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28/06/2001 | SUISSE | N°4C.60/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 juin 2001, 4C.60/2001


«/2»

4C.60/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, défendeur et recourant, représenté par Me Dan
Bally, avocat à Lausanne,

et

1. X.________ S.A.,

2. Y.________ S.A.,

demanderesses et intimées, toutes deux représentées par Me
Henri Baudraz, avocat à Lausa

nne;

(rémunération de l'architecte; interprétation du contrat)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
...

«/2»

4C.60/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

28 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, défendeur et recourant, représenté par Me Dan
Bally, avocat à Lausanne,

et

1. X.________ S.A.,

2. Y.________ S.A.,

demanderesses et intimées, toutes deux représentées par Me
Henri Baudraz, avocat à Lausanne;

(rémunération de l'architecte; interprétation du contrat)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Deux bureaux d'architectes, X.________ S.A. et
Y.________ S.A., se sont associés pour accepter la mission
que leur confiait A.________, laquelle consistait à établir
les plans et devis et à diriger les travaux pour l'édifica-
tion de trois immeubles locatifs avec deux parkings. Un con-
trat d'architecte, daté du 12 février 1990, a été signé à ce
sujet sur un formulaire SIA. Selon l'art. 7 du contrat, "le
calcul définitif des honoraires interviendra forfaitairement
au prix de 1 280 000 fr., valable jusqu'au 31.12.1992".
L'art. 16 du contrat contient des calculs aboutissant au
montant total d'honoraires de 1 280 000 fr., tandis que
l'art. 17 prévoit un plan de paiement pour cette somme.

Il n'est pas établi que les parties aient passé ul-
térieurement un autre accord sur le montant de la rémunéra-
tion des architectes.

Durant l'exécution des travaux, de nombreuses dis-
sensions sont apparues entre les parties. Le maître de l'ou-
vrage s'est occupé lui-même d'une partie de la direction des
travaux et a renoncé à réaliser le troisième bâtiment prévu,
ainsi que l'un des parkings. Quelques modifications ont été
apportées au projet.

Le maître de l'ouvrage a refusé de payer le solde
d'honoraires réclamé par les deux bureaux d'architectes; les
commandements de payer notifiés à la requête de ces derniers
ont été frappés d'opposition.

B.- Le 19 avril 1995, les deux bureaux d'architec-
tes ont déposé devant la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois une demande en paiement dirigée contre A.________,

concluant à ce que ce dernier soit condamné à leur payer so-
lidairement la somme de 155 000 fr. avec intérêts au taux de
5% l'an dès le 1er avril 1994. Le défendeur a formé une de-
mande reconventionnelle de 85 000 fr. avec intérêts à 5%
l'an
dès le 31 août 1995.

Par jugement du 6 avril 2000, la Cour civile a con-
damné le défendeur à payer aux deux bureaux d'architectes,
solidairement entre eux, la somme de 151 922 fr. avec inté-
rêts à 5% l'an dès le 10 janvier 1995 sur le montant de
99 580 fr. et avec intérêts à 5% l'an dès le 17 mai 1995 sur
le montant de 52 342 fr.; elle a par ailleurs prononcé la
mainlevée définitive des oppositions faites au commandement
de payer. Procédant à une appréciation des preuves, la cour
cantonale est parvenue à la conclusion que la commune et
réelle intention des parties était de fixer une rémunération
forfaitaire pour les architectes. Le montant a été arrêté à
1 280 000 fr. Il n'était cependant valable que pour les tra-
vaux accomplis jusqu'au 31 décembre 1992; les parties au-
raient donc dû passer un nouvel accord pour les travaux réa-
lisés après cette date. Les demanderesses ont proposé de
proroger la durée de validité de la clause prévoyant la ré-
munération forfaitaire; bien que le maître de l'ouvrage ne
l'ait pas acceptée expressément, la cour cantonale a retenu
qu'il l'avait acceptée implicitement en réclamant des déduc-
tions qui supposaient l'application de la méthode forfaitai-
re. Il n'a proposé une autre méthode que de manière tardive,
voire contraire aux règles de la bonne foi, pour la première
fois par une lettre du 6 décembre 1994. Adaptant le forfait
convenu en fonction des modifications intervenues, tenant
compte des frais assumés et des acomptes payés, la cour can-
tonale a déterminé le solde dû, admettant que les
architectes
avaient exécuté correctement leur contrat et que le maître
de
l'ouvrage n'avait pas prouvé avoir subi un dommage dont il
puisse demander réparation.

C.- A.________ exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Soutenant que le jugement attaqué viole
les
règles du droit fédéral sur l'interprétation des manifesta-
tions de volonté, il conclut à la réforme de ce jugement en
ce sens que les conclusions en paiement prises contre lui
sont entièrement rejetées.

Les intimées proposent le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté par la partie qui a succombé
dans ses conclusions libératoires et dirigé contre un juge-
ment final rendu en dernière instance cantonale par un tribu-
nal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art.
46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable,
puisqu'il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans
les formes requises (art. 55 OJ).

b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts ci-
tés).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que

celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir
avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let.
c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126
III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III
248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

2.- a) Il résulte des constatations cantonales -
qui lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme
(art. 63 al. 2 OJ) - que les deux sociétés intimées ont dé-
cidé d'unir leurs efforts en vue d'exécuter le contrat que
le
défendeur entendait passer avec elles; elles ont donc formé
une société simple (art. 530 al. 1 CO). Le recourant a
conclu
avec les deux sociétés anonymes intimées, constituées en so-
ciété simple, un contrat par lequel elles s'engageaient, en
qualité d'architectes professionnels, à établir des plans et
à diriger les travaux pour les constructions projetées,
moyennant une rémunération que le recourant s'obligeait à
leur payer. On se trouve donc en présence d'un contrat d'ar-
chitecte global.

Selon la jurisprudence, lorsqu'un architecte est
chargé d'établir des plans, des soumissions ou des projets
de
construction, il se conclut un contrat d'entreprise (art.
363

CO); s'il est chargé des adjudications et de la surveillance
des travaux, il s'agit d'un mandat (art. 394 CO); si sa mis-
sion englobe des activités relevant des deux catégories, le
contrat est mixte et relève, suivant les prestations, du man-
dat ou du contrat d'entreprise (ATF 114 II 53 consid. 2b;
110
II 380 consid. 2; 109 II 462 consid. 3c et 3d).

Dans le cas du contrat complet (comme celui d'espè-
ce), la jurisprudence a admis qu'il fallait appliquer les rè-
gles du mandat en tout cas pour ce qui concerne la faculté
de
mettre fin à la relation contractuelle (ATF 110 II 380 con-
sid. 2; 109 II 462 consid. 3d); elle a admis la même
solution
en ce qui concerne la responsabilité de l'architecte pour
une
mauvaise évaluation du coût des travaux (cf. ATF 119 II 249
consid. 3b). La doctrine récente préconise de soumettre en-
tièrement aux règles du mandat le contrat d'architecte
global
(cf. Peter Gauch, Le contrat d'entreprise, adaptation fran-
çaise par Benoît Carron, n° 58 ss et les références citées,
p. 19 s.).

Il n'y a pas lieu d'approfondir cette question en
l'occurrence, dès lors que le différend porte exclusivement
sur la rémunération due aux architectes. A cet égard, les
parties sont clairement convenues, dans leur contrat écrit,
que les prestations des architectes seraient rémunérées.

b) La question qui reste litigieuse devant le Tri-
bunal fédéral porte exclusivement sur l'interprétation de la
clause fixant la rémunération des architectes.

Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir
violé les règles du droit fédéral sur l'interprétation des
manifestations de volonté selon le principe de la bonne foi.

aa) Pour déterminer l'objet et le contenu d'un con-
trat, il incombe au juge de recourir en premier lieu à l'in-

terprétation dite subjective, c'est-à-dire de rechercher la
volonté réelle et commune des parties, le cas échéant sur la
base d'indices, sans s'arrêter aux expressions ou dénomina-
tions inexactes dont elles ont pu se servir, par erreur ou
pour travestir la nature véritable de la convention (art. 18
al. 1 CO). Ce faisant, il procède à une appréciation des
preuves, qui ne peut pas être remise en cause dans un
recours
en réforme.

Lorsque la volonté réelle et concordante des par-
ties ne peut être établie, le juge doit rechercher leur vo-
lonté présumée en interprétant leurs déclarations de volonté
selon le principe de la confiance; cette interprétation,
dite
objective ou normative, consiste à établir le sens que chacu-
ne des parties pouvait et devait raisonnablement prêter aux
déclarations de volonté de l'autre, en tenant compte des ter-
mes utilisés ainsi que du contexte. Il s'agit là d'une ques-
tion de droit qui peut être revue librement en instance de
réforme (ATF 126 III 25 consid. 3c, 59 consid. 5b, 375 con-
sid. 2e/aa; 125 III 305 consid. 2b p. 308; 123 III 165 con-
sid. 3a). Pour trancher cette question de droit, il faut ce-
pendant se fonder sur le contenu de la manifestation de vo-
lonté et sur les circonstances, lesquelles relèvent du fait
(ATF 126 III 375 consid. 2e/aa; 124 III 363 consid. 5a; 123
III 165 consid. 3a).

bb) En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté
que les parties étaient convenues clairement, à l'art. 7 de
leur contrat, d'une rémunération forfaitaire de 1 280 000
fr.
Elle s'est ensuite demandé si cette formulation claire cor-
respondait à la réelle intention des plaideurs et ne procé-
dait pas de l'emploi d'une dénomination inexacte.
S'entourant
de l'avis d'un expert sur le mécanisme du formulaire SIA uti-
lisé, elle est parvenue à la conviction que les chiffres men-
tionnés à l'art. 16 avaient pour seul but d'expliquer sur
quelles bases les parties avaient fixé le montant forfaitai-

re; quant au plan de paiement de l'art. 17, la cour
cantonale
a été convaincue qu'il était compatible avec l'idée d'une ré-
munération forfaitaire, en tenant compte surtout du fait que
les architectes avaient déjà effectué une part importante de
leurs prestations. Constatant ensuite que les témoignages
étaient contradictoires - comme le recourant lui-même
l'admet
-, la Cour civile en a déduit que ceux-ci ne venaient pas in-
firmer cette analyse. Les lettres ultérieures échangées
entre
les parties corroborent également qu'elles avaient à
l'esprit
une rémunération forfaitaire. Appréciant l'ensemble de ces
éléments de preuve, la cour cantonale a conclu, à la page 36
du jugement attaqué, "que la réelle et commune volonté des
parties était de convenir d'un mode de rémunération forfai-
taire arrêté à 1 280 000 fr."

Il n'est donc pas douteux que l'autorité cantonale,
en procédant à une appréciation des preuves, est parvenue à
une conviction quant à la réelle et commune intention des
parties. Comme on l'a vu, sa constatation sur la volonté des
parties relève du fait et lie le Tribunal fédéral en
instance
de réforme.

Le recourant se réfère au témoignage de dame
M.________ alors que ce témoignage a été écarté pour le
motif
que cette personne est la nièce du recourant. L'examen de la
crédibilité de cette déposition est une pure question d'ap-
préciation des preuves, qui ne peut être examinée dans un re-
cours en réforme. Le recourant cite également le témoignage
de dame V.________, qui n'est même pas mentionné dans l'état
de fait souverain; savoir si cette déposition est crédible
et
apporte ou non une information utile est à nouveau une ques-
tion d'appréciation des preuves, qu'il est impossible de re-
voir dans un recours en réforme.

Dès lors que la cour cantonale est parvenue à dé-
terminer la réelle intention des parties, elle n'avait pas à

appliquer, à titre subsidiaire, le principe de la confiance
(ou de la bonne foi) ou une autre règle interprétative, en
particulier "in dubio contra stipulatorem". Les principes ju-
ridiques invoqués par le recourant n'étant pas applicables,
ils ne sauraient avoir été violés.

3.- Il suit de là
que le recours doit être rejeté,
le jugement attaqué étant confirmé. Vu l'issue du litige,
les
frais et dépens seront mis à la charge du recourant (art.
156
al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme le jugement atta-
qué;

2. Met un émolument judiciaire de 5500 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera aux intimées,
créancières solidaires, une indemnité de 6000 fr. à titre de
dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois.

__________

Lausanne, le 28 juin 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.60/2001
Date de la décision : 28/06/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-28;4c.60.2001 ?
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