose au docteur P.________, médecin,

auquel elles réclament la restitution d'une somme de
122'000 francs avec intérêt à 5 % l'an dès le 1er juillet
1996 au titre d'honoraires reçus à tort.
Après l'échec de la tentative de conciliation, le tri-
bunal arbitral a été constitué. D'entrée de cause, le dé-
fendeur a contesté la recevabilité de la demande et, après
un échange de mémoires complémentaires à ce sujet, les par-
ties ont convenu, avec l'accord du tribunal, que celui-ci
statuerait à titre préjudiciel sur cette seule question.

B.- Par jugement du 4 novembre 1999, le tribunal arbi-
tral a déclaré la demande irrecevable et mis les frais de
la cause, par 3000 francs, à la charge des demanderesses
sans allouer de dépens.

C.- Les demanderesses, toujours représentées par la
FVAM, interjettent recours de droit administratif contre ce
jugement dont elles requièrent l'annulation, en invitant le
Tribunal fédéral des assurances à déclarer recevable leur
demande et à mettre les frais de la cause ainsi qu'une in-
demnité de dépens de 5000 francs à la charge «des défen-
deurs» (sic).
Le docteur P.________ conclut, sous suite de dépens,
au rejet du recours. De son côté, l'Office fédéral des
assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Aux termes du procès-verbal de l'audience du tri-
bunal arbitral du 4 novembre 1999, les parties se sont dé-
clarées d'accord que le jugement du tribunal arbitral,
portant uniquement sur la question de la recevabilité de
l'action, «puisse être déféré devant le Tribunal fédéral
des assurances, quelle que soit la solution finale.»

Or, il va de soi que seul le Tribunal fédéral des as-
surances est habilité à décider quelles causes peuvent être
portées devant lui en vertu de l'art. 91 LAMal. Cependant,
la question n'a pas d'intérêt dans le contexte du cas d'es-
pèce, du moment que le tribunal arbitral a jugé la demande
irrecevable. Ce n'est que s'il était arrivé à la conclusion
inverse, dans le cadre d'un jugement partiel sur le fond,
que la question de la recevabilité du recours de droit ad-
ministratif aurait pu se poser (cf. ATF 122 V 153 consid. 1
et les références). En déclarant la demande irrecevable,
l'autorité cantonale a tranché la cause au fond par un ju-
gement final, de sorte que le recours formé par les caisses
demanderesses est recevable de ce chef.

2.- Le jugement attaqué n'ayant pas pour objet l'oc-
troi ou le refus de prestations d'assurance (ATF 119 V 449
consid. 1), le Tribunal fédéral des assurances doit se bor-
ner à examiner si les premiers juges ont violé le droit fé-
déral, y compris par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir
d'appréciation, ou si les faits pertinents ont été consta-
tés d'une manière manifestement inexacte ou incomplète, ou
s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a
et b et 105 al. 2 OJ).

3.- A titre préliminaire, le défendeur et intimé exci-
pe du défaut de la FVAM pour agir en son propre nom dans la
présente cause. Toutefois, contrairement à ce qu'il allè-
gue, il ressort clairement du dossier que cette fédération
agit en qualité de représentante des trente-deux caisses-
maladie demanderesses et recourantes, ce que la jurispru-
dence a toujours considéré comme licite (ATF 110 V 348;
consid. 3 de l'arrêt K 11/86, non publié in RAMA 1988
n° K 786, p. 416). Ce moyen se révèle ainsi mal fondé.

4.- Aux termes de l'art. 56 al. 1 et 2 LAMal :

« 1 Le fournisseur de prestations doit limiter ses presta-
tions à la mesure exigée par l'intérêt de l'assuré et
le but du traitement.

2 La rémunération des prestations qui dépassent cette
limite peut être refusée. Le fournisseur de presta-
tions peut être tenu de restituer les sommes reçues à
tort au sens de la présente loi. Ont qualité pour de-
mander la restitution :
a. l'assuré ou, conformément à l'article 89, 3e ali-
néa, l'assureur dans le système du tiers garant
(art. 42, 1er al.);
b. l'assureur dans le système du tiers payant
(art. 42, 2e al.)»

D'après les premiers juges, «au regard de l'art. 56
LAMal (...) la démarche des demandeurs ne paraît plus pos-
sible contrairement à la pratique en vigueur sous l'empire
de la LAMA. C'est en effet, conformément à l'art. 56 al. 2
LAMal, à chaque assuré individuellement, représenté par son
assureur - dans le système du tiers garant (art. 89 al. 3
LAMal) - et à chaque assureur - conformément au système du
tiers payant - qu'il incombe d'intervenir auprès du four-
nisseur de prestations concerné, dans la mesure où il n'au-
rait pas respecté le principe de l'économicité du traite-
ment». Cette thèse se fonde apparemment sur un arrêt de la
Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral qui a considé-
ré que l'assuré qui, au lieu de payer la facture d'un pres-
tataire de soins médicaux (en l'occurrence une clinique),
utilise à d'autres fins l'argent versé par sa caisse-mala-
die, ne se rend pas coupable d'abus de confiance au sens de
l'ancien art. 140 CP (ATF 117 IV 256). Dès lors, en con-
cluent les juges cantonaux, dans le système du tiers ga-
rant, comme ce n'est pas la caisse mais l'assuré qui rétri-
bue le fournisseur de prestations, ce n'est pas elle non
plus qui peut exiger de ce dernier la restitution d'une
somme qu'elle ne lui a pas versée; ainsi, la demande est
irrecevable.

Les recourantes contestent ce point de vue et soutien-
nent qu'en édictant l'art. 56 al. 2 LAMal le législateur
n'entendait pas modifier le régime fondé sur l'art. 23 LAMA
qui, comme cela ressort du texte de la disposition, recon-
naît à l'assureur un droit propre à agir contre un fournis-
seur de prestations même dans le système du tiers garant
(art. 56 al. 2 let. a LAMal). Selon elles, il s'agit d'un
droit fondé sur une cession légale de la créance de l'assu-
ré en faveur de l'assureur. Au demeurant, toujours selon
les recourantes, on parviendrait à la même conclusion en se
fondant sur la volonté du législateur telle qu'on peut la
dégager des travaux préparatoires. Si l'on devait suivre la
thèse des premiers juges, cela conduirait à une différence
de traitement insoutenable entre les fournisseurs de pres-
tations - notamment les médecins - liés aux fédérations
cantonales de caisses-maladie par une convention instaurant
le système du tiers payant et les autres. Le contrôle du
caractère économique du traitement médical serait rendu to-
talement illusoire.
Quant à l'intimé dont la thèse a, pour l'essentiel,
été suivie par le tribunal arbitral, il se réfère lui aussi
à l'arrêt précité de la Cour de cassation pénale du Tribu-
nal fédéral et conteste l'existence d'un droit propre de
l'assureur pour agir en restitution du trop-perçu dans le
système du tiers garant. Il s'appuie en particulier sur un
article de son arbitre, le professeur honoraire Jean-Louis
Duc La polypragmasie sous l'empire de l'article 23 LAMA et
au regard de l'article 56 LAMal (in: Etudes de droit
social, Cahiers genevois et romands de sécurité sociale
[CGSS], Hors série no 3 (2001), p. 107-114), dont l'opinion
a convaincu le tribunal arbitral vaudois.

5.- a) Le texte de l'art. 56 al. 2 let. a LAMal - dont
l'interprétation est au centre du présent litige - est
issu, pratiquement sans changement, de l'art. 48 al. 2
let. a du projet du Conseil fédéral du 6 novembre 1991 (FF
1992 I 260), lui-même repris, avec quelques modifications

purement rédactionnelles, de l'art. 41 al. 2 let. a du pro-
jet de la commission d'experts du 2 novembre 1990
(p. 124-125). Cette dernière s'exprimait ainsi qu'il suit
dans son rapport (p. 67 et ss) :

«Comme actuellement (art. 23 LAMA) dans chaque cas particu-
lier, on se fondera sur l'intérêt de l'assuré et le but du
traitement pour déterminer dans quelle mesure une presta-
tion doit être prise en charge par l'assurance obligatoire
des soins. Les fournisseurs de prestations doivent s'en te-
nir à cette limite (...). Si, pour des prestations qui dé-
passent la limite, des rémunérations ont déjà été payées,
leur restitution peut être demandée. A le droit de demander
la restitution, dans le système du tiers payant, l'assureur
et, dans celui du tiers garant, l'assuré ou l'assureur. En
cas de litige avec le fournisseur de prestations, l'assu-
reur, dans le système du tiers garant, doit, à ses frais,
représenter l'assuré.»

Ce passage est repris, pour l'essentiel, dans le mes-
sage du Conseil fédéral à l'appui de l'art. 48 du projet de
loi (FF 1992 I 171).

b) D'après l'art. 32 al. 1 LAMal, les prestations men-
tionnées aux art. 25 à 31 LAMal doivent être efficaces, ap-
propriées et économiques. L'exigence du caractère économi-
que des prestations ressort également de l'art. 56 al. 1
LAMal, selon lequel le fournisseur de prestations doit li-
miter ses prestations à la mesure exigée par l'intérêt de
l'assuré et le but du traitement. Comme le Tribunal fédéral
des assurances l'a déjà relevé à propos de l'art. 23 LAMA
(dont le contenu était analogue), les caisses sont en droit
de refuser la prise en charge de mesures thérapeutiques
inutiles ou de mesures qui auraient pu être remplacées par
d'autres, moins onéreuses; elles y sont d'ailleurs obli-
gées, dès lors qu'elles sont tenues de veiller au respect
du principe de l'économie du traitement (François-X.
Deschenaux, Le précepte de l'économie du traitement dans
l'assurance-maladie sociale, en particulier en ce qui con-
cerne le médecin, in : Mélanges pour le 75ème anniversaire
du TFA, Berne 1992, p. 537). Ce principe ne concerne pas

uniquement les relations entre caisses et fournisseurs de
soins, il est également opposable à l'assuré, qui n'a aucun
droit au remboursement d'un traitement non économique (ATF
125 V 98 consid. 2b et la jurisprudence citée). Pour l'es-
sentiel, ces principes conservent leur valeur sous le régi-
me du nouveau droit (SVR 1999 KV n° 6 p. 12 consid. 7 non
publié aux ATF 124 V 128).

c) L'art. 23 LAMA, dont s'inspire l'art. 56 LAMal, ne
contenait pas de prescription formelle sur l'obligation de
restitution du fournisseur de prestations et notamment du
médecin. C'est ce qui avait amené le Tribunal fédéral des
assurances, dans un arrêt fondamental du 31 décembre 1969
(K 24/69), à juger ce qui suit :

«Das geltende KUVG enthält über die Rückerstattungspflicht
keine Vorschriften. Auch die bundesrätliche Botschaft äus-
sert sich dazu nicht. Allein der geltende Art. 23 KUVG
verpflichtet die Ärzte zur wirtschaftlichen Behandlungswei-

se im bereits umschriebenen Rahmen und stellt damit eine
Schutzvorschrift für die Versicherten und die Kassen dar.
Diese sind gemäss Art. 3 Abs. 3 KUVG verpflichtet, die
Krankenversicherung nach den Grundsätzen der Gegenseitig-
keit zu betreiben. Sie müssen ferner Sicherheit dafür bie-
ten, dass sie die übernommenen Verpflichtungen erfüllen
können (Art. 3 Abs. 4 KUVG). Zur Verwirklichung des Prin-
zips der Gegenseitigkeit und zur Garantie ihrer Leistungs-
fähigkeit haben die Kassen dafür zu sorgen, dass die Ärzte
die Pflicht zur wirtschaftlichen Behandlungsweise befolgen.
Dieser Aufgabe könnten sie nicht hinreichend gerecht wer-
den, wenn es ihnen bloss gestattet wäre, eine unwirt-
schaftliche Behandlung im voraus abzulehnen, was ohnehin
praktisch selten genug zutreffen dürfte. Vielmehr muss
ihnen auch die Möglichkeit offenstehen, Zahlungen für
pflicht- und rechtswidrige Behandlung zu verweigern. Folge-
richtig dürfen bereits erbrachte Leistungen zurückgefordert
werden, wenn sich nachträglich ergibt, dass sie zu Unrecht
bezogen worden sind. Andernfalls wäre Art. 23 KUVG - auch
ungeachtet des Art. 24 über den Ausschluss von Ärzten -
weitgehend illusorisch. Die Kassen sind, mit andern Worten,
gegenüber der Gesamtheit ihrer Versicherten gehalten, un-
rechtmässig erfolgte Leistungen wieder einzutreiben, damit
der von Art. 23 zwingend geforderte gesetzliche Zustand
verwirklicht und gegebenenfalls wieder hergestellt wird. -
Indirekt geht übrigens auch Art. 25 Abs. 3 KUVG davon aus,
dass der Kasse ein Rückforderungsanspruch gegenüber den
Ärzten zusteht, bestimmt er doch, dass das Schiedsgericht

auch zuständig ist, wenn das Honorar vom Versicherten ge-
schuldet wird, und dass die Kasse zur selbständigen Pro-
zessführung ermächtigt ist, ohne Rücksicht darauf, ob die
Rechnung vom Versicherten als Honorarschuldner bereits be-
zahlt worden ist.» (RSKV 1970 n° 65 p. 85 ss consid. 2,
traduit en français au RJAM 1970 p. 85 ss consid. 2).

Cette jurisprudence, plusieurs fois confirmée depuis
lors (cf. ATF 103 V 151 consid. 3 et les arrêts cités à la
fin de ce consid.), fonde un droit propre des caisses-mala-
die à exiger d'un fournisseur de prestations la restitution
des sommes qu'il a perçues indûment, même lorsque celles-ci
lui ont été versées par l'assuré et non par la caisse (sys-
tème du tiers garant) et fût-ce contre la volonté de cet
assuré (RJAM 1980 n° 393 p. 3; cf. aussi ATF 121 V 318 con-
sid. 4b). On peut déduire des travaux préparatoires de la
LAMal mentionnés plus haut que l'art. 56 al. 2 let. a LAMal
codifie cette pratique, ce qui ressort également de
l'art. 89 al. 3 LAMal auquel il renvoie. Cette dernière
disposition reprend en effet la règle qui figurait aupara-
vant à l'art. 25 al. 3 LAMA (cf. FF 1992 I 189 ss; voir
aussi
l'arrêt ATF 124 V 130 et Gebhard Eugster, Krankenversiche-
rung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR],
ch. 416 et 417), auquel se référait le Tribunal fédéral des
assurances dans l'arrêt précité. Dès lors, contrairement à
ce que soutiennent les juges cantonaux et l'intimé à la
suite de l'opinion exprimée par Duc dans l'article précité,
l'art. 56 al. 2 let. a LAMal n'a nullement instauré un nou-
veau principe, d'après lequel, dans le système du tiers ga-
rant au sens de l'art. 42 al. 1 LAMal, seul l'assuré serait
en droit d'exiger du fournisseur de prestations la restitu-
tion de la rémunération qu'il lui a versée, lorsque celle-
ci dépasse la limite fixée par l'art. 56 al. 1 LAMal. On ne
trouve rien de tel dans les travaux préparatoires de la loi
et c'est même faire violence au texte de celle-ci que d'af-
firmer le contraire.

d) Dans plusieurs arrêts relatifs à l'art. 23 LAMA, la
Cour de céans a souligné qu'il ne saurait être question
d'exiger de chaque caisse séparément qu'elle entame contre
le fournisseur de prestations en cause une action en resti-
tution du trop-perçu. Une disposition de procédure cantona-
le qui ferait obstacle à une action collective menée de
front par plusieurs caisses-maladie et fondée sur les sta-
tistiques du Concordat des assureurs-maladie suisses (CAMS)
serait contraire au droit fédéral. Ainsi, les caisses,
représentées le cas échéant par leur fédération cantonale,
peuvent introduire une demande globale de restitution à
l'encontre d'un fournisseur de prestations et, à l'issue de
la procédure, se partager le montant obtenu à titre de
restitution des rétributions perçues sans droit (arrêt non
publié C. du 11 juillet 1996 [K 39/95] consid. 5d qui se
réfère lui-même à l'arrêt non publié S. du 29 octobre 1993
[K 101/92]).
Par identité de motifs, ces mêmes principes s'appli-
quent lorsque plusieurs assureurs s'unissent pour agir à
l'encontre d'un fournisseur de prestations, dans le cadre
de l'art. 56 al. 2 let. a LAMal. Dès lors, on ne saurait
non plus suivre les juges cantonaux lorsqu'ils considèrent
que la demande des recourantes est irrecevable au motif
«qu'il ne peut s'agir d'une représentation générale par un
consortium de caisses, même nommément désignées, d'un grou-
pe d'assurés forcément anonymes».

6.- Sur le vu de ce qui précède, c'est à tort que le
tribunal arbitral a déclaré irrecevable la demande des
trente-deux caisses-maladie recourantes dirigée contre
l'intimé. En conséquence, le jugement attaqué doit être an-
nulé et la cause renvoyée audit tribunal pour jugement sur
le fond.
L'intimé, qui succombe, supportera les frais de justi-
ce, lesquels seront fixés à 2000 fr. (art. 153a OJ). Par
ailleurs, conformément à la jurisprudence (ATF 119 V 456

consid. 6b; SVR 1995 KV n° 40 p. 125 consid. 5b), il se
justifie d'allouer une indemnité de dépens de 1500 fr. aux
recourantes qui sont représentées par un avocat indépen-
dant.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal arbi-
tral du canton de Vaud du 4 novembre 1999 est annulé.
La cause est renvoyée audit tribunal pour qu'il se
prononce sur les conclusions de la demande du 16 juil-
let 1998.

II. Les frais de justice, d'un montant de 2000 fr., sont
mis à la charge de l'intimé. L'avance de frais effec-
tuée par les recourantes, d'un montant de 500 fr.,
leur est restituée.

III. L'intimé versera aux recourantes une indemnité de dé-
pens (y compris la taxe à la valeur ajoutée) de
1500 fr.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal arbitral des assurances du canton de Vaud et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 9 juillet 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.139/00
Date de la décision : 09/07/2001
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 56 al. 2 et art. 89 al. 3 LAMal: Du droit d'un assureur d'exiger la restitution de l'indû d'un fournisseur de prestations. - Les assureurs ont un droit propre à exiger d'un fournisseur de prestations la restitution des sommes qu'il a perçues indûment, même lorsque l'assuré est le débiteur de la rémunération (système du tiers garant). - Les assureurs, représentés le cas échéant par leur fédération, peuvent introduire une action collective à l'encontre du fournisseur de prestations selon les mêmes principes que ceux développés par la jurisprudence sous l'empire de la LAMA.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-09;k.139.00 ?
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