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25/06/2001 | SUISSE | N°4C.25/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 juin 2001, 4C.25/2001


«/2»

4C.25/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

25 juin 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett, juges, et M. Pagan, juge suppléant.
Greffier: M. Carruzzo.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

la Banque X.________, défenderesse et recourante,
représentée
par Me Maryse Jornod, avocate à Lausanne,

et

P.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Philippe-Edouard Journot

, avocat à Lausanne;

(mandat de cautionner)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a...

«/2»

4C.25/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

25 juin 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett, juges, et M. Pagan, juge suppléant.
Greffier: M. Carruzzo.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

la Banque X.________, défenderesse et recourante,
représentée
par Me Maryse Jornod, avocate à Lausanne,

et

P.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Philippe-Edouard Journot, avocat à Lausanne;

(mandat de cautionner)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Y.________ S.A., à Genève, s'occupait de la
confection, de la réparation, de la création et du commerce
d'objets en cuir. R.________ était son administratrice, avec
signature individuelle.

La Banque A.________ (ci-après: la Banque), devenue
par la suite la Banque B.________, avait octroyé à
Y.________ S.A. un crédit. Afin d'obtenir une augmentation
de
la limite de crédit, R.________, après diverses tentatives
infructueuses, s'est adressée à P.________ une connaissance,
qui a accepté de fournir la garantie à laquelle était subor-
donnée cette augmentation.

P.________ (ci-après: la demanderesse) est la fille
et seule héritière légale de G.________, décédé le 28 avril
1996.

b) La demanderesse et son père possédaient un comp-
te d'épargne auprès de la Banque X.________ (ci-après: la dé-
fenderesse). Le 20 octobre 1992, ces deux personnes ont
signé
une formule préimprimée remplie par la défenderesse et inti-
tulée "mandat donné à la Banque pour un acte de cautionne-
ment". Une clause de ce document déclarait applicables les
conditions générales de la défenderesse, lesquelles pré-
voyaient notamment, pour les créances de celle-ci, un droit
de compensation sur les valeurs déposées par ses clients.

Le même jour, en exécution dudit mandat, la défen-
deresse a rempli et signé une formule préimprimée, intitulée
"cautionnement de la Banque en faveur d'un tiers", dans la-
quelle elle déclarait se porter caution simple, jusqu'à con-
currence d'un montant maximum de 30 000 fr., pour toutes les

prétentions que la demanderesse et son père, désignés comme
créanciers, pourraient faire valoir envers Y.________ S.A.,
désignée comme débitrice, en rapport avec un "prêt à la ban-
que A.________". La durée du cautionnement était limitée au
20 octobre 1997.

c) Y.________ S.A. a été dissoute d'office le 30
novembre 1995, en application de l'art. 708 CO; sa faillite
a
été prononcée le 8 septembre 1997. La société a été radiée
d'office, le 16 février 1998, après clôture de la procédure
de faillite.

Par lettre du 7 novembre 1996, la défenderesse a
informé la demanderesse qu'elle avait été contrainte de dé-
biter son compte d'épargne de la somme de 30 000 fr. pour la
transférer à la Banque, qui avait fait valoir son droit au
remboursement en se basant sur l'acte de cautionnement du 20
octobre 1992.

Dans une lettre recommandée du 18 novembre 1996, le
conseil de la demanderesse, contestant que la caution se fût
valablement exécutée, a sommé la défenderesse de recréditer
le compte du montant débité. Cette dernière n'a pas
obtempéré
et la correspondance échangée ultérieurement par les parties
n'a pas permis de régler le différend.

B.- Le 17 juin 1998, la demanderesse a assigné la
défenderesse en paiement de la somme de 30 000 fr. avec inté-
rêts à 5% l'an dès le 7 novembre 1996. La défenderesse a con-
clu à libération.

Par jugement du 24 mars 2000, la Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Vaud a condamné la défenderes-
se à payer à la demanderesse la somme de 30 000 fr. avec in-
térêts à 5% l'an dès le 19 novembre 1996.

C.- La défenderesse interjette un recours en réfor-
me au Tribunal fédéral. Elle y reprend sa conclusion libéra-
toire.

La demanderesse propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Selon la cour cantonale, la volonté des par-
ties était que la demanderesse et son père s'engagent envers
la Banque, par l'intermédiaire de la défenderesse, à
garantir
le paiement de la dette contractée par Y.________ S.A. Du
point de vue juridique, il s'agissait donc d'un cautionne-
ment. Comme les cautions étaient en l'occurrence des person-
nes physiques, la déclaration de cautionnement aurait dû re-
vêtir la forme authentique (art. 493 al. 2 CO). Tel n'ayant
pas été le cas, le cautionnement litigieux était nul. Que le
document signé le 20 octobre 1992 par la demanderesse et son
père fût intitulé "mandat" et que les parties aient procédé
en deux étapes - mandat de cautionner donné à la défenderes-
se, puis cautionnement de celle-ci envers la Banque - n'y
changeait rien.

Cette dernière affirmation est incompatible avec
les faits constatés par les premiers juges. Aussi bien, dans
la logique de ces faits, seule la défenderesse devait
revêtir
la qualité de caution. Sans doute agissait-elle pour le comp-
te de la demanderesse et de son père, ses deux clients, mais
ceux-ci n'intervenaient pas comme partie contractante dans
le
rapport de cautionnement. C'est le rôle d'un représentant in-
direct qui était ainsi dévolu à la défenderesse, laquelle de-
vait se porter personnellement caution envers la Banque, con-
formément au mandat que lui avaient donné ses clients.

En l'espèce, la validité du cautionnement litigieux
n'était donc subordonnée qu'à la déclaration écrite de la dé-
fenderesse et à l'indication numérique, dans l'acte même, du
montant total à concurrence duquel la caution était tenue
(art. 493 al. 1 CO). La formule préimprimée, datée du 20 oc-
tobre 1992, satisfaisait à ces exigences.

Il est vrai que cet acte attribue à tort à la de-
manderesse et à son père, en lieu et place de la Banque, la
qualité de créanciers de Y.________ S.A., alors qu'il n'exis-
tait aucune relation contractuelle entre ladite société et
ces deux personnes; qu'il ne correspond donc pas à la
volonté
réelle et commune des parties, constatée souverainement par
la cour cantonale; partant, qu'il est en principe entaché de
nullité (art. 11 al. 2 CO; ATF 127 III 248 consid. 3c et les
arrêts cités). Toutefois, la demanderesse ne saurait
invoquer
une telle circonstance sans commettre un abus de droit (veni-
re contra factum proprium; cf. Jäggi/Gauch, Commentaire zuri-
chois, n. 74 ad art. 18 CO), étant donné qu'elle n'a jamais
eu l'intention d'être, avec son père, la créancière de
Y.________ S.A. et, conséquemment, la bénéficiaire du cau-
tionnement. A supposer, au demeurant, que la défenderesse
n'ait pas commis d'erreur dans la désignation du créancier
et
qu'elle ait exigé valablement le paiement du montant de la
caution, la situation patrimoniale de la demanderesse n'eût
pas été différente de ce qu'elle a été effectivement, car
l'intéressée aurait alors dû rembourser à la défenderesse le
montant payé par celle-ci à la Banque. En d'autres termes,
la
prétendue violation par la défenderesse de son devoir de di-
ligence n'a pas occasionné un dommage causal à la demanderes-
se.

b) Si l'acte de cautionnement souscrit par la dé-
fenderesse était revêtu de la forme idoine, la même conclu-
sion ne s'impose pas nécessairement en ce qui concerne le

mandant y relatif que la demanderesse et son père ont donné
à
la défenderesse en la forme écrite.

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le man-
dat de conclure un contrat nécessitant une forme
particulière
n'est pas soumis à la même condition de forme (ATF 81 II 227
consid. 3, 86 II 33 p. 40 in fine). Cette opinion est approu-
vée par une partie de la doctrine (Fellmann, Commentaire ber-
nois, n. 24 et 28 ad art. 395 CO; Tercier, Les contrats spé-
ciaux, 2e éd., n. 3969 s.), tandis que d'autres auteurs la
combattent en mettant l'accent sur la fonction protectrice
de
la forme (Weber, Commentaire bâlois, n. 10 ad art. 395 CO;
Honsell, Schweizerisches Obligationenrecht, Besonderer Teil,
5e éd., p. 288). Les doutes émis au sujet du bien-fondé de
cette jurisprudence pourraient paraître d'autant plus fondés
en matière de cautionnement que la loi elle-même soumet le
pouvoir spécial de cautionner aux mêmes conditions de forme
que le cautionnement (art. 493 al. 6 CO; pour les pouvoirs
dont le contenu est fixé dans la loi, cf. ATF 80 II 60; sur
la forme de la procuration en général, cf. Zäch, Commentaire
bernois, n. 57 ad art. 33 CO; Hofstetter, Der Auftrag und
die
Geschäftsführung ohne Auftrag, in Schweizerisches Privat-
recht, vol. VII/6, 2e éd., p. 49 s.; sur le pouvoir spécial
de cautionner, cf. Giovanoli, Commentaire bernois, n. 47 ss
ad art. 493 CO). On peut se demander à bon droit, du point
de
vue téléologique, si une distinction se justifie encore,
sous
l'angle de la forme, entre le mandat de cautionner donné
dans
le cadre de la représentation indirecte (rapport fiduciaire)
et le pouvoir spécial de cautionner octroyé à un
représentant
direct. En cas de réponse négative, force serait alors de
constater que le mandat de cautionner, donné le 20 octobre
1992 à la défenderesse par la demanderesse et son père, soit
deux personnes physiques, aurait dû l'être en la forme au-
thentique, si bien que la motivation principale de l'arrêt
attaqué devrait être confirmée, à tout le moins dans son ré-
sultat.

Point n'est besoin, cependant, de trancher ici la
question soulevée, puisque le recours de la défenderesse
doit
de toute façon être rejeté pour une autre raison.

2.- Il reste à examiner si la défenderesse a exé-
cuté correctement ses obligations de caution en versant la
somme de 30 000 fr., jusqu'à concurrence de laquelle elle
s'était engagée, à la Banque.

a) Le créancier ne peut exiger le paiement de la
caution simple, entre autres conditions, que si, après qu'el-
le s'est engagée, le débiteur a été déclaré en faillite ou a
obtenu un sursis concordataire ou a été, de la part du créan-
cier, qui a observé la diligence nécessaire, l'objet de pour-
suites ayant abouti à la délivrance d'un acte de défaut de
biens définitif (art. 495 al. 1 CO).

Aucune de ces conditions alternatives n'était réa-
lisée dans le cas présent au moment où la défenderesse avait
versé le montant de la caution à la Banque. De fait, le ver-
sement est intervenu antérieurement à la mise en faillite
de Y.________ S.A. Toutefois, comme la faillite de cette so-
ciété a été prononcée avant l'expiration de la durée du cau-
tionnement, la caution aurait été de toute façon mise à con-
tribution à ce moment-là. Par conséquent, la demanderesse ne
pourrait pas tirer argument du paiement anticipé du montant
de la caution pour contester le droit de la défenderesse au
remboursement de ce montant, mais tout au plus réclamer les
intérêts qu'elle a perdus en raison du débit prématuré de
son
compte d'épargne.

b) Le sort du litige n'en est pas scellé pour au-
tant, car la cour cantonale a encore fondé son jugement sur
l'art. 499 al. 3 CO. Aux termes de cette disposition, à
moins
que le contraire ne résulte du contrat ou des circonstances,
la caution ne répond que des engagements du débiteur qui
sont

postérieurs à la souscription du cautionnement. La défende-
resse ne reproche pas aux premiers juges d'avoir violé cet
article. D'ailleurs, il ne ressort pas du jugement attaqué
que Y.________ S.A. aurait contracté des engagements à
l'égard de la Banque postérieurement au 20 octobre 1992, ni,
en particulier, qu'elle aurait obtenu effectivement l'aug-
mentation sollicitée de sa limite de crédit auprès de cet
établissement. De même, rien ne permet d'affirmer, sur le vu
de ce jugement, qu'en dérogation au principe énoncé par la
disposition citée, la défenderesse aurait accepté de
répondre
des engagements de la débitrice antérieurs au 20 octobre
1992
et, notamment, de garantir la Banque contre les dépassements
de la limite assignée au crédit octroyé précédemment à
Y.________ S.A. A cet égard, la défenderesse ne reproche pas
aux juges cantonaux d'avoir commis une inadvertance
manifeste
(art. 63 al. 2 OJ) et elle ne requiert pas non plus un com-
plètement de l'état de fait (art. 64 OJ). Une violation de
l'art. 8 CC n'est pas davantage invoquée par la défenderesse
à qui il incombait de toute façon d'établir la bonne et fidè-
le exécution de ses obligations de mandataire et, par consé-
quent, le respect des dispositions protégeant la caution
contre les prétentions injustifiées du créancier. Comme
cette
preuve n'a pas été apportée, la défenderesse ne pouvait pas
exiger le remboursement de ses avances (i. e. de la somme
versée à la Banque), faute d'une exécution régulière du man-
dat de cautionner (cf. art. 402 al. 1 CO), ni, partant, com-
penser sa prétendue créance de ce chef avec son obligation
de
restituer la somme déposée ou prêtée par la demanderesse,
ainsi que l'y autorisait l'une de ses conditions générales
en
dérogation à l'art. 125 ch. 1 CO. Il s'ensuit que la Cour
civile a admis à juste titre l'action de la demanderesse vi-
sant à la restitution de la somme débitée indûment de son
compte d'épargne (sur la nature de cette action, cf. ATF 112
II 450 consid. 3a p. 454 et les références).

Cela étant, le recours de la défenderesse sera re-
jeté et le jugement attaqué confirmé dans son résultat,
sinon
dans tous ses motifs.

3.- La défenderesse, qui succombe, devra assumer la
charge des frais et dépens afférents à la procédure fédérale
(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme le jugement atta-
qué;


2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 2000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud.
___________

Lausanne, le 25 juin 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.25/2001
Date de la décision : 25/06/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-25;4c.25.2001 ?
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