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21/06/2001 | SUISSE | N°4C.97/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 juin 2001, 4C.97/2001


«/2»

4C.97/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

21 juin 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz
et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges. Greffière: Mme Aubry
Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

La Société X.________ S.A., défenderesse et recourante, re-
présentée par Me Pierre-André Marmier, avocat à Lausanne,

et

P.________, demandeur et intimé, représenté par Me Yves
Hofstetter, avocat à Lausan

ne;

(honoraires d'architecte; inadvertance manifeste)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
...

«/2»

4C.97/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

21 juin 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz
et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges. Greffière: Mme Aubry
Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

La Société X.________ S.A., défenderesse et recourante, re-
présentée par Me Pierre-André Marmier, avocat à Lausanne,

et

P.________, demandeur et intimé, représenté par Me Yves
Hofstetter, avocat à Lausanne;

(honoraires d'architecte; inadvertance manifeste)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- De 1987 à 1996, P.________, architecte, a ef-
fectué différents travaux pour La Société X.________ S.A.
(ci-après: La Société).

P.________ a demandé deux acomptes d'honoraires, le
premier de 10'000 fr. le 17 février 1988, le second de
5'000 fr. le 29 juin 1992. Ces deux acomptes ont été payés
par X.________.

Le 13 mars 1996, l'architecte a établi une note
d'honoraires à l'attention de la Société présentant un solde
dû de 44'120,80 fr., arrondi à 42'500 fr. Le 21 mars 1996,
il
a adressé un nouveau décompte à La Société portant sur une
somme totale de 57'500 fr.

Un litige est survenu entre les parties concernant
notamment le montant des honoraires réclamés par P.________.

Le 1er octobre 1996, P.________ a déposé une re-
quête d'expertise hors procès tendant à la désignation d'un
expert architecte chargé d'analyser les travaux qu'il avait
effectués pour La Société et de se prononcer sur le contenu
et la quotité de la note d'honoraires du 13 mars 1996.

Dans un rapport du 30 juin 1997, l'expert hors pro-
cès désigné a notamment évalué les honoraires dus à
P.________ à 53'208,70 fr., sous déduction d'un montant de
15'000 fr. versé à titre d'acompte, soit un solde impayé de
38'208,70 fr.

B.- Le 6 mars 1998, P.________ a demandé en justi-
ce que La Société soit reconnue sa débitrice du montant de
38'208,70 fr. avec intérêt à 5 % dès le 21 mai 1996 représen-
tant le solde de ses honoraires tels qu'arrêtés par l'expert
hors procès, ainsi que du montant de 2'878 fr. avec intérêt
à
5 % dès le 25 août 1997 correspondant aux dépens mis à sa
charge dans le cadre de la procédure de preuve à futur.

Dans sa réponse, La Société a offert de verser un
montant de 10'000 fr. à P.________.

En cours de procès, un expert, dans un rapport du
13 septembre 1999, a évalué les honoraires dus pour le tra-
vail accompli postérieurement au mois d'août 1992 à
4'844,25 fr.

Par jugement du 23 juin 2000, la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois a condamné La Société à payer à
P.________ la somme de 30'445 fr. avec intérêt à 5 % dès le
1er avril 1998, représentant les quatre cinquièmes des hono-
raires dus au demandeur selon l'expert hors procès, après
déduction des 15'000 fr. déjà versés à titre d'acompte. Des
dépens réduits d'un cinquième ont également été mis à la
charge de La Société.

C.- Contre ce jugement, La Société (la défende-
resse) interjette un recours en réforme au Tribunal fédéral.
Elle conclut à ce que le jugement attaqué soit réformé en ce
sens qu'elle soit condamnée à payer à P.________ la somme de
18'573,40 fr. et que les dépens alloués à l'architecte
soient
réduits "dans la mesure que justice dira".

P.________ (le demandeur) propose le rejet du re-
cours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Dès lors que les conditions d'application de
l'art. 451a al. 1 LPC vaud. ne sont pas réalisées en l'espè-
ce, le jugement rendu par la Cour civile du Tribunal
cantonal
revêt le caractère d'une décision finale qui ne peut faire
l'objet d'un recours ordinaire de droit cantonal, soit d'un
recours ayant effet suspensif et dévolutif (ATF 120 II 93
consid. 1b p. 94 s.), de sorte que la voie du recours en ré-
forme au Tribunal fédéral est ouverte (art. 48 al. 1 OJ).

Interjeté par la personne morale qui a été condam-
née à verser à son architecte un montant d'honoraires supé-
rieur à celui qu'elle reconnaissait, le présent recours
porte
sur une contestation civile dont la valeur litigieuse
atteint
le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Déposé en temps utile
(cf. art. 1 de la loi fédérale sur la supputation des délais
comprenant un samedi - RS 173.110.3; art. 32 al. 2 et 54 al.
1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ), il est donc
en principe recevable.

b) Le recours en réforme est ouvert pour se plain-
dre d'une violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il
ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe
d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase
OJ) ou la violation du droit cantonal (art. 55 al. 1 let. c
in fine OJ; ATF 126 III 189 consid. 2a, 370 consid. 5; 125
III 305 consid. 2e p. 311).

c) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédé-
ral doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus dans la décision attaquée, à moins que des disposi-
tions fédérales en matière de preuve n'aient été violées,
qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur
une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il
faille

compléter les constatations de l'autorité cantonale parce
que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et
les
arrêts cités). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

2.- La cour cantonale a constaté que les relations
contractuelles entre les parties avaient duré de 1987 jus-
qu'au 23 mai 1996 et que, de ce fait, le demandeur pouvait
réclamer des honoraires pour son activité durant cette pério-
de. Considérant qu'il n'y avait pas lieu de s'écarter des
conclusions de l'expert hors procès, elle a arrêté le
montant
total des honoraires de l'architecte à 53'208,70 fr. Les ju-
ges ont cependant réduit cette somme d'un cinquième, repro-
chant au demandeur de ne pas avoir informé la défenderesse
du
montant de ses honoraires au fur et à mesure de l'avancement
des travaux. Dans ce contexte, ils ont relevé que l'architec-
te, dont la facturation apparaissait pour le moins confuse
en
plus d'être fort peu détaillée, avait demandé un premier
acompte de 10'000 fr. le 17 février 1988 et un second de
5'000 fr. le 29 juin 1992. Or, si l'on ajoutait à ce montant
les honoraires dus pour le travail accompli postérieurement,
évalués à 4'844,25 fr. selon l'expert mis en oeuvre en cours
de procès, on parvenait à un total ne dépassant pas
20'000 fr., soit un montant bien inférieur aux 59'120,80 fr.
ou 57'500 fr. réclamés par le demandeur en mars 1996.

3.- Devant la Cour de céans, la défenderesse s'en
prend au montant total des honoraires qui a été retenu dans
le jugement attaqué, en invoquant à cet égard l'existence de
deux inadvertances manifestes.

a) Il y a inadvertance manifeste, au sens de l'art.
63 al. 2 OJ, lorsque l'autorité, par inattention, a omis de
prendre en considération tout ou partie d'une pièce détermi-
née, versée au dossier, ou l'a mal lue ou mal comprise,
s'écartant par mégarde de sa teneur exacte (ATF 115 II 399
consid. 2a; 109 II 159 consid. 2b p. 162). L'inadvertance
manifeste ne saurait être confondue avec l'appréciation des
preuves. Dès l'instant où une constatation de fait repose
sur
l'appréciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensem-
ble de preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue. Il
ne peut en effet être remédié à une mauvaise appréciation
des
preuves par la voie prévue à l'art. 55 al. 1 let. d OJ
(arrêt
du Tribunal fédéral du 5 décembre 1995, partiellement publié
in SJ 1996 p. 353 consid. 3a et les références citées).

b) La défenderesse soutient principalement que la
cour cantonale a commis une inadvertance manifeste en
prenant
comme base, pour réduire les honoraires dus d'un cinquième,
le montant de 53'208,70 fr. ressortant de l'expertise hors
procès, alors qu'elle avait indiqué que, si l'on ajoutait à
la somme de 15'000 fr. correspondant aux honoraires payés
jusqu'en 1992, le montant de 4'844,25 fr. retenu par
l'expert
judiciaire et correspondant aux honoraires de 1992 à 1996,
on
parvenait à un total ne dépassant pas 20'000 fr.

On peut se demander si, par cette argumentation, la
défenderesse n'invoque pas, en définitive, l'arbitraire dans
l'appréciation des preuves. Cette question peut toutefois de-
meurer indécise, car il apparaît que, de toute manière, les
critiques de la défenderesse reposent sur une mauvaise com-
préhension du jugement attaqué. En effet, comme déjà mention-
né (cf. supra consid. 2), les juges cantonaux ont clairement
indiqué qu'ils retenaient, en tant que base de calcul, le
montant des honoraires établis par l'expert hors procès, à
savoir 53'208,70 fr. Ce n'est que lorsqu'ils se sont
demandés
si cette somme ne devrait pas être réduite, qu'ils ont exami-

né la facturation en cours de travaux. S'il est vrai que la
motivation, sur ce dernier point, n'est pas un modèle de
clarté, une lecture quelque peu attentive du jugement entre-
pris permet de saisir le raisonnement adopté. Ainsi, lorsque
il a été relevé qu'en tenant compte des 15'000 fr.
d'acomptes
demandés jusqu'en 1992 et des 4'844,25 fr. retenus par l'ex-
pert judiciaire à titre d'honoraires pour les tâches accom-
plies postérieurement, on parvenait à un montant ne
dépassant
pas 20'000 fr., la cour cantonale ne voulait pas dire qu'il
s'agissait des honoraires effectivement dus. Au contraire,
elle entendait souligner par là que l'architecte avait récla-
mé des acomptes bien inférieurs aux montants auxquels il pou-
vait en réalité prétendre pour le travail accompli jus-
qu'alors, violant ainsi son obligation d'information envers
son partenaire contractuel. On ne saurait donc voir dans ces
développements une quelconque erreur manifeste.

c) A titre subsidiaire, la défenderesse reproche à
la cour cantonale d'avoir, par mégarde, retenu le total des
honoraires tels qu'établis par l'expert hors procès, alors
que celui-ci aurait commis une erreur dans le calcul de la
taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: TVA), ce qu'elle avait
fait valoir dans sa réponse, sans être critiquée par le de-
mandeur.

Il ressort de l'expertise hors procès que les hono-
raires ont été évalués à 49'961,25 fr., auxquels il a été
ajouté la TVA au taux de 6,5 %, soit 3'247,45 fr., ce qui
donne un total de 53'208,70 fr. Dès lors qu'il s'agit bien
du
montant retenu par la cour cantonale, on ne saurait lui re-
procher d'avoir omis cette expertise, de l'avoir mal
comprise
ou mal lue, ce qui exclut toute erreur manifeste de sa part,
et ce même si les parties ne partageaient pas l'avis de l'ex-
pert.

En revanche, on pourrait se demander si c'est à
juste titre que la TVA a été comptabilisée sur la totalité
des honoraires couvrant la période allant de 1987 à 1996.
Cette question concerne toutefois l'application du droit
fédéral, plus particulièrement l'art. 84 de l'ordonnance du
22 juin 1994 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (RS
641.201; ci-après: OTVA). Or, il se trouve que la défende-
resse a motivé son recours en réforme exclusivement sous
l'angle de l'inadvertance manifeste, sans mentionner l'OTVA,
pas plus qu'elle n'a indiqué en quoi pourrait consister la
violation du droit fédéral à ce propos. Le Tribunal fédéral
n'a donc pas à examiner cet aspect (cf. art. 55 al. 1 let. c
OJ; ATF 106 II 175 p. 176; 89 II 16 consid. 2 p. 21, 331
consid. 2 p. 334; cf. Bernard Corboz, Le recours en réforme
au Tribunal fédéral, SJ 2000 II p. 1 ss, 47; Georg Messmer/
Hermann Imboden, Die eidgenössischen Rechtsmittel in Zivil-
sachen, Zurich 1992, no 114 p. 154).

4.- Dans la mesure où la défenderesse critique les
dépens fixés dans le jugement attaqué, elle soulève une ques-
tion relevant du droit cantonal qui ne peut être revue en
instance de réforme (art. 55 al. 1 let. c in fine OJ; Jean-
François Poudret, COJ II, Berne 1990, art. 43 OJ no
1.4.2.18). Ce n'est que si le jugement entrepris avait été
modifié sur le fond que la Cour de céans aurait pu répartir
autrement les frais et dépens fixés par l'instance
cantonale,
en application des art. 157 et 159 al. 6 OJ.

Le recours doit par conséquent être rejeté dans la
mesure où il est recevable et le jugement attaqué confirmé.

5.- La défenderesse, qui succombe, sera condamnée
aux frais et dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme le jugement attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge de la défenderesse;

3. Dit que la défenderesse versera au demandeur une
indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
vaudois.

__________

Lausanne, le 21 juin 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.97/2001
Date de la décision : 21/06/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-21;4c.97.2001 ?
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