La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/06/2001 | SUISSE | N°2P.24/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 juin 2001, 2P.24/2001


2P.24/2001
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

29 juin 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffier: M. Dubey.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Jean-Jacques Martin, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 5 décembre 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Genève, dans la cau

se qui oppose le recou-
rant au Département de l'instruction publique du canton de
Genève;

(heures de réserve de c...

2P.24/2001
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

29 juin 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffier: M. Dubey.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Jean-Jacques Martin, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 5 décembre 2000 par le Tribunal administra-
tif du canton de Genève, dans la cause qui oppose le recou-
rant au Département de l'instruction publique du canton de
Genève;

(heures de réserve de carrière)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________, né le 7 janvier 1951, titulaire
d'une maîtrise fédérale de menuisier, est entré dans l'en-
seignement secondaire du canton de Genève le 1er janvier
1980 en qualité de maître d'atelier. Il travaillait à plein
temps.

Le 12 octobre 1983, il a été nommé maître d'atelier
de menuiserie avec une garantie de 40 leçons par semaine.

Dès l'année scolaire 1992/1993, la durée normale
pour les maîtres d'atelier a été fixée selon un système de
postes correspondant, pour un plein temps, à un nombre de
cours variant entre 20 et 24 périodes par semaine. L'inté-
ressé a ainsi eu la charge de 22 périodes durant les années
scolaires 1992/1993 et 1993/1994, de 23,41 périodes pour
l'année 1994/1995 et de 23,40 périodes pendant les deux an-
nées suivantes.

En 1995, X.________ a rencontré des problèmes de
santé (sclérose en plaques) qui ont conduit à sa mise à la
retraite anticipée pour cause d'invalidité avec effet au 1er
juillet 1997.

B.- Se fondant sur une fiche d'engagement annuelle
établie pour l'année scolaire 1997/1998, annulée par la sui-
te, et qui mentionnait une réserve de carrière de 10,01 heu-
res, l'intéressé a demandé le versement de 70'917 fr., plus
5% d'intérêts moratoires depuis le 15 octobre 1997, en com-
pensation de la réserve de carrière accumulée.

Le 28 juin 2000, la Direction générale de l'ensei-
gnement secondaire postobligatoire, subordonnée au Départe-
ment de l'instruction publique du canton de Genève (ci-

après: le Département), a rejeté cette demande. La réserve
de carrière ne constituait pas des heures supplémentaires.
Le traitement des maîtres de l'enseignement secondaire s'ef-
fectuait sur la base de taux d'activité, correspondant à des
postes constitués d'une fourchette d'heures susceptibles de
varier d'année en année. Tout écart de la moyenne du poste
occupé était comptabilisé sous forme de réserve positive ou
négative ("bonus" ou "malus") dont il était admis que le
nombre devait être égal à zéro au moment de la retraite si
celle-ci avait lieu à l'âge légal. Un bonus ne pouvait être
remboursé sous forme pécuniaire, mais seulement dans la der-
nière phase d'une carrière sous la forme d'une diminution du
nombre d'heures en-dessous de la moyenne du poste. Rien
n'obligeait par conséquent le Département à rembourser un
éventuel bonus lors du départ prématuré. En cas de départ
avec une réserve négative, aucune prétention n'était non
plus adressée par l'Etat à l'enseignant concerné.

C.- Par arrêt rendu le 5 décembre 2000, le Tribunal
administratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal ad-
ministratif) a traité le recours interjeté par X.________
contre la décision précitée comme une action pécuniaire,
qu'il a rejetée. Il a estimé que les maîtres de l'enseigne-
ment secondaire n'étaient pas rémunérés selon le nombre
d'heures d'enseignement hebdomadaire, mais selon un système
de postes qui comportent un minimum et un maximum d'heures à
effectuer. Le système mis en place avec une fourchette
d'heures d'enseignement et une moyenne à atteindre au moment
de l'âge de la retraite permettait de répondre aux besoins
de l'enseignement en préservant les intérêts des ensei-
gnants. Aucune disposition ne prévoyait une compensation fi-
nancière en cas de réserve positive ou négative de carrière
en cours d'activité ou lors de la cessation prématurée de
celle-ci. Le nombre d'heures enseignées par l'intéressé
avait toujours été compris dans la fourchette correspondant
à son activité à plein temps qui avait été rémunérée comme

telle. Les heures accumulées avaient ainsi été effectuées
dans le cadre de l'horaire hebdomadaire et ne correspon-
daient dès lors pas à des heures supplémentaires. Cette ma-
nière de procéder ne créait pas d'inégalité de traitement,
tous les départs avant l'âge de la retraite étant traités de
la même façon.

D.- Agissant par la voie du recours de droit pu-
blic, X.________ conclut à l'annulation de l'arrêt précité
et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour nouvel-
le décision. Il invoque une violation des art. 8 al. 2 et 4
ainsi que 35 Cst.

Le Département propose de déclarer le recours irre-
cevable. Le Tribunal administratif s'en remet à justice
quant à la recevabilité du recours et se réfère pour le sur-
plus à son arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Selon l'art. 88 OJ, le recours de droit pu-
blic est ouvert uniquement à celui qui est atteint par l'ac-
te attaqué dans ses intérêts personnels et juridiquement
protégés. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un em-
ployé de la fonction publique a un droit juridiquement pro-
tégé a être traité de manière égale, sans arbitraire et con-
formément au principe de la bonne foi en matière de rémuné-
ration (ATF 123 I 1 consid. 1b non publié; 121 I 102 consid.
1b non publié). Le Département est toutefois d'avis que le
recours est irrecevable, puisque le droit genevois ne pré-
voit aucun droit au remboursement des heures de réserve de
carrière. Cette question peut rester ouverte dès lors que le
recours doit de toute façon être rejeté au fond.

b) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'es-
pèce, le recours de droit public est de nature purement cas-
satoire (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5; 126 II 377 consid. 8c
p. 395; 125 II 86 consid. 5a p. 96 et la jurisprudence ci-
tée). Dans la mesure où l'intéressé demande autre chose que
l'annulation de l'arrêt attaqué, soit le renvoi de la cause
à l'autorité cantonale pour nouvelle décision, ses conclu-
sions sont irrecevables.

c) En vertu de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte
de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un ex-
posé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation.
Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribu-
nal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel
invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours. Le
recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues
griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux (ATF 125 I 71 con-
sid. 1c p. 76; 115 Ia 27 consid. 4a p. 30; 114 Ia 317 con-
sid. 2b p. 318).

C'est à la lumière de ces principes que doivent
être appréciés les moyens soulevés par l'intéressé.

2.- a) Ce dernier reproche essentiellement au Tri-
bunal administratif de ne pas avoir tenu compte de son inva-
lidité. Sa mise à la retraite anticipée pour invalidité
l'aurait privé des droits que le règlement et la pratique
accordent aux autres enseignants valides, à savoir de pou-
voir compenser la réserve de carrière accumulée par une di-
minution ultérieure du nombre de périodes d'enseignement. Sa
situation serait différente de celle d'un enseignant quit-
tant son poste de plein gré. L'autorité intimée aurait adop-
té un comportement discriminatoire en refusant de compenser
en argent l'absence de temps libre auquel il aurait pu pré-
tendre en cas de déroulement normal de sa carrière. Il su-

birait ainsi une discrimination prohibée par l'art. 8 al. 2
Cst. du fait d'une déficience corporelle. Le mandat contenu
à l'art. 8 al. 4 Cst. aurait également été violé.

b) Une décision viole le principe de l'égalité de
traitement lorsqu'elle établit des distinctions juridiques
qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard
de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de
faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstan-
ces, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas
traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne
l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement
différent ou semblable injustifié se rapporte à une situa-
tion de fait importante (ATF 125 I 1 consid. 2b/aa p. 4 et
la jurisprudence citée).

c) Aux termes de l'art. 8 al. 2 Cst., nul ne doit
subir de discrimination du fait notamment de son origine, de
sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situa-
tion sociale, de son mode de vie, de ses convictions reli-
gieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une défi-
cience corporelle, mentale ou physique. A la différence de
l'art. 8 al. 3 Cst., le principe général de non-discrimina-
tion de l'art. 8 al. 2 Cst. ne contient pas à lui seul
l'obligation de réaliser l'égalité; le législateur a unique-
ment reçu le mandat d'adopter des mesures en vue d'éliminer
les inégalités qui frappent les personnes handicapées (art.
8 al. 4 Cst.). Un projet de loi sur l'élimination des inéga-
lités frappant les personnes handicapées a été mis en con-
sultation (FF 2000 3123; ATF 126 II 377 consid. 6a p. 392 et
les références citées).

On est en présence d'une discrimination selon
l'art. 8 al. 2 Cst. lorsqu'une personne est traitée diffé-
remment en raison de son appartenance à un groupe particu-
lier qui, historiquement ou dans la réalité sociale actuel-

le, souffre d'exclusion ou de dépréciation (Jörg Paul
Müller, Die Diskriminierungsverbote nach Art. 8 Abs. 2 der
neuen Bundesverfassung, in: Ulrich Zimmerli [éd.], Die neue
Bundesverfassung, Konsequenzen für Praxis und Wissenschaft,
Berner Tage für die juristische Praxis 1999, Berne 2000, p.
103 ss, p. 110). Il y a discrimination lorsqu'une personne
se trouvant dans une situation similaire à une autre fait
l'objet d'un traitement inégal qualifié ayant pour but ou
pour effet de la défavoriser, sur la base d'un critère de
distinction qui porte sur un élément essentiel de son iden-
tité ne pouvant pas ou que difficilement être modifié
(Walter Kälin/Martina Caroni, Das verfassungsrechtliche Ver-
bot der Diskriminierung wegen der ethnisch-kulturellen Her-
kunft, in: Walter Kälin [éd.], Das Verbot ethnisch-kultu-
reller Diskriminierung, Bâle, Genève, Munich 1999, p. 67 ss,
p. 76 s.). Sont dès lors interdites les différences de trai-
tement ayant pour base ou pour motif une caractéristique
personnelle par laquelle des personnes ou groupes de person-
nes se distinguent des autres (Andreas Auer/Giorgio
Malinverni/Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse,
Volume II, Berne 2000, n. 1036 p. 507). Le principe de non-
discrimination n'interdit toutefois pas toute distinction
basée sur l'un des critères énumérés à l'art. 8 al. 2 Cst.,
mais fonde plutôt le soupçon d'une différenciation inadmis-
sible. Les inégalités qui résultent d'une telle distinction
doivent dès lors faire l'objet d'une justification particu-
lière (BO CE 1998 p. 35, intervention Rhinow, rapporteur;
ATF 126 II 377 consid. 6a p. 392/393 et les références ci-
tées).

c) En l'espèce, le remboursement de la réserve de
carrière a été refusé au recourant parce qu'une compensation
financière en cas de réserve positive ou négative de carriè-
re en cours d'activité ou lors de la cessation de celle-ci
avant la retraite n'est pas prévue par le droit genevois.
Dès lors que la décision attaquée n'a pas été prise sur la

base d'un critère de l'art. 8 al. 2 Cst. - en l'occurrence
l'appartenance au "groupe" des personnes handicapées ou in-
valides -, l'intéressé n'a pas été directement discriminé
(cf. ATF 126 II 377 consid. 6b p. 393).

d) Reste à examiner si celui-ci a été victime d'une
discrimination indirecte. Une telle discrimination existe
lorsqu'une réglementation, qui ne désavantage pas directe-
ment un groupe particulier protégé par le principe de non-
discrimination, défavorise tout particulièrement, par ses
effets et sans justification objective, les personnes appar-
tenant à ce groupe (Jörg Paul Müller, Die Grundrechte in der
Schweiz, Berne 1999, p. 441 ss; ATF 126 II 377 consid. 6c p.
393/394 et les références citées). En l'occurrence, le re-
courant ne fait pas non plus l'objet d'une discrimination
indirecte, dans la mesure où le refus de compenser financiè-
rement la réserve de carrière ne touche pas les personnes
invalides ou handicapées plus sévèrement ou plus fréquemment
que d'autres quittant de plein gré ou sous la contrainte de
circonstances personnelles (par exemple le fonctionnaire
suivant son conjoint à l'étranger qui y continue sa carriè-
re) le service public genevois. Il ne prétend au demeurant
pas le contraire. Par ailleurs, le système mis en place par
le canton de Genève se justifie par la solidarité entre les
générations qu'il vise à créer et le souci de décharger les
enseignants plus âgés par rapport aux plus jeunes. L'autori-
té intimée a en outre estimé qu'il permettait de répondre
aux besoins de l'enseignement tout en préservant les inté-
rêts de l'enseignant, ce que l'intéressé ne conteste pas.
Son grief doit dès lors être écarté.

e) Pour le surplus, le recourant ne démontre pas en
quoi la situation d'un enseignant quittant son poste avant
l'âge de la retraite ou choisissant une mise à la retraite
anticipée serait différente de celui qui est contraint
d'abandonner son poste pour cause de maladie (cf. art. 90

al. 1 lettre b OJ). La cause du départ - volontaire dans le
premier, forcée dans le second cas - ne saurait à elle seule
justifier un traitement différent. Le fait que l'intéressé

ne puisse pas bénéficier en temps libre de la compensation
de la réserve de carrière accumulée ne le désavantage pas
non plus par rapport à ses anciens collègues dès lors qu'il
n'est de toute façon plus au service de son employeur. Au
demeurant, il n'est ni allégué ni établi qu'un horaire de
travail imposé (et non choisi, comme le prévoit le système
genevois) plus chargé pour les enseignants plus jeunes que
pour les plus âgés serait discriminatoire. En revanche, au
chapitre des mesures favorables au recourant, il convient de
remarquer que le droit cantonal prévoit des mécanismes spé-
cifiques, en particulier celui de l'indemnité remplaçant le
traitement plein en cas d'absence pour maladie ou accident
de l'art. 45 du règlement fixant le statut des membres du
corps enseignant du 25 juillet 1979 et que le recourant en a
effectivement bénéficié dès l'année scolaire 1994/1995.

Le moyen soulevé doit dès lors être rejeté dans la
mesure où il est recevable.

3.- Le recourant invoque encore l'art. 35 Cst. à
l'appui de ses conclusions. A la lecture du mémoire de re-
cours, il semble toutefois ne pas accorder à ce moyen une
portée indépendante de celle tirée de la violation de l'art.
8 Cst. Quoi qu'il en soit l'absence de précision quant au
contenu de la violation de l'art. 35 Cst. conduit à déclarer
ce moyen irrecevable conformément à l'art. 90 al. 1 lettre b
OJ.

4.- Le présent recours doit ainsi être rejeté dans
la mesure où il est recevable.

Succombant, le recourant doit supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas
droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable.

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge du recourant.

3. N'alloue pas de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Département de l'instruction publi-
que, direction générale de l'enseignement secondaire post-
obligatoire et au Tribunal administratif du canton de
Genève.
______________

Lausanne, le 29 juin 2001
DCE/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.24/2001
Date de la décision : 29/06/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-29;2p.24.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award