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12/06/2001 | SUISSE | N°4C.98/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 juin 2001, 4C.98/2001


«/2»

4C.98/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

12 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu
et Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A. en liquidation concordataire, défenderesse
et
recourante, représentée par Me Filippo Ryter, avocat à
Lausanne,

et

1. C.________, demanderesse et intimée, représentée par
Me Marcel Bersier, avocat à
Genève,

ainsi que

2. la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue
Caroline 9, à Lausanne, intervenante;

(contrat de travail;...

«/2»

4C.98/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

12 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu
et Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A. en liquidation concordataire, défenderesse
et
recourante, représentée par Me Filippo Ryter, avocat à
Lausanne,

et

1. C.________, demanderesse et intimée, représentée par
Me Marcel Bersier, avocat à
Genève, ainsi que

2. la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage, rue
Caroline 9, à Lausanne, intervenante;

(contrat de travail;
résiliation immédiate pour justes motifs)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat du 18 mars 1998, la Compagnie de
navigation aérienne X.________ S.A. (ci-après: X.________) a
engagé C.________ en qualité d'hôtesse de l'air pour un sa-
laire mensuel brut de 3'320 fr. A l'expiration d'une période
d'essai de 3 mois débutant le 1er avril 1998, le contrat
était réputé conclu pour trois ans.

Le 7 décembre 1998, X.________ a sollicité et ob-
tenu un sursis concordataire pour une durée de six mois. Ce
sursis a été prolongé par la suite.

A la même époque, X.________ a licencié l'ensemble
de son personnel.

C.________, qui avait mandaté un avocat avec deux
autres collaborateurs, a protesté en faisant valoir que la
résiliation contrevenait à son contrat de travail. Des négo-
ciations s'engagèrent avec la direction de la société pour
tenter de trouver de nouveaux emplois aux trois intéressés.

Le 5 mai 1999, X.________ a invité C.________ et
ses deux collègues à se présenter deux jours plus tard dans
le bureau du président du conseil d'administration de
X.________, afin de discuter des "possibilités éventuelles
de
placement". Cette invitation n'était assortie d'aucune
menace
de licenciement en cas d'absence et ne formulait pas le moin-
dre grief à l'encontre de son destinataire. A cette époque,
X.________ avait cessé toutes ses activités.

C.________ a pris contact avec son mandataire, qui
lui a indiqué que l'un des deux autres employés concernés,

absent de Suisse, ne pouvait assister à cette réunion. Il a
alors été convenu de solliciter un report du rendez-vous.

Par l'intermédiaire de leur avocat, les trois em-
ployés ont aussitôt répondu à X.________ qu'ils n'étaient
pas
en mesure de donner suite à la convocation et ont proposé un
rendez-vous de remplacement le 17 mai suivant.

Par courrier du 10 mai 1999, X.________ a résilié
avec effet immédiat le contrat de travail de C.________ en
raison du refus de l'employée de se présenter à la réunion
prévue trois jours plus tôt.

B.- Le 25 mai 1999, C.________ a contesté le congé
donné avec effet immédiat et elle a ouvert action devant le
Tribunal des prud'hommes du canton de Genève, demandant la
condamnation de X.________ à lui payer le montant de
100'085 fr. représentant sa rémunération de mai 1999 à mars
2001, ainsi que diverses autres indemnités.

La Caisse publique cantonale vaudoise de chômage
est intervenue à la procédure en qualité de créancière subro-
gée pour un montant net de 9'490,30 fr. correspondant aux al-
locations versées à C.________ entre mai et novembre 1999.

Le 21 mars 2000, le Tribunal de 1ère instance a ho-
mologué le concordat par abandon d'actifs de X.________.

Par jugement du 30 mai 2000, le Tribunal des
prud'hommes a rejeté la demande de C.________, considérant
que le congé se fondait sur de justes motifs.

Contre ce jugement, C.________ a déposé un appel.
La Caisse publique cantonale vaudoise de chômage s'est
jointe
à sa démarche.

Par arrêt du 31 janvier 2001, la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes a annulé le jugement attaqué.
Statuant à nouveau, elle a condamné X.________ en
liquidation
concordataire à payer à C.________ la somme brute de
12'303,05 fr. pour la perte de salaire entre la seconde moi-
tié du mois de mai et le 3 octobre 1999, sous déduction de
9'940,30 fr. nets à verser à la Caisse publique cantonale
vaudoise de chômage, et le montant de 550 fr. à titre de
remboursement de frais de voyage.

C.- Contre cet arrêt, X.________ en liquidation
concordataire (la défenderesse) interjette un recours en ré-
forme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'admission du re-
cours et à la réforme de l'arrêt du 31 janvier 2001 en ce
sens que C.________ est déboutée de toutes ses conclusions,
alors que ses propres conclusions libératoires sont admises.

Tout en demandant à titre préalable des sûretés
pour frais judiciaires et dépens, C.________ (la demanderes-
se) propose que X.________ en liquidation concordataire soit
déboutée de l'intégralité de ses conclusions.

La Caisse publique cantonale vaudoise de chômage
(l'intervenante) a déclaré, pour sa part, s'en remettre au
jugement du Tribunal fédéral.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté par la société qui a été condam-
née à verser différents montants à son ex-employée ainsi
qu'à
la caisse de chômage subrogée et dirigé contre un jugement
final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal
supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont

la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46
OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puis-
qu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ), dans
les formes requises (art. 55 OJ).

b) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédé-
ral doit conduire son raisonnement sur la base des faits con-
tenus dans la décision attaquée, à moins que des
dispositions
fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y
ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille
compléter les constatations de l'autorité cantonale parce
que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et
les
arrêts cités). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Dans la mesure où la défenderesse invoque des faits
qui n'ont pas été constatés par la cour cantonale, sans invo-
quer une exception lui permettant de s'en écarter, son re-
cours n'est pas admissible.

2.- Dans sa réponse, la demanderesse sollicite des
sûretés pour frais judiciaires et dépens en raison de l'in-
solvabilité de la défenderesse, conformément à l'art. 150
al.
2 OJ.
Selon la pratique du Tribunal fédéral, la fourni-
ture de telles sûretés ne peut pas être ordonnée pour des
frais déjà engagés (ATF 118 II 87 consid. 2; 79 II 295 con-
sid. 3 p. 305). La requête ayant en l'occurrence été déposée
en même temps que le mémoire de réponse au recours, elle est
devenue sans objet, puisque les juges ont tranché par voie
de
circulation (art. 36b OJ), de sorte que la demanderesse n'a
pas eu à supporter de frais supplémentaires.

3.- La défenderesse, se fondant sur l'art. 24 PCF,
demande la jonction des procédures pendantes devant le Tribu-
nal fédéral concernant ses trois employés.

Sur la base de cette disposition, applicable à ti-
tre subsidiaire aux procédures de recours au Tribunal
fédéral
(art. 40 OJ), la jonction de recours dirigés contre
plusieurs
parties peut effectivement être ordonnée (Jean-François
Poudret, COJ I, Berne 1990, art. 40 OJ no 2 p. 343). On ne
voit cependant pas quel intérêt pourrait avoir la défenderes-
se à cette jonction, dès lors qu'elle a de toute façon
déposé
trois recours en réforme distincts à l'encontre de chacun
des
arrêts cantonaux. Au demeurant, si les prétentions formées
par les trois employés ont le même fondement juridique,
elles
se rapportent à des salaires et à des circonstances différen-
tes, de sorte qu'il n'apparaît pas adéquat de joindre ces
trois causes au stade du recours en réforme.

4.- Invoquant une violation de l'art. 337 CO, la
défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir refusé
d'admettre l'existence de justes motifs de résiliation immé-
diate. Tout en soulignant que l'opinion des juges est en
principe conforme à la jurisprudence, la défenderesse sou-
tient qu'il aurait fallu tenir compte du fait que le contrat
de travail en cause était de durée déterminée.

a) Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'em-
ployeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le
contrat en tout temps pour de justes motifs. Doivent notam-
ment être considérées comme tels toutes les circonstances
qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas
d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des
rapports de travail (cf. art. 337 al. 2 CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate
pour justes motifs doit être admise de manière restrictive.
D'après la jurisprudence, seul un manquement
particulièrement
grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si
le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une rési-
liation immédiate que s'il a été répété malgré un avertisse-
ment (ATF 127 III 153 consid. 1a et les références citées).
Par manquement du travailleur, on entend la violation d'une
obligation découlant du contrat de travail (ATF 121 III 467
consid. 4d p. 472 et les arrêts cités).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes
motifs (art. 337 al. 3 CO ab initio). Il applique les règles
du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra
en considération tous les éléments du cas particulier, notam-
ment la position et la responsabilité du travailleur, le
type
et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature
et
l'importance des manquements (ATF 116 II 145 consid. 6a p.
150; 111 II 245 consid. 3). Le Tribunal fédéral ne revoit
qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière ins-
tance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte
sans
raison des règles établies par la doctrine et la jurispruden-
ce en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie
sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient
jouer
aucun rôle, ou encore lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'élé-
ments qui auraient absolument dû être pris en considération;
il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un
pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un
résultat
manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 127
III 153 consid. 1a p. 155; 123 III 246 consid. 6a; 122 III
262 consid. 2a/bb p. 267).

b) Il ressort des faits constatés par la cour can-
tonale, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral en
instance
de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que c'est à la suite du refus
de la demanderesse de se rendre à une réunion à laquelle
elle

avait été convoquée par la défenderesse deux jours plus tôt
en compagnie de deux de ses collègues pour discuter de leurs
possibilités éventuelles de placement que le contrat de tra-
vail a été résilié avec effet immédiat. La convocation ne
comportait aucune menace de licenciement en cas d'absence et
ne formulait pas le moindre grief à l'encontre de son desti-
nataire. A cette époque, la défenderesse, qui avait cessé
toutes ses activités, n'avait nul besoin de faire appel aux
services de ses collaborateurs. Enfin, l'avocat des trois em-
ployés a tout de suite proposé le report de la réunion d'une
dizaine de jours en raison de l'absence aux États-Unis de
l'un d'entre eux.

c) Dans ces circonstances, on ne voit pas que la
cour cantonale ait abusé de son pouvoir d'appréciation en
considérant qu'il n'y avait pas de motifs de résiliation im-
médiate de la part de l'employeur.

Le refus de la demanderesse de se rendre à la con-
vocation fixée par son employeur constitue certes un manque-
ment à ses obligations contractuelles (cf. art. 321d CO;
Wilhelm Schönenberger/Adrian Staehelin, Commentaire zuri-
chois, art. 321d CO no 23). Contrairement à ce que soutient
la défenderesse, ce manquement, pris isolément, ne saurait
toutefois être qualifié de grave, compte tenu en particulier
du fait que la société, qui n'exerçait alors plus
d'activité,
n'avait pas besoin de ses collaborateurs, qu'elle n'a
formulé
aucun grief à leur encontre dans la convocation et que l'avo-
cat de la demanderesse a tout de suite proposé une date de
remplacement. Il n'aurait donc justifié une résiliation immé-
diate que s'il s'était répété malgré un avertissement (cf.
ATF 127 III 153 consid. 1b p. 156 s.), ce qui n'a pas été re-
tenu.

d) Ce raisonnement ne saurait être modifié au motif
que le contrat de travail en cause, conclu pour une durée dé-

terminée de trois ans à partir du 1er juillet 1998, aurait
encore duré plus de deux ans après le congé. Il est vrai que
la longueur des rapports contractuels fait partie des élé-
ments qui peuvent entrer en considération dans
l'appréciation
des justes motifs de résiliation immédiate (cf. ATF 116 II
145 consid. 6a p. 150) et il convient d'admettre que, si la
durée résiduelle du contrat est courte, on peut se montrer
plus exigeant quant à l'existence de tels motifs (cf.
Manfred
Rehbinder, Commentaire bernois, art. 337 CO no 2 p. 125;
Ullin Streiff/Adrian von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsver-
tragsrecht, 5e éd. Zurich 1992, art. 337 CO no 16;
Christiane
Brunner/Jean-Michel Bühler/Jean-Bernard Waeber, Commentaire
du contrat de travail, 2e éd. Lausanne 1996, art. 337 CO no
12). Le fait que l'employeur se soit lié durant une période
relativement longue par un contrat de durée déterminée ne
lui
permet cependant pas de déroger au caractère exceptionnel de

l'art. 337 CO en utilisant cette disposition pour se libérer
de ses obligations, alors que, comme en l'espèce, le manque-
ment n'a de toute façon pas la gravité suffisante pour justi-
fier un licenciement immédiat.

La cour cantonale a donc fait une application cor-
recte de l'art. 337 CO.

5.- Quant aux montants alloués à la demanderesse à
la suite de son congé immédiat injustifié, la défenderesse
ne
mentionne aucune disposition de droit fédéral qui aurait été
violée par la cour cantonale, pas plus qu'elle ne critique
l'arrêt cantonal à ce propos. La demanderesse n'a, pour sa
part, pas déposé de recours joint à ce sujet. Cette question
ne sera donc pas revue par la Cour de céans (cf. art. 55 al.
1 let. c OJ).

En conséquence, le recours doit être rejeté et
l'arrêt attaqué confirmé.

6.- Comme la valeur litigieuse, selon la préten-
tion de la demanderesse à l'ouverture de l'action (ATF 115
II
30 consid. 5b p. 41; 100 II 358 consid. a), dépasse
30'000 fr., la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2
et 3 CO dans sa version du 15 décembre 2000 entrée en
vigueur
le 1er juin 2001; RO 2001 p. 1048 s.).

Les frais et dépens seront mis à la charge de la
défenderesse qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intervenante
(art.
159 al. 2 OJ), qui au demeurant ne s'est pas déterminée sur
le recours.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge de la défenderesse;

3. Dit que la défenderesse versera à la demande-
resse une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève (cause n° C12521/1999-3).

__________

Lausanne, le 12 juin 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.98/2001
Date de la décision : 12/06/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-12;4c.98.2001 ?
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