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04/07/2001 | SUISSE | N°4C.55/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 juillet 2001, 4C.55/2001


«/2»

4C.55/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

4 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges. Greffier:
M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

S.________, défenderesse et recourante, représentée par Me
Béatrice Antoine, avocate à Genève,

et

C.________, demandeur et intimé, représenté par Me Christian
Buonomo, avocat à Genève;

(haus

se de loyer; loyers usuels du quartier)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- C.________, en t...

«/2»

4C.55/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

4 juillet 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges. Greffier:
M. Carruzzo.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

S.________, défenderesse et recourante, représentée par Me
Béatrice Antoine, avocate à Genève,

et

C.________, demandeur et intimé, représenté par Me Christian
Buonomo, avocat à Genève;

(hausse de loyer; loyers usuels du quartier)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- C.________, en tant que bailleur, et dame
S.________, comme locataire, sont liés par un contrat de
bail
à loyer du 26 janvier 1976, renouvelable d'année en année,
qui porte sur un appartement de quatre pièces sis au troisiè-
me étage de l'immeuble se trouvant au n° Y. de la rue Lio-
tard, à Genève. Cet immeuble, dont l'état général est consi-
déré comme bon, a été construit en 1970 (recte: 1967); il
est
équipé d'une buanderie, d'un ascenseur et du chauffage cen-
tral. D'une surface de 67,40 m², l'appartement en question
dispose d'un balcon, de doubles vitrages, d'une cuisine agen-
cée, d'une salle de bains et d'un w.-c., ainsi que d'une ca-
ve; il est situé à proximité de commerces, d'une école et de
transports publics.

Le loyer initial de cet appartement a été fixé à
6000 fr. l'an, sans les charges. Il a été progressivement
augmenté pour être arrêté, en dernier lieu, à 8400 fr. dès
le
1er janvier 1993.

Par avis de majoration du 16 septembre 1997, le
bailleur a déclaré vouloir porter le loyer annuel de l'appar-
tement à 10 320 fr., charges non comprises, à compter du 1er
janvier 1998. Ce faisant, il entendait aligner ce loyer sur
les loyers usuels dans le quartier. La locataire a contesté
l'augmentation de son loyer.

B.- Après échec de la tentative de conciliation,
C.________ a saisi le Tribunal des baux et loyers du canton
de Genève d'une demande visant à faire entériner la hausse
litigieuse.

Au terme de la procédure probatoire, le Tribunal
des baux et loyers, statuant le 30 novembre 1999, a rejeté
la
demande.

Par arrêt du 21 décembre 2000, la Chambre d'appel
en matière de baux et loyers, après avoir annulé le jugement
de première instance, a constaté que le loyer de l'apparte-
ment avait été valablement fixé à 10 320 fr. par an, charges
en sus, avec effet au 1er janvier 1998. Elle a considéré, en
résumé, que le loyer en cause était inférieur aux loyers du
quartier offerts en comparaison, compte tenu de l'adaptation
théorique de ces loyers à la baisse du taux hypothécaire.

C.- La défenderesse interjette un recours en réfor-
me au Tribunal fédéral, concluant à l'annulation de l'arrêt
de la Chambre d'appel et au rejet intégral de la requête en
validation de la hausse de loyer contestée. Elle fait grief
aux juges précédents d'avoir violé les art. 8 CC, 269a let.
a
et 274d al. 3 CO.

Le demandeur propose le rejet du recours et la con-
firmation de l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- S'agissant d'un bail reconductible tacitement,
autrement dit de durée indéterminée (ATF 114 II 165 consid.
2b), il y a lieu de tenir compte, pour le calcul de la
valeur
litigieuse, de l'augmentation du loyer annuel contestée dans
la dernière instance cantonale, puis de multiplier ce
montant
par vingt (art. 36 al. 5 OJ; ATF 121 III 397 consid. 1; 118
II 422 consid. 1). En l'espèce, l'augmentation en cause est
de 1920 fr. par année. Multiplié par vingt, ce montant donne
un total de 38 400 fr. La valeur litigieuse à laquelle
l'art.

46 OJ subordonne la recevabilité du recours en réforme est
par conséquent atteinte.

2.- a) Lorsqu'il est saisi d'un recours en réforme,
le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement sur la
base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins
que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient
été violées, qu'il y ait lieu à rectification de constata-
tions reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2
OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de
l'autorité
cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits
pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126
III
59 consid. 2a; 119 II 353 consid. 5c/aa). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de
faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c
OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'au-
torité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 125 III
78
consid. 3a, 368 consid. 3 in fine; 122 III 26 consid. 4a/aa,
61 consid. 2c/bb).

b) Au chapitre VI de son mémoire de recours, la dé-
fenderesse tente de rectifier et de compléter la description
de l'appartement litigieux et de l'immeuble dans lequel il
se
trouve, telle qu'elle ressort de l'arrêt attaqué. Pour ce
faire, elle se borne à soutenir que les constatations y re-
latives seraient le fruit d'inadvertances manifestes ou ré-
sulteraient d'une violation des règles sur la preuve. Puis,
elle propose sa propre description de ces deux éléments, en
s'appuyant sur des pièces et des témoignages extraits du dos-
sier.

Procéder ainsi, c'est confondre la juridiction fé-
dérale de réforme avec une instance d'appel jouissant d'un
plein pouvoir de cognition à l'égard des faits de la cause.
Concrètement, il n'appartient pas au Tribunal fédéral, lors-
qu'il statue sur un recours en réforme, d'examiner, sur la

base des éléments de preuve recueillis par le juge du fait,
si la description - contestée - de l'immeuble et de l'appar-
tement donné à bail correspond ou non à la réalité. Son in-
tervention n'est possible que s'il lui est démontré, avec
toute la précision exigée par la jurisprudence en la
matière,
que cette description a été faussée par des inadvertances ma-
nifestes (ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II 159 consid. 2b),
par la violation de dispositions fédérales touchant la
preuve
des faits pertinents (p. ex. l'art. 8 CC ou l'art. 274d al.
3
CO) ou encore parce que de tels faits, quoique régulièrement
allégués, n'ont pas été constatés. En l'espèce, pareille dé-
monstration fait totalement défaut, la défenderesse se con-
tentant d'opposer sa propre version des circonstances de la
cause à celle de la cour cantonale.

Cela étant, le Tribunal fédéral ne tiendra aucun
compte des affirmations de la défenderesse relatives au mau-
vais état de l'immeuble, au degré de calme et de
tranquillité
du quartier dans lequel celui-ci est situé, ainsi qu'à la
surface, à l'équipement et à l'entretien de l'appartement
loué.

De même, la défenderesse remet en question de ma-
nière irrecevable la constatation souveraine des juges précé-
dents quant à la date à laquelle le contrat de bail qui la
lie au demandeur a été signé.

En revanche, il ressort effectivement de la pièce
indiquée par la défenderesse que l'immeuble en cause n'a pas
été construit en 1970, comme l'a retenu à tort la cour canto-
nale, mais en 1967 déjà, ce qui est expressément admis par
le
demandeur. Il y a donc matière à rectification de l'état de
fait de l'arrêt cantonal sur ce point. Sous cette réserve,
l'examen juridique du cas se fera uniquement sur la base de
cet état de fait.

3.- Sous le couvert d'une prétendue violation des
art. 8 CC et 274d al. 3 CO, la défenderesse s'en prend dere-
chef, à un autre endroit de son mémoire de recours, aux cons-
tatations de la cour cantonale relatives à l'immeuble et à
l'appartement litigieux. Dans cette mesure, son recours en
réforme est irrecevable (art. 63 al. 2 OJ).

Au demeurant, les juges précédents n'ont pas mécon-
nu l'art. 8 CC, qui répartit le fardeau de la preuve entre
les parties (ATF 122 III 219 consid. 3c p. 223) et détermine
laquelle d'entre elles doit assumer les conséquences d'un
échec de la preuve (ATF 125 III 78 consid. 3b p. 79). En ef-
fet, l'appréciation des preuves administrées les a
convaincus
que le loyer incriminé est inférieur aux loyers usuels dans
le même quartier. Dès lors, en tranchant en faveur du bail-
leur, à qui incombait le fardeau de la preuve (ATF 123 III
317 consid. 4a et les références), ils ont appliqué correcte-
ment la disposition citée.

Quant à l'art. 274d al. 3 CO, qui institue une ma-
xime inquisitoire sociale (ATF 125 III 231 consid. 4a), la
défenderesse ne démontre en rien sa prétendue violation.
Elle
soutient du reste que cette disposition permet de répartir
le
fardeau de la preuve, ce qui est faux. Le grief
correspondant
est, en conséquence, irrecevable.

4.- La défenderesse invoque, par ailleurs, une
violation de l'art. 269a let. a CO. A son avis, il n'y avait
pas de comparaison possible entre l'appartement qu'elle loue
et les exemples retenus par la cour cantonale.

a) Ne sont en règle générale pas abusifs les loyers
qui se situent dans les limites des loyers usuels dans la lo-
calité ou dans le quartier (art. 269a let. a CO). La juris-
prudence a rappelé récemment le sens de la notion de loyers
usuels, de sorte qu'il suffit ici de s'y référer (ATF 123
III

317 consid. 4). Il a été relevé en particulier que, pour pou-
voir tirer des conclusions qui offrent quelque sécurité, il
faut disposer, en règle générale, de cinq éléments de compa-
raison au moins, qui présentent, pour l'essentiel, les mêmes
caractéristiques que le logement litigieux quant à l'emplace-
ment, la dimension, l'équipement, l'état et l'année de cons-
truction (ATF 123 III 317 consid. 4a p. 319 et les référen-
ces).

b) Sur les sept éléments de comparaison présentés
par le demandeur, la cour cantonale en a retenu six en indi-
quant les caractéristiques de chaque appartement susceptible
d'être comparé à l'appartement litigieux. La défenderesse
soutient, pour sa part, qu'aucun des appartements offerts en
comparaison ne pouvait être pris en considération.

Il s'impose, dès lors, d'examiner les caractéristi-
ques de chaque appartement pour déterminer s'il peut entrer
en ligne de compte au titre des loyers usuels dans le quar-
tier. Toutefois, comme la juridiction fédérale de réforme
n'est pas une autorité d'appel, cet examen se fera
uniquement
sur la base des constatations définitives de la cour cantona-
le et sur le vu des seuls griefs valablement formulés par la
défenderesse quant aux considérations juridiques émises par
cette autorité dans le cadre de l'analyse de chacun des six
éléments de comparaison retenus par elle.

aa) Exemple n° 1: appartement de quatre pièces -
X., rue Liotard.

Les caractéristiques de cet appartement correspon-
dent peu ou prou à celles de l'appartement litigieux. La
Chambre d'appel qualifie de "moyen" l'état général de l'im-
meuble dans lequel se trouve l'appartement. En taxant cet
état de "bon", dans son recours en réforme, la défenderesse
s'écarte de la constatation topique, ce qui n'est pas admis-

sible. De même, elle va au-delà des constatations
souveraines
des juges précédents quand elle affirme que l'immeuble en
question est parallèle à la rue Liotard et que l'appartement
considéré "donne côté rue Liotard plus précisément sur le
parc".

Il n'était donc pas contraire au droit fédéral de
retenir cet élément de comparaison.

bb) Exemple n° 2: appartement de quatre pièces -
X., rue Liotard.

La défenderesse ne formule aucune critique en ce
qui concerne l'admission de cet objet comme élément de com-
paraison. Aussi n'y a-t-il pas lieu de pousser plus avant
l'analyse sur ce point (art. 55 al. 1 let. c OJ).

cc) Exemple n° 3: appartement de quatre pièces -
X., rue Liotard.

Au dire de la défenderesse, l'état général du bâti-
ment ne serait pas indiqué. Certes, la cour cantonale n'a
pas
posé de constatation expresse à ce sujet. Il ressort toute-
fois de l'arrêt déféré que l'état des immeubles est dans
l'ensemble comparable. Les immeubles de la rue Liotard admis
comme éléments de comparaison, de même que l'immeuble où se
trouve l'appartement loué par la défenderesse, ont tous été
construits dans les années soixante, à une exception près
(exemple n° 2), de sorte qu'il est peu probable qu'ils pré-
sentent des différences notables du point de vue de leur
état
général, d'autant moins qu'il n'est pas allégué que l'un ou
l'autre ait été rénové de fond en comble, quand bien même
certains appartements, tel celui qui est présentement exami-
né, ont fait, eux, l'objet de travaux de rénovation. L'argu-
ment avancé par la défenderesse n'est donc pas décisif.

Que l'appartement en question se trouve au quatriè-
me étage, alors que celui qu'occupe la défenderesse est
situé
au troisième étage, n'est pas non plus déterminant. Ainsi
que
le Tribunal fédéral l'a souligné récemment, le critère de
l'étage n'est retenu, en tant que tel, ni dans la loi ni par
la jurisprudence, de sorte qu'il n'apparaît pas nécessaire-
ment pertinent (arrêt non publié du 15 juin 2001, dans la
cause 4C.40/2001, consid. 5c).

La Chambre d'appel constate que l'appartement de
référence comporte une salle de bains et un w.-c. Dans son
recours en réforme, la défenderesse fait encore état d'une
"douche avec un wc récent dans la salle de bains",
s'écartant
ainsi à nouveau des seules constatations de la cour cantona-
le, ce qu'elle n'est pas en droit de faire.

Par identité de motif, le Tribunal fédéral fera
abstraction de l'affirmation selon laquelle l'immeuble n°
X. de la rue Liotard ne serait pas situé dans le même quar-
tier que l'immeuble sis au n° Y. de la même rue. En effet, à
la page 3 de son arrêt, la Chambre d'appel précise
expressis
verbis que "les appartements cités en comparaison sont
situés
dans le même quartier que l'appartement litigieux", constata-
tion qui lie la juridiction fédérale de réforme. Pour le sur-
plus, la défenderesse ne reproche pas aux juges précédents
d'avoir méconnu la notion juridique du quartier, qui repose
sur d'autres facteurs que la seule proximité dans l'espace
(cf. ATF 123 III 317 consid. 4b/ee p. 322).

Ainsi, la cour cantonale ne s'expose pas au grief
de violation de l'art. 269a let. a CO pour avoir jugé que le-
dit appartement constituait un élément de comparaison vala-
ble.

dd) Exemple n° 4: appartement de quatre pièces -
X., rue Liotard.

La défenderesse oppose l'état général - jugé "moyen
à bon" par la cour cantonale - du bâtiment où est situé cet
appartement à celui du bâtiment en cause qu'elle dit être
"de
moyen à vétuste". Force est d'observer d'emblée que, si la
description du premier terme de la comparaison correspond
aux
constatations des juges d'appel, tel n'est pas le cas du se-
cond puisque ces derniers écrivent, dans leur arrêt, que
l'état général du bâtiment dans lequel se trouve l'apparte-
ment occupé par la défenderesse "est considéré comme bon".

Il ressort de l'arrêt attaqué que l'appartement
susvisé présente une surface de 65 m². On ne voit pas ce qui
permet à la défenderesse d'alléguer que les mètres carrés in-
diqués "sont une estimation non confirmée".

Il n'est pas contesté que ledit appartement a été
rénové en 1996. La cour cantonale constate expressément la
chose dans son arrêt. Toutefois, pareille circonstance demeu-
re sans incidence en l'espèce, quoi qu'en pense la défende-
resse, du moment que le demandeur s'est prévalu du niveau du
loyer avant l'exécution des travaux de rénovation et que les
juges précédents se sont basés, eux aussi, sur ce niveau-là
pour procéder à la comparaison avec le loyer payé par la dé-
fenderesse.

ee) Exemple n° 5: appartement de trois pièces et
demie - X., avenue Luserna.

Selon la défenderesse, la salle de bains, la douche
et les w.-c. de cet appartement auraient été entièrement ré-
novés récemment. Quant au bâtiment abritant l'appartement,
il
ne serait pas situé dans le même quartier que l'immeuble à
comparer, ce dernier n'ayant de surcroît pas de vis-à-vis.
En

outre, l'immeuble et l'appartement comporteraient "manifeste-
ment un équipement supérieur". Sur tous ces points, la défen-
deresse s'écarte derechef des constatations souveraines de
la
cour cantonale, lesquelles ne font pas ressortir la
prétendue
rénovation récente des installations sanitaires, ni une qua-
lité supérieure dans l'équipement. S'agissant de la question
du quartier, on peut renvoyer à ce qui a été relevé plus
haut
(cf. let. cc).

ff) Exemple n° 6: appartement de quatre pièces -
X., avenue Ernest-Pictet.

La Chambre d'appel constate, dans son arrêt, que la
surface de cet appartement ne résulte pas de la procédure.
Elle n'en retient pas moins cet objet comme élément de compa-
raison. La défenderesse le lui reproche à bon droit. En ef-
fet, selon la jurisprudence, la dimension du logement est un
critère déterminant (ATF 123 III 317 consid. 4b/cc p. 321).
A
cet égard, ainsi que le Tribunal fédéral vient de le
rappeler
il y a peu, l'indication du nombre de pièces ne saurait com-
penser l'absence de données sur la surface de l'appartement
présenté à titre de comparaison (arrêt précité du 15 juin
2001, dans la cause 4C.40/2001, consid. 5c/bb).

Il était par conséquent contraire au droit fédéral
d'inclure l'appartement de l'avenue Ernest-Pictet dans les
éléments de comparaison. Ce nonobstant, les éléments
restants
sont au nombre de cinq, soit le minimum exigé par la juris-
prudence. Encore faut-il examiner si le dernier argument
avancé par la défenderesse n'exclut pas toute comparaison en-
tre les cinq appartements retenus correctement par la
Chambre
d'appel et l'appartement en cause.

5.- La Chambre d'appel a procédé à l'adaptation
théorique des loyers comparatifs à l'évolution du taux hypo-
thécaire. A suivre la défenderesse, la correction virtuelle

ainsi opérée sur les loyers des appartements retenus comme
éléments de comparaison serait incompatible en tant que
telle
avec le droit fédéral. En tout état de cause, semblable cor-
rection, à la supposer admissible dans son principe, aurait
dû conduire la cour cantonale à écarter tous les éléments de
comparaison retenus par elle.

Il convient de décider, en premier lieu, si la cor-
rection incriminée est compatible ou non, en tant que telle,
avec le droit fédéral - question que le Tribunal fédéral n'a
pas encore eu à trancher jusqu'ici (cf. arrêt du 16 janvier
2001, reproduit in SJ 2001 I p. 247, consid. 4b/ee in fine)
-
avant d'examiner, le cas échéant, la manière dont la cour
cantonale y a procédé dans la présente espèce.

a) Dans son arrêt de principe du 7 juillet 1997, le
Tribunal fédéral a confirmé sa jurisprudence voulant qu'il
soit exclu de prendre comme éléments de comparaison, pour
l'application du critère des loyers usuels, des loyers qui
sont eux-mêmes abusifs parce que les bailleurs concernés ne
les ont pas adaptés à l'évolution des facteurs de baisse,
principalement en s'abstenant de répercuter les baisses suc-
cessives du taux hypothécaire (ATF 123 III 317 consid. 4d).
Contrairement à ce que soutient la défenderesse, la juridic-
tion suprême n'y a nullement tranché - et encore moins par
la
négative - la question de l'adaptation théorique des loyers
comparatifs à l'évolution des facteurs de baisse. Preuve en
est le fait que cet arrêt confirmatif mentionne précisément
un cas dans lequel une telle adaptation serait non seulement
possible, mais encore nécessaire, à savoir quand une baisse
du taux hypothécaire doit prendre effet entre le moment de
la
notification de l'augmentation de loyer litigieuse et l'en-
trée en vigueur de celle-ci; en pareille hypothèse, il ne se-
rait, en effet, pas admissible de faire abstraction de cette
baisse dans l'examen des loyers comparatifs et de s'en tenir

au niveau auquel se situaient ces derniers au moment de la
notification de la hausse de loyer contestée.

Sur le plan des principes, l'adaptation théorique
des loyers comparatifs à l'évolution des facteurs de baisse
ne soulève pas d'objection majeure. Aussi bien, il ne s'agit
pas de procéder à une réduction effective de ces loyers-là,
au motif qu'ils n'auraient pas suivi cette évolution, comme
le ferait une autorité appelée à statuer sur une demande de
diminution du loyer. L'adaptation théorique n'est, en réali-
té, qu'une mesure correctrice visant uniquement à éviter que
le loyer litigieux ne soit comparé à des loyers eux-mêmes
abusifs. Il va sans dire, étant donné la relativité de la
chose jugée, que la décision prise à ce sujet ne sera pas op-
posable aux titulaires des baux des appartements retenus com-
me éléments de comparaison. D'autre part, exclure la possibi-
lité d'une correction virtuelle des loyers comparatifs re-
viendrait à soumettre le sort du litige à l'attitude de per-
sonnes qui y sont étrangères. Or, il n'apparaît guère justi-
fiable de pénaliser la partie qui a satisfait aux réquisits
de l'art. 11 al. 1 de l'ordonnance du 9 mai 1990 sur le bail
à loyer et le bail à ferme d'habitations et de locaux commer-
ciaux (OBLF; RS 221.213.11) et de la jurisprudence en la ma-
tière du seul fait que des tiers - c'est-à-dire les
bailleurs
des appartements retenus valablement comme éléments de compa-
raison - n'ont pas procédé aux adaptations effectives de
leurs loyers dictées par l'évolution des facteurs de baisse.
Il n'appartient pas au bailleur qui, par hypothèse, a fait
preuve de retenue dans la fixation du loyer de l'appartement
en cause de supporter les conséquences de la négligence ou
de
la mauvaise volonté d'autres bailleurs sur lesquels il n'a
aucune prise. Au demeurant, il ne faut pas perdre de vue que
le critère fondé sur les coûts (i.e. l'évolution des
facteurs
de baisse) constitue un corps étranger par rapport au
critère
fondé sur les prix du marché (i.e. les loyers usuels), qu'il
s'agit d'un simple correctif et qu'il serait faux, dès lors,
de vouloir en étendre encore plus la portée en posant de nou-
velles exigences, alors que l'application du critère des
loyers comparatifs est déjà soumise à des conditions d'une
sévérité telle qu'elles le rendent difficilement praticable.

A l'heure actuelle, dans les procédures en cours,
les bailleurs proposent de calculer fictivement la répercus-
sion des baisses du taux hypothécaire sur les loyers compara-
tifs aux fins de démontrer que le loyer litigieux se situe
dans les limites des loyers du marché après adaptation des
loyers de comparaison (Jacquemoud-Rossari, L'évolution récen-
te de la jurisprudence en matière de loyers, in 11e
Séminaire
sur le droit du bail, Neuchâtel 2000, p. 14). Telle est éga-
lement la pratique suivie par le Tribunal des baux du canton
de Vaud (voir le jugement du 15 février 1999 publié in CdB
2000 p. 120 ss) et par la Chambre d'appel en matière de baux
et loyers du canton de Genève (cf., en plus de l'arrêt
formant l'objet du présent recours, l'arrêt du 23 juin 2000
ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal fédéral du 16 janvier
2001 in SJ 2001 I p. 247). Les auteurs qui se sont penchés
sur la question sont eux aussi favorables à l'adaptation
théorique des loyers comparatifs (Lachat, Le bail à loyer,
p. 305, ch. 2.2.4; Lachat/Stoll/Brunner, Mietrecht für die
Praxis, 4e éd., p. 318, ch. 2.2.4; Blaser, La prise en
considération des loyers usuels dans la fixation du loyer,
in
CdB 2001 p. 1 ss, 19; voir déjà, sous l'empire de l'AMSL:
Raissig/Schwander, Massnahmen gegen Missbräuche im
Mietwesen,
3e éd., p. 119 et 158). Il convient de leur emboîter le pas.

Le principe d'une adaptation théorique des loyers
comparatifs étant jugé admissible, encore faut-il apporter
quelques précisions en ce qui concerne ses modalités d'appli-
cation. S'agissant tout d'abord du fardeau de la preuve, il
devra être supporté par la partie qui invoque le critère des
loyers du marché, soit le bailleur en règle générale; c'est
donc en défaveur de cette partie qu'il conviendra de statuer
au cas où les éléments devant permettre de procéder à l'adap-
tation théorique feraient défaut, ce qui entraînera l'exclu-

sion de l'objet de comparaison pour lequel une telle adapta-
tion n'aura pu être effectuée, à moins qu'il soit établi au-
trement (p. ex. par un calcul de rendement ou par la compa-
raison avec les autres loyers comparatifs réadaptés) que le
loyer comparatif n'est de toute façon pas abusif. Il
s'impose
ensuite de fixer des limites dans le temps, s'agissant de
vérifier l'adaptation théorique des loyers comparatifs à
l'évolution des facteurs de baisse. Vouloir refaire l'histo-
rique du loyer depuis l'entrée en vigueur du bail de chaque
élément de comparaison, ainsi que le préconise la défenderes-
se, est une proposition irréaliste qui reviendrait à exclure
l'applicabilité de l'art. 269a let. a CO. Il paraît beaucoup
plus sage de n'examiner l'évolution des facteurs de baisse
que depuis la date de fixation du dernier loyer de chaque ap-
partement pris comme point de comparaison. Sans doute ne
peut-on pas exclure le risque que ce loyer fût lui-même déjà
abusif; c'est la raison pour laquelle il convient de permet-
tre au locataire d'apporter la preuve que tel était le cas,
ce qui conduira à exclure l'appartement au loyer abusif
comme
élément de comparaison. A l'inverse, et contrairement à ce
que pourrait donner à penser le résumé placé en tête de
l'ATF
123 III 317, le fait que les loyers de comparaison n'ont pas
réagi à la baisse du taux hypothécaire n'interdira pas tou-
jours leur prise en considération au titre des loyers
usuels.
Il faut, en effet, autoriser le bailleur à établir soit que
cette baisse a été compensée par l'évolution à la hausse des
autres facteurs relatifs prévus à l'art. 269a CO, tel le ren-
chérissement (cf. Blaser, ibid.), soit que le loyer compara-
tif ne procure de toute façon pas un rendement excessif au
bailleur (art. 269 et 269a let. c CO), bien qu'il n'ait pas
suivi la baisse du taux hypothécaire.

b) Ces principes posés, il y a lieu d'examiner à
leur aune si les cinq éléments de comparaison retenus ici
ont
fait l'objet d'une adaptation théorique correcte de la part
des juges précédents. Cet examen se fera, il va de soi, dans

les limites des griefs valablement formulés par la défende-
resse à l'encontre des considérations émises par la cour can-
tonale.

aa) Exemple n° 1: appartement de quatre pièces -
X., rue Liotard.

Il ressort de l'arrêt cantonal que le loyer annuel
pour cet appartement a été fixé en dernier lieu, soit le 1er
mars 1993, à 13 320 fr. Compte tenu de la baisse subséquente
du taux hypothécaire, la Chambre d'appel a ramené ce loyer à
10 489 fr. sans tenir compte du renchérissement ni d'une
éventuelle évolution des charges.

Selon la défenderesse, cet appartement ne pouvait
pas être retenu comme élément de comparaison du fait que son
loyer était bien plus élevé, en 1993, que celui de l'apparte-
ment litigieux, lui-même adapté aux loyers du quartier à la
même époque. L'argument tombe à faux. D'une part, il ne res-
sort pas des constatations de la cour cantonale que le loyer
en cause ait été adapté aux loyers du quartier à la date du
1er janvier 1993. D'autre part, le critère des loyers compa-
ratifs vise précisément à permettre une adaptation d'un
loyer
aux loyers usuels dans le quartier, de sorte qu'il est dans
la logique du système que ledit loyer se situe souvent,
avant
cette adaptation, à un niveau sensiblement
inférieur aux
loyers comparatifs.

bb) Exemple n° 2: appartement de quatre pièces -
X., rue Liotard.

Le loyer de cet appartement a été fixé à 15 132 fr.
en juillet 1997. En février 1998, le bailleur a mis l'appar-
tement en location pour un loyer annuel de 13 800 fr. Finale-
ment, il l'a reloué pour 12 240 fr. par an dès le 1er juin
1998. La cour cantonale constate que l'évolution du taux

hypothécaire depuis juillet 1997 aurait justifié une baisse
de 5,66% qui aurait permis de fixer le loyer à un niveau
supérieur à celui du loyer appliqué à partir du 1er juin
1998.

Soulignant que l'évolution du loyer de cet apparte-
ment de 1990 à 1997 est inconnue, la défenderesse est d'avis
que rien ne permettrait d'affirmer que ce loyer n'était pas
déjà abusif précédemment, ce que tendrait à confirmer le
fait
que ledit appartement n'a pas trouvé preneur pendant une cer-
taine période.

Le seul fait que l'appartement est demeuré inoccupé
durant quelques mois ne suffit pas à établir le caractère
prétendument abusif du loyer fixé en juillet 1997. La défen-
deresse, qui n'a pas étayé plus avant son allégation, doit
donc supporter l'échec de la preuve de celle-ci.

cc) Exemple n° 3: appartement de quatre pièces -
X., rue Liotard.

Le loyer annuel de cet appartement a été fixé à
15 600 fr. le 15 mars 1998, mais après que des travaux de
rénovation y avaient été effectués. Jusqu'à cette date, il
s'élevait à 11 976 fr., chiffre retenu par les juges d'appel
pour la comparaison avec le loyer litigieux.

La défenderesse conteste ce dernier chiffre, qui ne
ressortirait pas des enquêtes. Ce faisant, elle s'en prend
de
manière irrecevable à une constatation souveraine de la cour
cantonale.

Pour le surplus, la défenderesse relève que l'évo-
lution antérieure dudit loyer est inconnue, de sorte qu'il
n'est pas certain que ce dernier n'ait pas déjà été abusif
précédemment. La remarque est exacte. Force est toutefois de

souligner que le loyer de 11 976 fr. pratiqué au 1er janvier
1998 pour cet appartement de 80 m² était inférieur à la plu-
part des loyers - réadaptés de manière théorique à la même
date - des autres appartements retenus comme éléments de com-
paraison, bien que ceux-ci aient une surface sensiblement in-
férieure à celle dudit appartement. Il n'y a donc aucun indi-
ce propre à établir le caractère abusif de ce loyer, lequel
pourra ainsi être comparé avec le loyer en cause.

dd) Exemple n° 4: appartement de quatre pièces -
X., rue Liotard.

Le loyer annuel de cet appartement a été fixé à
16 200 fr., dès le 1er mars 1997, après rénovation du loge-
ment. Antérieurement, il avait été arrêté à 13 920 fr. à
compter du 1er novembre 1996. L'adaptation de ce dernier
loyer à la baisse du taux hypothécaire a conduit la cour
cantonale à le ramener à 12 771 fr.

Selon la défenderesse, le loyer annuel aurait passé
de 12 366 fr. en 1991 à 16 200 fr. en 1997, puis aurait
suivi
une courbe ascendante constante alors que le taux hypothécai-
re continuait de baisser. Le loyer appliqué en 1991 ne res-
sort pas de l'arrêt déféré, non plus que la prétendue augmen-
tation ininterrompue dudit loyer depuis 1997. En
conséquence,
la défenderesse ne saurait rien déduire en faveur de sa
thèse
à partir de ces deux assertions qui s'écartent des constata-
tions de la Chambre d'appel. Elle passe de surcroît sous si-
lence le fait, pourtant avéré, que la sensible augmentation
de loyer intervenue en 1997 faisait suite à la rénovation du
logement.

ee) Exemple n° 5: appartement de trois pièces et
demie - X., avenue Luserna.

Le dernier loyer de cet appartement avait été fixé
à 14 400 fr. par an le 1er février 1996. La Chambre d'appel
l'a adapté virtuellement à la baisse du taux hypothécaire
pour l'arrêter à 13 211 fr.

Pour tout argument, la défenderesse se borne à af-
firmer qu'aucune répercussion de la baisse du taux hypothé-
caire n'a eu lieu. Tel n'est pas le cas, comme on vient de
l'indiquer, la cour cantonale ayant effectivement procédé à
l'adaptation théorique de ce loyer.

c) Force est de constater, au terme de cet examen,
que le loyer litigieux est inférieur à tous les loyers - réa-
daptés - des cinq appartements retenus comme éléments de com-
paraison. En d'autres termes et pour reprendre le texte lé-
gal, il se situe dans les limites des loyers usuels dans le
quartier. Par conséquent, c'est à bon droit que la Chambre
d'appel a considéré que le loyer de 10 320 fr. réclamé par
le
demandeur à la défenderesse avec effet au 1er janvier 1998
n'est pas abusif. L'arrêt attaqué sera donc confirmé, ce qui
implique le rejet du présent recours, dans la mesure de sa
recevabilité, ainsi que la mise à la charge de la défenderes-
se des frais et dépens de la procédure fédérale (art. 156
al.
1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimé une in-
demnité de 3000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux
et loyers du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 4 juillet 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.55/2001
Date de la décision : 04/07/2001
1re cour civile

Analyses

Augmentation de loyer; loyers usuels du quartier; adaptation théorique des loyers comparatifs (art. 269a let. a CO; art. 11 OBLF). Admissibilité de l'adaptation théorique des loyers comparatifs à l'évolution des facteurs de baisse; modalités d'application (consid. 5a).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-04;4c.55.2001 ?
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