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20/06/2001 | SUISSE | N°4C.43/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 juin 2001, 4C.43/2001


«/2»

4C.43/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

20 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Raphaël
Quinodoz (suppléant de Me Jérôme Bassan), avocat à Genève,

et

X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Soli Pardo, avocat à G

enève;

(contrat de bail; montant du loyer; erreur essentielle)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivant...

«/2»

4C.43/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

20 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

_____________

Dans la cause civile pendante
entre

P.________, demandeur et recourant, représenté par Me
Raphaël
Quinodoz (suppléant de Me Jérôme Bassan), avocat à Genève,

et

X.________ S.A., défenderesse et intimée, représentée par Me
Soli Pardo, avocat à Genève;

(contrat de bail; montant du loyer; erreur essentielle)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Le 30 mai 1997, X.________ S.A. a fait
l'acquisition du fonds de commerce du restaurant "...", pour
le prix de 30 000 fr. Le même jour, X.________ S.A. et
A.________ ont passé avec la Banque Y.________ une
convention
portant sur la location pour une période de deux ans renouve-
lable du restaurant susmentionné et de l'appartement situé
au-dessus pour un montant mensuel total de 3 700 fr.
(2 500 fr. pour le restaurant et 1 200 fr. pour l'apparte-
ment), montant auquel s'ajoutait une redevance de 2% sur la
part du chiffre d'affaires mensuel brut du restaurant supé-
rieure à 70 000 fr.

b) Le 25 novembre 1998, X.________ S.A. a passé
avec P.________ un contrat intitulé "bail à ferme". Le bail
porte sur l'usage, dès le 1er décembre 1998, du fonds de
commerce du restaurant "..." pour une durée de quatre ans,
moyennant une redevance mensuelle totale de 9 500 fr.
(7 500 fr. pour le restaurant et 2 000 fr. pour l'apparte-
ment). Selon son art. 4, la location des locaux d'habitation
est indissociable du contrat de bail à ferme. Le préambule
précise que X.________ S.A. a procédé à des rénovations im-
portantes dans les locaux commerciaux ou d'habitation et
qu'elle est propriétaire de l'agencement, des meubles meu-
blant et des machines nécessaires à l'exploitation du restau-
rant.

Le 23 septembre 1999, les mêmes parties ont signé
une convention de cession de fonds de commerce, par laquelle
X.________ S.A. cède à P.________ le fonds de commerce, le
droit à la clientèle, le droit au nom "....", ainsi que le
droit de location des locaux. Le prix convenu a été fixé à
120 000 fr.

B.- a) Estimant abusif le loyer résultant du con-
trat du 25 novembre 1998, et excessif le prix de la cession
du fonds de commerce du 23 septembre 1999, P.________ a
déposé le 1er octobre 1999 devant la Commission de concilia-
tion en matière de baux et loyers du canton de Genève une
demande de réduction de loyer, de restitution des loyers in-
dus ainsi que de réduction du prix de la cession du bail.

Le demandeur sollicitait en substance la constata-
tion du caractère excessif du loyer encaissé par X.________
S.A. pour le restaurant, l'habitation et toutes les annexes,
la réduction du loyer mensuel à 4 320 fr. pour la période
allant de décembre 1998 à septembre 1999, ainsi que la con-
damnation de X.________ S.A. à lui verser 35 800 fr. à titre
de restitution du loyer; il concluait en outre à ce qu'il
soit dit que le prix de vente fixé dans la convention de
cession du fonds de commerce était excessif, à la fixation
du
prix de vente à 70 000 fr., et à ce qu'il soit dit qu'il ne
devait plus aucun montant à X.________ S.A. de quelque chef
que ce soit.

Pour une raison inconnue, deux procédures ont été
ouvertes; après échec de la tentative de conciliation, les
deux causes ont été introduites devant le Tribunal des baux
et loyers.

Le 13 octobre 1999, X.________ S.A. a invalidé la
convention du 23 septembre 1999. Le 2 décembre 1999, elle a
résilié le bail du 25 novembre 1998 pour le 31 janvier 2000
en invoquant le non-paiement du loyer.

Par jugement du 18 mai 2000, le Tribunal des baux
et loyers a ordonné la jonction des deux causes, écarté de
la
procédure des conclusions déposées par la défenderesse le 3
avril 2000 (point 2 du dispositif), déclaré irrecevables les
conclusions visant la convention de cession du fonds de com-

merce (point 3 du dispositif), fixé le loyer dû par le deman-
deur pour la période allant de décembre 1998 à septembre
1999
à 50 000 fr., soit 5 000 fr. par mois (point 4 du disposi-
tif), et condamné la défenderesse à payer au demandeur le
trop-perçu (point 5 du dispositif).

b) Saisie par X.________ S.A., la Chambre d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève, par arrêt
du 4 décembre 2000, a annulé les points 2, 4 et 5 du
jugement
du 18 mai 2000; statuant à nouveau, elle a déclaré irreceva-
ble la requête en réduction de loyer et en restitution des
loyers indus déposée le 1er octobre 1999 par le demandeur;
les autres points du dispositif ont été confirmés.

C.- P.________ recourt en réforme contre l'arrêt du
4 décembre 2000. Ses conclusions tendent principalement à
l'annulation de l'arrêt cantonal et à la fixation du loyer à
4 320 fr. par mois pour la période de décembre 1998 à
septembre 1999 ainsi qu'à la condamnation de la défenderesse
à lui rembourser le trop-perçu. Subsidiairement, il
sollicite
le renvoi de la cause à l'instance cantonale pour nouvelle
décision au sens des considérants.

X.________ S.A. invite le Tribunal fédéral à
rejeter le recours dans la mesure où il est recevable.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La cour cantonale a constaté que le demandeur
ne contestait pas en appel l'irrecevabilité des conclusions
tendant à la réduction du prix de cession du fonds de commer-
ce du 23 septembre 1999. La question n'a donc pas à être re-
vue dans la présente procédure.

2.- De l'avis de la cour cantonale, le contrat du
25 novembre 1998 présenterait plutôt les caractéristiques
d'un bail à ferme et non d'un bail à loyer; quoi qu'il en
soit, la distinction serait sans portée pratique puisque les
dispositions des art. 269 ss CO sur les loyers abusifs sont
applicables par analogie aux baux à ferme non agricoles
(art.
253b al. 1 CO).

Retenant qu'en l'occurrence la mise à disposition
du logement (situé au-dessus du restaurant) dépendait direc-
tement de la mise à disposition du commerce et de son agence-
ment, si bien que le sort de cet appartement devait suivre
celui du restaurant selon l'art. 253a al. 1 CO, la cour can-
tonale a estimé les dispositions légales relatives au bail à
ferme (respectivement au bail à loyer de locaux commerciaux)
applicables à l'ensemble des locaux, soit au logement et au
restaurant.

Posant que la possibilité de déclarer obligatoire
l'usage de la formule officielle prévue par l'art 270 al. 2
CO ne concerne pas les locaux commerciaux faisant l'objet
d'un bail à loyer, et a fortiori pas les locaux ou entrepri-
ses objets d'un bail à ferme, la cour cantonale a considéré
que la non-utilisation d'une formule officielle pour fixer
le
loyer de l'appartement était sans conséquence.

Selon l'arrêt cantonal, le demandeur est entré en
jouissance des locaux le 1er décembre 1998. Il aurait dès
lors dû contester le montant du loyer avant le 1er janvier
1999, ce qu'il n'avait pas fait; sa requête était par consé-
quent également irrecevable sur ce point.

Enfin, la cour cantonale a observé que le demandeur
faisait état, pour la première fois en appel (dans ses écri-
tures du 9 octobre 2000), d'une erreur ou d'un dol dont il
aurait été victime lors de la conclusion du contrat du 25 no-

vembre 1998, sans d'ailleurs conclure à l'invalidation de la
convention. Sa réaction était donc tardive selon les art. 21
et 31 al. 1 CO, et son argumentation de toute façon
contraire
à la bonne foi au sens de l'art. 25 CO.

3.- Le demandeur invoque successivement la viola-
tion des art. 31, 24, 28, 253a et 270 al. 2 CO.

a) aa) Il a été jugé que la victime d'une erreur
n'avait pas besoin de manifester expressément son intention
de ne pas maintenir le contrat, au sens de l'art. 31 CO, cet-
te volonté pouvant ressortir du fait même de la répétition
de
l'indu (ATF 64 II 132 consid. 3). Invoquant cette jurispru-
dence, le demandeur soutient que le fait qu'il ait conclu à
la répétition des loyers trop-perçus devrait être interprété
comme une manifestation de volonté tendant à invalider par-
tiellement le contrat de bail à concurrence du montant consi-
déré comme excessif. Il serait de jurisprudence constante
qu'une répétition de l'indu invalide la cause juridique vi-
ciée dans la mesure du montant versé en trop et qui est ré-
clamé, par application analogique de l'art. 20 al. 2 CO (ATF
123 III 292 consid. 3). La cour cantonale aurait donc consi-
déré à tort que le locataire, qui invoquait son erreur essen-
tielle (prétendument découverte le 29 septembre 1999), avait
omis de conclure à ce que le contrat soit invalidé, du moins
partiellement.

bb) Le moyen ne résiste pas à l'examen. La demande
de répétition des loyers trop-perçus n'est nullement basée
sur une manifestation de volonté d'invalider le contrat,
même
partiellement. Elle a pour unique fondement la demande de
réduction de loyer et ses conséquences, ce qui suppose
l'existence d'un contrat valable.

La situation est la même que celle de l'acheteur
qui invoque les défauts de la chose vendue; il a le choix en-

tre invalider le contrat pour vices du consentement et exer-
cer l'action en garantie; s'il opte pour l'action en garan-
tie, il ratifie le contrat, conformément à l'art. 31 CO, car
la réglementation relative aux défauts de la chose suppose
l'existence d'un contrat valable (ATF 127 III 83). Il en est
de même de celui qui opte pour une demande de réduction de
loyer en invoquant le caractère excessif (ou trompeur et do-
losif) du loyer; il a le choix entre l'exercice de l'action
en invalidation du contrat pour vice du consentement, voire
pour lésion, et l'action en réduction de loyer. S'il opte
pour l'action en réduction, il ratifie le contrat de bail,
conformément à l'art. 31 CO, car la réglementation relative
aux loyers abusifs suppose l'existence d'un contrat de bail
valable.

La cour cantonale a donc fait une application cor-
recte du droit fédéral, en particulier des art. 21 et 31 CO,
en considérant comme tardive l'invocation de vices du consen-
tement ou de lésion dans des écritures datées du 9 octobre
2000 à l'encontre d'un contrat conclu le 25 novembre 1998,
ratifié par le fait que le recourant avait opté pour
l'action
en réduction de loyer.

b) Le contrat ayant été tenu à juste titre pour ra-
tifié, il n'y a pas lieu d'entrer en matière sur les moyens
tirés d'une violation des art. 24 al. 1 ch. 4 et 28
CO.

c) aa) La cour cantonale a jugé que les locaux
d'habitation remis à bail par la défenderesse étaient des ac-
cessoires des locaux commerciaux loués, au sens de l'art.
253a CO. Le demandeur admet que, selon la jurisprudence, des
biens immobiliers peuvent être visés par cette disposition,
mais qu'il n'a jamais été question de choses de plus d'enver-
gure qu'une place de parc pour voiture, attenante à un loge-
ment (ATF 125 III 231 consid. 2). Considérer des locaux d'ha-

bitation comme un accessoire de locaux commerciaux revien-
drait à étendre considérablement la notion de l'art. 253a
CO.

Le demandeur fait valoir, enfin, que la fausse in-
terprétation de l'art. 253a CO a conduit la cour cantonale à
ne pas appliquer l'art. 270 al. 2 CO, qui impose l'usage de
la formule officielle lors de la conclusion d'un nouveau
bail
dans les cantons qui, comme Genève, ont rendu obligatoire
l'usage d'une telle formule. Certes la jurisprudence
souligne
que la formule officielle ne peut être imposée pour la loca-
tion de locaux commerciaux. En l'occurrence, il ne s'agirait
toutefois pas de surfaces commerciales, mais bien de locaux
d'habitation. On devrait assimiler le cas d'espèce à celui
de
la sous-location, qui doit être accompagnée de la formule of-
ficielle (ATF 124 III 62). L'absence de notification de
loyer
initial sur formule officielle entraînerait la nullité du
contrat quant à la fixation du loyer, constatable en tout
temps.

bb) La cour cantonale n'a pas violé le droit fédé-
ral lorsqu'elle a admis qu'il convenait de mettre en oeuvre
les dispositions légales relatives au bail à ferme (respecti-
vement au bail de locaux commerciaux) en ce qui concerne
l'ensemble des biens loués, soit aussi bien le logement que
le restaurant. L'interprétation qu'elle a donnée de l'art.
253a al. 1 CO (semblable à l'art. 276 CO applicable au bail
à
ferme) se tient parfaitement, dès lors qu'il est admis que
les choses louées, dont le bailleur cède l'usage avec les ha-
bitations ou locaux commerciaux, peuvent être non seulement
des biens mobiliers, mais aussi des biens immobiliers, tels
que garages ou mansardes (ATF 125 III 231 consid. 2). On ne
voit dès lors pas pourquoi la règle ne pourrait concerner un
logement attenant à un restaurant.

Quant à l'usage de la formule officielle, tel que
prévu à Genève en application de l'art. 270 al. 2 CO, il ne

s'applique effectivement pas aux locaux commerciaux faisant
l'objet d'un bail à loyer (cf. Lachat, Le bail à loyer, p.
262, ch. 2.4.1, note 39, et réf.; SVIT-Kommentar Mietrecht,
n. 35 ad art. 270 CO; cf. aussi ATF 117 Ia 328 consid. 3c et
d). Il ne concerne que les baux portant exclusivement sur
l'usage d'habitations (Higi, Commentaire zurichois, n. 41 ad
art. 278 CO), voire les baux portant principalement sur un
logement. Comme le bail à ferme en cause a essentiellement
pour objet un restaurant, c'est à juste titre que la cour
cantonale a jugé que l'art. 270 al. 2 CO n'était pas applica-
ble en l'espèce.

4.- Les frais et dépens doivent être mis à la char-
ge du recourant qui succombe
(art. 156 al. 1 et 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2 000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une in-
demnité de 3 000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux
et loyers du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 20 juin 2001

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.43/2001
Date de la décision : 20/06/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-20;4c.43.2001 ?
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