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26/06/2001 | SUISSE | N°5C.285/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 juin 2001, 5C.285/2000


«/2»
5C.285/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

26 juin 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Merkli, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours en réforme
interjeté par

B.________, représenté par Me Stéphane Riand, avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 10 novembre 2000 par le Juge I du dis-
trict de Sion;

(tutelle)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les

f a i t s suivants:

A.- B.________ est né le 26 avril 1963 à Sion. Il
est marié et père de quatre enfants.

Titulaire d'un ...

«/2»
5C.285/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

26 juin 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Merkli, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours en réforme
interjeté par

B.________, représenté par Me Stéphane Riand, avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 10 novembre 2000 par le Juge I du dis-
trict de Sion;

(tutelle)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- B.________ est né le 26 avril 1963 à Sion. Il
est marié et père de quatre enfants.

Titulaire d'un certificat fédéral de capacité d'em-
ployé de commerce, il s'est installé à son compte en 1983
dans le domaine de l'informatique. Rapidement confronté à la
faillite, il aurait obtenu un concordat-dividende de 20%. A
partir de 1988, il a travaillé comme agent immobilier indé-
pendant. Il a été mis en faillite en 1991, laissant un décou-
vert de plus de 600'000 fr. Depuis lors, il a continué son
activité de courtier immobilier. En septembre 1992, il était
à la recherche d'un emploi et touchait 1'500 fr. par mois du
service social de Sion pour ses besoins et ceux de sa famil-
le.

B.________ a fait l'objet de deux condamnations pé-
nales, l'une, le 2 mars 1993, à dix mois d'emprisonnement
avec sursis pour abus de confiance et l'autre, le 10 juin
1994, à quatorze mois d'emprisonnement - en complément de la
première peine - pour dommages à la propriété, escroquerie
et
délit manqué d'escroquerie.

Le 16 mai 1995, la Chambre pupillaire de Sion l'a
partiellement privé de l'exercice de ses droits civils et
lui
a désigné un conseil légal gérant et coopérant pour une pé-
riode de deux ans, à la suite de ses condamnations pénales
et
en raison de sa difficulté à gérer sa situation financière.
Le 22 juillet 1997, ledit conseil légal a été confirmé dans
ses fonctions pour une nouvelle période de deux ans. Le 16
novembre 1999, il a été remplacé par N.________, également
désigné pour deux ans.

Par décision du 25 juillet 2000, la Chambre pupil-
laire de Sion a prononcé l'interdiction de B.________ et a
désigné N.________ comme son tuteur pour une période de deux
ans.

B.- B.________ a appelé de cette décision le 24 août
2000. Au terme d'une audience qui s'est tenue le 28
septembre
suivant, le Juge I du district de Sion a ordonné l'édition
des dossiers pénaux, fixé à la Chambre pupillaire un délai
de
dix jours pour déposer un état des poursuites concernant
l'appelant, fixé à celui-ci un délai de dix jours pour dépo-
ser des attestations relatives au paiement de ses charges so-
ciales, réservé d'office d'autres moyens de preuve et dit
qu'il statuerait ensuite sans autre débat.

Par jugement du 10 novembre 2000, le Juge I du dis-
trict de Sion a rejeté l'appel formé par B.________.

C.- a) Celui-ci demande au Tribunal fédéral de ré-
former ce jugement, en ce sens que la décision de privation
totale des droits civils prononcée à son encontre est
annulée
et le dossier renvoyé au juge de district pour nouvelle déci-
sion dans le sens des considérants. A titre de moyens de
preuve, il requiert l'édition complète des dossiers des deux
autorités cantonales et son audition par le Tribunal fédéral.

Il sollicite également l'octroi de l'assistance ju-
diciaire.

b) Par arrêt de ce jour, la cour de céans a rejeté,
dans la mesure de sa recevabilité, le recours de droit
public
connexe formé par le recourant.

D.- Le 28 mars 2001, B.________ a informé le Tribu-
nal fédéral de la requête de révision qu'il avait adressée
au

Tribunal du district de Sion à l'encontre du jugement du 10
novembre 2000.

Par ordonnance du 3 avril 2001, la Juge déléguée de
la IIe Cour civile a suspendu l'instruction du recours en ré-
forme jusqu'à droit connu sur cette demande de révision. Le
3
mai 2001, le Juge I du district de Sion a déclaré la requête
irrecevable.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours en réforme est recevable en cas
d'institution d'une tutelle (art. 44 let. e OJ).

b) Dans la mesure où le recourant s'écarte des cons-
tatations de fait de l'autorité cantonale sans se prévaloir
valablement d'une violation des dispositions fédérales en ma-
tière de preuve ou d'une inadvertance manifeste (art. 55 al.
1 let. c et 63 al. 2 OJ), son recours est irrecevable. Tel
est notamment le cas lorsqu'il prétend qu'il s'est mis à son
compte avec l'autorisation de son conseil légal, que cette
décision aurait été prise en raison de son impossibilité de
trouver une activité salariée et qu'elle n'aurait entraîné
que des investissements réduits. Il en va de même de ses al-
légations concernant la nature des poursuites dirigées à son
encontre.

Il perd en outre de vue que des preuves nouvelles ne
peuvent être présentées à l'appui d'un recours en réforme
(art. 55 al. 1 let. c OJ): sa demande d'audition est ainsi
irrecevable. Le dossier de la cause a par ailleurs été trans-
mis au Tribunal fédéral, conformément à l'art. 56 OJ.

2.- a) L'autorité cantonale a considéré qu'en dépit
des nombreux avertissements de la Chambre pupillaire, l'appe-

lant avait continué de gérer ses affaires d'une façon catas-
trophique, persistant à aggraver sa situation financière et
à
compter sur l'aide sociale, dont il bénéficiait depuis 1992.
Il avait ainsi fait preuve d'une gestion durablement dérai-
sonnable et inconsciente causée par sa mauvaise volonté. La
mesure de conseil légal combiné s'étant révélée inefficace,
l'autorité cantonale a estimé que l'appelant devait être in-
terdit.

Le recourant soutient que la mesure tutélaire liti-
gieuse est totalement disproportionnée. Admettant ses problè-
mes financiers, il prétend que ceux-ci résultent de ses pé-
riodes d'incarcération et de sa mise en faillite, lesquelles
ne sauraient justifier son interdiction. En outre, celle-ci
serait contraire non seulement à ses intérêts, mais aussi à
ceux de la collectivité, car elle ne lui laisserait pas la
moindre chance d'avoir une activité lucrative.

b) A teneur de l'art. 370 CC, sera pourvu d'un tu-
teur tout majeur qui, par ses prodigalités, son ivrognerie,
son inconduite ou sa mauvaise gestion, s'expose, lui ou sa
famille, à tomber dans le besoin, ne peut se passer de soins
et secours permanents ou menace la sécurité d'autrui. La no-
tion de mauvaise gestion doit être interprétée restrictive-
ment. Elle consiste dans une gestion défectueuse, dans une
négligence extraordinaire dans l'administration de sa propre
fortune, qui doit avoir sa cause subjective dans la
faiblesse
de l'intelligence ou de la volonté. La mauvaise gestion doit
être admise en premier lieu lorsqu'une fortune existante est
administrée de manière insensée et incompréhensible, mais il
faut aussi comprendre par là la manière de gagner sa vie, de
sorte que doit être interdit celui qui ne se procure pas les
moyens d'existence nécessaires par suite de son manque
d'énergie, de sa légèreté ou pour d'autres motifs
semblables.
Se rend coupable de mauvaise gestion celui qui, par sa
faute,

est incapable de réaliser un revenu suffisant ou qui dépense
son revenu de façon économiquement déraisonnable. Toute per-
sonne qui demande l'assistance publique ne doit pas être
pourvue d'un tuteur: ce qui est déterminant, c'est le motif
pour lequel l'assistance est nécessaire (ATF 108 II 92 con-
sid. 2 et 3c et les références citées).

Une mesure d'ordre tutélaire est en accord avec le
principe de la proportionnalité si elle permet d'atteindre
le
but de protection recherché; une mesure est
disproportionnée,
non seulement quand elle est trop radicale, mais aussi lors-
que le but visé ne peut être atteint que par une
intervention
plus forte (ATF 108 II 92 consid. 4 p. 94). Dans l'hypothèse
où, compte tenu des conditions légales, plusieurs mesures pa-
raissent à même d'atteindre le but visé, il y a lieu de choi-
sir celle qui empiète le moins sur la sphère de liberté de
l'intéressé (principe de subsidiarité; Schnyder/Murer,
Berner
Kommentar, n. 32 et 33 ad art. 367 CC).

c) L'autorité cantonale a implicitement admis que
la
condition d'interdiction relative au risque pour l'intéressé
ou sa famille de tomber dans le besoin était réalisée. Cette
opinion doit être confirmée. En effet, il est patent que le
recourant est incapable de subvenir à son entretien et à ce-
lui des siens depuis de nombreuses années. Ce point n'est
d'ailleurs pas critiqué sérieusement. Il résulte des faits
de
la cause qu'après avoir terminé avec succès un apprentissage
d'employé de commerce auprès d'une banque, le recourant a
exercé diverses activités, s'installant à deux reprises à
son
compte. Prononcée en 1991, sa faillite a laissé un découvert
de plus de 600'000 fr. Par la suite, il a continué de tra-
vailler comme agent immobilier indépendant mais il s'est mon-
tré incapable de gérer convenablement ses affaires. Entre
1993 et 1999, il a ainsi bénéficié de l'aide sociale pour un

montant total de plus de 180'000 fr., sans qu'aucune amélio-
ration ne se produise dans sa situation. Les condamnations
pénales qu'il a subies en 1993 et 1994 concernaient du reste
des délits financiers. Parallèlement, il a continué d'accumu-
ler de nombreuses dettes, dont 10'600 fr. de factures im-
payées à Swisscom pour la période de juillet 1999 à mai
2000.
Dans le même temps, il a fait l'objet de commandements de
payer pour un montant total de 11'700 fr., auxquels il a sys-
tématiquement fait opposition. De 1992 à 1999, il a en outre
délivré pour plus de 150'000 fr. d'actes de défaut de biens.
Son épouse a également reçu des commandements de payer et a
délivré des actes de défaut de biens pour un montant total
de
près de 260'000 fr. Selon l'autorité cantonale, son engage-
ment dès le 1er février 2000 comme "directeur manager" de la
succursale en Suisse d'une société britannique ne changeait
rien à sa situation, car il continuait en réalité à exercer
sa profession de façon complètement indépendante sous le cou-
vert d'une position de salarié.

On ne peut ainsi nier que le recourant, par son pen-
chant à une gestion durablement déraisonnable, ne se procure
pas les moyens d'existence nécessaires, pour lui comme pour
sa famille. Il apparaît que cette mauvaise gestion trouve sa
cause dans la négligence du recourant, dans sa légèreté, sa
faiblesse de volonté ou d'autres motifs semblables (ATF 92
II
141). L'autorité cantonale a en effet retenu, à l'instar du
juge pénal en 1993, l'instabilité professionnelle de l'inté-
ressé, sa propension à prendre ses désirs pour des réalités
au détriment d'autrui et son incapacité chronique à gérer
ses
affaires. Sa situation requiert donc bien un encadrement im-
portant. Certes, cette assistance lui est actuellement assu-
rée par un conseil légal gérant et coopérant. Une telle me-
sure est toutefois inadaptée, comme le démontre l'absence
d'amélioration, voire même la péjoration de sa situation de-
puis 1995, en raison notamment de son manque de collabora-

tion. Dans ces conditions, seule l'interdiction semble
propre
à empêcher le comportement économiquement déraisonnable du
recourant, ce qui est le but de protection recherché.

3.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans
la mesure où il est recevable, aux frais de son auteur (art.
156 al. 1 OJ). Ses conclusions étaient d'emblée vouées à
l'échec, de sorte que la requête d'assistance judiciaire ne
peut être agréée (art. 152 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1.- Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme le jugement entrepris.

2.- Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3.- Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr.

4.- Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant et au Juge I du district de Sion.

__________
Lausanne, le 26 juin 2001
MDO/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.285/2000
Date de la décision : 26/06/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-26;5c.285.2000 ?
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