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13/06/2001 | SUISSE | N°4C.94/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 13 juin 2001, 4C.94/2001


«/2»
4C.94/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

___________

Dans la cause civile
pendante entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Michel Bergmann, avocat à Genève,

et

E.________, demanderesse et intimée, représentée par Me Yves
Nidegger, avocat à Genève;

(indemnité de départ

conventionnelle; droit à la preuve)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- E.________ a été e...

«/2»
4C.94/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

13 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

___________

Dans la cause civile
pendante entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Michel Bergmann, avocat à Genève,

et

E.________, demanderesse et intimée, représentée par Me Yves
Nidegger, avocat à Genève;

(indemnité de départ conventionnelle; droit à la preuve)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- E.________ a été engagée par la banque
B.________ en 1988; elle était occupée à temps partiel (5
heures par jour) au service du trafic des paiements à
Genève.

A la suite d'une fusion avec la banque A.________,
celle-ci est devenue X.________ S.A.

La banque a décidé de transférer les activités de
trafic des paiements dans un nouveau centre. Un poste a été
proposé à E.________ dans ce centre, mais elle a refusé.

Dans un document du 22 septembre 1997 remis à l'as-
sociation suisse des employés de banque, la banque s'est en-
gagée, à certaines conditions, à verser des indemnités de dé-
part aux employés qui refuseraient le transfert de leur pos-
te.

Par lettre du 30 octobre 1997, la banque a licencié
E.________ pour le 31 janvier 1998.

B.- Le 20 mai 1998, E.________ a déposé devant la
juridiction des prud'hommes du canton de Genève une demande
en paiement dirigée contre la banque, réclamant à cette der-
nière la somme de 29 173 fr.60 à titre d'indemnité de départ.

Par jugement du 28 février 2000, le Tribunal des
prud'hommes a débouté E.________ de toutes ses conclusions.

Par arrêt du 22 janvier 2001, la Cour d'appel a an-
nulé ce jugement et a condamné X.________ S.A. à verser à
E.________ la somme de 26 808 fr.15. En substance, la cour

cantonale a retenu, sur la base d'un certificat médical
produit dans la procédure, que E.________ souffrait du pied
et de la cheville et que ce mal était susceptible d'être
aggravé par une activité sédentaire prolongée; la cour can-
tonale a estimé que l'employée avait ainsi des raisons sé-
rieuses de refuser le transfert à Bussigny.

C.- X.________ S.A. recourt en réforme au Tribunal
fédéral. Invoquant une violation des art. 8 CC et 328 CO,
elle conclut à l'annulation de la décision attaquée et au
déboutement de sa partie adverse; subsidiairement, elle de-
mande le renvoi de la cause à la cour cantonale.

L'intimée invite le Tribunal fédéral à déclarer le
recours irrecevable, subsidiairement à le rejeter, et à con-
firmer l'arrêt attaqué.

D.- Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a re-
jeté, dans la mesure où il était recevable, un recours de
droit public formé parallèlement par la recourante.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours en réforme est ouvert pour se plain-
dre d'une violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il
ne permet en revanche pas d'invoquer la violation directe
d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2ème
phrase
OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 126 III 189 con-
sid. 2a; 126 III 376 consid. 5; 125 III 305 consid. 3e). Le
recours en réforme n'est pas ouvert non plus pour se
plaindre
de l'appréciation des preuves et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 126 III 189 consid. 2a; 122 III 26 con-
sid. 4a/aa), même sous couvert de l'art. 8 CC comme le fait
en l'espèce la recourante.

2.- a) Pour toutes les prétentions fondées sur le
droit fédéral (ATF 123 III 35 consid. 2d), l'art. 8 CC répar-
tit le fardeau de la preuve - sous réserve d'une règle spé-
ciale instituant une présomption - et détermine, sur cette
base, laquelle des parties doit assumer les conséquences de
l'échec de la preuve (ATF 126 III 189 consid. 2b).

En l'espèce, il n'apparaît pas que la cour cantona-
le aurait renversé le fardeau de la preuve. Il aurait fallu
pour cela qu'elle parvienne à la conclusion qu'un point de
fait était douteux - ce qui n'est pas le cas - et qu'elle
ait
alors décidé de trancher la question incertaine dans un sens
défavorable à la partie qui n'avait pas le fardeau de la
preuve.

Il a été également déduit de l'art. 8 CC un droit à
la preuve (ATF 126 III 315 consid. 4a; 122 III 219 consid.
3c) et à la contre-preuve (ATF 126 III 315 consid. 4a; 120
II
393 consid. 4b). En effet, l'art. 8 CC, qui constitue une rè-
gle sur le fardeau de la preuve, serait éludé si le juge ad-
mettait (ou écartait) un fait contesté sans aucun raisonne-
ment ni aucun commencement de preuve dans ce sens (Corboz,
Le
recours en réforme au Tribunal fédéral, in SJ 2000 II 1 ss
p.
41).

En l'espèce, la cour cantonale est parvenue à une
conviction en analysant l'ensemble des éléments dont elle
disposait, tenant compte notamment de l'attitude de la recou-
rante dans la procédure. Dans ces circonstances, on ne sau-
rait dire qu'elle a admis un fait contesté sans aucun raison-
nement ni aucun commencement de preuve.

Savoir si la cour cantonale a correctement analysé
les éléments qui lui étaient soumis est une question qui ne
relève pas de l'art. 8 CC. Elle relève de l'appréciation des

preuves qui, comme on l'a vu, ne peut donner matière à un re-
cours en réforme.

Il faut encore rappeler que l'art. 8 CC ne détermi-
ne pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être
ordonnées (ATF 122 III 219 consid. 3c; 119 III 60 consid.
2c). Il ne s'oppose pas à ce que le juge renonce à une
mesure
probatoire à la suite d'une appréciation anticipée des preu-
ves (ATF 126 III 315 consid. 4a; 122 III 219 consid. 3c). Il
ne dicte pas non plus comment le juge peut forger sa convic-
tion (ATF 122 III 219 consid. 3c; 119 III 60 consid. 2c).
C'est dire que l'argumentation que développe la recourante
en
ce qui concerne l'absence d'expertise est vaine.

En définitive, il apparaît donc que l'ensemble des
problèmes soulevés par la défenderesse en relation avec
l'art. 8 CC relève de l'appréciation des preuves, laquelle
ne
peut être revue, sous l'angle restreint de l'arbitraire, que
par la voie d'un recours de droit public.

b) Il ressort des constatations cantonales - qui
lient le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme sauf
exception non réalisée en l'espèce (art. 63 al. 2 OJ) - que
le plan d'indemnisation applicable aux employés qui ont refu-
sé le transfert à Bussigny n'a pas fait l'objet d'un accord
passé avec une association de travailleurs, de sorte qu'il
ne
constitue pas un plan social, c'est-à-dire une forme particu-
lière de convention collective de travail (cf. arrêt non pu-
blié du 5 janvier 1999 dans la cause 4C.264/1998 consid. 6a).

Il n'en demeure pas moins que le plan adopté par la
recourante ne se présente pas comme une offre transactionnel-
le, mais bien comme une manifestation de volonté incondition-
nelle destinée à produire des effets juridiques. Le plan a
été remis à l'association professionnelle à l'intention de
ses membres et il n'est pas contesté qu'il était destiné à

tous les employés et que ceux-ci en ont eu connaissance. Dès
lors que le plan ne présentait que des avantages pour les em-
ployés, le silence de ceux-ci vaut acceptation (cf. art. 6
CO; Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd.,
p.
204; Eugen Bucher, Commentaire bâlois, n° 12 ad art. 6 CO;
Schmidlin, Commentaire bernois, n° 30 ad art. 6 CO;
Schönenberger/Jäggi, Commentaire zurichois, n° 28 ad art. 6
CO). Il constitue donc un engagement contractuel, qui lie la
recourante.

En l'absence de toute constatation cantonale sur la
volonté réelle des parties, la manifestation de volonté de
la
recourante doit être interprétée conformément au principe de
la confiance, c'est-à-dire selon le sens que son
destinataire
pouvait lui donner de bonne foi en fonction de l'ensemble
des
circonstances (sur le principe de la confiance: cf. ATF 126
III 375 consid. 2e/aa; sur le pouvoir d'examen du Tribunal
fédéral en cette matière: cf. ATF 126 III 25 consid. 3c; 126
III 375 consid. 2e/aa; 125 III 435 consid. 2a/aa).

Que la recourante ait établi un document unique,
sans aucune référence nominative, pour régir de façon généra-
le l'octroi de l'indemnité de départ aux employés montre
qu'elle entendait traiter ceux-ci de la même manière en fonc-
tion de critères objectifs. La volonté d'assurer une égalité
de traitement entre les employés ressort clairement de la dé-
marche choisie et cette conclusion ne viole en rien les rè-
gles du droit fédéral sur l'interprétation des
manifestations
de volonté.

Il est donc parfaitement vain de se demander si et
à quelles conditions la garantie constitutionnelle de l'éga-
lité, contenue à l'art. 8 Cst., pourrait être invoquée dans
des rapports entre particuliers; il n'y a pas davantage à se
demander si et dans quelle mesure le principe de l'égalité
de
traitement est contenu implicitement à l'art. 328 al. 1 CO.

La volonté d'assurer l'égalité de traitement ressort de l'ac-
cord des parties, ce qui est suffisant pour que la
recourante
y soit tenue.

La cour cantonale a constaté - d'une manière qui
lie le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ) - que des
critères
objectifs ont été dégagés par la recourante pour déterminer
l'octroi à l'indemnité de départ. Chacun de ces critères
(l'état de santé, le taux d'activité, la situation financiè-
re, l'éloignement du domicile) implique un certain pouvoir
d'appréciation.

En l'espèce, la cour cantonale a retenu l'un des
critères prévu par la recourante, en exerçant le pouvoir
d'appréciation qu'il impliquait. On ne voit pas en quoi elle
aurait violé les règles du droit fédéral sur
l'interprétation
des manifestations de volonté. On ne discerne pas davantage
de violation du droit fédéral dans la condamnation de la re-
courante à tenir son engagement contractuel.

L'argumentation de la recourante sur l'égalité de
traitement et le cas de comparaison est parfaitement vaine:
elle ne soutient pas que l'arrêt cantonal aurait créé une
inégalité de traitement contraire à l'engagement
contractuel;
elle affirme au contraire qu'il n'y avait pas de cas qui
soit
véritablement comparable.

En estimant, sur la base de l'état de fait qu'elle
a arrêté souverainement, que l'intimée remplissait les condi-
tions de l'engagement contractuel pris par la recourante, la
cour cantonale n'a nullement violé le droit fédéral.

3.- Compte tenu de la date de la présente décision,
il faut appliquer la nouvelle teneur de l'art. 343 al. 2 et
3
CO (cf. ATF 115 II 30 consid. 5a).

Selon la prétention de la demanderesse à l'ouvertu-
re de l'action (cf. ATF 100 II 358 consid. a), la valeur li-
tigieuse ne dépasse pas 30 000 fr. (art. 343 al. 2 et 3 CO),
de sorte que la procédure est gratuite.

En revanche, des dépens sont dus par la partie qui
succombe (ATF 115 II 30 consid. 5c; 110 II 273 consid. 3).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciai-
re;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 2000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction
des
prud'hommes genevoise (Cause n° C/13892/1998-4).

____________

Lausanne, le 13 juin 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.94/2001
Date de la décision : 13/06/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-13;4c.94.2001 ?
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