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05/07/2001 | SUISSE | N°4C.31/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 juillet 2001, 4C.31/2001


«/2»

4C.31/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

5 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffier: M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Nicolas
Saviaux, avocat à Lausanne,

et

Succession X.________ en liquidation, défenderesse et inti-
mée, représentée par son liquidat

eur officiel, Bernard Gi-
rard, préposé à l'Office des poursuites de la Glâne, à Ro-
mont, au nom de qui agit Me Joël Crettaz, a...

«/2»

4C.31/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

5 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffier: M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Nicolas
Saviaux, avocat à Lausanne,

et

Succession X.________ en liquidation, défenderesse et inti-
mée, représentée par son liquidateur officiel, Bernard Gi-
rard, préposé à l'Office des poursuites de la Glâne, à Ro-
mont, au nom de qui agit Me Joël Crettaz, avocat à Lausanne;

(reconnaissance et remise de dette)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ est décédé à Lausanne le 30 juin
1995, laissant quatre héritiers. Sa succession fait l'objet
d'une liquidation officielle par les soins du préposé à
l'Office des poursuites de la Glâne.

P.________, économiste, et X.________, garagiste se
livrant au commerce de voitures d'occasion, ont envisagé de
collaborer pour créer un garage automobile. Dans ce but, le
premier a préparé, le 13 février 1995, un projet de conven-
tion manuscrit, lequel n'a toutefois pas été signé. A ce pro-
jet était annexé un document dactylographié intitulé
"Travail
et débours effectués pour M. P.________", qui faisait l'in-
ventaire de différents travaux à compter de décembre 1993
pour un total de 15 975 fr. Au pied de ce document,
P.________ a apposé sa signature ainsi que la mention manus-
crite suivante: "ceci équivaut à une reconnaissance de dette
au sens de l'article 82 LP". Le 13 mai 1995, il a signé une
reconnaissance de dette formelle, dans laquelle il s'enga-
geait à payer la somme de 15 975 fr. à X.________ jusqu'au
31
du même mois.

Le 23 juin 1995, X.________ a adressé à l'Office
des poursuites de Lavaux une réquisition de poursuite, diri-
gée contre P.________, pour le montant de 15 975 fr., inté-
rêts en sus. Le commandement de payer, notifié le 3 juillet
1995 - soit après le décès du créancier - au poursuivi, a
été
frappé d'opposition.

Par décision du 8 mai 1996, le président du Tribu-
nal du district de Lavaux a rejeté la requête de mainlevée
en
se fondant sur le document suivant, produit par le poursuivi

et portant la signature des deux parties:

"Règlement pour solde de tout compte.

Règlement de ma dette de Frs 13'500.- de la manière sui-
vante:

Vente d'une Range Rover Bleu métal
dans son état Frs 2000.--

Mon virement à Y.________ pour solde de l'achat
de matériel de garage de Monsieur L.________ Frs 3000.--

Donné ce jour à M. X.________ au comptant Frs 8500.--

Ps: Encore à prendre chez
Monsieur X.________: 1 Range Rover Brune
1 lot de matériel de
garage
(voir ci-dessus)

il est a noté (sic) que dans la somme de Frs 8500.--
sont compris une somme de Frs 3000.-- que M. P.________
refacturera dans la mesure du possible soit au garage du
Z.________, soit au juge de Paix pour dédommagement
(sic) de l'immobilisation de l'appareil Co.

Fait en 2 exemplaires au Mont sur Lausanne

Le Mont, le 26 juillet 1995

P.________ X.________
(signature) (signature) "

Le liquidateur officiel a recouru contre cette dé-
cision. Il a, en outre, dénoncé P.________ au juge pénal,
motif pris de ce que le titre précité portait faussement la
date du 26 juillet 1995, postérieure au décès de X.________,
l'un de ses deux signataires. Par arrêt du 2 octobre 1997,
la
Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vau-
dois, statuant avant de connaître le sort de la procédure pé-
nale pendante, a admis le recours et prononcé la mainlevée
provisoire de l'opposition; elle estimait, en effet, que la
pièce litigieuse "pourrait être un faux". Cependant,
P.________ a été libéré de cette accusation par jugement du

Tribunal de police du district de Lavaux du 9 décembre 1997
aux motifs qu'il est un homme honorablement connu, n'ayant
jamais subi de condamnation; qu'il a réglé compte avec
X.________ le 26 juin 1995 dans un café du
Mont-sur-Lausanne;
que les parties ont signé un document dans ce sens, daté par
erreur du 26 juillet au lieu du 26 juin 1995; enfin, qu'un
retrait d'espèces de 8500 fr., paraissant correspondre au
montant versé au comptant à X.________, corrobore la version
de P.________.

B.- Le 24 octobre 1997, P.________ a ouvert action
en libération de dette contre la succession X.________ en li-
quidation en vue de faire constater qu'il ne lui doit pas la
somme de 15 975 fr., ni les intérêts y afférents, non plus
que le remboursement des frais de la procédure de mainlevée,
et pour obtenir que l'opposition au commandement de payer
soit maintenue. La défenderesse a conclu au rejet de l'ac-
tion, en contestant formellement l'authenticité de la copie
du "Règlement pour solde de tout compte" produite par le de-
mandeur pour justifier de sa libération. Reconventionnelle-
ment, elle a requis, entre autres choses, la mainlevée défi-
nitive de la susdite opposition ainsi que le paiement des
dépens de la procédure de mainlevée.

Par jugement du 25 février 2000, la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'action du de-
mandeur, levé définitivement l'opposition au commandement de
payer et rejeté toutes autres ou plus amples conclusions.
Son
argumentation est, en substance, la suivante: l'action en li-
bération de dette est irrecevable, parce que tardive, mais
elle peut être traitée comme une action ordinaire en consta-
tation négative de droit. La défenderesse a pleinement justi-
fié de sa créance contre le demandeur, envers lequel elle
dispose de deux titres de mainlevée, fondés sur une seule et
même cause, a savoir la facture du 13 février 1995. A l'ins-
tar du juge pénal, il faut admettre que la pièce invoquée
par

le demandeur à l'appui de sa conclusion libératoire n'est
pas
un faux. Il convient donc d'en examiner le sens et la portée
conformément aux principes applicables en la matière (art.
18
al. 1 CO et la jurisprudence y relative). L'intitulé "Règle-
ment pour solde de tout compte" donne à penser que les signa-
taires se sont entendus pour clore définitivement les tran-
sactions en cours entre les parties contre paiement de la
somme de 13 500 fr. par le demandeur, X.________ abandonnant
ses créances pour le surplus. Il y aurait donc eu remise de
dette (art. 115 CO), soit sur l'ensemble des transactions
entre signataires, soit uniquement sur la facture du 13 fé-
vrier 1995. Il faut toutefois interpréter avec réserve
l'existence d'une remise de dette, fût-elle pour solde de
tout compte. En l'espèce, on peut exclure d'emblée une
remise
de dette générale: d'une part, le document ne contient
aucune
clause explicite à ce sujet, telle que "moyennant bonne exé-
cution de quoi les parties conviennent ne plus avoir aucune
prétention l'une envers l'autre à quelque titre que ce
soit";
d'autre part, le texte même du document prévoit le paiement
d'une seule dette ("Règlement de ma dette de Frs 13
500.--"),
et non pas la liquidation d'un complexe de relations d'affai-
res. Il faut aussi écarter l'hypothèse d'une remise de dette
partielle portant sur la différence entre le montant de la
reconnaissance de dette (15 975 fr.) et celui indiqué dans
la
pièce litigieuse (13 500 fr.): semblable volonté ne ressort
pas du document, où il est question d'une dette qui paraît
individualisée, sans qu'il soit fait référence à la facture
du 13 février 1995; de plus, trois jours avant la signature
du document, X.________ avait intenté une poursuite contre
le
demandeur pour le montant de 15 975 fr. Ainsi, ni le texte
ni
le contexte dudit document ne permettent de conclure à
l'existence d'une remise de dette. Ce document ne peut davan-
tage être assimilé à une quittance de paiement, car le deman-
deur n'a pas allégué que la somme de 13 500 fr. serait le re-
liquat de la dette en poursuite et il n'a pas non plus invo-
qué d'autres paiements qui pourraient expliquer que la somme

due ne se monterait plus qu'à 13 500 fr. sur les 15 975 fr.
initiaux. Dans ces conditions, le demandeur doit être
débouté
de ses conclusions et celles de la défenderesse doivent être
admises sauf pour les dépens de la procédure de mainlevée,
la
décision de la Cour des poursuites et faillites réglant défi-
nitivement la question. Au demeurant, comme l'action en libé-
ration de dette était tardive, la mainlevée provisoire est
devenue définitive.

C.- Le demandeur, agissant par la voie du recours
en réforme, prie le Tribunal fédéral d'admettre ses conclu-
sions en libération de dette (conclusion II/a), de constater
en conséquence qu'il ne doit pas payer à la défenderesse la
somme de 15 975 fr. avec intérêts à 5% l'an dès le 1er juin
1995 (conclusion II/b), pas plus que les dépens de la procé-
dure de mainlevée (conclusion II/c), de dire que
l'opposition
au commandement de payer est maintenue (conclusion II/d) et,
enfin, de mettre les dépens de première instance à la charge
de la défenderesse (conclusion II/e). Subsidiairement, le de-
mandeur conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale
pour nouveau jugement dans le sens des considérants. Il re-
quiert, en outre, sa mise au bénéfice de l'assistance judi-
ciaire et la désignation de son conseil comme avocat d'offi-
ce.

A l'appui de son recours en réforme, le demandeur
invoque la violation des art. 88 et 115 CO. Il fait grief à
la cour cantonale d'avoir mal interprété le document
intitulé
"Règlement pour solde de tout compte", en le qualifiant, de
manière réductrice, soit de remise de dette, soit de quittan-
ce, alors qu'il s'agit en réalité d'une forme juridique auto-
nome, combinant ces deux éléments, que la doctrine allemande
appelle "Saldoquittung" et à l'appui de laquelle le
demandeur
fait de larges références à la monographie d'Hugo Renz inti-
tulée "Die Saldoquittung und das Verzichtsverbot im schweize-
rischen Arbeitsrecht" (thèse Zurich 1979). De l'avis du de-
mandeur, les termes "Règlement pour solde de tout compte"
sont dénués de toute ambiguïté. Il ressort de l'intitulé
même
du document litigieux que les parties, en le signant, ont en-
tendu régler une fois pour toutes l'intégralité de leurs re-
lations d'affaires. Point n'était besoin, pour ce faire,
d'utiliser une clause de style du genre de celle que mention-
nent les premiers juges, lesquels ont d'ailleurs raisonné à
la façon de juristes et non pas comme "M. Tout le Monde",
comme l"'Homme de la rue". Chaque mot a un sens communément
admis dans la langue courante; il faut s'y tenir, à tout le
moins lorsque, comme en l'espèce, l'accord n'a pas été utili-
sé par un cercle particulier de personnes utilisant entre el-
les un jargon spécial. Au demeurant, la jurisprudence (ATF
119 II 327) et la doctrine (Renz, op. cit., p. 61 s.) men-
tionnées dans le jugement attaqué pour justifier une inter-
prétation restrictive du document en cause ne sont pas perti-
nentes, car elles ont trait au contrat de travail, soit à un
rapport de droit étranger aux parties en litige.

La défenderesse conclut au rejet du recours.

Par décision du 9 mai 2001, la Ie Cour civile a mis
le demandeur au bénéfice de l'assistance judiciaire et lui a
désigné un avocat d'office en la personne de Me Nicolas Sa-
viaux.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Par la quittance pour solde de comptes (Sal-
doquittung), le créancier reconnaît que le débiteur a
exécuté
la prestation (reçu, au sens de l'art. 88 CO; "Wissenserklä-
rung") et, de surcroît, que lui-même n'a pas ou plus d'autre
ou plus ample prétention à faire valoir contre ce débiteur
relativement à la créance ou au rapport de droit en cause

(reconnaissance négative de dette; "Willenserklärung"), soit
que la dette ait été remise (art. 115 CO), soit qu'elle ait
été éteinte (cf. parmi d'autres: Gauch/Schluep/Schmid/Rey,
Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, vol.
II,
7e éd., n. 2472 s.; Engel, Traité des obligations en droit
suisse, 2e éd., p. 650 s.; Weber, Commentaire bernois, n. 20
ss ad art. 88 CO; Schraner, Commentaire zurichois, n. 24 ss
ad art. 88 CO; Leu, Commentaire bâlois, n. 3 ad art. 88 CO;
Renz, op. cit., p. 5). En tant que déclaration de volonté
unilatérale, la quittance pour solde de comptes se distingue
de la transaction extrajudiciaire (Vergleich), mais elle
peut
y être incluse (Schraner, op. cit., n. 25 ad art. 88 CO).
Son
interprétation obéit aux mêmes règles que celles qui gouver-
nent l'interprétation des manifestations de volonté (Schra-
ner, op. cit., n. 26 ad art. 88 CO; Weber, op. cit., n. 27
ad
art. 88 CO; Engel, op. cit., p. 651; Renz, op. cit., p. 62
ss). Au demeurant, une certaine prudence est de mise avant
de
conclure à l'existence d'une quittance pour solde de
comptes,
en particulier en matière de contrat de travail et de
contrat
d'assurance (Engel, ibid.; Weber, op. cit., n. 28 ad art. 88
CO; Schraner, ibid.).

b) Pour déterminer s'il y a eu effectivement accord
entre parties, il y a lieu de rechercher, tout d'abord, leur
réelle et commune intention (art. 18 al. 1 CO). Il incombe
donc au juge d'établir, dans un premier temps, la volonté
réelle des parties, le cas échéant empiriquement, sur la
base
d'indices. S'il ne parvient pas à déterminer cette volonté
réelle, ou s'il constate qu'une partie n'a pas compris la vo-
lonté réelle manifestée par l'autre, le juge recherchera
quel
sens les parties pouvaient
et devaient donner, selon les rè-
gles de la bonne foi, à leurs manifestations de volonté réci-
proques (application du principe de la confiance).

A cet égard, la jurisprudence récente a nuancé le
principe selon lequel il y aurait lieu de recourir à des rè-

gles d'interprétation uniquement si les termes de l'accord
passé entre parties laissent planer un doute ou sont peu
clairs. On ne peut ériger en principe qu'en présence d'un
"texte clair", on doit exclure d'emblée le recours à
d'autres
moyens d'interprétation. Il ressort de l'art. 18 al. 1 CO
que
le sens d'un texte, même clair, n'est pas forcément détermi-
nant et que l'interprétation purement littérale est au con-
traire prohibée. Même si la teneur d'une clause
contractuelle
paraît claire à première vue, il peut résulter d'autres con-
ditions du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'au-
tres circonstances que le texte de ladite clause ne restitue
pas exactement le sens de l'accord conclu.

2.- a) Du point de vue graphique, la pièce liti-
gieuse attire d'emblée l'attention du lecteur sur son titre,
lequel est souligné et comporte des lettres en caractères
gras deux fois plus grandes que celles du corps du texte de
cet écrit. L'intitulé du document - "Règlement pour solde de
tout compte" - est dénué d'ambiguïté. Le signataire d'une
pièce où figure un tel titre, de surcroît clairement mis en
évidence par des procédés graphiques, ne peut pas, de bonne
foi, n'attribuer qu'un caractère limité et partiel au règle-
ment, qui y est stipulé, des comptes encore en suspens entre
lui-même et son débiteur.

L'analyse textuelle à laquelle s'est livrée la cour
cantonale n'est guère convaincante, car elle fait fi de l'im-
portance que revêt en l'occurrence le titre de la pièce dont
il s'agit. Or, ce titre est tout aussi explicite que la clau-
se citée comme exemple par les juges précédents ("moyennant
bonne exécution de quoi les parties conviennent ne plus
avoir
aucune prétention l'une envers l'autre à quelque titre que
ce
soit"). Cette clause est d'ailleurs empruntée au jargon judi-
ciaire, alors que l'on n'a pas affaire ici à des avocats ou
à
des magistrats, mais à un garagiste et à un économiste. Sur
le vu des termes "Règlement de ma dette de Frs 13 500.--",
la

cour cantonale considère, en outre, que le document prévoit
le paiement d'une seule dette et non pas la liquidation d'un
complexe de relations d'affaires. En réalité, les termes en
question sont plutôt de nature à infirmer semblable opinion.
De fait, le débiteur qui entend individualiser la dette
payée
par lui, ne se bornera pas à écrire "ma dette de
Frs 13 500.--", mais en mentionnera la cause (p. ex. "ma det-
te de Frs 13 500.-- résultant de la reconnaissance de dette
du..."). Et le créancier, à qui le débiteur propose de
régler
sa dette de X fr. sous le titre "Règlement pour solde de
tout
compte" doit partir de l'idée que, s'il accepte cette propo-
sition, les comptes entre parties seront liquidés une fois
pour toutes après l'exécution des engagements pris dans le
document incluant cette proposition. Les premiers juges mé-
connaissent cet état de choses lorsqu'ils constatent que,
dans la pièce litigieuse, le demandeur n'a pas "rattaché la
quittance à la prétention déduite en poursuite". Plus généra-
lement, leur analyse de ce document pèche par son côté réduc-
teur, en ce sens qu'ils veulent y voir soit une remise de
dette, soit une quittance de paiement, alors que, considéré
dans son ensemble, ledit document fait apparaître un accord
global concernant la liquidation du compte débiteur du deman-
deur. On en veut pour preuve, notamment, le fait que cette
pièce a été signée par les deux parties (ce qui n'est généra-
lement pas le cas d'une simple quittance) et qu'elle
prévoit,
pour le règlement de la dette, des modalités complexes, ne
se
limitant pas au seul paiement en espèces.

Il apparaît donc que le texte de la pièce litigieu-
se ne permettait sans doute pas à X.________ d'attribuer à
ce
document une autre signification que celle d'une "Saldo-
quittung". C'est le lieu d'observer, en confirmation de ce
qui précède, que le Président du Tribunal du district de La-
vaux s'est fondé sur ce document pour refuser la mainlevée
provisoire de l'opposition à la poursuite intentée par
X.________; que le Tribunal de police du district de Lavaux
a

apprécié de la même manière la pièce incriminée; que la Cour
des poursuites et faillites du Tribunal cantonal vaudois a
dénié toute force probante à cette pièce, non pas en raison
de sa teneur, mais parce qu'il pouvait s'agir d'un faux; en-
fin, que la défenderesse s'est employée par tous les moyens
à
tenter d'établir qu'il s'agissait d'un faux, manifestant par
là même de manière concluante l'importance qu'elle accordait
au document argué de faux.

Considéré dans la perspective d'un règlement global
des relations d'affaires entre parties, le fait que la pièce
en cause mentionne le montant de 13 500 fr. au lieu de la
somme de 15 975 fr. formant l'objet de la reconnaissance de
dette n'a rien de surprenant, s'agissant d'un accord pour
solde de compte dans le cadre duquel l'un des intéressés pou-
vait fort bien faire abandon d'une partie de sa créance pour
telle ou telle raison.

Que X.________ ait intenté une poursuite contre le
demandeur pour la somme de 15 975 fr. n'est pas non plus dé-
cisif puisqu'il l'a fait le 23 juin 1995, soit trois jours
avant la signature du document litigieux. Il se peut fort
bien qu'il en ait informé le débiteur, avant la notification
formelle du commandement de payer, et que des pourparlers
aient eu lieu entre eux dans l'intervalle. Quant à la notifi-
cation du commandement de payer, le 3 juillet 1995, elle n'a
aucune signification dans le cas présent, attendu que le
créancier était décédé entre-temps.

En l'occurrence, il n'y avait donc pas matière à
s'écarter de l'intitulé de la pièce datée du 26 juillet
1995,
mais signée le 26 juin 1995 par P.________ et X.________.
Autrement dit, la cour cantonale aurait dû admettre l'exis-
tence d'un "règlement pour solde de tout compte".

Pour le surplus, il n'est pas établi, ni même allé-
gué, que le demandeur ne se serait pas conformé aux termes
de
cet accord.

b) Cela étant, les premiers juges auraient dû ad-
mettre l'action en constatation négative de droit et dire
que
le demandeur ne doit pas payer à la succession X.________ en
liquidation la somme de 15 975 fr., avec intérêts à 5% l'an
dès le 1er juin 1995. En outre, ayant traité la demande du
poursuivi comme une action en constatation négative de droit
au sens de l'art. 85a LP, ils auraient dû également ordonner
l'annulation de la poursuite litigieuse, en application du
troisième alinéa de cette disposition. Leur arrêt devra donc
être réformé dans ce sens.

En revanche, la conclusion prise sous chiffre II/c
par le demandeur est irrecevable, puisque la cour cantonale
a
constaté que la Cour des poursuites et faillites avait déjà
réglé définitivement cette question.

3.- La défenderesse, qui succombe, devra supporter
tous les frais de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ)
et indemniser le demandeur (art. 159 al. 1 OJ), dont les con-
clusions ont été admises pour l'essentiel. Au cas où les dé-
pens ne pourraient pas être recouvrés, les honoraires de
l'avocat d'office du demandeur seront payés par la Caisse du
Tribunal fédéral (art. 152 al. 2 OJ). Enfin, il convient de
renvoyer le dossier à la Cour civile pour qu'elle rende une
nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure
cantonale.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours, dans la mesure où il est rece-
vable, et réforme les chiffres I et II du dispositif du juge-
ment attaqué, en ce sens que le demandeur P.________ ne doit
pas payer à la succession X.________ en liquidation, défende-
resse, la somme de 15 975 fr., avec intérêts à 5% l'an dès
le
1er juin 1995, et que la poursuite n° ... de l'Office des
poursuites de l'arrondissement de Lavaux est annulée;

Confirme le chiffre V du dispositif dudit juge-
ment;

Annule les chiffres III et IV du dispositif du
jugement déféré et renvoie la cause à la cour cantonale pour
nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure
cantonale;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de l'intimée;

3. Dit que l'intimée versera au recourant une in-
demnité de 2000 fr. à titre de dépens. Au cas où ces dépens
ne pourraient pas être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédé-
ral versera la même somme à Me Nicolas Saviaux à titre d'ho-
noraires;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud.

___________

Lausanne, le 5 juillet 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.31/2001
Date de la décision : 05/07/2001
1re cour civile

Analyses

Interprétation des contrats (art. 18 al. 1 CO); quittance pour solde de comptes. Le sens d'un texte, même clair, n'est pas forcément déterminant, l'interprétation purement littérale étant prohibée (précision de la jurisprudence; consid. 1b). Notion de quittance pour solde de comptes (consid. 1a).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-05;4c.31.2001 ?
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