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21/06/2001 | SUISSE | N°H.20/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 juin 2001, H.20/01


«AZA 7»
H 20/01 Tn

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Ursprung;
Vallat, Greffier

Arrêt du 21 juin 2001

dans la cause

J.________ et V.________, recourants, représentés par
Maître Pierre-Alexandre Schlaeppi, avocat, Place St-
François 8, 1002 Lausanne,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS-AI-APG,
Rue du Lac 37, 1815 Clarens, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- La société X._______

_ Sàrl, dont J.________ fut
asso-
cié-gérant avec signature individuelle, était gérée par la
société Y.________, dont J.________ f...

«AZA 7»
H 20/01 Tn

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Ursprung;
Vallat, Greffier

Arrêt du 21 juin 2001

dans la cause

J.________ et V.________, recourants, représentés par
Maître Pierre-Alexandre Schlaeppi, avocat, Place St-
François 8, 1002 Lausanne,

contre

Caisse cantonale vaudoise de compensation AVS-AI-APG,
Rue du Lac 37, 1815 Clarens, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- La société X.________ Sàrl, dont J.________ fut
asso-
cié-gérant avec signature individuelle, était gérée par la
société Y.________, dont J.________ fut également adminis-
trateur, jusqu'à la faillite de cette dernière. Par la
suite, la société à responsabilité limitée fut rachetée par
trois amis de J.________, qui remirent l'affaire aux filles
de ce dernier, V.________ et M.________.

Dès le 1er janvier 1996, V.________ a été inscrite au
registre du commerce en qualité d'associée-gérante avec
signature individuelle et M.________ en qualité d'associée
de cette société qui, dans l'intervalle, avait pris la rai-
son sociale Z.________.
La faillite de Z.________ a été prononcée le 1er avril
1998.
Par décision du 4 juin 1999, la caisse cantonale vau-
doise de compensation (ci-après: la caisse) a réclamé à
J.________, V.________ et M.________ la somme de
22'972 fr. 30 correspondant au montant en capital, intérêts
et frais des cotisations AVS/AI/APG/AC impayées par la so-
ciété faillie pour les années 1996, 1997 et 1998.
J.________, V.________ et M.________ ont formé op-
position en temps utile contre cette décision.

B.- Saisi par la caisse, le Tribunal des assurances du
canton de Vaud a, par jugement du 16 octobre 2000, admis la
demande dirigée contre J.________ et V.________, condamnant
ces derniers à payer à la caisse 18'647 fr. 40 solidaire-
ment entre eux, et rejeté la demande en tant qu'elle était
dirigée contre la défenderesse M.________.

C.- J.________ et V.________ interjettent recours de
droit administratif contre ce jugement, dont ils requièrent
l'annulation, avec suite de frais et dépens.
La caisse a conclu au rejet du recours cependant que
l'Office fédéral des assurances sociales n'a pas déposé de
déterminations.

Considérant en droit :

1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tri-
bunal fédéral des assurances doit se borner à examiner si
les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris

par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation,
ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été éta-
blis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2 OJ).

2.- Les premiers juges ont exposé les dispositions lé-
gales ainsi que la jurisprudence applicables au cas d'espè-
ce, si bien qu'il suffit de renvoyer au jugement entrepris
sur ce point.
Il convient encore de mentionner que dans un arrêt
récent le Tribunal fédéral des assurances a rappelé que les
gérants d'une Sàrl qui ont été formellement désignés en
cette qualité, ainsi que les personnes qui exercent cette
fonction en fait répondent selon les mêmes principes que
les organes d'une société anonyme pour le dommage causé à
une caisse de compensation ensuite du non-paiement de co-
tisations d'assurances sociales, le simple associé d'une
telle société n'ayant pas, en revanche, sous réserve d'une
règle contraire des statuts, d'obligation de contrôle ou de
surveillance de la gestion, de sorte qu'on ne peut lui im-
puter un manquement dû à la société (ATF 126 V 238
consid. 4).

3.- En l'espèce, les premiers juges ont retenu qu'en
ne réglant pas les cotisations d'assurances sociales, la
société faillie avait enfreint la législation en matière
d'AVS et causé à la caisse un dommage pour un montant de
18'647 fr. 40. Les recourants ne le contestent pas et ils
ont, par ailleurs, reconnu en cours de procédure le montant
du dommage, que corroborent au demeurant les pièces du dos-
sier.

4.- En ce qui concerne V.________, les juges cantonaux
ont retenu de manière à lier la cour de céans (art. 105 al.
2 OJ) que cette dernière, qui avait déjà

travaillé à plein temps comme employée de commerce au sein
de la société anonyme Y.________, était inscrite au re-
gistre du commerce en qualité d'associée-gérante de la
société Z.________, et qu'elle établissait notamment les
déclarations de salaire. Ils en ont déduit que le non-paie-
ment des cotisations d'assurances sociales procédait d'un
comportement gravement négligent imputable à la recourante
et que ni le fait d'avoir tenté d'obtenir de la caisse un
échelonnement de la dette, ni la modicité du salaire de
3000 fr. par mois touché par l'intéressée, ni l'insolvabi-
lité d'un client qui devait à la société un montant de
l'ordre de 60'000 fr. ne permettaient de la disculper.
Pour sa part, la recourante soutient que confrontée à
un défaut de liquidités dû à la conjoncture et à un procès
important l'opposant à un client, elle ne peut se voir re-
procher un comportement fautif engageant sa responsabilité.
Il est vrai que dans sa jurisprudence le Tribunal
fédéral des assurances a admis que l'employeur qui, faute
de ressources, omet d'acquitter les cotisations paritaires
n'agit ni intentionnellement, ni par négligence grave et
n'est, partant, pas responsable du dommage qui en résulte
(RCC 1970 p. 103 consid. 2). La recourante ne saurait tou-
tefois se prévaloir de cette jurisprudence. Il convient en
effet de relever que, contrairement à la situation de fait
qui prévalait dans cet arrêt, il n'a pas été constaté par
les premiers juges, en l'espèce, que Z.________ n'aurait
pas du tout disposé des liquidités nécessaires pour s'ac-
quitter des cotisations d'assurances sociales, ce que la
recourante n'a, au demeurant, jamais allégué en procédure.
Du reste, une telle constatation serait en contradiction
avec les pièces du dossier. Il ressort en effet du bilan de
la société au 31 décembre 1996 que cette dernière disposait
à cette date d'un avoir de 11'486 fr. 05 sur son compte de
chèques postaux. Le détail des comptes du bilan 1997 fait
de même état d'un disponible

de 8838 fr. 80 sur ce compte au 31 décembre 1997. Il en
résulte que la société, quoi qu'en dise la recourante,
disposait de certaines ressources qui lui auraient permis
de s'acquitter, en partie tout au moins, des cotisations
d'assurances sociales au mois de mars 1997, lorsque la
caisse lui a notifié la décision par laquelle elle fixait
les cotisations pour l'année 1996.
Il apparaît ainsi qu'en réalité, ce n'est pas d'emblée
un défaut de liquidités qui a empêché la société de s'a-
cquitter des cotisations d'assurances sociales, mais que le
paiement de ces dernières à été, dans un premier temps,
reporté dans l'espoir d'une amélioration de la situation.
Dans un tel cas, comme l'ont rappelé à juste titre les
premiers juges, l'employeur ne peut se prévaloir d'un motif
de disculpation que s'il est établi qu'il avait, au moment
de prendre la décision de retarder le paiement des cotisa-
tions, des raisons sérieuses et objectives de penser qu'il
pourrait s'acquitter de sa dette dans un délai raisonnable
(ATF 108 V 188; RCC 1992 p. 261 consid. 4b). A cet égard,
il convient de relever que la recourante, hormis le fait
qu'elle a tenté d'obtenir de la caisse l'échelonnement du
paiement des cotisations arriérées, n'allègue pas l'exis-
tence de circonstances objectives qui lui auraient permis,
en 1996, 1997 et 1998, de penser que la société pourrait,
dans un délai raisonnable, s'acquitter de sa dette. Elle
n'allègue pas, en particulier qu'elle aurait tenté de met-
tre sur pied un plan de sauvetage de l'entreprise ou que
des démarches auraient été entreprises auprès de ses cré-
anciers afin d'obtenir un étalement ou une remise de ses
dettes. Or, ni l'espoir de voir la conjoncture s'améliorer,
ni celui d'une issue rapide du procès qui opposait la so-
ciété à un client pour le montant de 60'000 fr., ne con-
stituent de telles raisons objectives.
On ne saurait ainsi faire grief aux juges cantonaux
d'avoir imputé le comportement de la recourante à faute et
d'avoir admis que sa responsabilité était engagée au regard

de l'art. 52 LAVS. Le recours de V.________ est mal fondé.

5.- S'agissant de J.________, les premiers juges ont
constaté qu'il s'occupait, aux côtés de sa fille
V.________, de la gestion des monteurs et de la marche des
chantiers et que, par ailleurs, il était allé retirer les
commandements de payer adressés à la société, entre le 4
juillet 1997 et le 2 mars 1998, et avait fait opposition à
certains d'entre eux. Ils en ont déduit qu'il était établi
au degré de la vraisemblance prépondérante qu'en raison de
l'expérience acquise comme administrateur de J.________, le
recourant devait prodiguer des conseils à sa fille
V.________ et, de ce fait, influencer dans une mesure non
négligeable les décisions qu'elle prenait en qualité d'as-
sociée-gérante. Ils ont dès lors considéré que, ce faisant,
le recourant avait agi comme organe de fait, engageant
ainsi sa responsabilité.
Cette appréciation est constitutive d'erreur de droit
(consid. 1 supra). Selon la jurisprudence, en effet, il
incombe à la caisse, qui supporte les conséquences de
l'échec de la preuve, d'alléguer les faits fondant la res-
ponsabilité de l'employeur au sens de l'art. 52 LAVS et
permettant d'établir qu'une personne occupait au sein d'une
société la position d'un organe au sens matériel (ATF 114 V
218 consid. 5 in fine). En l'espèce, les faits qui res-
sortent du jugement entrepris ne permettent pas d'aboutir à
une telle conclusion en ce qui concerne le recourant.
Il n'est certes pas exclu que celui-ci ait fait béné-
ficier sa fille V.________ de son expérience et lui ait
prodigué des conseils. On ne peut cependant déduire de
cette seule circonstance qu'il aurait influencé dans une
mesure non négligeable la décision de la société de dif-
férer sans droit le paiement des cotisations d'assurances
sociales. Il paraît plus vraisemblable que V.________, au
bénéfice de l'expérience acquise aux côtés de son père dans
son activité d'employée de commerce au sein de Y.________,

a géré la société de manière indépendante sur le plan admi-
nistratif et décidé seule du report des cotisations, ce
d'autant que c'est elle qui s'occupait de remplir les dé-
clarations de salaire et d'entretenir des rapports avec la
caisse. Au demeurant, aucune des pièces produites au dos-
sier, sous réserve des commandements de payer notifiés par
l'intimée à la société, ne porte la signature du recourant
et aucun des témoignages rapportés par les premiers juges
n'atteste d'une activité de ce dernier dans ce domaine.
La circonstance que J.________ a réceptionné de
nombreux commandements de payer adressés à V.________ pour
la société, qu'il s'est laissé désigner sans réagir comme
administrateur ou comme directeur de la société dans ces
actes de poursuite et qu'il y a fait opposition ne permet
pas d'aboutir à une autre conclusion. En droit des pour-
suites, en effet, toute personne habile à recevoir le
commandement de payer en vertu de la loi - ce qui inclut
notamment l'employé d'une personne morale (art. 65 al. 2
LP) - peut valablement former opposition, sous réserve de
ratification par la personne ou l'organe compétent (Gil-
liéron, Commentaire la loi fédérale sur la poursuite pour
dettes et la faillite, tome I, rem. 22 ad art. 74 LP et les
références). Par ailleurs, et même si le recourant a pu
apparaître à l'égard des tiers en général et de l'agent
notificateur en particulier comme directeur ou comme admi-
nistrateur de la société, cela ne permet pas d'établir
quelles compétences il exerçait réellement au sein de la
société, autrement dit dans les rapports internes, qui sont
seuls déterminants au regard de l'art. 52 LAVS (cf. ATF 111
V 178 consid. 5a in fine).
Il n'est dès lors pas possible, sur la base des faits
constatés par les premiers juges, d'imputer le dommage subi
par l'intimée à une faute de J.________ dont le recours
doit par conséquent être admis.

6.- La procédure n'est pas gratuite (art. 134 OJ a
contrario). Les recourants et l'intimée supporteront les
frais de la cause dans la mesure où ils succombent
(art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours de J.________ est admis et le jugement du
Tribunal des assurances du canton de Vaud du 16 octo-
bre 2000 est annulé en ce qui le concerne.

II. Le recours de V.________ est rejeté.

III. Les frais de la cause, arrêtés à 3000 fr., sont mis à
la charge de la Caisse cantonale vaudoise de compen-
sation et de V.________ à raison d'une demie chacune,
sans solidarité entre elles, et sont compensés, en ce
qui concerne V.________, avec l'avance de frais d'un
même montant qu'elle a effectuée.

IV. L'avance de frais versée par J.________, d'un montant
de 1500 fr., lui est restituée.

V. La Caisse cantonale vaudoise de compensation versera à
J.________ la somme de 2500 fr. à titre de dépens.

VI. Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera
sur les dépens pour la procédure de première instance,
au regard de l'issue du procès de dernière instance.

VII. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton de Vaud ainsi qu'à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 21 juin 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

p. le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.20/01
Date de la décision : 21/06/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-21;h.20.01 ?
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