La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/07/2001 | SUISSE | N°I.86/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 juillet 2001, I.86/01


«AZA 7»
I 86/01 Tn

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Beauverd, Greffier

Arrêt du 9 juillet 2001

dans la cause

T.________, recourant, représenté par Maître Pierre Bauer,
avocat, Avenue Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
Avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- Le 13 juill

et 1994, T.________, ressortissant
tunisien, au bénéfice d'un certificat fédéral de capacité
de mécanicien-électronicien, a présen...

«AZA 7»
I 86/01 Tn

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Beauverd, Greffier

Arrêt du 9 juillet 2001

dans la cause

T.________, recourant, représenté par Maître Pierre Bauer,
avocat, Avenue Léopold-Robert 88, 2301 La Chaux-de-Fonds,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
Avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- Le 13 juillet 1994, T.________, ressortissant
tunisien, au bénéfice d'un certificat fédéral de capacité
de mécanicien-électronicien, a présenté une demande tendant
à l'octroi d'une mesure d'ordre professionnel (service de
placement), d'un moyen auxiliaire (orthèse) et d'une rente
de l'assurance-invalidité. A l'appui de sa demande, il
déclarait souffrir d'un handicap à la jambe gauche, séquel-
le d'une poliomyélite contractée à l'âge d'un an.

Par décision du 22 mars 1995, l'Office de l'assurance-
invalidité du canton de Vaud (ci-après : l'office AI) a
rejeté la demande de prestations. Il a considéré, d'une
part, que l'assuré ne subissait pas d'invalidité ouvrant
droit à une mesure d'ordre professionnel ou à une rente de
l'assurance-invalidité et, d'autre part, qu'il n'était pas
assuré au moment où son handicap eût nécessité le port
d'une orthèse pour la première fois.

B.- Saisi d'un recours contre cette décision, le Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud l'a rejeté par juge-
ment du 31 août 1995.

C.- Par arrêt du 29 novembre 1996, le Tribunal fédéral
des assurances a renvoyé la cause à l'office AI pour nou-
velle décision, après instruction complémentaire.

D.- L'office AI a recueilli divers renseignements
d'ordre médical et confié une expertise aux docteurs
A.________ et B.________, médecins au Centre d'observation
médicale de l'assurance-invalidité (COMAI), à Lausanne
(rapport du 7 juillet 1999).
Par des décisions du 11 avril 2000, il a alloué à
l'assuré, à partir du 1er janvier 1995, une demi-rente
d'invalidité assortie d'une rente complémentaire correspon-
dante pour son épouse et de rentes pour enfants.

E.- Par jugement du 31 octobre 2000, le Tribunal des
assurances du canton de Vaud a rejeté le recours formé par
T.________ qui concluait à l'octroi d'une rente entière.

F.- Le prénommé interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont il requiert l'annulation,
en concluant, sous suite de dépens, à l'octroi d'une rente
entière d'invalidité dès le 1er janvier 1995.

L'office intimé conclut implicitement au rejet du
recours. L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas
présenté de détermination.

Considérant en droit :

1.- a) Le recourant reproche à la juridiction canto-
nale une violation de son droit d'être entendu, au motif
qu'elle ne s'est pas prononcée sur certains de ses moyens.
En effet, bien qu'il eût reproché à l'office AI de n'avoir
pas pris en compte, lors du calcul du gain d'invalide,
certains facteurs de réduction liés à une diminution du
rendement et à une occupation à temps partiel, la juri-
diction cantonale a omis d'examiner ce grief.

b) Le droit d'être entendu est une garantie constitu-
tionnelle de caractère formel (art. 29 al. 2 Cst.), dont la
violation doit entraîner l'annulation de la décision atta-
quée, indépendamment des chances de succès du recourant sur
le fond (ATF 124 V 183 consid. 4a, 122 II 469 consid. 4a et
les arrêts cités).
La jurisprudence en a déduit, en particulier, le droit
pour le justiciable d'obtenir une décision motivée. En
d'autres termes, l'autorité est tenue d'indiquer au moins
brièvement les motifs sur lesquels elle se fonde pour ren-
dre sa décision. Bien que cela n'implique pas le devoir de
répondre à toute affirmation ou argumentation juridique,
l'autorité doit toutefois examiner les allégués essentiels
à la solution du cas (ATF 126 V 80 consid. 5b/dd, 124 V 181
consid. 1a, et les références).

c) En l'espèce, il est douteux qu'en omettant d'exami-
ner les griefs du recourant relatifs aux facteurs de réduc-
tion du revenu d'invalide, la juridiction cantonale ait

respecté le droit d'être entendu de l'intéressé. Quoi qu'il
en soit, ce vice n'est pas d'une gravité telle qu'il faille
considérer qu'il n'est pas réparable lorsque - comme en
l'espèce - la partie lésée a la possibilité de s'exprimer
devant une autorité de recours jouissant d'un plein pouvoir
d'examen (ATF 124 V 183 consid. 4a, 392 consid. 5a et les
références).

2.- a) Les premiers juges ont considéré que le recou-
rant est à même, malgré son handicap, d'exercer sa profes-
sion habituelle de mécanicien-électronicien à raison d'un
taux de 50%. Ils se sont fondés pour cela sur le rapport
des médecins du COMAI (du 7 juillet 1999), selon lequel une
telle activité est exigible dans la mesure indiquée, pour
autant qu'elle soit limitée à la manutention de petits
objets et n'exige pas le port de lourdes charges, comme des
téléviseurs.
De son côté, le recourant reproche aux premiers juges
de s'être fondés uniquement sur le rapport des médecins du
COMAI, sans tenir compte des avis en partie divergents
d'autres médecins appelés à se prononcer sur son cas.

b) Les griefs du recourant sont mal fondés, les avis
médicaux invoqués ne contenant aucun indice concret apte à
mettre en cause le bien-fondé des conclusions des médecins
du COMAI. Certes, dans un rapport du 23 juin 1998, le doc-
teur C.________ a indiqué qu'étant donné son handicap phy-
sique et la durée d'inactivité (sept ans), le recourant est
entièrement et définitivement incapable de travailler dans
sa profession habituelle. Cette appréciation, qui n'émane
pas d'un spécialiste, ne contient toutefois aucun élément
objectif qui n'ait été dûment pris en considération et ana-
lysé dans le rapport d'expertise pluridisciplinaire du
COMAI. Quant au rapport des docteurs D.________ et
E.________, médecins à la Policlinique X.________ (du
24 septembre 1997), il ne contient pas d'indication chif-
frée de la capacité résiduelle de travail du recourant. Au

demeurant, les praticiens prénommés ne contredisent pas les
conclusions des médecins du COMAI, puisqu'ils envisagent
une reprise de l'activité habituelle avec les mêmes res-
trictions dues au handicap physique et à l'état psychique.

3.- a) Le recourant reproche en outre à la juridiction
cantonale d'avoir omis d'opérer une déduction de 25 % sur
le revenu d'invalide, compte tenu de la diminution de son
rendement, de l'exercice d'une activité à temps partiel, de
la longue interruption de travail et du fait qu'il est
étranger.

b) La jurisprudence considère que le revenu d'invalide
doit être évalué avant tout en fonction de la situation
professionnelle concrète de l'intéressé. Si l'activité
exercée après la survenance de l'atteinte à la santé repose
sur des rapports de travail particulièrement stables,
qu'elle met pleinement en valeur la capacité de travail
résiduelle exigible et encore que le gain obtenu, qui cor-
respond au travail effectivement fourni, ne contient pas
d'élément de salaire social, c'est le revenu effectivement
réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu
d'invalide (ATF 126 V 76 consid. 3b/aa, 117 V 18
consid. 2c/aa, et les références).
En l'absence d'un revenu effectivement réalisé - soit
lorsque l'assuré, après la survenance de l'atteinte à la
santé, n'a pas repris d'activité ou alors aucune activité
adaptée, normalement exigible -, le revenu d'invalide peut
être évalué sur la base des statistiques sur les salaires
moyens (ATF 126 V 76 consid. 3b/bb; RCC 1991 p. 332 sv.
consid. 3c; Omlin, Die Invalidität in der obligatorischen
Unfallversicherung, thèse Fribourg 1995, p. 215). Dans ce
cas, certains empêchements propres à la personne de l'in-
valide (limitations liées au handicap, âge, années de
service, nationalité/catégorie d'autorisation de séjour et
taux d'occupation) exigent que l'on réduise le montant des

salaires ressortant des statistiques (ATF 126 V 79 s.
consid. 5b/aa).
Toutefois, de telles réductions ne doivent pas être
effectuées de manière schématique, mais doivent tenir
compte de l'ensemble des circonstances du cas particulier,
et cela dans le but de déterminer, à partir de données
statistiques, un revenu d'invalide qui représente au mieux
la mise en valeur économique exigible des activités compa-
tibles avec la capacité de travail résiduelle de l'intéres-
sé (ATF 126 V 80 consid. 5b/bb).
Une déduction globale maximum de 25% sur le salaire
statistique permet de tenir compte des différents éléments
qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative
(ATF 126 V 80 consid. 5b/cc).

c) En l'espèce, les premiers juges ont confirmé le
point de vue de l'office intimé, selon lequel le recourant
est en mesure de réaliser la moitié du gain annuel qu'il
percevrait, sans atteinte à la santé, dans sa profession de
mécanicien-électronicien attestée par un certificat fédéral
de capacité, au terme d'une dizaine d'années de pratique,
soit 66 300 fr. (5100 fr. x 13).
En l'état du dossier, il n'est toutefois pas possible
de savoir si ce montant de référence est tiré de statis-
tiques ou s'il résulte d'une enquête auprès de l'ancien
employeur du recourant. Quoi qu'il en soit, on ne saurait
admettre que le revenu d'invalide ainsi obtenu corresponde
à la situation professionnelle concrète de l'intéressé et,
partant, représente la mise en valeur économique exigible
de l'activité compatible avec son état de santé. En effet,
s'ils ont attesté une capacité de travail de 50% dans
l'activité de mécanicien-électronicien, les médecins du
COMAI ont fait état toutefois de limitations fonctionnelles
empêchant la manutention et le port de lourdes charges,
comme des téléviseurs. En outre, les experts en réadapta-
tion de l'office intimé ont attesté que l'intéressé, en
raison de son handicap physique, n'a jamais été à même, au

terme de sa formation, d'effectuer certaines activités
inhérentes à la profession de mécanicien-électronicien
comme les travaux sur des tours ou des fraiseuses (rapport
du 17 août 1998).
On doit donc inférer de ces renseignements d'ordre
médical et professionnel que la profession susmentionnée,
même exercée à raison d'un taux de 50%, n'est pas pleine-
ment exigible de la part du recourant, dans la mesure où
elle requiert le port d'objets lourds, ainsi que des acti-
vités pénibles comme les travaux sur des tours ou des
fraiseuses.
C'est pourquoi il y a lieu de renvoyer la cause à
l'office intimé pour qu'il complète l'instruction sur le
point de savoir dans quelle mesure le recourant peut encore
mettre en valeur sa capacité de travail dans l'activité en
cause ou dans une autre occupation adaptée à son état de
santé. Cela fait, il évaluera l'invalidité de l'intéressé
en comparant le revenu qu'il peut encore obtenir - après
exécution éventuelle de mesures de réadaptation et compte
tenu d'une situation équilibrée du marché du travail
(art. 28 al. 2 LAI) - au gain qu'il pourrait obtenir sans
son handicap.

4.- Le recourant, qui obtient gain de cause, est re-
présenté par un avocat. Il a droit à une indemnité de dé-
pens pour l'ensemble de la procédure (art. 159 al. 3 en
liaison avec l'art. 135 OJ; art. 69 LAI en corrélation avec
l'art. 85 al. 2 let. f LAVS).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis en ce sens que le jugement du
Tribunal des assurances du canton de Vaud du
31 octobre 2000, et les décisions de l'Office de l'as-

surance-invalidité pour le canton de Vaud du
11 avril 2000 sont annulés, la cause étant renvoyée
audit office pour instruction complémentaire au sens
des considérants et nouvelle décision.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'office intimé versera au recourant la somme de
3000.- fr. à titre de dépens (y compris la taxe sur la
valeur ajoutée) pour l'ensemble de la procédure.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud, à la Caisse
AVS de la Fédération patronale vaudoise et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 9 juillet 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.86/01
Date de la décision : 09/07/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-09;i.86.01 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award