La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/06/2001 | SUISSE | N°4P.49/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 juin 2001, 4P.49/2001


«/2»

4P.49/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Charif Feller.

__________

Statuant sur le recours de droit public formé
par

S.________, représenté par Me Alain Ribordy, avocat à
Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 29 novembre 2000 par la Ie Cour d'appel du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg dans la cause qui op-
pose le recourant

à G.________, représenté par Me Michel
Bussey, avocat à Fribourg;

(art. 9 et 29 al. 2 Cst.; procédure civile fribourgeoise,
...

«/2»

4P.49/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Charif Feller.

__________

Statuant sur le recours de droit public formé
par

S.________, représenté par Me Alain Ribordy, avocat à
Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 29 novembre 2000 par la Ie Cour d'appel du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg dans la cause qui op-
pose le recourant à G.________, représenté par Me Michel
Bussey, avocat à Fribourg;

(art. 9 et 29 al. 2 Cst.; procédure civile fribourgeoise,
expertise)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Le 3 juillet 1996, G.________ a vendu à
S.________ pour le prix de 24 000 fr. une automobile d'occa-
sion, de marque Opel Astra 2.0 GSI break, avec 19 300 km au
compteur. Le contrat de vente comporte notamment les rubri-
ques suivantes:

Autres indications: "Ce véhicule avait été acciden-
té".

Garantie: "Toute action légale en garantie (tendant
au remplacement de la voiture ou à la réduction du
prix d'achat) ainsi que le remplacement d'un domma-
ge quelconque provoqué par une livraison défectueu-
se demeurent exclus et sont remplacés par la garan-
tie de fabrique pour les véhicules neufs. Par la
signature du présent contrat, l'acheteur confirme
connaître en tous points les dispositions de cette
garantie de fabrique".

Garantie éventuelle sur les véhicules d'occasion:
"12 mois de garantie sur la main d'oeuvre unique-
ment".

Seul le texte de la rubrique "Garantie" est préim-
primé, alors que ceux figurant sous les deux autres
rubriques
ont été ajoutés à la machine à écrire.

b) En décembre 1996, S.________ a appris que la
voiture avait été impliquée, le 26 octobre 1995, dans un ac-
cident de la circulation. Le rapport de police établi suite
à
cet accident fait état des dégâts suivants: "à l'avant droit
- parechocs (sic), calandre, aile portière, capot enfoncés.
A
l'arrière même côté - pare-chocs, aile, portière, hayon en-
foncés. Carrosserie disloquée". C'est en vain que S.________
a demandé à G.________ une réduction du prix de vente de la
voiture.

B.- Le 5 mars 1997, S.________ a ouvert action con-
tre G.________ devant le Président du Tribunal civil de l'ar-
rondissement de la Sarine. Ses dernières conclusions por-
taient sur le paiement de 8000 fr., avec intérêts.

Par jugement du 5 mai 1988 (recte: 1998), le Prési-
dent du tribunal a rejeté la demande.

Statuant sur appel de S.________, la Ie Cour d'ap-
pel du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, par arrêt du
29 novembre 2000, a condamné G.________ au paiement de
1850 fr., avec intérêts. Pour déterminer la valeur du véhicu-
le lors de la conclusion du contrat de vente, la cour canto-
nale a ordonné une expertise rendue le 13 décembre 1999.
Elle
a rejeté la requête de contre-expertise, déposée par
S.________, mais a ordonné un complément d'expertise, rendu
le 3 juillet 2000. Après s'être déterminé sur les rapports
de
l'expert, S.________ a réitéré sa requête de contre-experti-
se.

C.- S.________ exerce un recours de droit public.
Invoquant l'appréciation arbitraire des preuves et la viola-
tion du droit d'être entendu, il conclut à l'annulation de
l'arrêt cantonal et au renvoi de la cause à la Cour d'appel
pour nouvelle décision.

L'intimé conclut au rejet du recours. La cour can-
tonale déclare ne pas avoir d'observations à formuler.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recourant se plaint en premier lieu d'une
violation de l'interdiction de l'arbitraire. A l'appui de
son
grief, il invoque l'art. 9 Cst. ainsi que les articles 203

al. 1 (Libre appréciation des preuves), 249 (Cas
d'expertise)
et 259 (Complément et nouvelle expertise) CPC/FR. Il repro-
che, en substance, à la cour cantonale de s'être écartée de
l'avis clairement exprimé par l'expert dans son complément
d'expertise, selon lequel "la valeur prise en considération
de Fr. 24'000.- est celle au moment du sinistre (non acciden-
té)". Le recourant s'étonne du fait que la cour cantonale,
au
lieu d'ordonner une contre-expertise, ait répondu elle-même
à
une question complémentaire, posée à l'expert pour lever un
doute. Les motifs de la cour cantonale ne seraient nullement
convaincants, puisqu'elle se base sur un document de l'exper-
tise (Taxation pour dédommagement en valeur actuelle) en con-
tradiction avec un autre (Estimation de la dépréciation).
Enfin, le résultat de l'arrêt cantonal serait également arbi-
traire: en refusant de considérer que la valeur de 24 000
fr.
était celle du véhicule avant l'accident en 1995, la cour
cantonale ne tiendrait pas compte de la dépréciation due à
l'écoulement du temps entre novembre 1995 et juillet 1996.

b) aa) Le juge n'est en principe pas lié par le ré-
sultat d'une expertise. Mais s'il entend s'en écarter, il
doit motiver sa décision et ne saurait, sans motifs détermi-
nants, substituer son appréciation à celle de l'expert, sous
peine de verser dans l'arbitraire (cf. ATF 122 V 157 consid.
1c p. 160/161; 119 Ib 254 consid. 8a p. 274; 118 Ia 144 con-
sid. 1c p. 146 et les arrêts cités). En d'autres termes, le
juge qui ne suit pas les conclusions de l'expert, n'enfreint
pas l'art. 9 Cst. lorsque des circonstances bien établies
viennent en ébranler sérieusement la crédibilité. Si, en re-
vanche, les conclusions d'une expertise judiciaire lui appa-
raissent douteuses sur des points essentiels, il doit re-
cueillir des preuves complémentaires pour tenter de dissiper
ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non
concluante, il pourrait commettre une appréciation
arbitraire
des preuves et violer l'art. 9 Cst. (ATF 118 Ia 144 consid.
1c p. 146).

bb) Aux termes de l'art. 259 CPC/FR, il est loisi-
ble aux parties de demander à l'expert des éclaircissements
et des compléments; à cet effet, le président du tribunal ci-
te l'expert à l'audience ou l'invite à déposer un rapport
complémentaire (al. 1). Si le tribunal s'estime insuffisam-
ment renseigné, notamment par une expertise faite à titre de
preuve à futur, il ordonne une seconde expertise (al. 2).

cc) Se référant à la disposition précitée ainsi
qu'à l'ATF 118 Ia 144 consid. 1c p. 146, la cour cantonale a
relevé qu'une seconde expertise était notamment ordonnée si
les conclusions de la première apparaissaient douteuses sur
des points essentiels. Les juges cantonaux ont retenu que
l'expertise rendue en l'espèce contenait des erreurs et des
imprécisions, dont certaines ont cependant été écartées par
le complément d'expertise, ordonné en application de l'art.
259 al. 1 CPC/FR. Quant aux insuffisances restantes, elles
n'auraient pas empêché la cour cantonale de tirer les conclu-
sions qui s'imposent sur les points essentiels, telle la va-
leur vénale de la voiture lors de la conclusion du contrat.
La cour cantonale a donc estimé être suffisamment renseignée
sur ce point (art. 259 al. 2 CPC/FR; Deschenaux/Castella, La
nouvelle procédure civile fribourgeoise, p. 177).

Pour déterminer ladite valeur, la cour cantonale
s'est basée sur le prix catalogue de la voiture lors de sa
première mise en circulation le 17 janvier 1995, soit
31 850 fr. d'après l'expertise, montant auquel elle a ajouté
1625 fr. pour les options (climatisation et airbag) mention-
nées par l'expert, d'où un total du prix de neuf de
33 475 fr. Le 3 juillet 1996, la valeur de base correspon-
dait, à dire d'expert, à 70% du prix de neuf, soit à
23 433 fr. A ce montant, la cour cantonale a ajouté 985 fr.
(supplément pour modèle break d'occasion) et a déduit
2268 fr. (diverses malfaçons, dépréciation de la coque et de
la carrosserie suite à l'accident, dépréciation de
l'airbag).

La valeur de la voiture au moment de la conclusion du
contrat
s'élevait ainsi à 22 150 fr.

c) Sans remettre en cause les différents éléments
du calcul exposé, le recourant se borne à contester le sens
donné par la cour cantonale à la déclaration de l'expert re-
lative au montant de 24 000 fr. Selon le recourant, en décla-
rant dans le complément d'expertise que "la valeur prise en
considération de 24 000 fr. est celle au moment du sinistre
(non accidenté)", l'expert se serait prononcé clairement et
sans ambiguïté sur la valeur de la voiture au moment de l'ac-
cident en 1995.

Or, en regard des autres affirmations de l'expert
ainsi que des calculs qu'il a présentés, la cour cantonale,
consciente des insuffisances subsistantes suite au
complément
d'expertise et conformément à la liberté d'appréciation dont
elle jouit (art. 203 al. 1 CPC/FR), a préféré rechercher le
sens exact de la déclaration litigieuse à la lumière d'une
autre affirmation de l'expert, contenue dans le document
"Taxation pour dédommagement en valeur actuelle" et selon
laquelle "la valeur de vente Eurotaxe à l'époque était de
24 000 fr. pour véhicule exempt d'accident". La cour cantona-
le a également relevé que dans ce document, figurant dans le
rapport initial de l'expert, celui-ci renvoie expressément
et
à deux reprises à la date du 3 juillet 1996. Elle signale en
outre qu'il n'avait pas à se prononcer sur la valeur de la
voiture au moment de l'accident survenu en 1995. Pour la
cour
cantonale, le montant de 24 000 fr. ne se rapporte donc pas
à
la valeur de la voiture avant l'accident, mais à celle au mo-
ment de la vente, toutefois sans prise en considération de
la
dépréciation résultant de l'accident de 1995.

La contradiction entre les documents figurant dans
l'expertise, relevée par le recourant, n'a précisément pas
échappé aux juges cantonaux qui y ont remédié en
interprétant

la déclaration de l'expert dans le sens indiqué. Leur
manière
de voir convainc et ne peut être qualifiée d'arbitraire, en
particulier si l'on se penche sur le contexte de la réponse
de l'expert à la question posée. En effet, celui-ci signale
dans son rapport complémentaire que le montant de 21 700 fr.
(ou plus exactement de 22 127 fr. en ajoutant la valeur de
l'airbag, oubliée dans un premier temps) tient compte des
moins-values dues aux réparations effectuées suite à l'acci-
dent. Le montant de 22 127 fr. représente, selon l'expert,
la
valeur de la voiture au 30 juillet 1996. L'interprétation de
la cour cantonale est corroborée par les calculs présentés
par l'expert, qui correspondent en gros à ceux qu'elle a ef-
fectués sur la base des autres éléments fournis par celui-ci
et non contestés par le recourant. Ainsi la cour cantonale
conclut à une valeur de la voiture au 30 juillet 1996
(22 150 fr.) quasiment identique à celle avancée par
l'expert
(22 127 fr.). C'est en définitive la valeur de base au
moment
de la vente (70% du prix de neuf) qui apparaît comme l'élé-
ment pertinent que la cour cantonale a pu établir de manière
précise (23 433 fr.), nonobstant la déclaration peu claire
de
l'expert sur le montant de 24 000 fr.

Dans ces conditions, on peut considérer qu'il exis-
tait des motifs déterminants permettant à la cour cantonale
de s'écarter en l'espèce, sans pour autant tomber dans l'ar-
bitraire, de la déclaration incriminée (cf. ATF 107 IV 7 con-
sid. 5 et les arrêts cités). Dans la mesure où le recourant
lie la question de la dépréciation due à l'écoulement du
temps exclusivement à la valeur -non établie, pour les
motifs
indiqués ci-dessus- du véhicule au moment de l'accident en
1995, son grief tombe à faux.

2.- Le recourant soutient encore que la cour canto-
nale a violé son droit d'être entendu, en s'écartant de ma-
nière imprévisible de la réponse dépourvue d'ambiguïté de
l'expert. La cour cantonale s'étant écartée sans arbitraire

de cette réponse, que l'on ne saurait qualifier de claire au
vu de ce qui précède, l'examen de ce grief s'avère superflu.

3.- Cela étant, le recours doit être rejeté. Le re-
courant, qui succombe, supportera l'émolument judiciaire et
les dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimé 2500 fr.
à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Ie Cour d'appel du Tribunal canto-
nal de l'Etat de Fribourg.

___________

Lausanne, le 28 juin 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.49/2001
Date de la décision : 28/06/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-28;4p.49.2001 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award