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06/07/2001 | SUISSE | N°C.291/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 juillet 2001, C.291/99


«AZA 7»
C 291/99 Tn

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 6 juillet 2001

dans la cause

P.________, recourant, représenté par Maître Eric Maugué,
avocat, Rue d'Aoste 1, 1211 Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de chômage, Rue de Montbrillant
40, 1201 Genève, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- P.________, est au bénéfice d'une form

ation d'in-
génieur ETS. Dès le mois de mai 1980, il a travaillé comme
salarié de la société X.________ et dont il était l'admi-
nistrate...

«AZA 7»
C 291/99 Tn

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 6 juillet 2001

dans la cause

P.________, recourant, représenté par Maître Eric Maugué,
avocat, Rue d'Aoste 1, 1211 Genève,

contre

Caisse cantonale genevoise de chômage, Rue de Montbrillant
40, 1201 Genève, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'assurance-
chômage, Genève

A.- P.________, est au bénéfice d'une formation d'in-
génieur ETS. Dès le mois de mai 1980, il a travaillé comme
salarié de la société X.________ et dont il était l'admi-
nistrateur avec signature individuelle. Il réalisait en
dernier lieu un salaire de 6630 fr. par mois. La société
avait pour but de fournir des conseils en géologie, géo-

technique, fondations et travaux spéciaux en soussol se
rapportant à toute construction.
P.________ est également administrateur de la société
Z.________, et qui a un but analogue à X.________.
Le 30 avril 1996, X.________ a résilié les rapports de
travail de P.________ pour le 31 juillet 1996.
Le 12 août 1996, P.________ a présenté une demande
d'indemnité de chômage. Par la suite, d'octobre 1996 à juin
1997, il a travaillé quelques heures par mois au service de
la société Z.________. Il a annoncé comme gains intermé-
diaires les revenus réalisés dans cette activité et a perçu
des indemnités compensatoires.
L'assuré a ensuite fréquenté divers cours, avec l'as-
sentiment de l'Office cantonal genevois de l'emploi. Puis,
du 26 juin 1997 au 26 septembre 1997, il a été engagé par
Y.________ en tant que stagiaire consultant. Durant ce
stage, il a perçu des indemnités de chômage. Au terme de
celui-ci, il a été engagé par le même employeur, à plein
temps, pour un salaire mensuel de 8200 fr. L'employeur a
cependant résilié les rapports de travail, pendant le temps
d'essai, avec effet au 7 novembre 1997.
Le 14 novembre 1997, P.________ a présenté une nouvel-
le demande d'indemnité de chômage, à partir du 7 novembre
1997. Depuis le mois de novembre 1997, il a repris une
activité partielle au service de Z.________. Pour cette
activité, il a fourni des attestations de gains intermé-
diaires pour les mois de novembre 1997 à février 1998 et il
a de nouveau bénéficié d'indemnités compensatoires.
Finalement, pour la période du 7 août 1996 au 30 sep-
tembre 1997, l'assuré a reçu des indemnités de chômage
brutes pour un montant total de 65 780 fr. (plus
2328 fr. 15 au titre d'allocations pour enfants), ainsi que
des prestations pour frais de cours jusqu'à concurrence de
10 778 fr.

B.- A la suite d'un contrôle de l'Office fédéral du
développement économique et de l'emploi (OFDE; actuellement
Secrétariat d'Etat à l'économie [seco]), la Caisse cantona-
le genevoise de chômage a rendu à l'encontre de l'assuré
une décision, le 4 mars 1998, par laquelle elle déclarait
ne pas pouvoir «donner suite à votre demande d'indemnité
présentée le 7 août 1997» (recte : 12 août 1996). Elle
niait ainsi le droit de l'assuré à des prestations pour la
période du 7 août 1996 au 30 septembre 1997. A l'appui de
sa décision, la caisse a notamment fait valoir que l'assuré
réunissait sur sa propre personne la double qualité d'em-
ployeur et d'employé. Il était vraisemblable qu'il avait
encore consacré une partie de son temps à X.________ et
sûrement plus de temps à Z.________ que les heures annon-
cées sur les attestations de gains intermédiaires, cela
dans le but de maintenir en vie ces deux sociétés.
Par décision du 21 septembre 1998, le Groupe réclama-
tions de l'Office cantonal genevois de l'emploi a admis le
recours formé contre cette décision par l'assuré.

C.- L'OFDE a recouru contre cette décision devant la
Commission cantonale genevoise de recours en matière d'as-
surance-chômage. Statuant le 21 janvier 1999, celle-ci a
admis le recours et elle a annulé la décision attaquée du
21 septembre 1998.

D.- P.________ interjette un recours de droit adminis-
tratif dans lequel il conclut, sous suite de dépens, à
l'annulation de ce jugement et demande au tribunal de cons-
tater qu'il a droit aux indemnités de chômage pour la
période du 7 août 1996 au 1er octobre 1997 et à compter du
8 novembre 1997, jusqu'à épuisement de son droit.
La Caisse cantonale genevoise de chômage déclare se
rallier aux considérants de la commission de recours. Quant
au seco, il ne s'est pas déterminé au sujet du recours.

Considérant en droit :

1.- La décision de la caisse de chômage du 4 mars
1998 - qui détermine l'objet de la contestation (cf. ATF
125 V 414 consid. 1a et les arrêts cités) - porte sur les
prestations découlant de la demande d'indemnités du 12 août
1996 et concerne donc les montants versés à ce titre à
partir du 7 août 1996 jusqu'au 30 septembre 1997. Cette dé-
cision se réfère d'ailleurs explicitement au rapport de
contrôle de l'OFDE, qui vise uniquement les prestations
versées pour la même période.
Dès lors, le point de savoir si le recourant a droit à
des indemnités de chômage à partir du 8 novembre 1997, con-
sécutivement au dépôt de sa demande du 14 novembre 1997,
n'a pas à être examiné ici. Sur cette question, les conclu-
sions du recours sont irrecevables. Le cas échéant, il
appartiendra à la caisse de statuer à ce propos au moyen
d'une nouvelle décision.

2.- Par ailleurs, la décision litigieuse de la caisse
est une décision en constatation par laquelle l'administra-
tion dénie, rétroactivement au 7 août 1996, le droit du
recourant à des prestations de l'assurance-chômage. Une
telle décision en constatation doit être examinée à la
lumière de la jurisprudence relative à la révocation de
décisions par la voie de la reconsidération ou de la révi-
sion. En effet, elle remet en cause les décisions, formel-
les et non formelles (cf. infra consid. 3b) en vertu des-
quelles l'assuré a perçu des prestations et sous-tend ainsi
implicitement une demande de restitution selon l'art. 95
LACI (arrêts non publiés B. du 2 novembre 1999 [C 69/99] et
F. du 4 octobre 1999 [C 68/99]).

3.- a) Selon un principe général du droit des
assurances sociales, l'administration peut reconsidérer une
décision formellement passée en force de chose jugée et sur
laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée

quant au fond, à condition qu'elle soit sans nul doute
erronée et que sa rectification revête une importance
notable (ATF 122 V 21 consid. 3a, 173 consid. 4a, 271
consid. 2, 368 consid. 3, 121 V 4 consid. 6 et les arrêts
cités). En outre, par analogie avec la révision des déci-
sions rendues par les autorités judiciaires, l'administra-
tion est tenue de procéder à la révision d'une décision
entrée en force formelle lorsque sont découverts des faits
nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de
conduire à une appréciation juridique différente (ATF
122 V 21 consid. 3a, 138 consid. 2c, 173 consid. 4a,
272 consid. 2, 121 V 4 consid. 6 et les références). Ces
principes sont aussi applicables lorsque des prestations
ont été accordées sans avoir fait l'objet d'une décision
formelle et que leur versement a néanmoins acquis force de
chose décidée. Il y a force de chose décidée si l'assuré
n'a pas, dans un délai d'examen et de réflexion convenable,
manifesté son désaccord avec une certaine solution adoptée
dans un acte administratif susceptible de recours (ATF
122 V 369 consid. 3).

b) En l'espèce, seules les prestations au titre de
mesures préventives au sens des art. 59 ss LACI ont fait
l'objet de décisions formelles. En ce qui concerne les
indemnités de chômage, on doit admettre que les décomptes y
relatifs ont acquis force de chose décidée, du moment que
l'assuré ne les a jamais contestés.

c) On peut d'emblée exclure que les conditions d'une
révision procédurale fussent remplies en l'espèce. En ef-
fet, on ne voit pas quels faits ou moyens de preuve nou-
veaux eussent pu justifier une semblable révision (voir par
exemple à ce sujet RAMA 1998 no K 990 p. 253 sv. consid. 3c
et les références citées). Reste donc l'éventualité d'une
reconsidération au sens de la jurisprudence susmentionnée.

d) Selon les premiers juges, qui se sont ralliés à
l'argumentation de l'OFDE, le licenciement de l'assuré par
X.________, masque en réalité une suspension passagère
d'activité de la société. Etant propriétaire et seul diri-
geant de X.________ et de Z.________ - qui avaient le même
but social - l'assuré pouvait à lui seul décider si un
mandat devait être attribué à l'une ou l'autre des socié-
tés. Il a cessé de travailler au service de X.________ pour
concentrer ses activités dans le cadre de Z.________, en
attendant une reprise des commandes. Son licenciement,
qu'il a lui-même décidé, en avril 1996, procède de sa vo-
lonté d'essayer de sauver ces deux sociétés.
D'après la jurisprudence, un travailleur qui jouit
d'une situation professionnelle comparable à celle d'un
employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage lorsque,
bien que licencié formellement par une entreprise, il con-
tinue à fixer les décisions de l'employeur ou à influencer
celles-ci de manière déterminante. Dans le cas contraire,
en effet, on détournerait par le biais d'une disposition
sur l'indemnité de chômage la réglementation en matière
d'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail, en
particulier l'art. 31 al. 3 let. c LACI (ATF 123 V 234).
Selon cette disposition, n'ont pas droit à l'indemnité en
cas de réduction de l'horaire de travail les personnes qui
fixent les décisions que prend l'employeur - ou peuvent les
influencer considérablement - en qualité d'associé, de mem-
bre d'un organe dirigeant de l'entreprise ou encore de dé-
tenteur d'une participation financière à l'entreprise; il
en va de même des conjoints de ces personnes qui sont occu-
pés dans l'entreprise. Par exemple, l'administrateur qui
est en même temps salarié d'une société anonyme et qui est
titulaire de la signature collective à deux, doit être
considéré comme appartenant au cercle des personnes visées
par l'art. 31 al. 3 let. c LACI, quelle que soit l'étendue
de la délégation des tâches et le mode de gestion interne
de la société et nonobstant le fait que le président du
conseil d'administration détienne 90 pour cent des actions

et dispose, quant à lui, de la signature individuelle
(DTA 1996 no 10 p. 48).
Dans ce sens, il existe donc un étroit parallélisme
entre le droit à l'indemnité en cas de réduction de l'ho-
raire de travail et le droit à l'indemnité de chômage. La
situation est en revanche différente quand le salarié, se
trouvant dans une position assimilable à celle de l'employ-
eur, quitte définitivement l'entreprise en raison de la
fermeture de celle-ci; en pareil cas, on ne saurait parler
d'un comportement visant à éluder la loi. Il en va de même
lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le sala-
rié, par suite de résiliation de son contrat, rompt défini-
tivement tout lien avec la société. Dans un cas comme dans
l'autre, l'intéressé peut en principe prétendre des indem-
nités de chômage (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb).

e) aa) En l'espèce, rien ne permet d'affirmer, con-
trairement à ce que retient la caisse dans sa décision, que
le recourant a poursuivi une activité au service de
X.________, après son licenciement. D'ailleurs, la société
était surendettée et l'organe de révision, dans une lettre
du 29 juillet 1996, invitait le recourant à aviser le juge,
conformément à l'art. 725 CO. En outre, après son licencie-
ment, le recourant n'a pas eu immédiatement une activité -
pour laquelle il a annoncé des gains intermédiaires - au
service de Z.________, puisque c'est en octobre 1996 qu'il
a commencé à travailler pour cette société. Les circons-
tances de la présente cause diffèrent donc sensiblement de
l'état de fait susmentionné, que la jurisprudence assimile
à un comportement visant à éluder la loi. En tout cas, l'a-
nalogie entre les deux situations n'est pas aussi évidente
qu'elle commanderait, sans autre examen, une application de
cette jurisprudence dans la présente affaire.
bb) D'autre part, selon l'art. 24 al. 1 LACI, est
réputé gain intermédiaire tout gain que le chômeur retire
d'une activité salariée ou indépendante durant une période
de contrôle. Si, pendant une période de contrôle, l'assuré

prend une activité indépendante, il a droit à la compensa-
tion de sa perte de gain s'il est apte au placement, c'est-
à-dire s'il est prêt à abandonner son activité indépendante
pour prendre un emploi salarié qui se présenterait à lui et
s'il poursuit des recherches d'emploi dans ce sens (voir
p. ex. DTA 1998 no 32 p. 176 consid. 2; Gerhards, Arbeits-
losenversicherung: «Stempelferien», Zwischenverdienst und
Kurzarbeitsentschädigung für öffentliche Betriebe und
Verwaltungen - Drei Streitfragen, RSAS, 1994, p. 344 sv.).
Bien que, pendant son chômage, l'assuré ait exercé
formellement une activité salariée à temps partiel au ser-
vice de Z.________, cette activité peut être assimilée,
sous l'angle de la réalité économique, à une activité indé-
pendante, puisque l'intéressé était administrateur unique
et probablement seul actionnaire de la société. Il n'est
pas d'emblée inconcevable de considérer que le gain retiré
de cette activité pût être qualifié de gain intermédiaire,
comme l'a d'ailleurs retenu le Groupe réclamations de l'of-
fice cantonal du travail dans sa décision du 21 septembre
1998. Le recourant a démontré qu'il était apte au place-
ment, ce qui n'a du reste jamais été remis en cause. En
effet, non seulement il a régulièrement effectué des re-
cherches d'emploi, mais il a suivi plusieurs cours, avant
de travailler pendant plus de quatre mois au service de
Y.________. On peut en conclure qu'il était disposé à ces-

ser son activité indépendante (ou quasi indépendante) dès
le moment où il trouverait un emploi salarié.

f) Dans de telles circonstances, il n'est pas possible
d'affirmer que les décisions (formelles et non formelles)
par lesquelles le recourant a été mis au bénéfice d'indem-
nités de chômage et de prestations pour frais de cours,
durant la période litigieuse, étaient manifestement erro-
nées. Par conséquent, la caisse n'était pas en droit de les
révoquer.

4.- Le recours de droit administratif, dans la mesure
où il est recevable (cf. consid. 1), est ainsi bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Dans la mesure où il est recevable, le recours est
admis et le jugement de la Commission cantonale gene-
voise de recours en matière d'assurance-chômage du
21 janvier 1999 est annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. La Caisse cantonale genevoise de chômage versera au
recourant une indemnité de 2500 fr. (y compris la taxe
à la valeur ajoutée) à titre de dépens pour l'instance
fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-chômage et au Secrétariat d'état à l'éco-
nomie.

Lucerne, le 6 juillet 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

p. le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.291/99
Date de la décision : 06/07/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-06;c.291.99 ?
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