«AZA 7»
C 341/00 Mh
Ière Chambre
composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Meyer, Ferrari et Kernen; Wagner, Greffier
Arrêt du 18 juin 2001
dans la cause
Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, 3003 Berne,
recourant,
contre
A.________, intimé, représenté par Maître Philippe Vogel,
avocat, avenue Juste-Olivier 17, 1002 Lausanne,
et
Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne
A.- A.________ a travaillé du 1er janvier 1987 au
31 janvier 1997 en qualité de concierge à temps partiel. Du
2 octobre 1995 au 30 septembre 1996, il fut représentant de
l'entreprise B.________ SA et C.________ SA, à X.________.
Le 5 janvier 1998, A.________ s'est inscrit à l'assu-
rance-chômage. Dès cette date, il a commencé un apprentis-
sage dans la profession de vendeur auprès du garage
D.________, à Y.________, et il a ainsi bénéficié d'alloca-
tions de formation, versées par son employeur avec le sa-
laire convenu. Pendant la période du 5 janvier au 31 juil-
let 1998, l'allocation mensuelle fut de 2150 fr., selon
décision de l'Office régional de placement du 25 février
1998. A partir du 1er août 1998, l'allocation s'est élevée
à 2400 fr., d'après décision du Service cantonal de
l'emploi du 31 août 1998.
Pour cause de cessation d'activité, l'employeur mit
fin prématurément au contrat pour le 31 mars 1999. Dès le
1er avril 1999, la Caisse de chômage du Syndicat Industrie
et Bâtiment SIB a versé à A.________ des indemnités
journalières de chômage. Selon le décompte pour le mois
d'avril, du 27 avril 1999, le délai-cadre applicable à la
période d'indemnisation courait du 5 janvier 1998 au 4 jan-
vier 2000 et le gain assuré était de 3492 fr.
E.________, fils de A.________, a terminé un appren-
tissage le 31 juillet 1999. Dans le décompte concernant le
mois d'août, du 26 août 1999, la caisse a porté en déduc-
tion des jours de chômage contrôlés les cinq jours du délai
d'attente général. Par lettre du 16 septembre 1999,
A.________ a invité la caisse à lui donner des rensei-
gnements sur le calcul du gain assuré et sur la prise en
compte du délai d'attente, ce qu'elle a fait dans une com-
munication du 20 octobre 1999. Elle l'avisait qu'il n'était
plus exempté du délai d'attente général de cinq jours, le
gain assuré étant supérieur à la limite de 3000 fr., mon-
tant qui n'était plus relevé de 1000 fr. dès lors qu'il
n'avait plus d'obligation d'entretien envers son fils
depuis août 1999.
B.- Le 27 octobre 1999, A.________ a saisi le Service
de l'emploi de l'État de Vaud.
Par décision du 14 avril 2000, le Service de l'emploi,
statuant en qualité de 1ère Instance cantonale de recours
en matière d'assurance-chômage, a écarté préjudiciellement
le recours contre le calcul du gain assuré, qu'elle a dé-
claré irrecevable, rejeté le recours contre le décompte de
la caisse d'août 1999 comptabilisant les cinq jours du
délai d'attente et écarté préjudiciellement, parce qu'irre-
cevable, le recours contre le montant des allocations de
formation mensuelles.
C.- Par jugement du 15 septembre 2000, le Tribunal
administratif du canton de Vaud a partiellement admis le
recours formé par A.________ contre cette décision, annulé
celle-ci en tant qu'elle déclare irrecevable le recours
contre la fixation par la caisse du gain assuré, la cause
étant renvoyée au Service de l'emploi pour qu'il statue sur
le calcul du gain assuré. Sous ch. II let. b du dispositif,
il a réformé cette décision en ce sens que la caisse
allouera à A.________ les indemnités journalières corres-
pondant aux cinq jours du délai d'attente comptabilisés
dans le décompte qu'elle a établi le 26 août 1999.
D.- Le Secrétariat d'Etat à l'économie (seco) inter-
jette recours de droit administratif contre ce jugement, en
concluant à l'annulation de celui-ci en tant qu'il exempte
A.________ du délai d'attente général de cinq jours.
A.________ conclut, sous suite de frais et dépens, au
rejet du recours. La Caisse de chômage SIB n'a pas pris de
conclusions. Le Service de l'emploi de l'Etat de Vaud s'en
remet à justice.
Considérant en droit :
1.- Le litige porte sur le point de savoir si la fin
de l'obligation d'entretien de l'intimé envers son fils,
survenue au cours de la période d'indemnisation, entraîne
le réexamen de la question du délai d'attente, comme l'a
fait la caisse dans le décompte du 26 août 1999.
2.- a) L'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il
remplit les conditions de l'art. 8 LACI.
b) Selon l'art. 18 LACI, le droit à l'indemnité com-
mence à courir après un délai d'attente de cinq jours de
chômage contrôlé (al. 1). Afin d'éviter des cas de rigueur,
le Conseil fédéral exempte certains groupes d'assurés du
délai d'attente (al. 1bis).
Sur la base de l'art. 18 al. 1 et al. 1bis LACI, l'au-
torité exécutive a édicté l'art. 6a OACI, entré en vigueur
le 1er janvier 1996. En vertu de l'art. 6a al. 1 première
phrase OACI, le délai d'attente général de cinq jours ne
doit être observé qu'une seule fois durant le délai-cadre
d'indemnisation.
Aux termes de l'art. 6a al. 2 OACI, le délai d'attente
général ne s'applique qu'aux personnes dont le gain assuré,
provenant d'une occupation à plein temps, est supérieur à
3000 fr.; en cas d'activité à temps partiel, le montant est
réduit proportionnellement au taux d'occupation. Ce montant
est relevé de 1000 fr. pour le premier enfant et de 500 fr.
pour chaque enfant suivant pour lequel l'assuré a une obli-
gation d'entretien au sens de l'art. 33 OACI.
3.- Les premiers juges se réfèrent à un arrêt non pu-
blié R. du 3 juin 1998 (C 46/98), cité par l'Office fédéral
du développement économique - devenu le SECO - dans un
bulletin 99/1 (fiche n° 3) consacré au délai d'attente.
D'après eux, ce n'est pas la disparition de la justifica-
tion du cas de rigueur - in casu l'obligation d'entretien
envers un enfant - qui justifie en soi que l'on revienne
sur l'abandon du délai d'attente, mais bien le fait qu'il
faille redéfinir le gain assuré dans le même délai-cadre,
en application de l'art. 37 al. 4 OACI. Ils en concluent
qu'en l'espèce, où le gain assuré, arrêté en janvier 1998
au début du délai-cadre d'indemnisation, ne fut pas redéfi-
ni lorsque les allocations de formation ont pris fin en
mars 1999, ni lorsque le fils de l'intimé a terminé son
apprentissage, il ne se justifiait donc pas de revenir sur
l'abandon du délai d'attente.
4.- Tel n'est pas l'avis du recourant. En effet, les
cas de rigueur au sens de l'art. 18 al. 1bis LACI sont dé-
finis par la comparaison du gain assuré avec les montants
minimum fixés par le Conseil fédéral, montants qui varient
notamment en fonction de l'existence d'une obligation d'en-
tretien envers un enfant. Dès lors, dans la mesure où la
fin de l'obligation d'entretien durant le délai-cadre
d'indemnisation modifie le montant limite de référence, il
appartient à la caisse de procéder à un nouvel examen de la
question de l'assujettissement au délai d'attente général
de l'art. 18 al. 1 LACI.
5.- Pour résoudre le litige, il faut examiner en
premier lieu la question de savoir si le délai d'attente
général de cinq jours de l'art. 18 al. 1 LACI peut être
porté en déduction des indemnités dans n'importe quel
décompte mensuel pendant le délai-cadre d'indemnisation de
deux ans.
a) La loi s'interprète en premier lieu selon sa
lettre. Selon la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au
sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation
que lorsque des raisons objectives permettent de penser que
ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposi-
tion en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux
préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi
que de la systématique de la loi. Si le texte n'est pas
absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci
sont possibles, il convient de rechercher quelle est la vé-
ritable portée de la norme, en la dégageant de tous les
éléments à considérer, soit notamment des travaux prépara-
toires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des
valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation
avec d'autres dispositions légales (ATF 126 II 80 con-
sid. 6d, 126 III 104 consid. 2c, 126 V 58 consid. 3, 105
consid. 3 et les références).
b) Le délai d'attente général de cinq jours n'est pas
comme tel une condition du droit à l'indemnité, mais il
retarde simplement la naissance de ce dernier (DTA 2000
n° 19 p. 93 consid. 3a). Il revêt avant tout un caractère
de «franchise» supplémentaire, l'idée étant que l'on peut
attendre d'un assuré qu'il prenne à sa charge une part
financière minimale de la prévoyance chômage. Ainsi que
cela ressort des travaux préparatoires [BO 1994 CN 1579
(David, rapporteur); BO 1994 CN 1580 (Couchepin, rappor-
teur); BO 1994 CN 1581 (Delamuraz, conseiller fédéral);
message du Conseil fédéral du 19 octobre 1994 à l'appui de
mesures urgentes visant à alléger les finances de la
Confédération, (FF 1994 V 569)], tel est le but de
l'anc. art. 18 al. 1bis LACI introduit dans la loi par
l'arrêté fédéral du 16 décembre 1994 sur les mesures
d'assainissement concernant l'assurance-chômage, devenu
l'art. 18 al. 1 LACI, dans sa teneur en vigueur depuis le
1er janvier 1996.
Dès lors que l'art. 18 al. 1 LACI met à la charge des
assurés une part financière minimale de la prévoyance chô-
mage sous la forme de jours d'attente, il est conforme au
but et au sens de cette disposition légale que les cinq
jours de chômage contrôlés qui constituent le délai
d'attente général puissent être portés en déduction des
indemnités dans n'importe quel décompte mensuel durant le
délai-cadre d'indemnisation.
6.- Contrairement à l'avis des premiers juges, il
n'est pas nécessaire que les conditions d'une redéfinition
du gain assuré (art. 37 al. 4 OACI) soient réalisées pour
procéder à la déduction des jours d'attente.
Il faut et il suffit, pour opérer cette déduction, que
les conditions du cas de rigueur - sur la délimitation des
cas de rigueur, cf. le commentaire de l'OFIAMT dans le pro-
jet de révision de l'OACI du 21 septembre 1995 - fixées par
le Conseil fédéral à l'art. 6a al. 2 OACI ne soient plus
remplies, ce qui entraîne l'application du délai d'attente
général de cinq jours de l'art. 18 al. 1 LACI.
Dans le cas d'espèce, l'obligation d'entretien de
l'intimé envers son fils a pris fin le 31 juillet 1999. Les
conditions du cas de rigueur n'étant plus remplies, on ne
saurait reprocher à la caisse d'avoir opéré la déduction
des jours d'attente dans le décompte du 26 août 1999.
7.- L'intimé, qui succombe, ne saurait prétendre une
indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159
al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances
p r o n o n c e :
I. Le recours est admis et le ch. II let. b du dispositif
du jugement du Tribunal administratif du canton de
Vaud, du 15 septembre 2000, est annulé.
II. Il n'est pas perçu de frais de justice.
III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Vaud, au Service
de l'emploi de l'Etat de Vaud et à la Caisse de
chômage SIB.
Lucerne, le 18 juin 2001
Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :
Le Greffier :