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29/06/2001 | SUISSE | N°2P.142/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 juin 2001, 2P.142/2000


2P.142/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

Séance du 29 juin 2001

Présidence de M. le Juge Wurzburger, Président de la Cour.
Présents: MM. et Mme les Juges Betschart, Hungerbühler,
Müller et Yersin. Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Michel Ducrot, avocat à
Martigny,

contre

le jugement rendu le 26 mai 2000 par le Tribunal cantonal
des> assurances du canton du Valais, dans la cause qui oppose le
recourant à la Caisse valaisanne d'allocations familiales de
...

2P.142/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

Séance du 29 juin 2001

Présidence de M. le Juge Wurzburger, Président de la Cour.
Présents: MM. et Mme les Juges Betschart, Hungerbühler,
Müller et Yersin. Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Michel Ducrot, avocat à
Martigny,

contre

le jugement rendu le 26 mai 2000 par le Tribunal cantonal
des
assurances du canton du Valais, dans la cause qui oppose le
recourant à la Caisse valaisanne d'allocations familiales de
la plâtrerie-peinture CAFPA, avenue de Tourbillon 33, à Sion;

(allocations familiales)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ exploite en raison individuelle une
entreprise de gypserie-peinture à A.________. Le 23 février
1999, à la suite d'un contrôle de sa comptabilité, la Caisse
valaisanne d'allocations familiales de la plâtrerie-peinture
CAFPA (ci-après: la CAFPA) lui a réclamé 15'672 fr. à titre
de contributions sur les salaires de ses employés qui
n'avaient pas été déclarés durant les années 1994 à 1997.

B.- Par jugement du 26 mai 2000, le Tribunal canto-
nal des assurances du canton du Valais (ci-après: le
Tribunal
cantonal) a rejeté le recours de l'intéressé à l'encontre de
la décision de la CAFPA du 23 février 1999 et confirmé cette
décision. Il a notamment considéré que la CAFPA avait une
existence juridique, que son secrétaire-gérant était compé-
tent pour rendre la décision querellée et que les reprises
de
salaires sur la base desquelles avaient été fixées les con-
tributions litigieuses pouvaient être confirmées, sans qu'il
soit nécessaire d'ordonner une expertise. La fixation du
taux
de ces contributions par le Comité directeur de la CAFPA re-
posait en outre sur une base légale suffisante, soit, confor-
mément à la loi valaisanne du 20 mai 1949 sur les
allocations
familiales aux salariés et sur le fonds cantonal pour la fa-
mille (ci-après: la loi cantonale ou LAFS), sur les statuts
et le règlement de la CAFPA, adoptés par l'Assemblée des dé-
légués le 20 octobre 1992 et approuvés par le Conseil d'Etat
valaisan le 4 novembre 1992; au demeurant, ces derniers tex-
tes ayant été ratifiés par le Conseil d'Etat valaisan, il
n'était possible d'en contrôler ni la légalité, ni la consti-
tutionnalité. Enfin, le droit de réclamer les contributions
en cause n'était pas prescrit.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais
et dépens, d'annuler le jugement du Tribunal cantonal du 26
mai 2000. Il prétend que l'autorité intimée a commis un déni
de justice formel et violé le principe de la légalité.

Ni la CAFPA, ni l'autorité intimée n'ont déposé de
réponse.

Le présent recours a fait l'objet d'une instruction
complémentaire qui a porté en particulier sur le taux de con-
tribution fixé par la CAFPA et sur les montants des alloca-
tions familiales qu'elle a versées. Les comptes annuels de
la
CAFPA pour les années 1994 à 1997 ont été produits de même
que les rapports de révision portant sur ces comptes.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Déposé en temps utile et dans les formes pres-
crites par la loi contre une décision finale prise en derniè-
re instance cantonale, qui ne peut être attaquée que par la
voie du recours de droit public dans la mesure où elle
repose
uniquement sur le droit cantonal et qui touche le recourant
dans ses intérêts juridiquement protégés, le présent recours
est recevable au regard des art. 84 ss OJ.

2.- L'intéressé soutient que le Tribunal cantonal a
commis un déni de justice formel en refusant d'examiner si
le
taux des contributions mises à sa charge avait, ou non, une
base légale suffisante.

Ce moyen est mal fondé. Certes, comme le relève le
recourant, l'autorité intimée a estimé de manière erronée

(cf. Andreas Auer/Giorgio Malinverni/Michel Hottelier, Droit
constitutionnel suisse, vol. I, Berne 2000, p. 661 ss) qu'el-
le n'était pas habilitée à contrôler la légalité et la cons-
titutionnalité des statuts et du règlement de la CAFPA. Elle
a néanmoins expliqué en détail les raisons pour lesquelles
elle considérait que la manière de fixer le taux des contri-
butions litigieuses n'était pas contraire au principe de la
légalité (cf. jugement attaqué, p. 7). Elle n'a dès lors com-
mis aucun déni de justice formel (sur cette notion, cf. ATF
117 Ia 116 consid. 3a p. 117/118 et la jurisprudence citée).

3.- a) Selon l'intéressé, dans la mesure où les mon-
tants versés par les employeurs aux caisses d'allocations fa-
miliales sont des contributions publiques, une loi au sens
formel devrait fixer le cercle des contribuables ainsi que
l'objet et les "modalités" de calcul de ces contributions.
Ni
l'art. 12, ni l'art. 19 al. 1 LAFS ne satisferaient
cependant
à ces exigences.

Le recourant met ainsi en cause la constitutionnali-
té des deux dispositions précitées.

b) La nouvelle Constitution fédérale du 18 avril
1999 est entrée en vigueur le 1er janvier 2000, abrogeant
l'ancienne Constitution fédérale du 29 mai 1874, sous
réserve
de certaines exceptions qui n'entrent pas en considération
dans le cas particulier (cf. ch. II de l'arrêté fédéral du
18
décembre 1998 relatif à une mise à jour de la Constitution
fédérale [RO 1999 p. 2556 ss, p. 2609/2610]). Dans la mesure
où le jugement entrepris a été rendu postérieurement à l'en-
trée en force de la nouvelle Constitution fédérale, c'est à
la lumière de cette dernière que doit être examiné le grief
de l'intéressé.

c) Le délai permettant de requérir le contrôle abs-
trait des art. 12 et 19 LAFS est échu (cf. art. 89 OJ; ATF
121 I 291 consid. 1b p. 293 et la jurisprudence citée). La
constitutionnalité de ces dispositions ne peut dès lors être
examinée qu'à titre préjudiciel (contrôle concret) (sur ces
deux types de contrôles, cf. ATF 113 Ia 257 consid. 3b
p. 261). Si ces normes s'avéraient inconstitutionnelles, le
Tribunal fédéral n'aurait pas la possibilité, formellement,
de remettre en cause leur validité; il pourrait tout au plus
annuler le jugement qui les applique (cf. ATF 121 I 102 con-
sid. 4 p. 103/104; RF 54/1999 p. 740 consid. 3a p. 742 et la
jurisprudence citée).

4.- Le droit des salariés aux allocations familiales
et l'obligation pour les employeurs de payer des contribu-
tions à une caisse de compensation pour allocations familia-
les sont établis par la loi cantonale (art. premier LAFS).
Tous les employeurs ayant un établissement, siège ou
domicile
en Valais ou y exerçant une activité pour laquelle ils occu-
pent des salariés sont tenus d'adhérer à une caisse reconnue
(art. 3 LAFS). Tout salarié a droit aux allocations familia-
les s'il est au service d'un employeur assujetti à la loi
cantonale (art. 6 al. 1 LAFS). Les genres d'allocations fami-
liales versées et leur montant minimum figurent à l'art. 8
LAFS. Les caisses privées de compensation pour allocations
familiales reconnues, dont les statuts et règlements doivent
être approuvés par le Conseil d'Etat valaisan (art. 15
LAFS),
doivent admettre tous les employeurs de leur branche (art.
14
LAFS). Le département cantonal compétent pourra ordonner
l'affiliation de tout employeur à celle de ces caisses qui
est appropriée, aussi longtemps qu'il n'y aura pas de caisse
cantonale de compensation pour allocations familiales (art.
16 LAFS). L'art. 19 LAFS, qui traite des compétences des
caisses privées, dispose:

"1Les caisses fixent et perçoivent les
contributions
et elles assurent le paiement des allocations fami-
liales, sur une base légale, pour chaque employeur
et chaque salarié.

2Les contributions perçues des employeurs, au titre
de la présente loi, doivent servir exclusivement au
versement des allocations familiales, à la couvertu-
re des frais d'administration de la caisse et à la
constitution d'un fonds de réserve légal."

Il convient de relever que le texte allemand de l'art. 19
al.
1 LAFS mentionne "auf einer (...) gleichmässigen Grundlage"
là où la version française utilise l'expression "sur une
base
légale". Quant à l'art. 19bis LAFS, consacré au fonds de ré-
serve, il prévoit:

"1Le fonds de réserve légal n'excédera pas le mon-
tant correspondant à six mois d'allocations légales
et statutaires, calculé sur la base des allocations
payées au cours des deux dernières années.

2Les réserves légales doivent être disponibles dans
le délai de deux mois.

3Les caisses dont les réserves actuelles excèdent
le niveau prévu à l'alinéa premier devront affecter
l'excédent à des buts d'intérêt familial ou à un
fonds de réserve statutaire. Elles préciseront,
dans
leurs statuts et règlements, l'affectation des ré-
serves statutaires. Ces dispositions devront être
approuvées par le Conseil d'Etat.

4Le fonds de réserve statutaire ne pourra pas être
alimenté, à l'avenir, par des contributions dues en
vertu de la présente loi.

5Le règlement d'exécution précise l'application des
présentes normes."

En vue de maintenir les allocations à un taux supérieur au
minimum, les caisses privées de compensation pour
allocations
familiales peuvent prévoir, avec le consentement de la majo-

rité des deux tiers des salariés qui en relèvent, la partici-
pation des salariés au financement des allocations
familiales
(art. 20 LAFS). Le Conseil d'Etat valaisan est chargé d'exé-
cuter la loi cantonale et de surveiller l'activité des cais-
ses de compensation (art. 30 LAFS). On soulignera en outre
que la caisse cantonale de compensation envisagée à l'art.
21
LAFS n'a jamais vu le jour en Valais, alors qu'une telle
caisse existe dans tous les autres cantons.

Le règlement d'exécution du 8 novembre 1949 de la
loi cantonale (ci-après: le règlement cantonal) définit no-
tamment les notions d'employeur, de salarié et d'allocation
familiale au sens de la loi cantonale (cf. art. 12 LAFS).
Les
caisses privées de compensation pour allocations familiales
créées en Valais et groupant des professions organisées sur
le plan ouvrier doivent être gérées par un organe comprenant
un nombre égal d'employeurs et de salariés (art. 33 du règle-
ment cantonal). Sinon, les statuts désignent les organes ad-
ministratifs de ces caisses dans lesquels sont représentés
les employeurs et les salariés, ces derniers ayant droit
dans
tous les cas au tiers des sièges (art. 32 du règlement canto-
nal). Les art. 44 et 45 du règlement cantonal précisent com-
ment s'exercent les fonctions d'exécution et de contrôle in-
combant au Conseil d'Etat valaisan.

L'organisation de la CAFPA est réglée dans ses sta-
tuts. En particulier, ses organes sont l'Assemblée des délé-
gués, le Comité directeur - qui se compose de quatre
délégués
patronaux et de quatre délégués des travailleurs (art. 7 des
statuts de la CAFPA) -, le Secrétaire gérant et la
Commission
de vérification (art. 5 des statuts de la CAFPA). L'art. 10
du règlement de la CAFPA prévoit que l'Assemblée des
délégués
fixe chaque année les montants et taux d'allocations. Selon
l'art. 15 du règlement de la CAFPA, ses membres lui versent

une contribution calculée en pour cent sur le total des sa-
laires servis en espèces et en nature à leur personnel; les
salaires déterminants sont ceux déclarés à l'assurance-vieil-
lesse et survivants et la contribution est fixée
annuellement
par le Comité directeur. Durant les années déterminantes en
l'espèce, la CAFPA a perçu des employeurs qui lui étaient af-
filiés une contribution s'élevant à 4,4% du total des salai-
res versés à leur personnel, ce qui est important notamment
en comparaison des taux prévus pour les employeurs affiliés
ailleurs en Suisse à des caisses cantonales de compensation
pour allocations familiales (cf. Office fédéral des assuran-
ces sociales, Aperçu des régimes cantonaux d'allocations fa-
miliales, Berne 1999, p. 28).

5.- a) En matière de contributions publiques, le
principe de la légalité est un droit constitutionnel indépen-
dant dont la violation peut être directement invoquée dans
un
recours de droit public (cf. dans ce sens, en rapport avec
l'art. 4 aCst., ATF 126 I 180 consid. 2a/aa p. 182). Il est
concrétisé par l'art. 127 al. 1 Cst. qui prévoit que la qua-
lité de contribuable, l'objet de l'impôt et son mode de cal-
cul sont définis par la loi. Cette disposition reprend la ju-
risprudence rendue sous l'empire de l'ancienne Constitution
fédérale et vaut aussi bien pour les impôts fédéraux que can-
tonaux (cf. Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996
relatif à une nouvelle Constitution fédérale, in FF 1997 I 1
ss, p. 351/352).

Le principe de la légalité exige également qu'une
disposition légale déléguant à l'organe exécutif la compéten-
ce d'établir une contribution ne constitue pas un
blanc-seing
et indique, au moins dans les grandes lignes, le cercle des
contribuables, l'objet et la base de calcul de ladite contri-
bution (ATF 125 I 182 consid. 4a p. 193). Le Tribunal
fédéral

examine librement si la norme de délégation en cause satis-
fait à ces exigences (ATF 122 I 305 consid. 5a p. 311 et la
jurisprudence citée).

La question de savoir si le législateur peut délé-
guer un pouvoir fiscal ou analogue à un organisme privé est
jusqu'à présent demeurée indécise (cf. ATF 100 Ia 60 consid.
2d p. 70/71). Ce point n'a pas à être tranché en l'espèce,
l'intéressé ne contestant pas la délégation effectuée par la
loi cantonale en faveur des caisses privées de
compensation
pour allocations familiales. De toute façon, si elle est ad-
mise (cf. dans ce sens Adriano Marantelli, Grundprobleme des
schweizerischen Tourismusabgaberechts, thèse Berne 1991,
p. 235/236), une telle délégation doit pour le moins satis-
faire aux mêmes conditions que celles mentionnées ci-dessus
(cf. Yvette Kovacs, No Taxation Without Representation,
thèse
Zurich 1991, p. 38).

b) Dans un arrêt du 30 octobre 1997, le Tribunal fé-
déral a considéré que, même si les contributions aux caisses
d'allocations familiales présentaient un caractère fiscal,
elles ne pouvaient être assimilées à des impôts généraux sur
le revenu et la fortune. Il a ajouté qu'elles pouvaient tou-
tefois constituer des impôts d'affectation (SJ 1998 p. 473
consid. 7b p. 484/485 et les références citées; sur la
notion
d'impôt d'affectation, cf. ATF 122 I 305 consid. 4b p. 309/
310). Il n'est pas nécessaire de trancher en l'espèce, car
ce
sont en tout cas des contributions de droit public (ATF 73 I
47 consid. 6 p. 55 ss; arrêt non publié du 16 décembre 1997
en la cause A. contre VS, Tribunal cantonal des assurances,
consid. 3c).

En tant que contributions publiques, les cotisations
aux caisses de compensation pour allocations familiales doi-

vent respecter le principe de la légalité. En effet, ce prin-
cipe s'applique, de façon générale, à toutes les contribu-
tions publiques, mais avec des nuances visant à tenir compte
de la nature spécifique de celles qui sont en cause. Ainsi,
le principe précité peut être assoupli lorsque d'autres prin-
cipes jouent le même rôle, par exemple les principes de la
couverture des frais ou charges et de l'équivalence (au
sujet
des définitions de principe de la couverture des frais et de
principe de l'équivalence, cf. ATF 126 I 180 consid. 3a
p. 188). Toutefois, ces deux derniers principes ne peuvent
pas remplacer complètement l'exigence d'une base légale for-
melle (ATF 125 I 173 consid. 9c p. 180). De toute façon, ils
ne peuvent pas s'appliquer en l'espèce. En effet, la loi can-
tonale ne prévoit pas de montant maximum des allocations fa-
miliales, c'est-à-dire des charges, ni de clé de répartition
entre les employeurs.

c) aa) Contrairement à ce que pense l'intéressé, le
cercle des personnes tenues de verser les contributions en
cause - soit les employeurs - est fixé dans la loi cantonale
(cf. art. premier LAFS). L'art. 12 LAFS laisse uniquement au
règlement cantonal le soin de définir plus précisément qui
sont les employeurs visés. Une telle délégation n'est pas
contraire au principe de la légalité, la loi pouvant se bor-
ner à circonscrire de manière générale le cercle des contri-
buables (cf. Lukas Widmer, Das Legalitätsprinzip im Abgabe-
recht, thèse Zurich 1988, p. 97; voir également dans ce sens
ATF 122 I 61 consid. 2c p. 65/66).

bb) L'art. 19 al. 1 LAFS laisse aux caisses privées
de compensation pour allocations familiales le soin de déter-
miner l'assiette et le taux des contributions que les em-
ployeurs affiliés doivent leur verser (cf. à cet égard
l'art.
15 du règlement de la CAFPA). En outre, les dispositions du

règlement cantonal qui réservent l'application par analogie
des dispositions fédérales relatives à
l'assurance-vieillesse
et survivants (cf. en particulier la loi fédérale du 20 dé-
cembre 1946 sur l'assurance-vieillesse et survivants - LAVS;
RS 831.10) pour définir les notions d'employeur et de
salarié
(cf. art. premier et 4 du règlement cantonal) ne disent rien
de l'assiette des contributions litigieuses.

En l'absence de disposition légale précise sur l'as-
siette et le plafond desdites contributions, le principe de
la légalité tel qu'il s'applique aux contributions publiques
ne pourrait être respecté que si les éléments nécessaires à
la fixation de ces contributions pouvaient être facilement
déduits des autres dispositions de la loi cantonale. Il res-
sort de l'art. 19 al. 2 LAFS que les contributions versées
aux caisses privées de compensation pour allocations familia-
les doivent servir exclusivement à couvrir les frais d'admi-
nistration des caisses, à verser des allocations familiales,
dont l'art. 8 LAFS prévoit seulement les montants minimums,
et à constituer un fonds de réserve légal, dont la loi canto-
nale fixe uniquement la limite supérieure (montant ne devant
pas excéder l'équivalent de six mois d'allocations légales
et
statutaires, cf. art. 19bis al. 1 LAFS). Il n'est donc pas
possible d'établir les contributions précitées grâce à un
calcul relevant des mathématiques d'assurance qui, au demeu-
rant, ne pourrait être pertinent que si les prestations maxi-
mums admises étaient fixées légalement. Ainsi, la loi canto-
nale ne donne pas d'indications suffisantes sur l'assiette
et
le plafond des contributions en question, pour que les cais-
ses privées de compensation pour allocations familiales puis-
sent calculer ces contributions, conformément au principe de
la légalité (cf. lettre a, ci-dessus; voir également dans ce
sens ATF 122 I 305 consid. 5b p. 312; 121 I 230 consid.
3g/aa
p. 238; arrêt du 7 avril 1997 in Pra 86/1997 n° 135 p. 722

consid. 3 p. 726-729; Archives 60 p. 652 consid. 4c p. 657;
Lukas Widmer, op. cit., p. 97 ss; Yvette Kovacs, op. cit.,
p. 198; Jean-Marc Rivier, Droit fiscal suisse, L'imposition
du revenu et de la fortune, 2e éd. 1998, p. 80; Walter
Ryser/
Bernard Rolli, Précis de droit fiscal suisse, Berne 1994,
p. 48). Enfin, les lacunes de la loi cantonale sont d'autant
plus graves que les employeurs auxquels elle s'applique
n'ont
pas la possibilité de s'affilier à une caisse cantonale de
compensation pour allocations familiales puisqu'il n'en exis-
te pas en Valais.

Ainsi, force est de constater que les contributions
réclamées au recourant ne reposent pas sur une base légale
suffisante, leur assiette et leur taux étant fixés, non pas
dans une loi au sens formel, mais dans le règlement de la
CAFPA et dans les décisions annuelles de son Comité direc-
teur. Au demeurant, l'approbation dudit règlement par le Con-
seil d'Etat ne supplée pas à l'absence de base légale formel-
le suffisante (cf. dans ce sens ATF 100 Ia 60 consid. 2c
p. 69/70, au sujet de l'approbation d'un règlement de l'exé-
cutif par le législateur). Le moyen soulevé par l'intéressé
est donc fondé.

6.- a) En principe, lors d'un contrôle concret, le
juge constitutionnel ne peut appliquer une loi qu'il a recon-
nue comme non conforme à la Constitution et doit ainsi annu-
ler la décision attaquée (ATF 116 V 198 consid. II/3a p.
212;
112 Ia 311 consid. 2c p. 313; Archives 60 p. 279 consid. 6a
p. 286). Il peut cependant, dans certains cas, constater
l'inconstitutionnalité de la décision entreprise mais renon-
cer à l'annuler et rejeter le recours, le cas échéant dans
le
sens des considérants (ATF 110 Ia 7 consid. 6 p. 27 s'agis-
sant d'un contrôle abstrait; ZBl 88/1987 p. 306 consid. 5
p. 313/314 et 87/1986 p. 482 consid. 2c p. 485/486
s'agissant
d'un contrôle concret). Une telle décision est usuellement

nommée "Appellentscheid" (décision incitative), car elle com-
porte un appel plus ou moins précis et directif à l'égard du
législateur afin qu'il élabore une réglementation conforme à
la Constitution (Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrecht-
lichen Beschwerde, Berne 1994, 2e éd., p. 403). De telles dé-
cisions ont ainsi pour conséquence, d'une part, de maintenir
une décision viciée et de débouter un recourant qui obtient
gain de cause et, d'autre part, de légitimer les autorités à
continuer à appliquer, au moins temporairement, une norme re-
connue comme n'étant pas conforme à la Constitution jusqu'à
ce que le législateur adopte une nouvelle réglementation
(cf.
Andreas Auer, L'effet des décisions d'inconstitutionnalité
du
Tribunal fédéral, in PJA 5/92 p. 559 ss, n. 23, p. 564). Aus-
si une décision incitative ne peut-elle être admise qu'excep-
tionnellement et pour de justes motifs (ATF 112 Ia 311 con-
sid. 2c p. 313; RDAF 1998 2 148 consid. 3b/aa p. 153/154).

b) Comme on l'a vu (cf. consid. 5c/bb, ci-dessus),
le système valaisan d'allocations familiales est inconstitu-
tionnel parce qu'il ne respecte pas le principe de la légali-
té en ce qui concerne la perception des contributions auprès
des employeurs. De plus, la contribution réclamée sans base
légale suffisante n'est pas négligeable.

Toutefois, l'annulation du jugement attaqué remet-
trait en cause l'ensemble du système valaisan d'allocations
familiales, puisque le financement de ces allocations ne se-
rait plus garanti. Indirectement, elle entraînerait un vide
juridique lourd de conséquences, en ébranlant l'un des pi-
liers du régime de sécurité sociale en vigueur dans le
canton
du Valais, sans parler d'éventuelles répercussions qu'elle
pourrait avoir dans d'autres cantons dont le système de fi-
nancement présente des similitudes avec celui-ci. Ainsi, il

apparaît justifié de rendre une décision incitative dans le
cas particulier en rappelant que le comportement du
recourant
n'a pas été irréprochable, les contributions qui lui sont en-
core réclamées pour les années 1994 à 1997 venant de ce
qu'il
n'a pas déclaré la totalité des salaires versés à ses em-
ployés. Par conséquent, on constatera que le Tribunal canto-
nal a violé le principe de la légalité en estimant que les
contributions litigieuses reposaient sur une base légale suf-
fisante, mais on déboutera l'intéressé, sans annuler le juge-
ment attaqué. Les autorités valaisannes devront trouver rapi-
dement une solution conforme à la Constitution en matière
d'allocations familiales, en donnant la base légale nécessai-
re à la perception de la contribution auprès des employeurs.

Il appartiendra en particulier au législateur valai-
san de fixer dans la loi cantonale un plafond aux contribu-
tions ici en cause, en tenant compte du fait que le système
valaisan prévoit des allocations familiales très élevées. En
effet, d'après un tableau comparatif résumant l'état au 1er
avril 1999 dans l'ensemble des cantons (cf. Office fédéral
des assurances sociales, op. cit., p. 28), le canton du
Valais est le plus généreux en matière d'allocations pour
enfant et d'allocations de formation professionnelle et il
prévoit une des allocations de naissance les plus élevées.
Or, un tel régime suppose la perception de contributions im-
portantes des employeurs, en l'absence de prise en charge
d'une partie des frais par les collectivités publiques.

7.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté
dans le sens des considérants.

Compte tenu de l'ensemble des circonstances du cas,
il se justifie de statuer sans frais et d'allouer des dépens
au recourant.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans le sens des considérants.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3. Met à la charge du canton du Valais une indemnité
de 2'000 fr. à verser à X.________ à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, à la Caisse valaisanne d'allocations fami-
liales de la plâtrerie-peinture CAFPA et au Tribunal
cantonal
des assurances du canton du Valais.

Lausanne, le 29 juin 2001
DAC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.142/2000
Date de la décision : 29/06/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-29;2p.142.2000 ?
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