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25/06/2001 | SUISSE | N°H.318/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 juin 2001, H.318/00


«AZA 7»
H 318/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Meyer, Ferrari et Kernen; Frésard, Greffier

Arrêt du 25 juin 2001

dans la cause

A.________, France, recourante, représentée par Maître
Howard Jan Kooger, avocat, Quai Gustave-Ador 38,
1207 Genève,

contre

Caisse suisse de compensation, avenue Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimée,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes ré

sidant à l'étranger, Lausanne

A.- A.________, de nationalités suisse et française,
et B.________, de nationalité suisse, nés en 1937...

«AZA 7»
H 318/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Meyer, Ferrari et Kernen; Frésard, Greffier

Arrêt du 25 juin 2001

dans la cause

A.________, France, recourante, représentée par Maître
Howard Jan Kooger, avocat, Quai Gustave-Ador 38,
1207 Genève,

contre

Caisse suisse de compensation, avenue Edmond-Vaucher 18,
1203 Genève, intimée,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Lausanne

A.- A.________, de nationalités suisse et française,
et B.________, de nationalité suisse, nés en 1937, se sont
mariés en septembre 1964. Ils ont eu quatre enfants, nés en
1965, 1966, 1970 et 1973. En septembre 1973, les époux, qui
étaient jusqu'alors domiciliés à X.________ se sont instal-
lés en France voisine, plus précisément à Y.________, où
ils résident encore actuellement.

A.________ a travaillé du 1er novembre 1962 au 30 août
1965 au service de la pharmacie Z.________, à X.________.
Depuis 1966, son mari exploite une pharmacie sous la forme
d'une raison individuelle, à X.________ également. Depuis
lors, son épouse y travaille à temps partiel en qualité
d'aide-assistante en pharmacie. Jusqu'en 1982, elle n'a pas
reçu de salaire pour ce travail. Depuis 1983, un revenu a
été déclaré à l'AVS à ce titre.

B.- Par décision du 11 mai 1999, la Caisse suisse de
compensation a alloué à A.________ une rente simple de
vieillesse de 1333 fr. par mois. Cette prestation était
calculée sur la base d'un revenu annuel moyen déterminant
de 59 094 fr., d'une durée de cotisation de 29 années,
entraînant l'application de l'échelle de rente 32 (rente
partielle).
La période de 29 années comprenait 19 années et trois
mois de cotisations personnelles (de 1962 à 1965 et de 1983
à 1998), 7 années et 9 mois dites de «mariage» (de 1966 à
1973) et deux années d'appoint (1977 et 1978). Des bonifi-
cations pour tâches éducatives ont été portées en compte
pour les années 1966 à 1973 et 1983 à 1989, mais non pour
les années 1974 à 1982, durant lesquelles l'assurée était
domiciliée à l'étranger et n'avait pas cotisé à l'AVS.

C.- Représentée par son mari, A.________ a recouru
contre cette décision en concluant à ce que les années 1974
à 1982 soient prises en compte dans le calcul de sa rente.
Statuant le 18 juillet 2000, la Commission fédérale de
recours en matière d'assurance-vieillesse, survivants et
invalidité pour les personnes résidant à l'étranger a reje-
té le recours.

D.- Contre ce jugement, A.________ interjette un
recours de droit administratif en concluant au versement
d'une rente qui tienne compte, d'une part, du paiement de
cotisations pour les années 1974 à 1976 et 1979 à 1982 et,

d'autre part, de bonifications pour tâches éducatives pour
les années 1974 à 1982. Subsidiairement, elle conclut au
renvoi de la cause à la commission de recours pour nouvelle
décision au sens des motifs.
La Caisse suisse de compensation conclut au rejet du
recours. Quant à l'Office fédéral des assurances sociales
(OFAS), il ne s'est pas déterminé à son sujet.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur la situation de la recourante,
sous l'angle de son assujettissement à l'AVS, pour la
période de 1974 à 1982. Il est constant que, durant cette
période, les époux étaient domiciliés à l'étranger. L'épou-
se n'a pas versé de cotisation à l'AVS. En particulier,
elle n'a pas adhéré à l'assurance facultative des ressor-
tissants suisses résidant à l'étranger (art. 2 LAVS dans sa
version en vigueur jusqu'au 31 décembre 1996). Son mari,
quant à lui, était assuré en raison de l'exercice d'une
activité lucrative en Suisse (art. 1er al. 1 let. b LAVS).

2.- En première instance, la recourante a fait valoir
que, au moment de son installation en France, elle n'avait
pas été renseignée par le consulat de Suisse à C.________
«des démarches à faire» vis-à-vis de l'AVS. Implicitement
tout au moins, elle reprochait au consulat de ne pas
l'avoir informée de la possibilité qu'elle avait d'adhérer
à l'assurance facultative. En procédure fédérale, elle se
borne, sans autres développements, à alléguer qu'elle n'a
pas été «mise au courant des conséquences de son changement
de domicile sur son droit à la rente», de telle sorte
qu'elle n'a pas été en mesure de s'affilier à l'assurance
facultative.

a) Comme l'ont rappelé à juste titre les premiers
juges, les représentations diplomatiques ou consulaires de

Suisse à l'étranger, si elles sont habilitées à donner des
informations sur les possibilités d'adhérer à l'assurance
facultative et sur les conséquences d'une adhésion ou au
contraire d'une non-affiliation, ne sont pas tenues de le
faire spontanément (ATF 121 V 69 consid. 4a et la jurispru-
dence citée). Sous l'angle du droit constitutionnel à la
protection de la bonne foi (ATF 126 II 387 consid. 3a), la
recourante ne peut donc déduire aucun droit du manque d'in-
formation de la part du consulat de Suisse à C.________.

b) Au demeurant, l'absence alléguée d'information
n'était pas propre à entraîner des conséquences irrémédia-
bles pour la recourante. En effet, on sait que, dans le
passé, il y a eu des incertitudes, voire des malentendus, à
propos du statut dans l'AVS/AI facultative de la femme
mariée, dans des situations où le mari, bien que domicilié
à l'étranger, restait - comme en l'espèce - obligatoirement
affilié à l'AVS (par exemple les diplomates en poste à
l'étranger ou d'autres personnes travaillant à l'étranger
au service d'un employeur en Suisse ou encore des travail-
leurs frontaliers de nationalité suisse (voir RCC 1982
p. 154 ss et p. 168 [interpellation Schüle]). Cela a con-
duit le législateur à introduire dans la LAVS une disposi-
tion transitoire du 7 octobre 1983 (en vigueur depuis le
1er janvier 1984 [RO 1984 100]). Cette modification permet-
tait (dans un certain délai) l'adhésion tardive et rétroac-
tive à l'assurance facultative des épouses de ressortis-
sants suisses à l'étranger obligatoirement assurés (voir
Nathalie Kohler, La situation de la femme dans l'AVS, thèse
Lausanne 1986, p. 57 ss). Cette possibilité d'adhésion
tardive a fait l'objet d'une large campagne d'information
en Suisse et, surtout, auprès des communautés suisses à
l'étranger (RCC 1985 p. 304 ss). C'est ainsi, en particu-
lier, qu'une circulaire de l'Office fédéral des assurances
sociales, du 21 décembre 1983, prévoyait que cette office
s'efforcerait, en concours avec le Service des Suisses à
l'étranger du Département fédéral des affaires étrangères

et la Caisse suisse de compensation, d'informer le mieux
possible les Suissesses à l'étranger touchées par cette
campagne spéciale. On est donc fondé à considérer qu'à ce
moment-là, la recourante - qui habitait dans la zone fron-
talière - a été informée de cette possibilité d'adhésion
tardive à l'AVS/AI facultative et que c'est en connaissance
de cause qu'elle n'en a pas fait usage.

3.- En procédure fédérale, la recourante se place
essentiellement sur un autre terrain. Elle fait valoir
qu'entre 1974 et 1982, elle a continué à travailler au sein
de la pharmacie familiale, sans toutefois percevoir de
salaire. Les revenus à partir desquels les cotisations
d'assurance sociale du mari ont été calculées et versées
incluaient pleinement la contribution de l'épouse à l'en-
treprise familiale. Durant les années litigieuses, les
cotisations ont donc été payées de facto sur le revenu de
l'épouse, inclus dans les gains du mari. Aussi bien la
recourante soutient-elle qu'elle doit être considérée comme
une personne ayant exercé une activité lucrative en Suisse,
conformément à l'art. 1er al. 1 let. b LAVS.
Ce que demande, en réalité, la recourante, c'est une
modification rétroactive de son compte individuel, impli-
quant l'inscription sur ce dernier de cotisations qui ont
été inscrites sur le compte individuel de son mari.

a) Selon l'art. 141 RAVS, tout assuré a le droit
d'exiger de chaque caisse de compensation qui tient pour
lui un compte individuel un extrait des inscriptions
faites, portant des indications relatives aux employeurs
(al. 1, première phrase). L'assuré peut, dans les 30 jours
suivant la remise de l'extrait de compte, contester avec
motifs à l'appui l'exactitude d'une inscription auprès de
la caisse de compensation, laquelle se prononce dans la
forme d'une décision de la caisse; cette décision est
susceptible de recours (al. 2). Lorsqu'il n'est pas demandé
d'extrait de compte, que l'exactitude d'un extrait de

compte n'est pas contestée ou qu'une réclamation a été
écartée, la rectification des inscriptions ne peut être
exigée, lors de la réalisation du risque assuré, que si
l'exactitude des inscriptions est manifeste ou si elle est
pleinement prouvée. La règle de preuve posée par cette
disposition n'exclut cependant pas l'application du prin-
cipe inquisitoire. La preuve absolue doit être fournie
selon les règles usuelles sur l'administration des preuves
et le fardeau de la preuve qui prévalent dans l'assurance
sociale, l'obligation de collaborer de la partie intéressée
étant toutefois plus étendue dans ce cas (ATF 117 V 265-266
consid. 3d).

b) L'art. 141 al. 3 RAVS ne donne pas à la caisse le
pouvoir de trancher des questions de droit que l'assuré
aurait pu soumettre auparavant au juge par la voie d'un
recours, mais seulement de corriger des erreurs d'écriture
(ATF 117 V 263 consid. 3a; RCC 1984 p. 184 consid. 1).
Constitue une semblable erreur d'écriture, par exemple, le
fait que des cotisations ont été inscrites sur le compte
individuel de l'épouse, alors qu'elles ont été payées par
le mari sur la base de décisions rendues à son endroit
(RCC 1984 p. 184 consid. 1 et 460 consid. 1). En revanche,
si une entreprise est exploitée au nom de l'époux, qui paie
les cotisations sur le revenu de l'activité commerciale, en
vertu de décisions de cotisations rendues à son nom, il
n'est pas possible d'attribuer plus tard à l'épouse, pour
le calcul d'une prestation, tout ou partie de ce revenu. Un
transfert de cotisations d'un compte individuel à l'autre
est en principe limité par le délai de péremption de cinq
ans de l'art. 16 al. LAVS. Le cas ne relève pas d'un motif
justifiant une rectification au sens de l'art. 141 al. 3
RAVS (RCC 1984 p. 184 consid. 1 et p. 460 consid. 1; voir
aussi Pierre Wessner, La collaboration professionnelle
entre époux dans le nouveau droit matrimonial, in Problèmes
de droit de la famille, Neuchâtel 1987, p. 188 et note de
bas de page no 57). Cela vaut même s'il est établi que le

conjoint pour lequel des cotisations n'ont pas été payées a
exercé une activité professionnelle dans l'entreprise de
l'autre conjoint (RCC 1984 p. 185 consid. 2b; voir aussi,
Nathalie Kohler, op. cit., p. 94 sv.).

c) En l'occurrence, la pharmacie a été exploitée en
raison individuelle au nom du mari. Durant la période en
cause, la recourante n'a perçu aucun salaire. C'est indis-
cutablement le mari qui a payé des cotisations sur le reve-
nu de l'activité indépendante provenant de l'exploitation
de l'entreprise familiale. Par conséquent, il n'y a pas
matière à rectification du compte individuel de la recou-
rante en application de l'art. 141 al. 3 RAVS. D'autre
part, un transfert rétroactif de cotisations en faveur de
la recourante est aujourd'hui exclu, compte tenu du délai
de péremption de l'art. 16 al. 1 LAVS.
Le moyen soulevé doit dès lors être écarté.

4.- Il reste à examiner la question de la mise en
compte de bonifications pour tâches éducatives pour les
années 1974 à 1982.
Selon l'art. 29 sexies al. 1 LAVS, les assurés peuvent
prétendre à une bonification pour tâches éducatives pour
les années durant lesquelles ils exercent l'autorité paren-
tale sur un ou plusieurs enfants âgés de moins de 16 ans
(première phrase).
En l'espèce, il est constant que la recourante n'avait
pas qualité d'assurée - à titre obligatoire ou facultatif -
au sens de cette disposition durant la période ici en
cause. En particulier, étant domiciliée à l'étranger, elle
n'était pas assurée en vertu de l'art. 1er al. 1 let. a
LAVS. De même, comme on l'a vu, elle n'était pas réputée
exercer une activité lucrative en Suisse (art. 1er al. 1
let. b LAVS), puisqu'elle ne retirait aucun salaire de sa
collaboration à l'entreprise de son mari .
Certes, l'art. 3 al. 2 let. b LAVS, en vigueur jus-
qu'au 31 décembre 1996, dispensait de l'obligation de

cotiser les épouses d'assurés, lorsqu'elles n'exerçaient
pas d'activité lucrative, ainsi que les épouses travaillant
dans l'entreprise du mari, si elles ne touchaient aucun
salaire en espèces. L'exemption en vertu de cette disposi-
tion impliquait toutefois que la femme eût été assurée (ATF
104 V 123 consid. 2), notamment en vertu de son domicile en
Suisse, condition qui n'est pas remplie en l'espèce. Quant
au principe de l'unité juridique du couple, du point de vue
de l'AVS, il n'est d'aucun secours à la recourante, comme
l'exposent les premiers juges : l'extension à l'épouse de
la qualité d'assuré du mari ne se justifiait pas dans le
cas où l'assujettissement de ce dernier à l'assurance obli-
gatoire découlait, comme ici, du seul critère de l'exercice
d'une activité lucrative en Suisse (ATF 104 V 121; cf.
aussi ATF 126 V 218).
Partant, la prétention de la recourante à des bonifi-
cations supplémentaires pour tâches éducatives est mal
fondée.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission fédérale de recours en matière d'assuran-
ce-vieillesse et
survivants et invalidité pour les
personnes résidant à l'étranger et à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 25 juin 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.318/00
Date de la décision : 25/06/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-25;h.318.00 ?
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