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28/06/2001 | SUISSE | N°2P.77/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 28 juin 2001, 2P.77/2001


2P.77/2001
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

28 juin 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Betschart et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

la Municipalité de Nyon, agissant par son syndic, représen-
tée par Me Gloria Capt, avocate à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 15 février 2001 par le Tribunal administra-
tif du canton de Vaud, dans

la cause qui oppose la recouran-
te à A.________ et B.________, représentés par Claude
Paschoud, conseiller juri...

2P.77/2001
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

28 juin 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Betschart et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

la Municipalité de Nyon, agissant par son syndic, représen-
tée par Me Gloria Capt, avocate à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 15 février 2001 par le Tribunal administra-
tif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose la recouran-
te à A.________ et B.________, représentés par Claude
Paschoud, conseiller juridique à Lausanne,

(autonomie communale en matière de service de taxis)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L'exploitation de taxis à X.________ est régie par
un règlement communal concernant le service des taxis, adop-
té par le Conseil communal les 11 mai 1959, 14 décembre
1964, 26 mai 1975 et 8 mars 1982; ce règlement a été approu-
vé par les autorités cantonale et fédérale compétentes.
L'autorisation de type A permet le stationnement sur le do-
maine public dans la limite des emplacements désignés par le
Service de police, alors que tel n'est pas le cas pour l'au-
torisation de type B. L'autorisation du type A n'est accor-
dée que sous certaines conditions et dans la mesure où les
exigences de la circulation, de la place disponible et des
besoins du public le permettent (art. 45 dudit règlement).
Contrairement aux autorisations de type A, les autorisations
de type B sont attribuées sans limitation quant au nombre.

Quatorze autorisations de type A ont été délivrées par
la commune de Nyon: deux personnes (père et fils) en détien-
nent onze en tout, alors que trois autres chauffeurs de ta-
xis en ont chacun une. Deux autres autorisations de type A
ont été octroyées à deux autres chauffeurs de taxis à la
suite d'une requête de mesures provisionnelles admise par le
Tribunal administratif du canton de Vaud dans le cadre de
deux procédures de recours pendantes devant lui.

Exerçant la profession de chauffeur de taxi, B.________
est au bénéfice d'une autorisation de type B depuis 1996. En
1997, il a requis une autorisation de type A qui lui a été
refusée. Depuis lors, il figure sur la liste d'attente des
candidats à une autorisation de type A.

B.- Le 11 juillet 2000, la Municipalité de Nyon a reje-
té la requête des époux B.________ et A.________ tendant à

la délivrance d'une autorisation de taxi de type A pour cha-
cun d'entre eux, au motif que, dans l'attente de l'approba-
tion d'un nouveau règlement communal concernant le service
de taxis en consultation, aucune modification ne serait ap-
portée à la situation actuelle.

Par arrêt du 15 février 2001, le Tribunal administratif
du canton de Vaud a admis le recours des intéressés, annulé
la décision communale et renvoyé la cause à la Municipalité
de Nyon pour nouvelle décision dans le sens des considé-
rants. En substance, le Tribunal administratif a retenu que
le projet du règlement communal concernant le service de ta-
xis n'apportait aucune amélioration en ce qui concerne le
mode de répartition des autorisations de type A (dont le
nombre maximum serait limité à seize) entre les différents
concurrents. En outre, il a considéré que le refus de déli-
vrer une autorisation de type A à chacun des intéressés vio-
lait le principe d'égalité de traitement entre concurrents
directs, dans la mesure où certains d'entre eux bénéfi-
ciaient d'un privilège inadmissible en demeurant titulaires
de la majorité des autorisations de type A. Les juges canto-
naux ont toutefois laissé le soin à la Municipalité de déci-
der de quelle manière cette injonction devait être réalisée,
tout en suggérant de mettre en oeuvre un système de rotation
pour les chauffeurs de taxis.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public, la
Municipalité de Nyon conclut principalement à l'annulation
de l'arrêt du Tribunal administratif du 15 février 2001.
Elle fait valoir, en bref, une violation de son autonomie
communale.

Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours.

Dans sa réponse, le représentant des parties intimées
explique que A.________ n'est pas encore titulaire du permis

requis pour la conduite de taxis et partant ne remplit pas
l'une des conditions préalables et nécessaires pour obtenir
une autorisation de type A. Pour le surplus, il n'a pas pris
de conclusions, mais s'est borné à proposer de dissocier les
cas des deux recourants.

D.- Par ordonnance du 6 avril 2001, le Président de la
IIe Cour de droit public a admis la requête d'effet suspen-
sif présentée par la Municipalité de Nyon en ce qui concerne
A.________, mais l'a rejetée en ce qui concerne B.________.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- En tant qu'il concerne A.________, l'arrêt attaqué
doit être annulé. En effet, l'intéressée ne peut être mise
au bénéfice d'une autorisation de type A, puisque, comme
elle le reconnaît elle-même, elle ne dispose pas du permis
requis pour la conduite de taxis. Le présent recours doit
donc être admis sur ce point.

2.- Dans la mesure où il concerne B.________, le pré-
sent recours doit en revanche être rejeté pour les raisons
suivantes.

a) Il n'est pas contesté que la recourante bénéficie de
l'autonomie communale en matière de réglementation du servi-
ce des taxis et qu'elle dispose d'un large pouvoir d'appré-
ciation notamment pour délivrer les autorisations de type A
impliquant un usage accru du domaine public. Le pouvoir
d'appréciation n'est cependant pas illimité, mais est res-
treint par les principes constitutionnels tels que la liber-
té économique garantie par l'art. 27 Cst. (art. 31 aCst.).

Une collectivité publique peut certes limiter le nombre
de places réservées aux taxis, mais doit veiller à ne pas
restreindre de manière disproportionnée l'exploitation du
service dans son ensemble. En particulier, elle ne doit pas
soumettre la profession de chauffeur de taxi à un numerus
clausus déterminé par les besoins du public. Il est en re-
vanche admis que le nombre de places de stationnement ne
peut être augmenté à volonté si l'on veut éviter des querel-
les entre chauffeurs et des problèmes de circulation. Un
danger sérieux de perturbation donne déjà à la collectivité
publique, propriétaire du domaine public, le droit de déter-
miner le nombre de bénéficiaires d'autorisation de garer sur
des places réservées aux taxis en fonction de la place dis-
ponible. Il n'est pas nécessaire pour cela d'apporter la
preuve que la mise à la libre disposition de places de sta-
tionnement de tous les concurrents conduirait à une situa-
tion absolument intenable (ATF 99 Ia 394 consid. 2 b/bb et 3
p. 400 ss; 97 I 653 consid. 5b/bb p. 657). L'Etat peut su-
bordonner le permis de stationnement aux exigences de la
circulation, à la place disponible et, dans une moindre me-
sure, au besoin du public (ATF 79 I 334 consid. 3 p. 337).

En l'occurrence, la recourante soutient que les exigen-
ces de la circulation ne permettent pas d'octroyer plus de
quatorze autorisations de type A, ce nombre étant au demeu-
rant suffisant pour répondre aux besoins du public. Une aug-
mentation de ce nombre nuirait, selon elle, aux chauffeurs
de taxis eux-mêmes qui ne pourraient plus gagner convenable-
ment leur vie. L'octroi d'autorisations de type A supplémen-
taires porterait également atteinte à la qualité du service
de taxis (d'intérêt public), dans la mesure où les chauf-
feurs de taxis mal payés pourraient refuser d'effectuer de
petites courses. A noter d'emblée que l'argument tiré du
fait que seul un nombre restreint d'autorisations de type A
permettrait aux chauffeurs de taxis en place de gagner con-
venablement leur vie est contraire à la liberté économique.

Pour le surplus, la recourante n'a pas établi - ni même ren-
du vraisemblable - que la délivrance d'une autorisation de
type A supplémentaire à B.________ engendrerait de sérieux
problèmes de circulation et des tensions entre les diffé-
rents chauffeurs de taxi. La recourante n'a pas non plus dé-
montré que les problèmes de circulation se seraient sensi-
blement aggravés depuis que le nombre d'autorisations de ty-
pe A a été provisoirement porté de quatorze à seize. Point
n'est besoin cependant d'examiner plus avant ces arguments,
dès lors que le recours doit de toute manière être admis
pour un autre motif.

b) Force est en effet de constater que B.________, qui
dispose d'une autorisation de type B depuis 1996, ne bénéfi-
cie d'aucune autorisation de type A, alors que deux de ses
concurrents se répartissent à eux seuls la grande majorité
des autorisations en cause, soit onze sur seize. Si l'on
tient compte du fait que B.________ exploite depuis relati-
vement longtemps un service de taxis, cette situation est
manifestement constitutive d'une inégalité de traitement
inadmissible (cf. notamment ATF 108 Ia 135 ss). A cet égard,
le Tribunal fédéral a récemment eu l'occasion de rappeler
qu'il était contraire à la Constitution fédérale d'avoir -
comme c'est le cas dans la commune de Nyon - un système com-
plètement bloqué en ce qui concerne les autorisations de ty-
pe A empêchant tout nouveau chauffeur de taxi d'obtenir dans
un délai raisonnable une autorisation de type A (arrêt non
publié du 7 janvier 1999 en la cause Municipalité de
Montreux c. Tribunal administratif du canton de Vaud). Ainsi
que cela ressort de l'arrêt attaqué, il incombe donc à la
commune de Nyon de remplacer le système actuel - rigide -
par un système plus souple permettant de répartir équitable-
ment lesdites autorisations entre les différents concur-
rents, dans la mesure où la recourante estimerait, après un
examen approfondi de la situation, qu'il ne serait pas pos-
sible d'augmenter le nombre des autorisations de type A. Au-

trement dit, il lui appartient de trouver une solution ré-
pondant aux exigences de l'art. 27 Cst., qui garantit notam-
ment l'égalité de traitement entre concurrents directs. Tel
pourrait être le cas d'un système attribuant une autorisa-
tion de type A aux chauffeurs de taxis par rotation, selon
des modalités restant à définir par la commune.

C'est donc en vain que la Municipalité de Nyon se
plaint de ce que la décision attaquée serait arbitraire et
violerait son autonomie communale.

c) La recourante souligne enfin que B.________ se trou-
ve au quatrième rang sur la liste d'attente des candidats à
l'autorisation de type A. A son avis, il serait dès lors
contraire à l'égalité de traitement d'octroyer une telle au-
torisation à B.________, alors que ceux qui le devancent sur
la liste d'attente ne pourraient pas y prétendre. Quant aux
intimés, ils rétorquent que B.________ ne se trouverait pas
en quatrième position, mais serait en tête de liste. Point
n'est cependant besoin d'élucider ce fait, puisque le grief
est de toute façon dénué de pertinence. En effet, la situa-
tion de B.________, qui a recouru contre le refus de se voir
accorder une autorisation de type A, est différente de celle
des autres candidats qui n'ont pas attaqué un tel refus et
partant se sont accommodés de la situation.

d) Pour le surplus, il y a lieu de renvoyer aux motifs
convaincants de l'arrêt attaqué (art. 36a al. 3 OJ).

3.- Vu ce qui précède, le recours doit être partielle-
ment admis et l'arrêt attaqué annulé en ce qui concerne
B.________. Pour le surplus, le recours est rejeté. La cause
sera renvoyée au l'autorité intimée pour nouvelle décision
sur les frais et dépens de la procédure cantonale.

S'agissant de la procédure fédérale, il convient de
mettre à la charge de A.________ une partie des frais, soit
un émolument judiciaire réduit (art. 156 al. 1 OJ), étant
précisé que la commune de Nyon, dont l'intérêt pécuniaire
n'est pas en cause, est dispensée de supporter de tels frais
(art. 156 al. 2 OJ).

Il n'y a de toute façon pas lieu d'allouer de dépens à
la commune de Nyon qui, étant donné son importance, est en
mesure de se doter d'une administration suffisamment déve-
loppée pour procéder sans l'assistance d'un mandataire exté-
rieur (art. 159 al. 2 OJ; arrêt non publié du 1er février
1994 en la cause N. c. canton de Vaud). Compte tenu des cir-
constances, il se justifie de ne pas allouer non plus une
indemnité à titre de dépens aux parties intimées, qui ont
procédé avec le même mandataire, en reconnaissant que leur
recours était infondé pour ce qui concerne A.________.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1.- Admet partiellement le recours et annule l'arrêt
attaqué en ce qui concerne A.________.

Rejette le recours pour le surplus.

2.- Renvoie la cause au Tribunal administratif du can-
ton de Vaud pour nouvelle décision sur les frais et dépens
de la procédure cantonale.

3.- Met un émolument judiciaire réduit de 700 fr. à la
charge de A.________

4.- Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

5.- Communique le présent arrêt en copie aux mandatai-
res des parties, ainsi qu'au Tribunal administratif du can-
ton de Vaud.

Lausanne, le 28 juin 2001
LGE/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.77/2001
Date de la décision : 28/06/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-28;2p.77.2001 ?
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