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19/06/2001 | SUISSE | N°5C.55/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 juin 2001, 5C.55/2001


«/2»

5C.55/2001

IIe C O U R C I V I L E
****************************

19 juin 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann,
juge, et M. Gardaz, juge suppléant. Greffier: M. Fellay.

Statuant sur le recours en réforme
interjeté par

X.________ , représenté par Me Daniel Perren, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 21 décembre 2000 par la Chambre civile de
la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant au Procur

eur général du canton de G e n è v e ;

(interdiction)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivan...

«/2»

5C.55/2001

IIe C O U R C I V I L E
****************************

19 juin 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann,
juge, et M. Gardaz, juge suppléant. Greffier: M. Fellay.

Statuant sur le recours en réforme
interjeté par

X.________ , représenté par Me Daniel Perren, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 21 décembre 2000 par la Chambre civile de
la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant au Procureur général du canton de G e n è v e ;

(interdiction)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________, né le 3 avril 1949, célibataire, a
notamment été condamné, le 5 mars 1987, à neuf mois d'empri-
sonnement pour débauche contre nature par métier et opposi-
tion aux actes de l'autorité; le 7 octobre 1991, à sept mois
d'emprisonnement pour attentat à la pudeur des enfants de
moins de seize ans et tentative de débauche contre nature;
le
6 septembre 1995, à quatre ans de réclusion sous imputation
de la détention préventive subie, pour actes de nature sexu-
elle commis sur des enfants, violence envers les autorités
et
infractions à la loi sur la circulation routière.

Par arrêt du 17 mars 1998, le Tribunal administratif
du canton de Genève a ordonné la libération conditionnelle
du
recourant dès le 15 avril 1998 et lui a imparti un délai d'é-
preuve de cinq ans avec patronage et obligation de se soumet-
tre à un soutien thérapeutique prodigué par un psychologue,
un psychothérapeute ou un médecin.

Par courrier du 17 décembre 1998, le Service canto-
nal du patronage a fait part à la Commission cantonale de li-
bération conditionnelle des difficultés qu'éprouvait le re-
courant à gérer sa situation administrative, financière et
sociale, ainsi que du fait qu'il ne s'était pas soumis au
traitement médical prescrit et ne suivait pas les directives
qui lui étaient données. Dès lors, les rentes dont il bénéfi-
ciait (environ 2'800 fr. par mois) étaient versées directe-
ment en mains du Service du patronage. Pour son logement, un
appartement de deux pièces avait été mis à sa disposition,
mais après avoir été d'accord d'en prendre possession, il
n'avait pas voulu signer le bail. Le Service du patronage re-
latait aussi que, le 4 décembre 1998, le recourant avait ré-
clamé, dans les locaux de ce service, le solde de ses
rentes,
avait fait du scandale, puis menacé d'incendier les locaux
et

lancé en direction du personnel sa prothèse dentaire, qu'il
n'était pas venu récupérer malgré les démarches entreprises.

B.- Le 14 janvier 1999, le Procureur général du can-
ton de Genève, se référant au courrier susmentionné, a
requis
le Tribunal tutélaire de Genève d'examiner si une mesure tu-
télaire devait être prise.

Selon une expertise psychiatrique ordonnée par ce
tribunal, le recourant souffrait d'une maladie mentale sous
forme d'un trouble délirant persistant qui l'empêchait de gé-
rer ses affaires; s'il pouvait se passer de soins et secours
permanents, son état nécessitait néanmoins un traitement
pharmacologique de type neuroleptique et/ou stabilisateur
d'humeur. L'expertise concluait également à un délire persé-
cutoire, le recourant se disant observé, poursuivi et pour-
chassé; en outre, vu la forte impulsivité anamnestique, asso-
ciée à certains signes de la lignée hypomane (accélération
des pensées, irritabilité et tension interne), il risquait
de
passer à l'acte tant sur le plan sexuel que financier (dépen-
ses inconsidérées).

Par ordonnance du 30 juin 2000, le tribunal tutélai-
re a prononcé l'interdiction du recourant, désigné le direc-
teur du Service du patronage comme tuteur et mis les frais
d'expertise et de justice à la charge de l'interdit.

Sur appel de ce dernier, la Cour de justice du can-
ton de Genève a confirmé la décision du tribunal tutélaire
par arrêt du 21 décembre 2000, notifié à l'intéressé le 5
janvier 2001.

C.- Agissant le 5 février 2001 par la voie du re-
cours en réforme, l'interdit requiert le Tribunal fédéral
d'annuler l'arrêt de la Cour de justice et l'ordonnance du
tribunal tutélaire, avec suite de dépens.

Le Procureur général s'en remet à justice quant à la
recevabilité du recours et, au fond, conclut à son rejet.

Le recourant sollicite également l'octroi de l'as-
sistance judiciaire.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) En tant qu'elle confirme l'interdiction du
recourant, la décision attaquée est susceptible de faire
l'objet du recours fédéral en réforme (art. 373 al. 2 CC et
44 let. e OJ). Interjeté en temps utile contre une décision
finale rendue par le tribunal suprême du canton, le présent
recours est en principe recevable au regard des art. 48 al.
1
et 54 OJ.

b) Le recours ne saurait toutefois viser la décision
cantonale de première instance qui ne peut être attaquée par
le recours fédéral en réforme (art. 48 al. 1 OJ).

2.- Selon l'art. 63 al. 2 OJ, le Tribunal fédéral
fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés
par la dernière autorité cantonale, sous réserve de deux ex-
ceptions: la violation de dispositions fédérales en matière
de preuve, dans la mesure où ce grief est soulevé conformé-
ment à l'art. 55 al. 1 let. c OJ, et la rectification d'of-
fice des faits reposant sur une inadvertance manifeste, au-
tant que celle-ci est alléguée dans les formes prescrites
par
l'art. 55 al. 1 let. d OJ. L'art. 64 OJ réserve en outre le
complètement des constatations de fait lacunaires. Pour le
reste, il ne peut être présenté de griefs ni contre les cons-
tatations de fait (art. 55 al. 1 let. c OJ), ni contre l'ap-
préciation des preuves à laquelle s'est livrée l'autorité
cantonale (ATF 122 III 26 consid. 4a/aa p. 32; 120 II 97 con-
sid. 2b p. 99; 119 II 84); les faits et preuves nouveaux
sont
irrecevables (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Le recourant prétend que l'arrêt cantonal est enta-
ché d'inadvertance manifeste au sens de l'art. 55 al. 1
let. d OJ dans la mesure où il retient une aggravation de
son
état de santé psychique et le caractère hallucinatoire de
ses
propos tenus à l'expert. Il s'agit là toutefois d'une ques-
tion d'appréciation des preuves et non d'inadvertance. Au de-
meurant, le diagnostic général de trouble délirant n'étant
pas contesté, tant l'aggravation de l'état de santé que le
caractère hallucinatoire des propos du recourant sont sans
pertinence.

3.- Sera pourvu d'un tuteur, aux termes de l'art.
369 al. 1 CC, tout majeur qui, pour cause de maladie mentale
ou de faiblesse d'esprit, est incapable de gérer ses affai-
res, ne peut se passer de soins et secours permanents ou me-
nace la sécurité d'autrui.

L'autorité cantonale a retenu la maladie mentale
comme cause d'interdiction. Elle a aussi considéré que l'in-
capacité de gestion et la nécessité de soins et secours per-
manents étaient réalisées en l'espèce. Le recourant soutient
au contraire qu'il n'est pas incapable de gérer ses
affaires,
qu'il peut se passer de soins et secours permanents et qu'il
ne menace pas la sécurité d'autrui.

a) A juste titre, l'existence d'une maladie mentale
n'est pas contestée.

b) L'incapacité de gérer doit concerner des affaires
essentielles pour la personne en question (Deschenaux/Stein-
auer, Personnes physiques et tutelles, 4e éd., n. 124a,
p. 39). Tel est le cas en l'espèce, le recourant étant inca-
pable de gérer les rentes dont il bénéficie et refusant de
signer le bail de nature à lui assurer son logement. Comme
il
ne peut accomplir les actes juridiques nécessaires à la cou-
verture de ses besoins fondamentaux, il faut admettre une in-

capacité de gestion pour les affaires essentielles. L'exper-
tise admet aussi l'incapacité de gestion. La condition
légale
est donc remplie et, pour ce motif déjà, l'interdiction est
justifiée.

c) Quant à la nécessité de soins et secours perma-
nents, on doit certes relever que l'expertise ne la retient
pas. Elle admet toutefois la nécessité d'un suivi psychiatri-
que sous forme d'un traitement pharmacologique de type neuro-
leptique et/ou stabilisateur d'humeur. On peut donc déduire
de la nécessité de ce traitement qu'il y a quand même néces-
sité de soins permanents au sens de l'art. 369 CC.

Au demeurant, cette question peut demeurer indécise,
comme celle de l'existence d'une menace pour la sécurité
d'autrui, dès lors que l'une des conditions légales, celle
de
l'incapacité de gestion, est remplie en l'espèce, ce qui suf-
fit pour prononcer l'interdiction (Deschenaux/Steinauer, op.
cit., n. 123, p. 39).

4.- Pour respecter les principes de subsidiarité et
de proportionnalité, la mesure tutélaire doit être aussi lé-
gère que possible et aussi efficace que nécessaire (Desche-
naux/Steinauer, op. cit. n. 862, p. 340).

Comme le recourant refuse toute mesure tutélaire,
une curatelle volontaire (art. 394 CC) n'est pas envisagea-
ble. S'agissant essentiellement d'assurer une assistance per-
sonnelle, notamment un suivi médical, une curatelle de con-
seil légal (art. 395 CC), axée sur les problèmes
économiques,
n'est pas adaptée. Dès lors, seule une tutelle, qui implique
l'assistance dans l'ensemble des affaires personnelles du pu-
pille (art. 406 CC), en particulier sa santé, paraît adéqua-
te. Le fait que le patient pourrait, en vertu du droit canto-
nal, refuser des soins ne dispense pas l'autorité compétente
de décider la mesure tutélaire qui est la plus conforme à

l'intérêt de la personne concernée. Si l'autonomie du
patient
empêchait la mesure de protection prévue par le droit de la
tutelle, l'interdiction pour soins et secours en cas de mala-
die mentale deviendrait, lorsque le pupille a le discerne-
ment, purement volontaire. Cela ne correspond pas au système
légal actuellement en vigueur.

5.- Le recours doit donc être rejeté.

Cette issue de la procédure était prévisible d'em-
blée, de sorte que le recourant ne peut être mis au bénéfice
de l'assistance judiciaire (art. 152 al. 1 OJ) et doit par
conséquent être condamné aux frais (art. 156 al. 1 OJ).

Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intimé,
qui n'a pas procédé.

Par ces motifs,

le T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable et confirme l'arrêt attaqué.

2. Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 1'000 fr.

4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, au Procureur général du canton de Genève et
à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genè-
ve.

Lausanne, le 19 juin 2001
FYC/vlc

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.55/2001
Date de la décision : 19/06/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-19;5c.55.2001 ?
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