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14/06/2001 | SUISSE | N°4C.112/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 juin 2001, 4C.112/2001


«/2»

4C.112/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

14 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Charif Feller.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

B.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Bernard
Ambord, avocat à Sion,

et

C.________, demandeur et intimé, représenté par Me Nicolas
Fardel, avocat à Sion;

(responsabilité du propriétaire d'ouvra

ge;
dommages-intérêts;
prescription; application de la LCA).

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

...

«/2»

4C.112/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

14 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Charif Feller.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

B.________, défendeur et recourant, représenté par Me
Bernard
Ambord, avocat à Sion,

et

C.________, demandeur et intimé, représenté par Me Nicolas
Fardel, avocat à Sion;

(responsabilité du propriétaire d'ouvrage;
dommages-intérêts;
prescription; application de la LCA).

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) C.________, propriétaire d'une parcelle, bé-
néficiait d'une servitude de passage sur la parcelle voisine
appartenant à B.________ lequel, par convention judiciaire,
s'était engagé en raison de l'affaissement de la chaussée à
construire un mur de soutènement, qui n'a jamais été réalisé
en dépit de nombreux rappels. La dégradation croissante du
revêtement de la route a contraint C.________ à installer un
panneau de coffrage à l'endroit où un trou s'était formé.

Le 20 octobre 1992, G.________ se dirigeait vers le
domicile de son père, lorsque le véhicule qu'il conduisait a
quitté la chaussée. La roue avant droite s'est alors encas-
trée dans ledit trou, le panneau de coffrage fixé sur celui-
ci ayant été délibérément enlevé par B.________. C.________
s'est empressé de porter secours à son fils. Dans sa hâte et
en raison de l'obscurité, il a chuté devant la maison de
B.________ dans un saut-de-loup profond de plusieurs mètres,
qui n'était plus protégé. Il a subi des blessures, qui ont
entraîné une invalidité permanente de 75%, et l'ont obligé à
réduire son activité puis à fermer son entreprise.

Pour ces faits, le juge du district de Sion a, le
16 décembre 1993, reconnu B.________ coupable de lésions cor-
porelles graves par négligence (art. 125 al. 2 CP), de domma-
ges à la propriété (art. 145 al. 1 CP), de violation des rè-
gles de l'art de construire (art. 229 al. 1 CP) et d'entrave
à la circulation publique (art. 237 ch. 1 CP). B.________ a
été condamné à huit mois d'emprisonnement, avec sursis
durant
deux ans. Les prétentions civiles ont été réservées et ren-
voyées. Ce jugement a été confirmé par le Tribunal d'arron-
dissement, puis par le Tribunal fédéral le 11 janvier 1995.

b) Suite à cet accident, la Caisse cantonale va-
laisanne de compensation a fixé à 70% le degré d'invalidité
de C.________ et lui a octroyé une rente AI. Depuis 1975,
C.________ est assuré auprès de X.________ assurance-vie
(ci-après: X.________). Il est preneur d'une police de pré-
voyance liée comprenant une assurance principale (décès) et
des assurances additionnelles (dont une rente fixe en cas
d'incapacité de gain de 20 000 fr.). Il est également
preneur
d'une police prévoyant une assurance additionnelle en cas
d'incapacité de gain. Cette dernière rente additionnelle
s'élevait initialement à 32 000 fr. par an. Sur la base de
cette police, C.________ a touché chaque année des montants
de l'ordre de 45 000 fr.

B.- Par mémoire-demande du 13 juin 1997, C.________
a ouvert action contre B.________ en paiement de 420 587
fr.,
plus intérêts, à titre de dommages corporels, conclusion
portée finalement à 493 503 fr. en cours de procédure. Il a
également conclu à l'allocation d'une somme de 30 000 fr., à
titre de réparation du tort moral. Le défendeur a conclu au
rejet des conclusions du demandeur.

Par jugement du 1er mars 2001, la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais a condamné le défen-
deur à verser au demandeur 493 503 fr., à titre d'indemnité
pour gain manqué, et une indemnité pour tort moral de
20 000 fr., avec intérêts à 5% dès le 1er novembre 1992.

C.- En temps utile, le défendeur interjette un re-
cours en réforme au Tribunal fédéral. Il conclut principale-
ment à la réforme du jugement cantonal, en ce sens que celui-
ci est annulé et la demande écartée, subsidiairement au ren-
voi de la cause à l'autorité cantonale.

Par décision incidente du 11 mai 2001, la Ie Cour
civile a rejeté la demande d'assistance judiciaire, formée

par le défendeur, pour le motif qu'un premier examen du re-
cours permettait de conclure que les moyens invoqués ne ré-
vélaient nullement la prétendue violation par la cour canto-
nale des dispositions relatives à la prescription ou à la
LCA. Le défendeur a néanmoins fait l'avance de frais qui lui
a été demandée.

Le demandeur n'a pas été invité à déposer une ré-
ponse.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La cour cantonale a fait application de
l'art. 60 al. 2 CO, qui prévoit que si les dommages-intérêts
dérivent d'un acte punissable soumis par les lois pénales à
une prescription de plus longue durée qu'un an, cette pres-
cription s'applique à l'action civile. Constatant que le dé-
fendeur a été reconnu coupable de lésions corporelles
graves,
au sens de l'art. 125 al. 2 CP, pour les mêmes faits que
ceux
de la présente cause, et que pour un tel délit l'action péna-
le se prescrit par cinq ans (art. 70 CP), la cour a appliqué
ce délai de cinq ans à l'action en cours. Elle a retenu que,
contrairement à l'avis du défendeur, aucune durée supérieure
à ce délai est restée ininterrompue et jugé que l'action du
demandeur n'était pas prescrite.

b) Le défendeur reproche à la cour cantonale la
violation des articles 60 al. 2, 127 et 138 CO relatifs à la
prescription. Il fait valoir qu'après l'ouverture d'action,
le 13 juin 1997, l'instruction de la cause a été déclarée
close en date du 1er juillet 1999 et que, jusqu'à la
citation
du Tribunal cantonal du 23 novembre 2000, il n'y a eu aucune
décision judiciaire, lettre ou requête de la partie demande-

resse. Le dossier serait donc resté en suspens près de 17
mois.

Le défendeur relève que la jurisprudence tant fédé-
rale (ATF 75 II 227) que cantonale (RVJ 1985 p. 135/139) a
examiné le fondement de l'art. 134 CO et en a déduit que la
suspension de la prescription devait être limitée aux cas
énumérés par la loi. Le défendeur invoque aussi l'ATF 123 II
214/216 consid. 3 (recte: ATF 123 III 213 consid. 3 p. 216),
qui pose que "selon le droit fédéral, la prescription court
aussi pour les créances prescriptibles durant les procédures
judiciaires pendantes, à moins que l'un des états de fait dé-
crits à l'art. 134 CO ne soit réalisé".

Pour le défendeur, la prescription, qu'elle soit
pénale ou civile, aurait commencé à courir dès le dépôt du
mémoire-demande le 13 juin 1997 et serait soumise aux règles
ordinaires des art. 135 et 138 CO. Toute autre
interprétation
de la prescription serait contraire au droit fédéral.

c) La cour cantonale a correctement appliqué les
art. 135 et 138 CO. Chaque acte interruptif de la prescrip-
tion a fait courir un nouveau délai de prescription, lequel
est bien de cinq ans en l'espèce, en application de l'art.
60
al. 2 CO. De plus, la durée de cinq ans ne s'est jamais écou-
lée entre deux actes interruptifs. Comme l'on ne se trouve
pas dans un cas d'empêchement ou de suspension, prévu à
l'art. 134 CO, l'invocation par le défendeur de la jurispru-
dence se rapportant à cette disposition est aussi vaine que
déplacée. On ne peut que se rallier aux motifs complets et
pertinents développés par la cour cantonale dans le jugement
atttaqué (p. 19-21).

2.- a) La cour cantonale n'a pas suivi le défen-
deur, qui estimait que les rentes allouées au demandeur par
X.________ devaient être déduites de la prétention en domma-

ges-intérêts, parce que les assurances additionnelles en cau-
se ne constituaient pas des assurances de sommes. Elle a re-
tenu que, selon l'art. 96 LCA, dans l'assurance de
personnes,
les droits que l'ayant droit aurait contre des tiers en rai-
son du sinistre ne passent pas à l'assureur, et qu'en consé-
quence, dans l'assurance contre les accidents, lorsque les
prestations relèvent de l'assurance de personnes, c'est-à-
dire lorsque l'on est en présence d'une assurance de sommes,
l'assureur n'est pas subrogé aux droits de l'ayant droit con-
tre le tiers responsable. Il en résulte que l'ayant droit
peut cumuler les prestations de l'assurance accidents avec
celles qui lui sont dues par le tiers.

Constatant que les polices d'assurance liant le de-
mandeur à X.________, au vu des conditions générales d'assu-
rance, portent sur des promesses en capital, indépendantes
du
montant effectif du préjudice subi par le preneur ou l'ayant
droit, et que lesdites polices ont fixé d'avance le montant
des prestations, la cour cantonale a jugé qu'elles relèvent
des assurances de personnes et, partant, qu'elles sont des
assurances de sommes. Dès lors, la règle découlant de l'art.
96 LCA, qui consacre le cumul des prétentions d'assurances,
leur est applicable.

b) Le défendeur se réfère à l'arrêt Contacta AG
(ATF 104 II 44) et à des avis de doctrine selon lesquels
l'assurance contre les accidents serait une assurance contre
les dommages. A ses yeux, le Tribunal cantonal ferait fi de
la jurisprudence du Tribunal fédéral et l'ignorerait délibé-
rément, violant ainsi les art. 72 et 96 LCA.

c) Le Tribunal cantonal a correctement appliqué les
règles posées par la jurisprudence et adoptées par la doctri-
ne, distinguant entre l'assurance de personnes (ou assurance
de sommes) et l'assurance contre les dommages. L'assurance
de
personnes se caractérise en effet, par rapport à l'assurance

contre les dommages, par sa nature non indemnitaire; elle
est
une promesse de capital, indépendante du montant effectif du
préjudice subi par l'ayant droit. En application de l'art.
96
LCA, qui dispose que les droits que l'ayant droit aurait con-
tre des tiers ne passent pas à l'assureur, l'ayant droit
peut
cumuler des prétentions contre l'assureur de personnes et le
responsable du sinistre (Viret, Droit des assurances
privées,
3ème éd., p. 153).

En l'espèce, au vu des conditions générales régis-
sant les assurances additionnelles conclues par le demandeur
avec X.________, on est manifestement en présence d'assuran-
ces de personnes, puisque ces assurances prévoient le verse-
ment de montants fixes arrêtés en fonction de l'incapacité
de
gain et non pas de la perte de gain effective ou du dommage
subi par l'assuré. Cette manière de voir est en tous points
conforme à la jurisprudence (ATF 119 II 361 consid. 4; 104
II
44 consid. 4d) et à l'avis de la doctrine (Entre autres:
Brehm, L'assurance privée contre les accidents, p. 38 ss;
Maurer, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 1995, p.
411-412; Kuhn/Montavon, Droit des assurances privées, p.
85-86; Zen-Ruffinen, La perte de soutien, p. 151-152).

A nouveau, sur ce moyen, on peut se rallier entiè-
rement aux motifs du jugement attaqué (p. 22-24).

3.- Le recours, manifestement mal fondé, ne peut
qu'être rejeté. Le défendeur supportera l'émolument judiciai-
re (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dé-
pens au demandeur qui n'a pas eu à se déterminer sur le re-
cours.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme le jugement atta-
qué;

2. Met un émolument judiciaire de 6000 fr. à la
charge du recourant;

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à IIe Cour civile du Tribunal cantonal
du canton du Valais.

___________

Lausanne, le 14 juin 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.112/2001
Date de la décision : 14/06/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-14;4c.112.2001 ?
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