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02/07/2001 | SUISSE | N°H.9/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 juillet 2001, H.9/01


«AZA 7»
H 9/01
H 11/01 Kt

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Ursprung;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 2 juillet 2001

dans la cause

1. S.________, représenté par Me Philippe Schmidt, avocat,
place des Philosophes 8, 1205 Genève,

2. F.________, représenté par Me Gérald Page, avocat, rue
de Hesse 8-10, 1204 Genève,

recourants,

contre

Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédération romande
des Syndicats patronaux (CIAM-AVS), rue de

St-Jean 98,
1201 Genève, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

H 9+11/01 Kt

A.-...

«AZA 7»
H 9/01
H 11/01 Kt

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Ursprung;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 2 juillet 2001

dans la cause

1. S.________, représenté par Me Philippe Schmidt, avocat,
place des Philosophes 8, 1205 Genève,

2. F.________, représenté par Me Gérald Page, avocat, rue
de Hesse 8-10, 1204 Genève,

recourants,

contre

Caisse interprofessionnelle d'AVS de la Fédération romande
des Syndicats patronaux (CIAM-AVS), rue de St-Jean 98,
1201 Genève, intimée,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

H 9+11/01 Kt

A.- Inscrite au Registre du commerce de Genève dès le
5 juillet 1991, la société B.________ SA était affiliée en
tant qu'employeur à la Caisse interprofessionnelle AVS de
la Fédération romande des syndicats patronaux (la caisse).
F.________ en a été l'administrateur-directeur du 5 juillet
1991 au 23 juillet 1993; quant à S.________, il en a été
l'administrateur-président du 5 juillet 1991 au 23 novembre
1993, jour où la faillite de cette société a été prononcée.
Par deux décisions du 4 mars 1997, la caisse a informé
F.________ et S.________ qu'elle les rendait responsables
du préjudice qu'elle avait subi dans la faillite de la
société B.________ SA (perte de cotisations paritaires) et
qu'elle leur en demandait réparation. A ce titre, la caisse
a réclamé un montant de 68 810 fr. 90 à F.________, tandis
qu'elle a invité S.________ à lui verser la somme de
82 678 fr. 80; en outre, elle les a déclaré solidairement
débiteurs à son égard jusqu'à concurrence de 68 810 fr. 90.

B.- Les prénommés s'étant opposés à ces décisions, la
caisse a porté le cas devant la Commission cantonale gene-
voise de recours en matière d'AVS, par écriture du 30 avril
1997 complétée le 6 mai 1997, en concluant à ce que le
défendeur F.________ fût condamné à lui payer la somme de
57 402 fr. 65 et S.________ le montant de 82 678 fr. 80.
Par jugement du 4 octobre 2000, la juridiction canto-
nale a adjugé entièrement ses conclusions à la caisse de-
manderesse.

C.- F.________ et S.________ interjettent recours de
droit administratif contre ce jugement dont ils demandent
l'annulation, avec suite de frais et dépens, en concluant à
leur libération.
L'intimée conclut au rejet des recours. Les recourants
se sont exprimés sur leurs écritures respectives, en leur
qualité d'intéressés; ils ont saisi l'occasion de se déter-

miner sur la réponse de l'intimée. De son côté, l'Office
fédéral des assurances sociales n'a pas déposé d'observa-
tions.

Considérant en droit :

1.- Les recours de droit administratif concernent des
faits de même nature, portent sur des questions juridiques
communes et sont dirigés contre le même jugement, de sorte
qu'il se justifie de les réunir et de les liquider dans un
seul arrêt (ATF 123 V 215 consid. 1, 120 V 466 consid. 1 et
les références; Poudret, Commentaire de la loi fédérale
d'organisation judiciaire, vol. I, p. 343 s.).

2.- Le litige porte sur la responsabilité des recou-
rants dans le préjudice subi par l'intimée, au sens de
l'art. 52 LAVS et de la jurisprudence (ATF 123 V 170 con-
sid. 2a, 122 V 66 consid. 4a et les références).
La décision litigieuse n'ayant pas pour objet l'octroi
ou le refus de prestations d'assurance, le Tribunal fédéral
des assurances doit se borner à examiner si les premiers
juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou
par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement
inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris
de règles essentielles de procédure (art. 132 en corré-
lation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

3.- a) En vertu de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui,
intentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas
des prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de
compensation est tenu à réparation. Si l'employeur est une
personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre
subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF

123 V 15 consid. 5b, 122 V 66 consid. 4a, 119 V 405 con-
sid. 2 et les références).
Les premiers juges ont exposé correctement ce qu'il
faut entendre par responsabilité de l'employeur au sens de
l'art. 52 LAVS. A leurs considérants, auxquels il suffit de
renvoyer, on ajoutera qu'en matière de cotisations, qui
représente le champ d'application principal de cette dispo-
sition légale, un dommage se produit lorsque l'employeur ne
déclare pas à l'AVS tout ou partie des salaires qu'il verse
à ses employés et que les cotisations correspondantes se
trouvent ultérieurement frappées de péremption selon
l'art. 16 al. 1 LAVS; ou lorsque des cotisations demeurent
impayées en raison de l'insolvabilité de l'employeur. Dans
la première éventualité, le dommage est réputé survenu au
moment de l'avènement de la péremption; dans la seconde, au
moment où les cotisations ne peuvent plus être perçues
selon la procédure ordinaire, eu égard à l'insolvabilité du
débiteur (ATF 123 V 15 f. consid. 5b, 169 consid. 2a,
121 III 384 consid. 3b/bb, 388 consid. 3a et les référen-
ces).

b) L'art. 82 RAVS règle la prescription du droit de la
caisse de compensation de demander la réparation du domma-
ge. Un tel droit se prescrit lorsque la caisse ne le fait
pas valoir par une décision de réparation dans l'année
après qu'elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas,
à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait
dommageable (al. 1). Lorsque ce droit dérive d'un acte
punissable soumis par le code pénal à un délai de prescrip-
tion de plus longue durée, ce délai est applicable (al. 2).
En dépit de la terminologie dont use l'art. 82 RAVS, les
délais institués par cette norme ont un caractère péremp-
toire (ATF 126 V 451-452 consid. 2a et les références).
Par moment de la «connaissance du dommage» au sens de
l'art. 82 al. 1 RAVS, il faut entendre, en règle générale,
le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre

compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement
exigible, que les circonstances effectives ne permettaient
plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient
entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF
126 V 451-452 consid. 2a et les références).
Lorsque le dommage résulte d'une faillite, le moment
de la «connaissance du dommage» ne coïncide pas avec celui
où la caisse connaît la répartition finale ou reçoit un
acte de défaut de biens; la jurisprudence considère, en
effet, que le créancier qui entend demander la réparation
d'une perte qu'il subit dans une faillite connaît suffisam-
ment son préjudice, au moment du dépôt de l'état de collo-
cation et de l'inventaire (ATF 116 V 75 consid. 3b; voir
aussi ATF 126 V 445 consid. 4). Ces principes s'appliquent
également lorsque - comme en l'espèce - la faillite est
liquidée en la forme sommaire (arrêt non publié I. du
27 juin 2000, H 12/99).

4.- a) Les recourants soutiennent tous deux que le
droit de l'intimée de demander la réparation du dommage
était périmé lorsqu'elle a rendu ses décisions du 4 mars
1997.
F.________ allègue notamment que la société
B.________ SA se trouvait en situation d'insolvabilité pra-
tiquement depuis sa création, raison pour laquelle elle
avait rencontré des difficultés dans le paiement des coti-
sations dès l'année 1991. Comme les poursuites engagées par
l'intimée à partir de la fin 1991 étaient restées infruc-
tueuses, la procédure ordinaire de recouvrement des cotisa-
tions non perçues par voie de saisie n'était, à son avis,
plus envisageable.
Quant à S.________, il reproche en particulier aux
premiers juges d'avoir constaté les faits pertinents de
manière manifestement inexacte et incomplète (cf. art. 104
let. b et 105 al. 2 OJ). Il soutient que si la commission
de recours a retenu à juste titre que l'état de collocation

a été déposé le 14 décembre 1994, elle a en revanche admis
à tort, sur la base des seules déclarations de la caisse,
que l'inventaire n'avait été déposé qu'au début de l'année
1997. Selon S.________, les premiers juges auraient dû
constater que l'inventaire avait été déposé en même temps
que l'état de collocation, le 14 décembre 1994, de sorte
que le délai d'une année prévu par l'art. 82 al. 1 RAVS n'a
pas été respecté. Il allègue enfin que l'intimée a eu
connaissance de son dommage en 1993 déjà, car la faillite a
été liquidée en la forme sommaire.

b) Dans ses demandes en réparation du dommage des
30 avril et 6 mai 1997, l'intimée a allégué qu'elle s'était
adressée à plusieurs reprises à l'Office des faillites de
Genève afin d'obtenir une copie de l'inventaire. Ce docu-
ment ayant été achevé en 1997, elle a finalement pu en
prendre connaissance le 19 février 1997, lors d'une visite
à l'office des faillites. Tout au long de l'instruction de
la demande en procédure cantonale, S.________ n'a jamais
contesté que l'inventaire n'avait été terminé qu'au début
de l'année 1997, ainsi que la caisse demanderesse le sou-
tenait; par ailleurs, il n'a pas requis l'administration de
preuves sur la véracité de cet allégué (voir ses détermina-
tions des 27 juin 1997 et 16 février 1998, ainsi que le
procès-verbal de son audition du 14 octobre 1997). De son
côté, F.________ n'a pas non plus contesté ni discuté ce
point en première instance (cf. écritures des 14 juillet
1997, 19 et 20 février, et 9 mars 1998; procès-verbal d'au-
dition du 13 octobre 1997). Dans ces conditions, on peut se
demander si les recourants procèdent conformément aux
règles de la bonne foi, dans la mesure où ils soutiennent
pour la première fois en procédure fédérale que l'inventai-
re a été déposé en décembre 1994 et que la commission de
recours a constaté les faits pertinents d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète.

Quoi qu'il en soit, les recourants donnent au texte de
la publication de l'office des faillites du 14 décembre
1994 une portée que cette communication n'a pas. En effet,
mis à part l'énoncé de voies de droit, il ressort unique-
ment de cet avis qu'ont été déposés l'état de collocation
(ch. 1), l'état des revendications (ch. 2), ainsi que
«l'inventaire contenant la liste des objets déclarés de
stricte nécessité» (ch. 3); mais l'office des faillites n'a
pas indiqué dans cet avis qu'il s'agissait de l'inventaire
complet des biens de la faillie (art. 221 LP). Comme l'in-
ventaire - c'est-à-dire l'état des actifs (cf. Gilliéron,
Poursuites pour dettes, faillite et concordat, 3e éd. 1993,
p. 318) - n'était pas encore terminé en décembre 1994,
l'intimée ne pouvait pas savoir, à ce moment-là, si sa
créance serait ou non couverte par les actifs et dans
quelle mesure. En d'autres termes, elle n'avait pas encore
acquis en décembre 1994 une connaissance suffisante de son
dommage au sens de l'art. 82 al. 1 RAVS pour prendre les
décisions en réparation à l'égard des responsables.
Quant au moment effectif de la connaissance du domma-
ge, la commission de recours l'a fixé au mois de février
1997, époque à laquelle l'intimée a pu consulter, selon ses
dires, l'inventaire qui venait d'être terminé (p. 8 du
jugement attaqué). Comme les recourants n'ont pas contesté
le bien-fondé de cet allégué en première instance, on ne
saurait reprocher aux premiers juges d'avoir tenu ce fait
pour avéré sans complément d'instruction, d'autant plus
qu'il paraissait tout à fait plausible au vu des pièces du
dossier. D'ailleurs, devant le Tribunal fédéral des assu-
rances, les recourants ne démontrent pas que ce fait serait
inexact, si bien que le grief de violation des art. 104
let. b et 105 al. 2 OJ tombe à faux.

c) Le moyen tiré de la prétendue connaissance du dom-
mage par l'intimée avant le dépôt de l'état de collocation,
voire avant le jour de l'ouverture de la faillite de

B.________ SA, ne résiste pas non plus à l'examen. En
effet, il n'est pas établi que l'intimée aurait reçu des
actes de défaut de biens après saisie à la suite de pour-
suites infructueuses relatives aux cotisations en souf-
france. En outre, comme la faillite a été liquidée en la
forme sommaire, le moment déterminant, au sens de l'art. 82
al. 1 RAVS, est bien celui du dépôt de l'état de colloca-
tion et de l'inventaire (cf. consid. 3b in fine, ci-
dessus).

d) En conclusion, on doit admettre que l'intimée n'a
eu connaissance de l'étendue de son préjudice, au sens de
l'art. 82 RAVS, que lorsqu'elle a pu consulter l'inventaire
définitif qui n'a été terminé et déposé qu'en 1997.
Dès lors, la commission de recours a admis à juste
titre que l'intimée a rendu ses décisions dans le délai
d'une année prévu par l'art. 82 al. 1 RAVS. Il est ainsi
superflu d'examiner si un délai plus long devrait s'appli-
quer au cas d'espèce (cf. art. 82 al. 2 RAVS).

5.- a) En instance fédérale, S.________ n'aborde plus
la question de sa responsabilité au sens de l'art. 52 LAVS
et de la jurisprudence. Celle-ci n'est donc plus liti-
gieuse.

b) Quant à F.________, il semble ne pas avoir saisi la
portée de l'art. 52 LAVS et de la jurisprudence y relative.
En particulier, il lui incombait, en sa qualité d'adminis-
trateur de la société faillie, de veiller personnellement à
ce que les cotisations paritaires afférentes aux salaires
versés fussent effectivement payées à la caisse de compen-
sation, nonobstant le mode de répartition interne des
tâches au sein de l'administration de la société
B.________ SA. Un administrateur ne peut en effet se libé-
rer de cette responsabilité en se bornant à soutenir qu'il
faisait confiance à ses collègues chargés de gérer les

finances de l'entreprise et de régler lesdites cotisations
à la caisse intimée, ou à affirmer qu'il n'avait
qu'un rôle
subalterne, car cela constitue déjà en soi un cas de négli-
gence grave. On rappellera d'ailleurs que la jurisprudence
s'est toujours montrée sévère, lorsqu'il s'est agi d'appré-
cier la responsabilité d'administrateurs qui alléguaient
avoir été exclus de la gestion d'une société et qui s'é-
taient accommodés de ce fait sans autre forme de procès
(cf. notamment RCC 1992 pp. 268-269 consid. 7b, 1989
pp. 115-116 consid. 4).
La passivité de F.________ est de surcroît en relation
de causalité naturelle et adéquate avec le dommage subi par
la caisse de compensation. En effet, s'il avait correcte-
ment exécuté son mandat d'administrateur, il aurait pu
veiller au paiement des cotisations aux assurances socia-
les, d'autant plus qu'il reconnaît avoir su que la société
se trouvait en situation d'insolvabilité pratiquement de-
puis sa création et qu'elle rencontrait des difficultés
dans le paiement des cotisations sociales. Pareil compor-
tement tombe à l'évidence sous le coup de l'art. 52 LAVS.

c) Quant au montant du dommage, il n'est ni contesté
ni sujet à discussion.

6.- La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un
litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de presta-
tions d'assurance (art. 134 OJ a contrario). Pour répartir
les frais de la procédure entre les recourants qui succom-
bent (art. 156 al. 1 OJ), il faut prendre en considération
le montant du dommage mis respectivement à leur charge
(art. 153a OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Les causes H 9/01 et H 11/01 sont jointes.

II. Les recours sont rejetés.

III. Les frais de justice, par 4500 fr. au total, sont mis
à la charge de S.________ à raison de 2500 fr. et à
celle de F.________ à raison de 2000 fr. Les frais
sont couverts par leurs avances respectives de
4500 fr. et de 4000 fr. Le solde des avances, soit
2000 fr. chacun, leur est restitué.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-vieillesse et survivants, et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 juillet 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.9/01
Date de la décision : 02/07/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-07-02;h.9.01 ?
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