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07/06/2001 | SUISSE | N°5C.65/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 juin 2001, 5C.65/2001


«/2»
5C.65/2001

IIe C O U R C I V I L E
******************************

7 juin 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Meyer, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours en réforme interjeté
par

A. et C.X.________, représentés par Me Félix Paschoud,
avocat
à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 23 octobre 2000 par la Chambre des tutelles
du Tribunal cantonal du canton de Vaud;

(institution d'une curate

lle éducative
selon l'art. 308 al. 1 CC)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les épo...

«/2»
5C.65/2001

IIe C O U R C I V I L E
******************************

7 juin 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, Mme Nordmann et
M. Meyer, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Statuant sur le recours en réforme interjeté
par

A. et C.X.________, représentés par Me Félix Paschoud,
avocat
à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 23 octobre 2000 par la Chambre des tutelles
du Tribunal cantonal du canton de Vaud;

(institution d'une curatelle éducative
selon l'art. 308 al. 1 CC)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les époux A. et C.X.________ sont les parents de
six enfants: D.________, né le 26 juin 1990, C.________, née
le 24 mars 1995, M.________, née le 1er juillet 1997, ainsi
que S.________, E.________ et L.________, tous trois nés le
19 janvier 1999.

Par courrier du 3 juillet 1998, le Service de pro-
tection de la jeunesse (SPJ) a signalé à la Justice de paix
du cercle d'Orbe que l'enfant D.________ semblait faire l'ob-
jet de maltraitances sous la forme de coups portés par son
père. Le 29 juillet 1998, le juge de paix a ouvert une enquê-
te en limitation de l'autorité parentale et mandaté le SPJ
aux fins d'établir un rapport. Une enquête pénale a en outre
été ouverte contre les époux X.________.

Par ordonnance de mesures préprovisionnelles du 3
septembre 1998, le juge de paix a retiré aux époux
X.________
leur droit de garde sur l'enfant D.________ et a confié
celle-ci au SPJ. Le 10 septembre suivant, ce magistrat leur
a
restitué ce droit et a nommé le SPJ curateur provisoire,
avec
pour mission d'assister les parents dans leurs tâches éduca-
tives. Le SPJ a établi un rapport de renseignements à l'in-
tention de la justice de paix le 23 août 1999.

Le 23 février 2000, le Juge d'instruction de l'ar-
rondissement du Nord vaudois a renvoyé A.X.________ devant
le
Tribunal de police du district d'Orbe comme accusé notamment
de lésions corporelles simples qualifiées et de violation du
devoir d'assistance ou d'éducation, en raison de corrections
qu'il aurait administrées à ses enfants D.________ et
C.________. Le même jour, C.X.________ a bénéficié d'un non-
lieu.

Par jugement du 30 mai 2000, la Justice de paix du
cercle d'Orbe a mis fin à l'enquête en limitation de l'auto-
rité parentale, institué une curatelle d'assistance
éducative
en faveur des six enfants d'A. et C.X.________, désigné le
SPJ en qualité de curateur, le chargeant notamment de mettre
en place un appui éducatif, et laissé les frais à la charge
de l'Etat.

B.- Le 7 juin 2000, A. et C.X.________ ont recouru
contre cette décision, concluant essentiellement à ce qu'au-
cune mesure de protection ne soit instituée en faveur de
leurs enfants. Dans leur mémoire du 25 août 2000, ils ont
fait valoir en substance l'acquittement d'A.X.________, in-
tervenu le 9 août 2000 selon jugement du Tribunal correction-
nel du district d'Orbe.

Par arrêt du 23 octobre 2000, notifié le 18 janvier
2001, la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal du canton
de Vaud a partiellement admis le recours interjeté par A. et
C.X.________ et a réformé le jugement attaqué en ce sens
qu'une curatelle éducative à forme de l'art. 308 CC est ins-
tituée en faveur du seul enfant D.________, le SPJ étant dé-
signé en qualité de curateur. Elle a confirmé le jugement
pour le surplus et statué sans frais.

C.- a) A. et C.X.________ demandent au Tribunal fé-
déral de réformer cet arrêt, en ce sens qu'il n'y a pas lieu
d'instituer des mesures de protection sur leur fils
D.________, né le 26 juin 1990. Subsidiairement, ils deman-
dent le renvoi de la cause à la Chambre des tutelles pour
complément d'instruction et nouvelle décision dans le sens
des considérants.

Ils sollicitent par ailleurs le bénéfice de l'assis-
tance judiciaire.

b) Par arrêt de ce jour, la cour de céans a rejeté,
dans la mesure de sa recevabilité, le recours de droit
public
connexe formé par les recourants.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours est recevable selon l'art. 44 let. d
OJ en tant que les recourants dénoncent l'instauration d'une
curatelle sur l'enfant D.________. Il est en revanche irrece-
vable dans la mesure où il est dirigé contre la désignation
du SPJ comme curateur: le législateur n'ayant pas ouvert la
voie du recours en réforme dans un tel cas (cf. la liste ex-
haustive de l'art. 44 OJ, dont la lettre d ne vise que le li-
tige concernant le principe même de la curatelle et non son
exercice par une personne déterminée), cette question relève
dès lors du recours de droit public (arrêts non publiés
5P.371/1998 consid. 1, 5C.1/1991 consid. 1).

Interjeté en temps utile contre une décision finale
prise par le tribunal suprême du canton, le recours est
aussi
recevable au regard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.- Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédé-
ral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été consta-
tés par la dernière autorité cantonale, à moins que des dis-
positions fédérales en matière de preuve n'aient été violées
ou que des constatations ne reposent sur une inadvertance ma-
nifeste (art. 63 al. 2 OJ). Les griefs dirigés à l'encontre
des constatations de fait - ou de l'appréciation des preuves
à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale (ATF 122 III 61
consid. 2c/cc p. 66; 120 II 97 consid. 2b p. 99; 119 II 84
consid. 3) - et les faits nouveaux sont irrecevables (art.
55
al. 1 let. c OJ). L'art. 64 OJ réserve en outre le complète-
ment de constatations de fait incomplètes.

3.- a) Selon les recourants, la Chambre des tutelles
n'aurait pas établi que les mesures actuellement mises en
place concernant leur fils D.________ seraient
insuffisantes,
ni qu'ils refuseraient l'assistance des services d'aide à la
jeunesse. L'autorité cantonale n'aurait en outre ordonné au-
cune mesure d'instruction sur ce point, bien qu'ils aient va-
lablement proposé l'audition d'un témoin. Ils se plaignent à
cet égard d'une fausse application de l'art. 8 CC.

b) Sous le couvert de la violation de cette disposi-
tion, les recourants reprochent en réalité à la Chambre des
tutelles d'avoir enfreint le principe de la maxime d'office,
applicable en la matière (Breitschmid, Basler Kommentar, n.
5
ad art. 314/314a CC et les références mentionnées), et pré-
tendent que les conditions nécessaires pour instaurer une cu-
ratelle ne sont pas réunies. En vertu du principe précité,
le
juge établit certes les faits d'office. En l'occurrence,
l'autorité cantonale disposait toutefois d'un dossier impor-
tant, comprenant notamment un rapport de renseignements du
SPJ, un préavis du Ministère public ainsi que les procès-
verbaux d'audition, par la justice de paix, de représentants
du SPJ, de l'enfant et de ses parents. Elle pouvait dès lors
considérer, sans violer le droit fédéral, que les faits
étaient suffisamment élucidés; au demeurant, il n'est pas
contesté que la situation de l'enfant se soit améliorée dans
un passé récent eu égard aux mesures qui ont déjà été
prises,
notamment son séjour dans une école spécialisée. La question
de la nécessité d'une curatelle relève par ailleurs de l'ap-
plication de l'art. 308 al. 1 CC.

Dans la mesure où les recourants semblent vouloir
déduire de l'art. 8 CC le droit de faire entendre un témoin,
leur moyen est également sans fondement. Il résulte en effet
de l'arrêt entrepris que la Chambre des tutelles a renoncé à
ordonner les mesures d'instruction requises par les recou-

rants, notamment, parce qu'elle s'estimait suffisamment ren-
seignée. Or, il s'agit là d'une appréciation anticipée des
preuves (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p. 135; 124 I 49
consid.
3a p. 51, 208 consid. 4a p. 211; 122 II 464 consid. 4a p.
469; 120 Ib 224 consid. 2b p. 229 et les arrêts cités), qui
ne ressortit pas à l'art. 8 CC (notamment: ATF 122 III 219
consid. 3c p. 223/224 et les arrêts cités).

4.- Dans un autre grief, les recourants reprochent à
l'autorité cantonale d'avoir mal appliqué l'art. 308 al. 1
CC. Ils soutiennent en substance que la curatelle éducative
litigieuse ne respecterait pas les principes de subsidiarité
et de proportionnalité. En effet, des mesures suffisantes se-
raient d'ores et déjà mises en place pour encadrer leur fils
D.________, dont l'évolution serait très positive. Une
mesure
de protection aussi lourde de conséquences sur leur autorité
parentale et leur vie familiale serait dès lors dispropor-
tionnée. Ils se plaignent aussi d'une violation de l'art. 4
CC.

a) Selon l'art. 307 al. 1 CC, l'autorité tutélaire
prend les mesures nécessaires pour protéger l'enfant si son
développement est menacé et que les père et mère n'y remé-
dient pas d'eux-mêmes ou soient hors d'état de le faire.
Lorsque les circonstances l'exigent, elle nomme à l'enfant
un
curateur qui assiste les parents de ses conseils et de son
appui dans le soin de l'enfant. Cette curatelle éducative
prévue par l'art. 308 CC est, de par sa fonction, très
proche
de l'"assistance éducative" du droit pénal des mineurs (Mes-
sage du Conseil fédéral concernant la modification du Code
civil suisse [Filiation] du 5 juin 1974, FF 1974 II p. 83).
Il s'agit par conséquent d'une mesure qui empiète de façon
importante sur l'autorité parentale. Elle ne peut donc être
ordonnée que s'il existe un danger sérieux pour l'enfant
(RDT
1997 138). Il faut en outre qu'il soit impossible de
prévenir
ce danger par les mesures plus limitées de l'art. 307 CC et

que les parents ne soient pas à même de remédier à la situa-
tion (ATF 111 II 2 consid. 1 p. 5; 108 II 372 consid. 1 p.
373 en bas), au point que l'intervention active d'un conseil-
ler apparaisse nécessaire (Hegnauer/Meier, Droit suisse de
la
filiation et de la famille, 4e éd., n. 27.19). De simples
difficultés dans l'exercice de l'autorité parentale ne justi-
fient pas à elles seules une restriction fondée sur l'art.
308 CC. Encore faut-il qu'elles soient de nature à compromet-
tre sérieusement le bien de l'enfant (Tuor/Schnyder/Schmid,
Das schweizerische Zivilgesetzbuch, 11e éd., p. 347;
Hegnauer, Berner Kommentar, n. 43 ad art. 283 aCC).

b) Selon les constatations de l'arrêt entrepris, qui
lient le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), l'enfant
D.________ a connu de graves problèmes de comportement, se
montrant violent à l'égard de ses camarades; ses parents ont
du reste admis qu'ils étaient préoccupés par l'état de con-
flit permanent régnant entre D.________ et ses condisciples.
Il a également rencontré d'importantes difficultés
scolaires,
notamment dans l'apprentissage du langage. Si la situation
de
cet enfant s'est récemment améliorée, son développement appa-
raît toutefois encore compromis du fait de ses difficultés
d'intégration, en dépit de ses séjours en internat.

Compte tenu de ces circonstances, la Chambre des tu-
telles n'a pas violé le droit fédéral, ni abusé de son pou-
voir d'appréciation en considérant que les mesures limitées
prévues par l'art. 307 CC étaient insuffisantes, voire inop-
portunes. Elle a en effet considéré avec raison qu'étant don-
né l'ensemble des problèmes présentés par l'enfant, un appui
et des conseils éducatifs représentaient des moyens plus adé-
quats pour aider les parents à faire face à la situation que
de simples admonestations ou directives. L'autorité
cantonale
a également estimé à juste titre que le droit de regard et
d'information prévu par l'art. 307 al. 3 in fine CC était
une

mesure en l'occurrence inadaptée, l'intervention d'un sur-
veillant - et non d'un conseiller - ne pouvant être
ressentie
que de manière négative. Contrairement à ce que soutiennent
les recourants, la Chambre des tutelles n'a pas méconnu que
la situation de D.________ s'était améliorée depuis son in-
ternat dans une école spécialisée, en 1999-2000. Sur la base
des faits retenus, elle a cependant jugé que l'intervention
d'un conseiller restait nécessaire, notamment pour permettre
aux recourants - par ailleurs parents de cinq autres enfants
en bas âge - de gérer la constante aggressivité de leur fils
aîné, surtout en-dehors de ses heures de scolarité. Ce rai-
sonnement échappe à la critique. En particulier, l'autorité
cantonale ne saurait se voir reprocher d'avoir violé les
principes de subsidiarité et de proportionnalité qui régis-
sent l'application des art. 307 ss CC (sur ces principes,
cf.
Breitschmid, op. cit., n. 6 et 8 ad art. 307 CC; Hegnauer,
op. cit., n. 43-55 ad art. 283 CC; Stettler, Droit suisse de
la filiation, Traité de droit privé suisse, vol. III/II/1,
p. 539-540; Tuor/Schnyder/Schmid, op. cit., p. 347). Le
moyen
se révèle dès lors mal fondé.

5.- Quelle que soit l'opinion des recourants à ce
sujet, les constatations de l'arrêt entrepris étaient ainsi
suffisantes pour examiner leurs griefs, de sorte qu'un
renvoi
à l'autorité cantonale au sens de l'art. 64 al. 1 OJ ne sau-
rait entrer en considération (J.-F. Poudret, Commentaire de
la loi fédérale d'organisation judiciaire, n. 1.3 et 2.1 ad
art. 64 OJ).

6.- En conclusion, le recours doit être rejeté dans
la mesure de sa recevabilité et l'arrêt entrepris confirmé.
Les frais judiciaires seront dès lors mis à la charge des re-
courants (art. 156 al. 1 OJ). Leur requête d'assistance judi-
ciaire peut toutefois être admise, car leurs conclusions
n'étaient pas manifestement vouées à l'échec et leurs res-
sources sont faibles (art. 152 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable et confirme l'arrêt entrepris.


2. Admet la requête d'assistance judiciaire présen-
tée par les recourants et leur désigne Me Félix Paschoud,
avocat à Lausanne, comme conseil d'office.

3. Met à la charge des recourants, solidairement en-
tre eux, un émolument judiciaire de 1'500 fr., mais dit que
celui-ci est provisoirement supporté par la Caisse du Tribu-
nal fédéral.

4. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera à
Me Félix Paschoud une indemnité de 1'500 fr. à titre d'hono-
raires d'avocat d'office.

5. Le présent arrêt est communiqué en copie au man-
dataire des recourants, au Service de protection de la jeu-
nesse et à la Chambre des tutelles du Tribunal cantonal du
canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 7 juin 2001
MDO/frs
Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.65/2001
Date de la décision : 07/06/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-07;5c.65.2001 ?
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