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15/06/2001 | SUISSE | N°H.29/01

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 juin 2001, H.29/01


«AZA 7»
H 29/01 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Vallat, Greffier

Arrêt du 15 juin 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Yves
Grandjean, avocat, rue du Concert 2, 2001 Neuchâtel 1,

contre

Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de
l'Hôpital 28, 2001 Neuchâtel, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- A.________ a été admi

nistrateur unique avec
signature individuelle des sociétés X.________ SA
et Z.________ SA depuis la constitution de celles-ci; les
f...

«AZA 7»
H 29/01 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Vallat, Greffier

Arrêt du 15 juin 2001

dans la cause

A.________, recourant, représenté par Maître Yves
Grandjean, avocat, rue du Concert 2, 2001 Neuchâtel 1,

contre

Caisse cantonale neuchâteloise de compensation, Faubourg de
l'Hôpital 28, 2001 Neuchâtel, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- A.________ a été administrateur unique avec
signature individuelle des sociétés X.________ SA
et Z.________ SA depuis la constitution de celles-ci; les
faillites de ces sociétés ont été prononcées les 19 mars et
30 avril 1998.

Par deux décisions, des 15 et 23 février 1999, la
Caisse cantonale neuchâteloise de compensation (ci-après :
la caisse) a condamné A.________ à payer les sommes de
28 889 fr. 80 et de 2811 fr. 90, à titre de réparation du
dommage résultant du non-paiement des cotisations d'assu-
rances sociales dues respectivement par X.________ et
Z.________.
A.________ a formé opposition en temps utile contre
ces deux décisions.

B.- Saisi par la caisse, le Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel a condamné A.________ à payer à cette
dernière 25 047 fr. 95 et 2224 fr. 65 à titre de réparation
du dommage, par jugement du 30 novembre 2000.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement. Il conclut à son annulation,
principalement à libération des fins de l'action de la
caisse et, à titre subsidiaire, au renvoi de la cause aux
premiers juges.
La caisse conclut au rejet du recours, cependant que
l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se
déterminer.

Considérant en droit :

1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, mais la
responsabilité du recourant pour le préjudice subi par
l'intimée au regard de l'art. 52 LAVS, le Tribunal fédéral
des assurances doit se borner à examiner si les premiers
juges ont violé le droit fédéral, y compris par l'excès ou
par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si les faits
pertinents ont été constatés d'une manière manifestement
inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis au mépris
de règles essentielles de procédure (art. 132 en corréla-
tion avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.- a) Le recourant reproche en premier lieu à l'au-
torité cantonale une violation de son droit d'être enten-
du. Ce grief de nature formelle, qui pourrait amener la
cour de céans à annuler le jugement entrepris et à ren-
voyer la cause à l'autorité cantonale sans examen du
litige sur le fond, doit être examiné en premier lieu (ATF
124 V 92 consid. 2, 119 V 210 consid. 2).

b) En substance, le recourant soutient que l'autorité
cantonale a violé son droit d'être entendu en refusant de
procéder à l'audition en qualité de témoin d'un employé de
la caisse. Selon lui, cette audition aurait permis de
démontrer que, depuis 1997 et jusqu'à la faillite des
sociétés X.________ et Z.________, la caisse avait
manifesté son accord quant à la poursuite de l'exploita-
tion de ces dernières malgré les difficultés qu'elles
éprouvaient à s'acquitter des charges sociales et admis
qu'il était préférable de privilégier le versement de
celles-ci pour le compte de Z.________, entreprise la plus
active.
Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'invité
par le tribunal administratif à préciser sur quels faits
le témoin devait être entendu, le recourant, qui était
alors assisté, a indiqué qu'il entendait démontrer de la
sorte «son absence de négligence quant au suivi des
contacts avec la caisse» (lettre du 15 mars 2000). Or,
comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, ce
fait, qui n'est pas de nature à exculper le recourant au
regard de l'art. 52 LAVS, n'était pas pertinent pour
l'issue du litige. Le refus d'entendre le témoin ne cons-
titue dès lors pas une violation du droit d'être entendu
du recourant à qui il incombait, en vertu de son devoir de
collaborer à la procédure, d'alléguer d'éventuels motifs
exculpatoires (cf. ATF 108 V 187 consid. 1b), et, à titre
corollaire, d'indiquer avec suffisamment de précision
lesquels de ces faits il entendait prouver par l'audition
du témoin.

Au demeurant, selon la lettre adressée par la caisse
au recourant le 3 juin 1997 et contresignée par ce der-
nier, il avait été convenu entre les parties que,
X.________ cessant son activité au 1er juin 1997, les
cotisations arriérées des deux sociétés seraient amorties
par des versements de 2000 fr. par mois et que les
cotisations courantes de Z.________ seraient payées à
l'échéance. Or, selon les pièces du dossier, aucun autre
arrangement n'avait été trouvé avec la caisse intimée ni
au mois de novembre 1997 (lettre adressée le 24 novembre
1997 par le conseil du recourant à D.________), ni au mois
de janvier 1998 (lettre adressée par la caisse au recou-
rant le 30 janvier 1998). Il se justifiait dès lors de
renoncer à l'audition requise sur la base d'une apprécia-
tion anticipée des preuves déjà, un tel procédé ne portant
pas atteinte au droit d'être entendu (ATF 124 V 94
consid. 4b).
Le grief formel invoqué par le recourant doit ainsi
être écarté et il convient d'examiner le mérite de son
recours sur le fond.

3.- La condition essentielle de l'obligation de répa-
rer le dommage consiste, selon le texte même de l'art. 52
LAVS, dans le fait que l'employeur a, intentionnellement ou
par négligence grave, violé des prescriptions et ainsi
causé un préjudice. L'intention et la négligence consti-
tuent différentes formes de la faute. L'art. 52 LAVS
consacre en conséquence une responsabilité pour faute
résultant du droit public. Il n'y a obligation de réparer
le dommage, dans un cas concret, que s'il n'existe aucune
circonstance justifiant le comportement fautif de l'em-
ployeur ou excluant l'intention et la négligence grave. A
cet égard, on peut envisager qu'un employeur cause un
dommage à la caisse de compensation en violant intention-
nellement les prescriptions en matière d'AVS, sans que cela
entraîne pour autant une obligation de réparer le préju-
dice. Tel est le cas lorsque l'inobservation des prescrip-
tions apparaît, au vu des circonstances, comme légitime et

non fautive (ATF 108 V 186 consid. 1b, 193 consid. 2b; RCC
1985 p. 603 consid. 2, 647 consid. 3a). Ainsi, il peut
arriver qu'en retardant le paiement de cotisations, l'em-
ployeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par
exemple lors d'une passe délicate dans la trésorerie. Mais
il faut alors, pour qu'un tel comportement ne tombe pas
ultérieurement sous le coup de l'art. 52 LAVS, que l'on
puisse admettre que l'employeur avait, au moment où il a
pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de
penser qu'il pourrait s'acquitter des cotisations dues dans
un délai raisonnable (ATF 108 V 188; RCC 1992 p. 261 con-
sid. 4b).

4.- a) Pour l'essentiel, le recourant soutient que les
efforts qui ont été déployés dans le courant de l'année
1997 pour mettre sur pieds un plan de sauvetage de
X.________ et Z.________ constituaient des raisons objecti-
ves de penser qu'il pourrait s'acquitter de sa dette dans
un délai raisonnable et que, partant, aucune faute ne peut
lui être reprochée au regard de l'art. 52 LAVS.

b) Selon les constatations des premiers juges,
X.________ était largement déficitaire dès fin 1995 déjà,
avec des pertes au bilan de 110 371 fr. au 31 décembre
1995, 106 010 fr. 85 au 31 décembre 1996 et 20 703 fr. au
31 décembre 1997, le rapport de l'organe de révision
faisant par ailleurs état d'un surendettement au sens de
l'art. 725 al. 2 CO pour ces deux derniers exercices. En ce
qui concerne les cotisations d'assurances sociales, cette
société accusait des arriérés en 1994 et 1995 déjà, qui se
montaient à plus de 20 000 fr. dès septembre 1996, crois-
sant encore en 1997. Sous réserve d'un versement de
4000 fr. payé en août 1997, les acomptes mensuels de
2000 fr. demandés par la caisse afin d'amortir l'arriéré
(lettre du 3 juin 1997) n'ont pas été payés, pas plus que
les cotisations courantes depuis septembre 1995.

A cet égard, c'est en vain que le recourant objecte
que X.________ était parfaitement à jour, s'agissant de ses
cotisations, jusqu'au 20 septembre 1995, et conteste
l'existence d'arriérés en 1994 et 1995. Il ressort en effet
des décomptes produits par la caisse, et auxquels le recou-
rant se réfère, que X.________ était bien en retard dans le
paiement de ses cotisations notamment de janvier à mars
1994 (9317 fr. 95, dont à déduire les cotisations d'alloca-
tions familiales) et en décembre 1995 (8188 fr., dont à
déduire les cotisations d'allocations familiales) et qu'un
seul acompte de 4000 fr. a été payé le 18 août 1997. La
cour de céans est dès lors liée par ces constatations de
fait (art. 105 al. 2 OJ).

c) En ce qui concerne la société Z.________, les
premiers juges ont constaté qu'elle était largement défi-
citaire dès fin 1996 (23 320 fr. 85, respectivement
47 442 fr. 62 de pertes au bilan pour les exercices 1996 et
1997). Par ailleurs, comme pour X.________, l'organe de
révision a constaté un surendettement au sens de l'art. 725
al. 2 CO à l'issue des exercices 1996 et 1997. La société
accusait en 1996 déjà des arriérés de cotisations, certes
momentanément ramenés à zéro, mais ayant à nouveau augmenté
en 1997, aucun acompte n'ayant par ailleurs été versé en-
suite de la lettre de la caisse du 3 juin 1997.
Ici encore, c'est en vain que le recourant allègue que
Z.________ était créancière de la caisse, par 78 fr. 50, au
12 février 1997. Il n'en demeure pas moins, en effet, que
cette société accusait du retard dans le paiement de ses
cotisations d'assurances sociales entre février et avril
1996 déjà, puis, à nouveau, dans une mesure plus impor-
tante, dès février 1997 et jusqu'à l'ouverture de sa
faillite.

d) Les premiers juges ont déduit de ce qui précède
que, antérieurement aux difficultés de trésorerie reconnues
par A.________ en 1997, ses deux sociétés, qui accusaient
d'importants arriérés de cotisations, étaient déjà dans une
situation financière très difficile. Le recourant aurait
dès lors dû constater, en faisant preuve de l'attention que
l'on pouvait exiger de lui, que X.________ et Z.________ ne
souffraient pas seulement d'un manque provisoire de dispo-
nibilités mais étaient lourdement endettées et qu'il n'y
avait en réalité aucune chance de voir leur situation
s'améliorer rapidement, d'une manière décisive.
On ne peut qu'adhérer à cette appréciation. On ne sau-
rait en effet qualifier de simple passe délicate dans la
trésorerie au sens de la jurisprudence citée ci-dessus, la
situation de X.________ et Z.________, dans la mesure où le
non-paiement des cotisations d'assurances sociales s'est
prolongé, pour l'une des sociétés tout au moins, sur
plusieurs années de manière récurrente. A cela, la tenta-
tive d'assainissement de ces sociétés, intervenue dans le
courant de l'année 1997 seulement, ne change rien, quand
bien même elle a vraisemblablement eu pour conséquence,
comme le soutient le recourant, de réduire les pertes de
X.________ pour l'exercice 1997. Cette démarche ne saurait
en effet en aucun cas justifier le non-paiement des cotisa-
tions d'assurances sociales dès 1995 et, en particulier,
s'agissant de X.________, entre décembre 1995 et l'ouver-
ture de la faillite.
Le recours se révèle ainsi mal fondé.

5.- La procédure, qui n'a pas pour objet l'octroi ou
le refus de prestations d'assurances, n'est pas gratuite
(art. 134 OJ). Le recourant, qui succombe, en supportera
les frais.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de la cause, par 1900 fr., sont mis à la
charge de A.________ et sont compensés avec l'avance
d'un même montant effectuée par le recourant.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, ainsi
qu'à l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 juin 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.29/01
Date de la décision : 15/06/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-15;h.29.01 ?
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