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27/06/2001 | SUISSE | N°6A.44/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 27 juin 2001, 6A.44/2001


«/2»
6A.44/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

27 juin 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________, représenté par Me Georges Reymond, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 30 mars 2001 par la Cour de cassation
pénale du T

ribunal cantonal vaudois;

(libération conditionnelle, délai d'épreuve,
règles de conduite)

Vu les pièces du dos...

«/2»
6A.44/2001/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

27 juin 2001

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
M. Schneider, M. Wiprächtiger, M. Kolly et Mme Escher,
Juges. Greffier: M. Denys.
______________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________, représenté par Me Georges Reymond, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 30 mars 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois;

(libération conditionnelle, délai d'épreuve,
règles de conduite)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Par jugement du 15 mars 2000, le Tribunal
correctionnel du district de Lausanne a condamné
X.________, pour escroquerie par métier, à quatre ans de
réclusion. Il en ressort notamment que ce dernier a causé
un préjudice de plusieurs millions de francs, que deux
parties civiles ont obtenu l'allocation de leurs conclu-
sions à hauteur de quelques centaines de milliers de
francs, alors que les autres parties civiles se sont fait
donner acte de la réserve de leurs droits. La Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé
ce jugement par arrêt du 31 juillet 2000.

b) Dès le 26 septembre 1997, X.________ a été
détenu préventivement à la prison du Bois-Mermet à
Lausanne, puis transféré le 17 janvier 2000 en exécution
anticipée de peine aux Etablissements de la Plaine de
l'Orbe. Le 1er mai 2000, mis au bénéfice du régime de la
semi-liberté, il a été transféré à l'Etablissement du
Tulipier à Morges. Le terme de sa peine est fixé au 25
septembre 2001 et les deux tiers de celle-ci ont été
atteints le 26 mai 2000.

Le 5 octobre 2000, la Commission de libération du
Département des institutions et des relations extérieures
du canton de Vaud (ci-après: la Commission de libération)
a refusé la libération conditionnelle de X.________,
considérant que les projets professionnels de celui-ci
l'exposaient à un risque majeur de récidive.

Par arrêt du 4 décembre 2000, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois a admis le recours de
X.________ et a renvoyé la cause à la Commission de

libération, relevant que la décision attaquée comportait
trop d'incertitudes et de contradictions quant aux
projets professionnels de ce dernier.

c) La Commission de libération a ordonné un complé-
ment d'enquête.

Dans un rapport du 22 décembre 2000, la Direction
des Maisons d'arrêts et de préventive préavise favorable-
ment la libération conditionnelle de X.________. Elle
suggère que celui-ci s'engage officiellement à rembourser
les lésés en leur signant des reconnaissances de dette et
propose un délai d'épreuve de quatre ans avec un patro-
nage de deux ans.

Dans sa proposition du 17 janvier 2001, le Service
pénitentiaire propose d'accorder la libération condition-
nelle avec un délai d'épreuve et de patronage de cinq ans
et à condition que X.________ signe des reconnaissances
de dette en faveur des lésés.

Le membre visiteur suppléant de la Commission de
libération a procédé à l'audition de X.________ le 25
janvier 2001. Selon le rapport, ce dernier est engagé par
la Y.________ assurances en vertu de deux contrats dis-
tincts, d'une part comme concierge à 50 % pour un salaire
mensuel net de 934 fr. 65, d'autre part comme courtier à
50 %, activité rémunérée à la commission et pour laquelle
il n'a encore rien touché; il dispose en outre d'un ap-
partement de fonction d'un loyer mensuel de 1'600 francs.
Le membre visiteur observe que X.________ refuse de
signer des reconnaissances de dette en faveur des lésés
et est d'avis que celui-ci aurait la capacité de trouver
un autre emploi mieux rémunéré permettant un début de
remboursement des lésés mais se complaît dans une
situation professionnelle qui ne lui rapporte que peu de

revenus. Il émet un préavis négatif à la libération
conditionnelle.

B.- Le 13 février 2001, la Commission de libéra-
tion a admis la libération conditionnelle de X.________,
imposant en particulier comme conditions qu'il soit
soumis à un délai d'épreuve de cinq ans, qu'il ne
commette aucune infraction, qu'il reste sous la
surveillance de la Société vaudoise de patronage durant
ce délai et qu'il s'engage par écrit à dédommager les
lésés pendant le délai d'épreuve, selon un plan de
paiement mensuel défini d'entente avec la Société vau-
doise de patronage et compte tenu de sa situation finan-
cière. Il ressort de la décision que la libération ne
sera effective que lorsque X.________ aura produit
l'engagement écrit précité.

Par arrêt du 30 mars 2001, la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois a partiellement admis
le recours de X.________, a ramené à deux ans le délai
d'épreuve et a confirmé pour le surplus la décision
attaquée.

C.- X.________ forme un recours de droit
administratif au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il
sollicite l'assistance judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- S'agissant d'une décision en matière d'exécu-
tion de la peine que le Code pénal ne réserve pas au juge

(art. 38 ch. 1 al. 1 CP), la décision attaquée est sus-
ceptible d'un recours de droit administratif au Tribunal
fédéral (art. 97 al. 1, 98 let. g OJ et 5 PA; ATF 124 I
231 consid. 1 a/aa p. 233).

Le recours peut être formé pour violation du droit
fédéral, y compris l'excès ou l'abus du pouvoir d'appré-
ciation (art. 104 let. a OJ). Le Tribunal fédéral n'est
pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller
au-delà des conclusions des parties (art. 114 al. 1 OJ).
En revanche, lorsque, comme en l'espèce, le recours est
dirigé contre la décision d'une autorité judiciaire, il
est lié par les faits constatés dans l'arrêt attaqué,
sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou
s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
la procédure (art. 105 al. 2 OJ). Cela exclut largement
la prise en compte d'un fait nouveau (ATF 125 II 217
consid. 3a p. 221).

2.- a) Pour la cour cantonale, il est admissible
de mettre en relation la libération conditionnelle et la
réparation du dommage aux lésés. Elle a considéré que,
dans la mesure où il reste au recourant moins de six mois
à purger, le délai d'épreuve fixé à cinq ans en première
instance était excessif et qu'en conséquence, il conve-
nait de le ramener à deux ans. Elle a encore noté qu'il
ressortait de l'instruction de la cause que le recourant
ne dédommagerait pas de sa propre initiative les lésés et
que la réparation du dommage imposée ne prêtait pas le
flanc à la critique puisque le plan de paiement était
défini en fonction de la situation financière du recou-
rant et d'entente avec le Service de patronage vaudois.

b) Le recourant ne conteste pas la possibilité pour
l'autorité de fixer comme règle de conduite la réparation

du dommage, ainsi que le prévoit l'art. 38 ch. 3 in fine
CP, mais se plaint de ce que la cour cantonale lui aurait
imposé un "dédommagement complet" des lésés durant le
délai d'épreuve, indépendamment de ses possibilités fi-
nancières. Cette critique est déplacée. Il ressort clai-
rement de la décision attaquée que le dédommagement doit
intervenir dans la mesure de ce qui peut être exigé du
recourant, en particulier compte tenu de sa situation
financière (cf. arrêt attaqué, p. 13).

c) Le recourant affirme que, eu égard au solde de
la peine qui lui reste à subir, soit moins de six mois,
le délai d'épreuve fixé à deux ans est disproportionné et
que seul le minimum légal d'un an convient à son cas.
Dans le même cadre, il reproche à la cour cantonale de
n'avoir pas respecté la systématique de l'art. 38 CP,
c'est-à-dire d'avoir fixé d'abord la règle de conduite
(réparation du dommage) selon le chiffre 3 in fine de
cette disposition et ensuite la durée du délai d'épreuve
selon le chiffre 2.

aa) Selon l'art. 38 ch. 2 CP, l'autorité compé-
tente, lorsqu'elle accorde la libération conditionnelle,
impartit au libéré un délai d'épreuve pendant lequel elle
peut le soumettre à un patronage; ce délai ne doit pas
être inférieur à un an, ni supérieur à cinq ans; lors-
qu'un condamné à la réclusion à vie est libéré condi-
tionnellement, le délai d'épreuve est de cinq ans.

En prévoyant un délai de un à cinq ans - mis à part
le cas de la réclusion à vie -, sans mentionner aucun
critère, le législateur a manifestement voulu laisser à
l'autorité compétente un large pouvoir d'appréciation.
Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, la durée fixée
reste dans le cadre légal, le droit fédéral ne peut être

considéré comme violé qu'en cas d'abus du pouvoir d'ap-
préciation (art. 104 let. a OJ).

On peut s'interroger sur les critères qui doivent
présider à la détermination du délai d'épreuve. Invo-
quant la genèse de la loi, la doctrine admet que le délai
d'épreuve peut être plus long que le solde de peine
(cf. Schultz, Allgemeiner Teil II, 4ème éd., Berne 1982,
p. 62; Logoz, Commentaire du Code pénal suisse, Partie
générale, 2ème éd. 1976, p. 218, ch. 5a; Stratenwerth,
Allgemeiner Teil II, Berne 1989, p. 99 n° 75). La règle
spéciale pour le cas de la réclusion à vie montre que la
durée du solde de peine constitue un élément d'appré-
ciation important (cf. Logoz, ibidem); la durée du délai
d'épreuve doit être dans une certaine mesure proportion-
née au solde de peine (cf. Stratenwerth, ibidem); il faut
tenir compte d'une part du risque de récidive et d'autre
part de l'importance du solde de peine (cf. Trechsel,
Kurzkommentar, 2ème éd., Zurich 1997, art. 38 CP n° 13).
En référence à la doctrine précitée, le Tribunal fédéral
a observé dans un arrêt non publié du 15 janvier 1992
(cause 6A.110/1991) que pour fixer la durée du délai
d'épreuve imparti à un condamné qu'elle libère condi-
tionnellement, l'autorité doit tenir compte du solde de
peine et du risque de récidive ainsi que de la mesure
dans laquelle la liberté personnelle de ce dernier est
restreinte par les éventuelles règles de conduite qui
lui sont imposées.

bb) Certes, l'arrêt attaqué n'est pas à proprement
parler motivé quant à la durée de deux ans du délai
d'épreuve, encore qu'une certaine motivation puisse se
déduire du contexte, la cour cantonale ayant jugé ex-
cessif le délai d'épreuve de cinq ans fixé en première
instance.

Le recourant a causé un préjudice de plusieurs mil-
lions de francs. Il ressort de l'arrêt attaqué (p. 13)
qu'il ne dédommagera pas les lésés de sa propre initia-
tive, cette constatation liant le Tribunal fédéral (art.
105 al. 2 OJ). Dans ces conditions, lui imposer de répa-
rer le dommage dans la mesure de ses possibilités et dans
le cadre d'un patronage peut avoir un effet éducatif et
contribuer à son amendement, conformément à ce que visent
les mesures de l'art. 38 ch. 3 CP (ATF 107 IV 88 consid.
3a p. 89). Dès lors que, selon les faits retenus, l'acti-
vité professionnelle du recourant ne lui procure pas dans
l'immédiat de revenus suffisants pour envisager un quel-
conque dédommagement, le délai d'épreuve de deux ans,
durant lequel on peut escompter une progression des
revenus, n'apparaît pas excessif, même en considération
d'un solde de peine inférieure à six mois. On ne perçoit
aucun abus du pouvoir d'appréciation de la part de la
cour cantonale. Le grief est infondé.

d) Enfin, le recourant prétend que le délai
d'épreuve a commencé à courir à partir du 26 mai 2000
car, à cette date, il avait purgé les deux tiers de sa
peine et remplissait les conditions pour être libéré
conditionnellement. L'argument tombe à faux. Le recourant
perd en effet de vue que, par essence, le délai d'épreuve
ne peut débuter qu'avec la libération concrète.

3.- Le recours est rejeté. Comme il était d'em-
blée dépourvu de chances de succès, l'assistance judi-
ciaire est refusée (art. 152 al. 1 OJ) et le recourant,
qui succombe, supporte un émolument judiciaire (art. 156
al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3. Met un émolument judiciaire de 800 francs à la
charge du recourant.

4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, à la Commission de libération du
canton de Vaud et à la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal vaudois, ainsi qu'au Département
fédéral de justice et police.
__________

Lausanne, le 27 juin 2001

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6A.44/2001
Date de la décision : 27/06/2001
Cour de cassation pénale

Analyses

Art. 38 ch. 2 et 3 CP; délai d'épreuve, règle de conduite. Détermination de la durée du délai d'épreuve imparti au condamné libéré conditionnellement, eu égard en particulier au solde de la peine et à la règle de conduite imposée (consid. 2).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-27;6a.44.2001 ?
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