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2P.96/2000
IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
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8 juin 2001
Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Hungerbühler, Müller et Yersin.
Greffière: Mme Dupraz.
__________
Statuant sur le recours de droit public
formé par
la Société romande des marchands forains (SRMF), A.________,
B.________, C.________, D.________, E.________, F.________,
G.________, H.________, I.________, J.________, K.________,
L.________, M.________, N.________, O.________ et
P.________, tous représentés par Me Cédric Schweingruber,
avocat à La Chaux-de-Fonds,
contre
l'arrêt rendu le 23 mars 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Neuchâtel, dans la cause qui oppose les recou-
rants à l'Association "Braderie et Fête de la Montre", à La
Chaux-de-Fonds, représentée par Me Pascal Moesch, avocat à
La Chaux-de-Fonds, et au Département de la gestion du terri-
toire du canton de N e u c h â t e l ;
(usage du domaine public communal)
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:
A.- L'Association "Braderie et Fête de la Montre" (ci-
après: la BRADERIE) a édicté, le 17 février 1999, une cir-
culaire concernant la réservation d'emplacement à la bra-
derie qui se déroulerait les 3, 4 et 5 septembre 1999 à La
Chaux-de-Fonds. Ladite circulaire précisait les conditions
tarifaires en vigueur pour cette manifestation, à savoir:
par mètre linéaire 54 fr. pour les commerçants et sociétés
de La Chaux-de-Fonds et 76 fr. pour les commerçants de l'ex-
térieur. A cette circulaire étaient annexées des formules de
réservation d'emplacement et de commande d'installations
électriques à envoyer à la BRADERIE jusqu'au 30 avril 1999.
Par lettre du 27 avril 1999, la Société romande des mar-
chands forains (ci-après: la SRMF) a demandé à la BRADERIE
de traiter sur pied d'égalité tous les commerçants et socié-
tés, en se référant à la loi fédérale du 6 octobre 1995 sur
le marché intérieur (LMI; RS 943.02). Par courrier du 7 mai
1999, la BRADERIE a rejeté cette requête.
Par lettres datées du 7 juin 1999, la BRADERIE a ré-
pondu aux demandes d'inscriptions pour la réservation d'un
emplacement à la braderie de 1999 en facturant le mètre li-
néaire à 76 fr. pour les commerçants de l'extérieur. Le dé-
lai de paiement était fixé au 31 juillet 1999.
B.- Le 6 juillet 1999, la SRMF, A.________ et dix-neuf
consorts ont recouru contre les factures que la BRADERIE
leur avait adressées le 7 juin 1999. Par décision du 1er
septembre 1999, le Département de la gestion du territoire
du canton de Neuchâtel (ci-après: le Département) a déclaré
le recours irrecevable, parce que les factures querellées ne
constituaient pas des décisions administratives au sens de
la loi neuchâteloise du 27 juin 1979 sur la procédure et la
juridiction administrative (ci-après: LPJA).
C.- La SRMF, A.________ et consorts ont alors porté
leur cause devant le Tribunal administratif du canton de
Neuchâtel (ci-après: le Tribunal administratif) qui a rejeté
leur recours par arrêt du 23 mars 2000.
D.- Agissant par la voie du recours de droit public, la
SRMF, A.________ et quinze consorts énumérés en tête du pré-
sent arrêt demandent au Tribunal fédéral, sous suite de
frais et dépens de première et deuxième instances, d'annuler
l'arrêt du Tribunal administratif du 23 mars 2000 et de ren-
voyer la cause à cette autorité pour nouvelle décision. Ils
invoquent les art. 8, 27 et 37 Cst. ainsi que 3 LMI. Ils se
plaignent notamment de violation et d'application arbitraire
de normes cantonales ainsi que de violation des principes de
l'égalité et de la liberté économique. Ils font aussi valoir
une discrimination contraire aux principes de nationalité et
de droit de cité. Ils requièrent une mesure d'instruction.
Le Tribunal administratif conclut au rejet du recours,
en se référant à l'arrêt attaqué. Le Département conclut
sous suite de frais au rejet du recours, en se reportant à
sa décision du 1er septembre 1999 et à l'arrêt entrepris. La
BRADERIE conclut au rejet du recours sous suite de frais et
dépens. Le Conseil communal de La Chaux-de-Fonds (ci-après:
le Conseil communal) s'est déterminé hors délai.
C o n s i d é r a n t e n d r o i t :
1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement
la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I
81 consid. 1 p. 83; 125 I 412 consid. 1a p. 414).
a) Aux termes de l'art. 88 OJ, ont qualité pour former
un recours de droit public les particuliers ou les collec-
tivités lésés par des arrêtés ou décisions qui les concer-
nent personnellement ou qui sont d'une portée générale; cet-
te voie de recours ne leur est ouverte que pour qu'ils puis-
sent faire valoir leurs intérêts juridiquement protégés.
Sont des intérêts personnels et juridiquement protégés ceux
qui découlent d'une règle de droit fédéral ou cantonal ou
directement d'une garantie constitutionnelle spécifique pour
autant que les intérêts en cause relèvent du domaine que
couvre ce droit fondamental (ATF 123 I 41 consid. 5b
p. 42/43; 122 I 44 consid. 2b p. 45/46; 121 I 267 consid. 2
p. 268/269).
aa) La SRMF est une société coopérative d'après ses
statuts, adoptés le 12 mars 1995 et modifiés le 17 mars
1996. Cependant, elle n'est pas inscrite au registre du
commerce, de sorte qu'elle n'a pas la personnalité juridique
(art. 830 et 838 CO) ni par conséquent la qualité pour re-
courir (cf. ATF 102 Ia 430 consid. 3 p. 431/432; Walter
Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e
éd., Berne 1994, p. 210/211; Wilhelm Birchmeier, Handbuch
des Bundesgesetzes über die Organisation der Bundesrechts-
pflege vom 16. Dezember 1943, Zurich 1950, p. 360). Ainsi,
le présent recours est irrecevable dans la mesure où il éma-
ne de la SRMF. Ledit recours a encore été formé par seize
personnes physiques, membres de la SRMF et par conséquent
marchands-forains-étalagistes (art. 6 des statuts précités
de la SRMF), qui se plaignent en particulier d'une violation
de la liberté économique garantie par l'art. 27 Cst. et à
qui il faut reconnaître la qualité pour agir. Il est donc
recevable en tant qu'il a été déposé par ces seize personnes
physiques. Au demeurant, seules seize personnes physiques -
et non pas vingt, comme annoncé en tête de ce recours - ont
produit en temps utile une procuration habilitant Me Cédric
Schweingruber à interjeter ledit recours.
bb) La recevabilité du recours de droit public est no-
tamment subordonnée à l'existence d'un intérêt actuel et
pratique à l'admission du recours. Cette condition est rem-
plie en l'espèce, puisque les recourants pourraient le cas
échéant demander la restitution des sommes payées en trop.
b) Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours
doit - sous peine d'irrecevabilité - contenir "un exposé des
faits essentiels et un exposé succinct des droits constitu-
tionnels ou des principes juridiques violés, précisant en
quoi consiste la violation". Lorsqu'il est saisi d'un re-
cours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à
vérifier, de lui-même, si l'acte attaqué est en tout point
conforme au droit et à l'équité; il n'examine que les moyens
de nature constitutionnelle, invoqués et suffisamment moti-
vés dans l'acte de recours (ATF 125 I 71 consid. 1c p. 76).
En outre, dans un recours pour arbitraire, le recourant ne
peut pas se contenter de critiquer la décision entreprise
comme il le ferait dans une procédure d'appel où l'autorité
de recours peut revoir librement l'application du droit (ATF
107 Ia 186). Il doit préciser en quoi la décision attaquée
serait arbitraire, ne reposant sur aucun motif sérieux et
objectif, apparaissant insoutenable ou heurtant gravement le
sens de la justice (ATF 110 Ia 1 consid. 2a p. 3/4).
C'est à la lumière de ces principes que doit être ap-
préciée l'argumentation des intéressés.
c) Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espèce,
le recours de droit public est de nature purement cassatoire
(ATF 125 II 86 consid. 5a p. 96). Dans la mesure où les re-
courants demandent autre chose que l'annulation de l'arrêt
entrepris, leurs conclusions sont irrecevables.
d) Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes
prescrites par la loi contre une décision finale prise en
dernière instance cantonale, le présent recours est en prin-
cipe recevable au regard des art. 84 ss OJ.
2.- Les recourants demandent la production, par le Tri-
bunal administratif, de l'ensemble du dossier officiel, en
particulier "des pièces justificatives y référencées".
Selon l'art. 93 al. 1 OJ, si le Tribunal fédéral or-
donne un échange d'écritures, il communique le recours à
l'autorité qui a pris l'arrêté ou la décision attaqués ainsi
qu'à la partie adverse et à d'autres intéressés éventuels en
leur impartissant un délai suffisant pour répondre et pour
produire le dossier. En l'espèce, le Tribunal administratif
a joint à sa réponse le dossier complet de la cause. La ré-
quisition d'instruction des recourants est dès lors sans ob-
jet.
3.- a) Le Tribunal administratif a notamment retenu que
la BRADERIE est une association de droit privé au sens des
art. 60 à 79 CC qui a pour but d'organiser régulièrement une
grande fête populaire à La Chaux-de-Fonds. Il a relevé que
le Conseil communal a octroyé gracieusement à la BRADERIE
l'autorisation d'utiliser les rues et les places du centre-
ville de manière accrue pendant trois jours afin d'y organi-
ser cette fête. Il a souligné que la BRADERIE a donné la
possibilité à des sociétés et commerçants locaux ou de l'ex-
térieur de participer à la manifestation en mettant à leur
disposition une infrastructure et un emplacement dans l'en-
ceinte de la fête en contrepartie d'une contribution desti-
née à couvrir ses frais. Toutefois, la BRADERIE n'était pas
chargée de prélever un émolument d'utilisation du territoire
communal. D'ailleurs, les conditions d'une délégation de
compétences n'étaient pas remplies en l'espèce. De plus,
l'organisation de la braderie n'était pas une tâche d'inté-
rêt public, mais tout au plus d'utilité publique. Dès lors,
les relations entre la BRADERIE et les participants à la
braderie étaient soumises au droit privé. La BRADERIE
n'étant pas investie d'un pouvoir de décision au sens de la
loi neuchâteloise sur la procédure et la juridiction admi-
nistrative, les factures litigieuses ne constituaient pas
des actes de puissance publique susceptibles d'être contes-
tés devant la juridiction administrative.
b) Les recourants critiquent en particulier la distinc-
tion que l'autorité intimée fait entre tâches d'intérêt pu-
blic et d'utilité publique. Ils estiment que le Conseil com-
munal a délégué à la BRADERIE la faculté d'organiser une ma-
nifestation sur un périmètre étendu du domaine public en lui
déléguant la compétence de délivrer les autorisations d'uti-
lisation temporaire du domaine public communal et le pouvoir
de percevoir en contrepartie un émolument. Ils reprochent
dès lors au Tribunal administratif d'avoir violé et appliqué
arbitrairement des normes cantonales tant de la loi neuchâ-
teloise du 25 mars 1996 sur l'utilisation du domaine public
(ci-après: LUDP) que de la loi neuchâteloise sur la procédu-
re et la juridiction administrative.
4.- a) Cette dernière loi régit la procédure des re-
cours qui peuvent être interjetés contre des décisions admi-
nistratives (art. premier al. 2 LPJA). Elle s'applique aux
décisions prises notamment par les institutions et organis-
mes investis du pouvoir de décision par le droit fédéral ou
cantonal ainsi que par les autorités communales et les ins-
titutions qui en dépendent (art. 2 lettres g et h LPJA).
Elle définit la décision notamment comme toute mesure prise
par les autorités dans des cas d'espèce, fondée sur le droit
public fédéral, cantonal ou communal et ayant pour objet
soit de créer, de modifier ou d'annuler des droits ou des
obligations soit de constater l'existence, l'inexistence ou
l'étendue de droits ou d'obligations (art. 3 al. 1 lettres a
et b LPJA).
On relèvera d'emblée que, dans la mesure où les recou-
rants invoquent la violation et l'application arbitraire de
la loi neuchâteloise sur l'utilisation du domaine public,
leur recours n'est pas suffisamment motivé au regard de
l'art. 90 al. 1 lettre b OJ. Leur grief n'est donc pas rece-
vable.
b) Il n'est pas contesté que la BRADERIE est une per-
sonne morale de droit privé régie par les art. 60 à 79 CC,
c'est-à-dire une association. Selon l'art. 3 al. 1 des sta-
tuts de la BRADERIE du 1er juin 1988 (ci-après: les sta-
tuts), la BRADERIE a pour but d'organiser à La Chaux-de-
Fonds, à époques régulières, une grande fête populaire avec
spectacles, concerts, cortèges, braderie, bataille de con-
fettis, loteries, jeux divers, etc. La BRADERIE ne vise au-
cun but économique, mais se propose uniquement d'offrir une
grande manifestation à la population de La Chaux-de-Fonds et
d'y intéresser le public de l'extérieur aussi largement que
possible (art. 3 al. 2 des statuts). D'après l'art. 41 des
statuts, les ressources de la BRADERIE sont constituées par
les recettes des fêtes organisées.
c) En tant que personne morale de droit privé, la BRA-
DERIE ne pourrait prendre des décisions auxquelles s'appli-
que la loi neuchâteloise sur la procédure et la juridiction
administrative que si elle était investie d'un pouvoir de
décision par le droit fédéral ou cantonal ou si elle dépen-
dait des autorités communales (cf. art. 2 lettres g et h
LPJA).
aa) Il convient dès lors d'examiner si la BRADERIE
jouit d'une délégation de compétences lui permettant de
prendre des décisions
auxquelles s'applique la loi sus-
mentionnée.
Selon Blaise Knapp, la délégation de tâches législati-
ves ou administratives "consiste en ce que, par une loi et
une décision administratives - parfois complétées par un
contrat permettant de régler les détails d'exécution - un
particulier reçoit pouvoir d'agir en son propre nom mais
pour le compte de l'Etat dans l'accomplissement d'une tâche
de celui-ci" (Blaise Knapp, La collaboration des particu-
liers et de l'Etat à l'exécution des tâches d'intérêt géné-
ral, in Mélanges Henri Zwahlen, Lausanne 1977, p. 363 ss,
p. 376). Cette définition précise les différents éléments
caractéristiques de la délégation de compétences: la base
légale, l'autonomie dont jouit le délégataire et la nature
de la tâche déléguée.
D'après les art. 8 et 9 LUDP, l'utilisation temporaire
du domaine public doit faire l'objet d'une autorisation qui
est "délivrée (...) par le Conseil communal, pour le domaine
public communal". L'art. 10 LUDP établit que l'autorité peut
percevoir un émolument d'utilisation du domaine public.
Il est admis que le Conseil communal a octroyé gracieu-
sement à la BRADERIE l'autorisation d'utiliser les rues et
les places du centre-ville de La Chaux-de-Fonds de manière
accrue pendant trois jours, afin d'y organiser la braderie.
Ce faisant, le Conseil communal a agi en tant que détenteur
de la puissance publique et la relation qu'il a ainsi éta-
blie avec la BRADERIE est donc une relation de droit public.
Forte de l'autorisation précitée, la BRADERIE a donné l'oc-
casion à des sociétés et commerçants locaux ou de l'exté-
rieur de participer à cette manifestation. Elle a, en effet,
mis à leur disposition une infrastructure et un emplacement
dans l'enceinte de la fête contre versement d'une contribu-
tion destinée à couvrir ses frais.
Aucune disposition légale ne prévoit la possibilité
pour le Conseil communal de déléguer à la BRADERIE, soit à
un organisme de droit privé, la charge de percevoir un émo-
lument d'utilisation du domaine public auprès des commer-
çants ou sociétés qui réservent un emplacement dans l'en-
ceinte de la fête. Le Conseil communal n'a donc pas pu ef-
fectuer un tel transfert de compétences (cf. Blaise Knapp,
Précis de droit administratif, 4e éd., Bâle 1991, n° 769,
p. 169/170). De plus, lorsque la BRADERIE facture des con-
tributions aux commerçants et sociétés qui réservent un em-
placement dans l'enceinte de la fête, elle agit en son nom
et pour son propre compte, mais par conséquent pas pour le
compte du Conseil communal; d'ailleurs, ces contributions
représentent les ressources de la BRADERIE (art. 41 des sta-
tuts). Enfin, le Conseil communal n'a pas accordé à la BRA-
DERIE l'autorisation d'utiliser le domaine public pour ac-
complir une tâche qui lui incombait, soit une tâche d'in-
térêt public; en effet, l'organisation de la braderie ne
constitue pas une telle tâche, que le Conseil communal de-
vrait exécuter lui-même, le cas échéant. Il s'agit d'une
activité qui pourrait être abandonnée si la BRADERIE ne s'y
consacrait pas. Ainsi, la BRADERIE ne bénéficiait pas d'une
délégation de compétences au sens strict, l'habilitant à
autoriser une utilisation accrue des rues et des places du
centre-ville de La Chaux-de-Fonds et à percevoir en contre-
partie un émolument d'utilisation du domaine public auprès
des commerçants ou sociétés qui réserveraient un emplacement
dans l'enceinte de la fête.
bb) Par ailleurs, la BRADERIE ne dépend pas de la com-
mune de La Chaux-de-Fonds, notamment sur le plan financier
(cf. l'art. 41 des statuts). Le fait qu'une circulaire de la
BRADERIE mentionne une adresse et des numéros de téléphone
d'un service administratif de ladite commune n'y change
rien. En effet, il s'agit simplement des coordonnées d'un
responsable de la BRADERIE qui, travaillant à plein temps
pour la commune, ne peut être atteint qu'à son bureau.
cc) Si le rapport qui lie la BRADERIE au Conseil commu-
nal relève du droit public (cf. ci-dessus lettre c/aa),
celui qui la lie aux commerçants et sociétés qui réservent
un emplacement dans l'enceinte de la fête relève du droit
privé (cf. ATF 126 I 250 consid. 2c p. 254). Dès lors, les
factures que la BRADERIE a envoyées aux recourants ne sont
pas, à proprement parler, des décisions auxquelles s'appli-
que la loi neuchâteloise sur la procédure et la juridiction
administrative. On ne saurait donc déduire du seul fait que
le Tribunal administratif ne les a pas considérées comme des
décisions qu'il a violé ou appliqué arbitrairement des nor-
mes neuchâteloises, notamment de la loi susmentionnée.
5.- a) Quand bien même la BRADERIE, qui ne bénéficiait
pas d'une délégation de compétences au sens strict, n'a pas
pu prendre des décisions formelles en établissant les fac-
tures litigieuses, il convient d'examiner dans quelle mesure
son comportement a pu léser des droits fondamentaux. En ef-
fet, lorsque le besoin de protection juridique l'exige, il
peut à la rigueur y avoir une voie de recours même en l'ab-
sence de décision formelle. Tel est le cas si une autorité
refuse à tort de prendre une décision ou tarde à le faire
(déni de justice formel). Suivant les circonstances, la
question peut aussi se poser en cas d'actes matériels (Real-
akte) positifs, par lesquels l'Etat viole des droits fonda-
mentaux sans prendre de décision. Mais, il doit en tout cas
s'agir d'actes ou d'injonctions qui ressortissent à l'Etat
ou à une personne chargée de tâches publiques et qui fondent
un besoin spécial de protection juridique en raison de leur
contenu ou des droits fondamentaux touchés (ATF 126 I 250
consid. 2d p. 254/255).
Un élément essentiel de la présente espèce vient de ce
que les factures contestées fixent le prix des emplacements
réservés par les commerçants et sociétés intéressés sur le
domaine public de La Chaux-de-Fonds. Le domaine public com-
prend l'ensemble des biens qui peuvent être utilisés libre-
ment par tout un chacun. Il se divise en deux catégories: le
domaine public naturel qui est l'ensemble des biens créés
exclusivement ou principalement par la nature et le domaine
public artificiel qui est formé d'ouvrages créés par l'homme
(Pierre Moor, Droit administratif, vol. I, Berne 1994, n.
1.3.3.4, p. 12; André Grisel, Traité de droit administratif,
vol. II, Neuchâtel 1984, p. 526/527). C'est à cette dernière
catégorie qu'appartiennent les places et les rues sur les-
quelles les commerçants et les sociétés intéressés pouvaient
réserver des emplacements. L'appartenance de ces emplace-
ments au domaine public différencie en particulier le cas
présent de celui que le Tribunal fédéral a jugé le 7 sep-
tembre 2000 (ATF 126 I 250 consid. 2d/aa p. 255), où les
places mises à disposition des intéressés ne se situaient
pas sur le domaine public - le canton concerné ayant accordé
un droit de superficie pour permettre l'organisation d'une
foire. Dans cette affaire bâloise, il ne pouvait donc pas
être question d'une éventuelle atteinte à la liberté d'ac-
céder au domaine public.
b) Lorsqu'une collectivité publique autorise elle-même
les administrés à utiliser de façon accrue une portion de
son domaine public, elle est tenue de prendre en considéra-
tion un certain nombre de droits et principes fondamentaux.
C'est ainsi qu'elle doit respecter le principe de l'égalité
de traitement, notamment entre personnes appartenant à la
même branche économique. Elle peut aussi déléguer à un par-
ticulier (personne physique ou personne morale de droit pri-
vé) le pouvoir d'autoriser une telle utilisation du domaine
public, mais elle garde alors un pouvoir de surveillance et
reste responsable du respect par le délégataire des normes
légales et constitutionnelles dans l'exercice de ces compé-
tences (cf. Max Imboden/René A. Rhinow, Schweizerische
Verwaltungsrechtsprechung, vol. II., 6e éd., Bâle 1986, n°
157, B II c et d, p. 1140; René A. Rhinow/Beat Krähenmann,
Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung - Ergänzungsband,
Bâle 1990, n° 157, B II c et d, p. 504). C'est pourquoi une
telle délégation de compétences contient les conditions im-
posées au délégataire. Enfin, sans procéder à une véritable
délégation de compétences, une collectivité publique peut
mettre une portion de son domaine public à disposition d'un
particulier, qui peut lui-même en faire ou en autoriser un
usage accru. Dans ce cas, la collectivité publique doit éga-
lement fixer les conditions d'utilisation du domaine public
en cause pour assurer la protection des droits fondamentaux.
En effet, le respect de ces droits, qui constitue une obli-
gation des collectivités publiques, ne doit pas pouvoir être
supprimé par une cession temporaire à une personne privée.
Il convient ainsi d'admettre que, lorsqu'un particulier ac-
complit des tâches publiques, il est aussi tenu d'observer
la Constitution, notamment les droits fondamentaux (Ulrich
Häfelin/Georg Müller, Grundriss des Allgemeinen Verwaltungs-
rechts, 3e éd., Zurich 1998, n° 1203, p. 307; cf. également
ZBl 88/1987 p. 205 consid. 3c/bb p. 208).
c) Dans le cas bâlois précité (ATF 126 I 250), le do-
maine public n'était pas en question de sorte qu'il n'y a eu
ni délégation de compétences, ni simple mise à disposition
du domaine public. Dans la présente espèce en revanche,
c'est bien le domaine public qui est en cause. Il n'y a pas
eu de délégation de compétences, au sens strict, du Conseil
communal à la BRADERIE, mais bien mise à disposition d'une
partie du domaine public de La Chaux-de-Fonds. Il apparte-
nait donc au Conseil communal qui se désaisissait temporai-
rement de son pouvoir sur une portion du domaine public de
La Chaux-de-Fonds, de soumettre la BRADERIE à des conditions
qui éviteraient toute violation des droits fondamentaux de
tiers. Si l'on admettait que la BRADERIE ne soit pas tenue
de remplir les obligations imposées au Conseil communal -
comme à toute collectivité publique - quant au respect des
droits fondamentaux, on ouvrirait la porte aux abus en per-
mettant notamment d'ignorer ces droits. Dans la mesure où la
BRADERIE pouvait, en disposant d'une portion du domaine pu-
blic de La Chaux-de-Fonds, porter atteinte aux droits fonda-
mentaux de tiers, il fallait donner à ces derniers la possi-
bilité d'attaquer un tel comportement de la BRADERIE. Le
Tribunal administratif ne pouvait pas éluder ce problème en
se bornant à constater que le litige relevait du droit pri-
vé. L'arrêt entrepris aboutit à ce que des droits découlant
de la liberté économique à l'utilisation du domaine public
et à l'égalité de traitement entre personnes appartenant à
la même branche économique lors de l'organisation de la bra-
derie soient supprimés ou du moins à ce qu'ils échappent au
contrôle de la justice administrative. Les autorités commu-
nales de La Chaux-de-Fonds ainsi que les autorités cantona-
les neuchâteloises doivent mettre en place un système sauve-
gardant les droits fondamentaux qui pourraient être lésés
par la BRADERIE lorsqu'elle est habilitée à gérer le domaine
public de La Chaux-de-Fonds qui est mis à sa disposition
pour l'organisation de la braderie. Il convient donc d'an-
nuler l'arrêt attaqué.
L'autorité intimée devra au surplus réexaminer la ques-
tion des frais et dépens au niveau cantonal.
6.- Vu ce qui précède, le recours doit être admis dans
la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué annulé.
Bien qu'ils obtiennent gain de cause sur le principe,
les recourants, dont le recours est partiellement irrece-
vable, doivent supporter une partie des frais judiciaires,
le reste étant à la charge de la BRADERIE (art. 156 al. 3,
153 et 153a OJ).
Pour les mêmes motifs, les recourants ont droit à des
dépens réduits (art. 159 al. 1 OJ). Succombant sur le prin-
cipe, la BRADERIE n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1
OJ).
Par ces motifs,
l e T r i b u n a l f é d é r a l :
1. Admet le recours dans la mesure où il est recevable
et annule l'arrêt rendu le 23 mars 2000 par le Tribunal ad-
ministratif du canton de Neuchâtel.
2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la char-
ge, d'une part, des recourants solidairement entre eux par
500 fr. et, d'autre part, de l'Association "Braderie et Fête
de la Montre" par 1'500 fr.
3. Met à la charge de l'Association "Braderie et Fête
de la Montre" une indemnité réduite de 1'500 fr. à verser
aux recourants, créanciers solidaires, à titre de dépens
pour la procédure fédérale.
4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
des recourants, au mandataire de l'Association "Braderie et
Fête de la Montre", au Département de la gestion du terri-
toire et au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel,
ainsi qu'au Conseil communal de La Chaux-de-Fonds.
Lausanne, le 8 juin 2001
DAC/moh
Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,
La Greffière,