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12/06/2001 | SUISSE | N°4C.100/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 juin 2001, 4C.100/2001


«/2»

4C.100/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

12 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu
et Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A. en liquidation concordataire, défenderesse
et
recourante, représentée par Me Filippo Ryter, avocat à
Lausanne,

et

1. G.________, demandeur et intimé, représenté par Me Marcel
Bersier, avocat à Genève,
> 2. la Caisse de chômage de l'Association des commis de
Genève, rue du Perron 10, à Genève, intervenante;

(contrat de travail; résil...

«/2»

4C.100/2001

Ie C O U R C I V I L E
************************

12 juin 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu
et Corboz, juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A. en liquidation concordataire, défenderesse
et
recourante, représentée par Me Filippo Ryter, avocat à
Lausanne,

et

1. G.________, demandeur et intimé, représenté par Me Marcel
Bersier, avocat à Genève,

2. la Caisse de chômage de l'Association des commis de
Genève, rue du Perron 10, à Genève, intervenante;

(contrat de travail; résiliation immédiate
pour justes motifs; dommages-intérêts)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par contrat du 18 mars 1998, la Compagnie de
navigation aérienne X.________ S.A. (ci-après: X.________) a
engagé G.________ en qualité de chef de cabine pour un salai-
re mensuel brut de 4'400 fr. A l'expiration d'une période
d'essai de 3 mois débutant le 1er avril 1998, le contrat
était réputé conclu pour trois ans.

Le 7 décembre 1998, X.________ a sollicité et obte-
nu un sursis concordataire pour une durée de six mois. Ce
sursis a été prolongé par la suite.

A la même époque, X.________ a licencié l'ensemble
de son personnel.

G.________, qui avait mandaté un avocat avec deux
autres collaborateurs, a protesté en faisant valoir que la
résiliation contrevenait à son contrat de travail. Des né-
gociations s'engagèrent avec la direction de la société pour
tenter de trouver de nouveaux emplois aux trois intéressés.

Le 5 mai 1999, X.________ a invité G.________ et
ses deux collègues à se présenter deux jours plus tard dans
le bureau du président du conseil d'administration de
X.________, afin de discuter des "possibilités éventuelles
de
placement". Cette invitation n'était assortie d'aucune
menace
de licenciement en cas d'absence et ne formulait pas le moin-
dre grief à l'encontre de son destinataire. A cette époque,
X.________ avait cessé toutes ses activités.

Prévenu de cette réunion, G.________ a avisé son
avocat qu'il se trouvait en déplacement aux États-Unis pour
rechercher un emploi.

Le conseil commun des trois employés a aussitôt
proposé à X.________ que le rendez-vous soit reporté d'une
dizaine de jours.

Par courrier du 10 mai 1999, X.________ a résilié
avec effet immédiat le contrat de travail de G.________ en
raison du refus de l'employé de se présenter à la réunion
prévue trois jours plus tôt.

B.- Le 25 mai 1999, G.________ a contesté le congé
donné avec effet immédiat et il a ouvert action devant le
Tribunal des prud'hommes du canton de Genève, demandant la
condamnation de X.________ à lui payer le montant de
129'098 fr. représentant sa rémunération de mai 1999 à mars
2001, ainsi que diverses autres indemnités.

La Caisse de chômage de l'Association des commis de
Genève (ci-après: la Caisse de chômage de l'ACG) est interve-
nue à la procédure en qualité de créancière subrogée pour un
montant net de 17'377,45 fr. correspondant aux allocations
versées à G.________ entre mai et novembre 1999.

Le 21 mars 2000, le Tribunal de 1ère instance a ho-
mologué le concordat par abandon d'actifs de X.________.

Par jugement du 30 mai 2000, le Tribunal des
prud'hommes a rejeté la demande de G.________, considérant
que le congé se fondait sur de justes motifs.

Contre ce jugement, G.________ a déposé un appel.
La Caisse de chômage de l'ACG s'est jointe à sa démarche, en
amplifiant ses conclusions à concurrence de 47'308,65 fr.
nets, correspondant aux allocations versées de mai 1999 à oc-
tobre 2000.

Par arrêt du 31 janvier 2001, la Cour d'appel de la
juridiction des prud'hommes a annulé le jugement attaqué.
Statuant à nouveau, elle a condamné X.________ en
liquidation
concordataire à payer à G.________ la somme brute de
99'780,65 fr. pour la perte de salaire entre la seconde moi-
tié du mois de mai 1999 et le 31 mars 2001, sous déduction
de
47'308,65 fr. nets à verser à la Caisse de chômage de l'ACG,
et le montant de 715 fr. à titre de remboursement de frais
de
voyage.

C.- Contre cet arrêt, X.________ en liquidation
concordataire (la défenderesse) interjette un recours en ré-
forme au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'admission du re-
cours et à la réforme de l'arrêt du 31 janvier 2001 en ce
sens que G.________ est débouté de toutes ses conclusions,
alors que ses propres conclusions libératoires sont admises.
A titre subsidiaire, elle demande l'annulation de l'arrêt at-
taqué et le renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour
qu'elle complète le dossier et statue à nouveau.

Tout en demandant à titre préalable des sûretés
pour frais judiciaires et dépens, G.________ (le demandeur)
propose que X.________ en liquidation concordataire soit dé-
boutée de l'intégralité de ses conclusions.

Quant à la Caisse de chômage de l'ACG (l'interve-
nante), elle requiert la condamnation de X.________ en li-
quidation concordataire à lui payer 60'807 fr. nets corres-
pondant aux indemnités versées pour la période du 11 mai
1999
au 31 mars 2001.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté par la société qui a été condam-
née à verser différents montants à son ex-employé ainsi qu'à
la caisse de chômage subrogée et dirigé contre un jugement
final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal
supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile
dont
la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46
OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puis-
qu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ), dans
les formes requises (art. 55 OJ).

b) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédé-
ral doit conduire son raisonnement sur la base des faits con-
tenus dans la décision attaquée, à moins que des
dispositions
fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y
ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille
compléter les constatations de l'autorité cantonale parce
que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et
les
arrêts cités). Il ne peut être présenté de griefs contre les
constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve
nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Dans la mesure où la défenderesse invoque des faits
qui n'ont pas été constatés par la cour cantonale, sans invo-
quer une exception lui permettant de s'en écarter, son re-
cours n'est pas admissible.

2.- Dans sa réponse, le demandeur sollicite des
sûretés pour frais judiciaires et dépens en raison de l'in-
solvabilité de la défenderesse, conformément à l'art. 150
al.
2 OJ.

Selon la pratique du Tribunal fédéral, la fourni-
ture de telles sûretés ne peut pas être ordonnée pour des
frais déjà engagés (ATF 118 II 87 consid. 2; 79 II 295 con-
sid. 3 p. 305). La requête ayant en l'occurrence été déposée
en même temps que le mémoire de réponse au recours, elle est
devenue sans objet, puisque les juges ont tranché par voie
de
circulation (art. 36b OJ), de sorte que le demandeur n'a pas
eu à supporter de frais supplémentaires.

3.- Quant à la réponse de l'intervenante, elle
consiste uniquement à demander la condamnation de la défende-
resse à lui payer 60'807 fr. nets, somme qui correspondrait
aux indemnités versées au demandeur pour la période du 11
mai
1999 au 31 mars 2001. On peut se demander si cette conclu-
sion, qui porte sur un montant dépassant celui alloué à
l'intervenante dans l'arrêt entrepris, ne devrait pas être
assimilée à un recours joint au sens de l'art. 59 al. 2 OJ.
Cette question peut toutefois demeurer indécise, car, s'il
s'agit d'un recours joint, l'intervenante se doit de respec-
ter les prescriptions de formes applicables à l'acte de re-
cours (cf. art. 59 al. 3 OJ). Or, dépourvue de toute motiva-
tion, cette écriture ne répond manifestement pas aux exigen-
ces de l'art. 55 al. 1 OJ et ne peut donc constituer un re-
cours joint recevable.

4.- La défenderesse, se fondant sur l'art. 24 PCF,
demande la jonction des procédures pendantes devant le Tribu-
nal fédéral concernant ses trois employés.

Sur la base de cette disposition, applicable à ti-
tre subsidiaire aux procédures de recours au Tribunal
fédéral
(art. 40 OJ), la jonction de recours dirigés contre
plusieurs
parties peut effectivement être ordonnée (Jean-François
Poudret, COJ I, Berne 1990, art. 40 OJ no 2 p. 343). On ne

voit cependant pas quel intérêt pourrait avoir la défenderes-
se à cette jonction, dès lors qu'elle a de toute façon
déposé
trois recours en réforme distincts à l'encontre de chacun
des
arrêts cantonaux. Au demeurant, si les prétentions formées
par les trois employés ont le même fondement juridique,
elles
se rapportent à des salaires et à des circonstances différen-
tes, de sorte qu'il n'apparaît pas adéquat de joindre ces
trois causes au stade du recours en réforme.

5.- Invoquant une violation de l'art. 337 CO, la
défenderesse reproche à la cour cantonale d'avoir refusé
d'admettre l'existence de justes motifs de résiliation immé-
diate. Tout en soulignant que l'opinion des juges est en
principe conforme à la jurisprudence, la défenderesse sou-
tient qu'il aurait fallu tenir compte du fait que le contrat
de travail en cause était de durée déterminée.

a) Selon l'art. 337 al. 1 1ère phrase CO, l'em-
ployeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le
contrat en tout temps pour de justes motifs. Doivent notam-
ment être considérées comme tels toutes les circonstances
qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas
d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des
rapports de travail (cf. art. 337 al. 2 CO).

Mesure exceptionnelle, la résiliation immédiate
pour justes motifs doit être admise de manière restrictive.
D'après la jurisprudence, seul un manquement
particulièrement
grave du travailleur justifie son licenciement immédiat; si
le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une rési-
liation immédiate que s'il a été répété malgré un avertisse-
ment (ATF 127 III 153 consid. 1a et les références citées).
Par manquement du travailleur, on entend la violation d'une
obligation découlant du contrat de travail (ATF 121 III 467
consid. 4d p. 472 et les arrêts cités).

Le juge apprécie librement s'il existe de justes
motifs (art. 337 al. 3 CO ab initio). Il applique les règles
du droit et de l'équité (art. 4 CC). A cet effet, il prendra
en considération tous les éléments du cas particulier, notam-
ment la position et la responsabilité du travailleur, le
type
et la durée des rapports contractuels, ainsi que la nature
et
l'importance des manquements (ATF 116 II 145 consid. 6a p.
150; 111 II 245 consid. 3). Le Tribunal fédéral ne revoit
qu'avec réserve la décision d'équité prise en dernière ins-
tance cantonale. Il intervient lorsque celle-ci s'écarte
sans
raison des règles établies par la doctrine et la jurispruden-
ce en matière de libre appréciation, ou lorsqu'elle s'appuie
sur des faits qui, dans le cas particulier, ne devaient
jouer
aucun rôle, ou encore lorsqu'elle n'a pas tenu compte d'élé-
ments qui auraient absolument dû être pris en considération;
il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un
pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un
résultat
manifestement injuste ou à une iniquité choquante (ATF 127
III 153 consid. 1a p. 155; 123 III 246 consid. 6a; 122 III
262 consid. 2a/bb p. 267).

b) Il ressort des faits constatés par la cour can-
tonale, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral en
instance
de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que c'est à la suite du refus
du demandeur, qui se trouvait aux États-Unis, de se rendre à
une réunion à laquelle il avait été convoqué par la défende-
resse deux jours plus tôt en compagnie de deux de ses collè-
gues pour discuter de leurs possibilités éventuelles de pla-
cement que le contrat de travail a été résilié avec effet im-
médiat. La convocation ne comportait aucune menace de licen-
ciement en cas d'absence et ne formulait pas le moindre
grief
à l'encontre de son destinataire. A cette époque, la défende-
resse, qui avait cessé toutes ses activités, n'avait nul be-
soin de faire appel aux services de ses collaborateurs.
Quant
au demandeur, il a été prouvé que, s'il se trouvait aux
États-Unis à la date fixée par la défenderesse, c'était afin

de rechercher un emploi. Enfin, l'avocat des trois employés
a
tout de suite proposé un rendez-vous de remplacement.

c) Dans ces circonstances, on ne voit pas que la
cour cantonale ait abusé de son pouvoir d'appréciation en
considérant qu'il n'y avait pas de motifs de résiliation im-
médiate de la part de l'employeur.

Le refus du demandeur, lié à son absence, de se
rendre à la convocation fixée par son employeur constitue
certes un manquement à ses obligations contractuelles (cf.
art. 321d CO; Wilhelm Schönenberger/Adrian Staehelin, Commen-
taire zurichois, art. 321d CO no 23). Contrairement à ce que
soutient la défenderesse, ce manquement, pris isolément, ne
saurait toutefois être qualifié de grave, compte tenu du
fait
que la société, qui n'exerçait alors plus d'activité,
n'avait
pas besoin de ses collaborateurs, qu'elle n'a formulé aucun
grief à leur encontre dans la convocation, que le demandeur
était dans l'impossibilité de se rendre au rendez-vous fixé
en raison d'une recherche d'emploi aux États-Unis, mais que
son avocat a
tout de suite proposé une date de remplacement
à
l'employeur. Le refus de se rendre à la convocation de celui-
ci n'aurait donc justifié une résiliation immédiate que s'il
s'était répété malgré un avertissement (cf. ATF 127 III 153
consid. 1b p. 156 s.), ce qui n'a pas été retenu.

d) Ce raisonnement ne saurait être modifié au motif
que le contrat de travail en cause, conclu pour une durée dé-
terminée de trois ans à partir du 1er juillet 1998, aurait
encore duré plus de deux ans après le congé. Il est vrai que
la longueur des rapports contractuels fait partie des élé-
ments qui peuvent entrer en considération dans
l'appréciation
des justes motifs de résiliation immédiate (cf. ATF 116 II
145 consid. 6a p. 150) et il convient d'admettre que, si la
durée résiduelle du contrat est courte, on peut se montrer
plus exigeant quant à l'existence de tels motifs (cf.
Manfred

Rehbinder, Commentaire bernois, art. 337 CO no 2 p. 125;
Ullin Streiff/Adrian von Kaenel, Leitfaden zum Arbeitsver-
tragsrecht, 5e éd. Zurich 1992, art. 337 CO no 16;
Christiane
Brunner/Jean-Michel Bühler/Jean-Bernard Waeber, Commentaire
du contrat de travail, 2e éd. Lausanne 1996, art. 337 CO no
12). Le fait que l'employeur se soit lié durant une période
relativement longue par un contrat de durée déterminée ne
lui
permet cependant pas de déroger au caractère exceptionnel de
l'art. 337 CO en utilisant cette disposition pour se libérer
de ses obligations, alors que, comme en l'espèce, le manque-
ment n'a de toute façon pas la gravité suffisante pour justi-
fier un licenciement immédiat.

La cour cantonale a donc fait une application cor-
recte de l'art. 337 CO.

6.- A titre subsidiaire, la défenderesse invoque
une violation de l'art. 337c al. 2 CO. Elle reproche en
substance à la cour cantonale d'avoir admis que les recher-
ches d'emploi du demandeur étaient suffisantes, de n'avoir
pas tenu compte de la formation professionnelle accomplie
par
celui-ci, alors qu'elle avait pris cet élément en considéra-
tion dans le cas d'un autre employé, et, enfin, d'avoir cal-
culé l'indemnité due jusqu'au 31 mars 2001, en ignorant si,
jusque-là le demandeur aurait retrouvé du travail ou tenté
de
réduire son dommage.

a) L'art. 337c CO prévoit qu'en cas de licenciement
immédiat injustifié, le travailleur a droit à ce qu'il
aurait
gagné, si les rapports de travail avaient pris fin à
l'échéance du délai de congé ou à la cessation du contrat
conclu pour une durée déterminée (al. 1 ). On impute sur ce
montant ce que le travailleur a épargné par suite de la ces-
sation du contrat de travail ainsi que le revenu qu'il a
tiré

d'un autre travail ou le revenu auquel il a intentionnelle-
ment renoncé (al. 2).

L'imputation prévue à l'art. 337c al. 2 CO est une
expression du principe général selon lequel celui qui subit
un dommage doit faire tout ce que l'on peut raisonnablement
exiger de lui pour le réduire (art. 44 al. 1 CO; Pierre
Tercier, Les contrats spéciaux, Zurich 1995, no 2911). Pour
déterminer si le travailleur a renoncé intentionnellement à
un revenu, il faut tenir compte des circonstances du cas
(Max
Fritz, Les nouvelles dispositions sur le congé dans le droit
du contrat de travail, Zurich 1988, art. 337c CO no 2). La
charge de la preuve appartient en principe à l'employeur,
étant précisé que le travailleur doit aussi, en vertu du
principe de la bonne foi, collaborer à l'établissement des
faits (cf. Adrian Staehelin, Commentaire zurichois, art.
337c
CO no 25).

b) En l'occurrence, il a été constaté que rien ne
démontrait que le demandeur se serait vu offrir un emploi au-
près d'une autre compagnie aérienne en décembre 1998 et il
n'a pas été établi qu'il aurait refusé à l'époque ou dans
les
mois qui ont suivi un autre poste de travail. Les juges ont
en outre retenu, sur la base du dossier de recherches d'em-
ploi produit par le demandeur, que celui-ci avait effectué
des démarches utiles en vue de retrouver un nouveau travail
et que la défenderesse n'avait ni démontré, ni même rendu
vraisemblable que son ancien collaborateur aurait manifesté
de la mauvaise volonté ou qu'il se serait montré négligent.
En pareilles circonstances, c'est à juste titre que la cour
cantonale a admis que l'on ne pouvait reprocher au demandeur
d'avoir intentionnellement renoncé à un revenu. Les
critiques
de la défenderesse à cet égard sont au demeurant de nature
essentiellement appellatoire et consistent en une remise en
question des faits tels que retenus, ce qui n'est pas admis-
sible dans la présente procédure (cf. supra consid. 1b).

c) Après des recherches infructueuses dans le sec-
teur du personnel de cabine, le demandeur a complété ses
qualifications professionnelles en obtenant un "certificat
genevois de capacité" en mai 2000. On ne voit pas que cet
élément puisse le pénaliser sous l'angle de l'art. 337c al.
2
CO, dès lors qu'il n'a nullement été constaté que cette for-
mation serait incompatible avec la poursuite de recherches
d'emploi ni que le demandeur aurait abandonné ses démarches
durant celle-ci. La comparaison invoquée par la défenderesse
avec un autre employé licencié est dépourvue de toute perti-
nence, dès lors que, selon les faits retenus, ce dernier
n'a,
à l'inverse du demandeur, produit aucun justificatif démon-
trant qu'il recherchait un emploi, mais a au contraire
laissé
entendre qu'il avait uniquement utilisé cette période pour
obtenir un brevet de pilote.

d) Il reste à se demander si la cour cantonale
pouvait, par arrêt du 31 janvier 2001, déterminer le montant
auquel avait droit le demandeur jusqu'à la fin du mois de
mars 2001.

La prétention du travailleur fondée sur l'art. 337c
al. 1 CO est une créance en dommages-intérêts (arrêt du Tri-
bunal fédéral du 21 octobre 1996, publié in SJ 1997 p. 149,
consid. 3b p. 154; ATF 117 II 270 consid. 3b). Il s'agit de
calculer le revenu hypothétique de l'employé durant le délai
de congé (ATF 125 III 14 consid. 2b p. 17) ou jusqu'à la fin
du contrat de durée déterminée (Rehbinder, op. cit., art.
337c CO no 2 p. 159). Cette créance est immédiatement exigi-
ble (Brunner/Bühler/Waeber, op. cit., art. 337c no 6), ce
qui
ne va pas sans poser des difficultés procédurales (cf.
Streiff/von Kaenel, op. cit., art. 337c CO no 14) et maté-
rielles, en particulier lorsque, comme en l'espèce, le con-
trat a été conclu pour une longue durée et que le jugement
fixant les dommages-intérêts est rendu avant le moment
auquel
le contrat aurait normalement dû prendre fin (Rehbinder, op.

cit., art. 337c CO no 5). Dans ce cas de figure, il n'est
pas
possible de fixer de manière exacte le montant des dommages-
intérêts à allouer pour la période qui reste à courir, puis-
que la question d'une éventuelle imputation au sens de
l'art.
337c al. 2 CO demeure indécise. L'incertitude quant au mon-
tant à allouer est d'autant plus grande que le travailleur
en
cause, à l'instar du demandeur, n'a pas encore retrouvé un
nouvel emploi au moment du jugement. Cette situation a cepen-
dant été envisagée par le législateur, qui a prévu, à l'art.
42 al. 2 CO, que, lorsque le montant exact du dommage ne
peut
être établi, le juge le détermine équitablement en considéra-
tion du cours ordinaire des choses et des mesures prises par
la partie lésée. La cour cantonale pouvait donc parfaitement
se livrer à une estimation s'agissant des dommages-intérêts
dus pour une période postérieure à l'arrêt attaqué, sans vio-
ler l'art. 337c al. 2 CO.

En outre rien n'indique qu'en procédant à cette es-
timation les juges aient méconnu les principes juridiques à
la base du pouvoir d'apprécier les faits que leur confère
l'art. 42 al. 2 CO (cf. sur ce point ATF 126 III 388 consid.
8a; 122 III 219 consid. 3), ce qui n'est du reste nullement
invoqué.

Dans ces circonstances, le recours doit être rejeté
et l'arrêt attaqué confirmé.

7.- Comme la valeur litigieuse, selon la préten-
tion du demandeur à l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30
consid. 5b p. 41; 100 II 358 consid. a), dépasse 30'000 fr.,
la procédure n'est pas gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO dans
sa version du 15 décembre 2000 entrée en vigueur le 1er juin
2001; RO 2001 p. 1048 s.).

Les frais et dépens seront mis à la charge de la
défenderesse qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).
Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens à l'intervenante
(art.
159 al. 2 OJ), dont les observations ne sont au demeurant
pas
recevables sous l'angle du recours joint (cf. supra con-
sid. 3).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 5'000 fr. à la
charge de la défenderesse;

3. Dit que la défenderesse versera au demandeur une
indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève (cause n° C12522/1999-3).

__________

Lausanne, le 12 juin 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.100/2001
Date de la décision : 12/06/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-12;4c.100.2001 ?
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