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07/06/2001 | SUISSE | N°1P.269/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 juin 2001, 1P.269/2001


«/2»

1P.269/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

7 juin 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

les époux D.________, représentés par Me Hervé Bovet, avocat
à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 13 mars 2001 par le Tribunal administrati

f
du canton de Fribourg dans la cause qui oppose les
recourants
à la Commune de N e y r u z et au Préfet du district...

«/2»

1P.269/2001

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

7 juin 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

les époux D.________, représentés par Me Hervé Bovet, avocat
à Fribourg,

contre

l'arrêt rendu le 13 mars 2001 par le Tribunal administratif
du canton de Fribourg dans la cause qui oppose les
recourants
à la Commune de N e y r u z et au Préfet du district de la

S a r i n e ;

(ordre de démolition; proportionnalité)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les époux D.________ sont propriétaires de la
parcelle n° 1183 du registre foncier de la commune de
Neyruz.
Ce bien-fonds est situé dans le périmètre du plan d'aménage-
ment de détail "Les Colombettes", approuvé par la Direction
cantonale des travaux publics le 29 octobre 1997, qui fixe
l'indice d'utilisation maximum à 0,35 pour le secteur con-
cerné.

Le 26 avril 1999, le Préfet du district de la Sarine
a accordé aux époux D.________ l'autorisation de construire
sur cette parcelle deux séries de trois villas groupées cha-
cune, pour un coût de construction de respectivement 690'000
fr. et 720'000 fr.

En cours de chantier, plusieurs violations des plans
d'autorisation de construire ont été constatées, donnant
lieu
à des inspections locales et à des mises en demeure du
Préfet
du district de la Sarine. Après avoir requis sans succès la
production de nouveaux plans conformes à l'état réel des tra-
vaux, ce dernier a, par décision du 25 août 2000, ordonné
aux
époux D.________ d'adapter les travaux entrepris sans droit
conformément aux plans approuvés le 26 avril 1999, d'ici au
25 septembre 2000, sous menace d'exécution par substitution.

Contre cette décision, les époux D.________ ont for-
mé un recours que le Tribunal administratif du canton de Fri-
bourg (ci-après: le Tribunal administratif ou la cour canto-
nale) a rejeté par arrêt du 13 mars 2001. Cette autorité a
relevé que les travaux entrepris sans autorisation avaient
entraîné un dépassement sensible de l'indice d'utilisation
maximum pour le secteur. Au vu des demandes répétées des au-
torités administratives de déposer de nouveaux plans, aux-

quelles ils avaient répondu tardivement et de manière incom-
plète, les époux D.________ n'avaient pas agi de bonne foi,
mais avaient sciemment persisté dans l'illégalité. Face à
une
violation si flagrante des conditions des permis de construi-
re, l'ordre préfectoral d'adapter les travaux entrepris sans
droit conformément aux plans du 26 avril 1999 respectait le
principe de la proportionnalité. Comme le rétablissement in-
tégral de l'état de droit ne pouvait être exigé, "sauf à or-
donner la démolition complète des immeubles", le Tribunal ad-
ministratif a renoncé à cette exigence; il a en revanche
dressé la liste des travaux à effectuer, en impartissant aux
contrevenants un délai au 30 septembre 2001 pour ce faire
sous la menace des sanctions prévues à l'art. 292 du Code
pénal.

B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
les époux D.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler
cet arrêt. Ils reprochent au Tribunal administratif d'avoir
violé leur droit d'être entendus garanti par les art. 29 al.
2 Cst. et 59 al. 2 du Code de procédure et de juridiction
administrative du canton de Fribourg (CPJA) ainsi que la
maxime d'office posée à l'art. 45 al. 1 CPJA en refusant de
procéder à une expertise sur le coût des mesures à prendre
pour se conformer aux permis de construire, alors que cet
élément était nécessaire, à leur avis, pour se prononcer sur
une éventuelle violation du principe de la proportionnalité.

Le Tribunal administratif et le Préfet du district
de la Sarine concluent au rejet du recours. La Commune de
Neyruz a présenté des observations.

C.- Par ordonnance du 9 mai 2001, le Président de la
Ie Cour de droit public a admis la demande d'effet suspensif
présentée par les recourants.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Les époux D.________ sont directement touchés
par l'arrêt attaqué, qui leur impartit un délai au 30 septem-
bre 2001 pour adapter les travaux entrepris sans droit sur
la
parcelle dont ils sont propriétaires à Neyruz; ils ont un in-
térêt personnel, actuel et juridiquement protégé à son annu-
lation et, partant, qualité pour agir selon l'art. 88 OJ.

Le recours répond au surplus aux conditions de rece-
vabilité des art. 86 al. 1, 89 et 90 OJ, de sorte qu'il con-
vient d'entrer en matière sur le fond.

2.- Les recourants reprochent au Tribunal adminis-
tratif d'avoir violé leur droit d'être entendus garanti par
les art. 29 al. 2 Cst. et 59 al. 2 CPJA ainsi que la maxime
d'office posée à l'art. 45 al. 1 CPJA en refusant de
procéder
à une expertise sur le coût des mesures à prendre pour se
conformer aux permis de construire.

a) La portée du droit d'être entendu et les modali-
tés de sa mise en oeuvre sont déterminées en premier lieu
par
les dispositions cantonales de procédure, dont le Tribunal
fédéral ne contrôle l'application et l'interprétation que
sous l'angle restreint de l'arbitraire; dans tous les cas
cependant, l'autorité cantonale doit respecter les garanties
minimales déduites directement de l'art. 29 al. 2 Cst., dont
le Tribunal fédéral examine librement si elles ont été obser-
vées (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités).

En l'espèce, les recourants dénoncent une applica-
tion arbitraire des art. 45 al. 1 et 59 al. 2 CPJA
instituant
respectivement la maxime d'office pour l'établissement des
faits et l'obligation d'administrer les preuves requises, si
elles n'apparaissent pas d'emblée dénuées de pertinence, au

titre de la garantie du droit d'être entendu. Ils ne démon-
trent cependant pas, comme il leur appartenait de faire
(art.
90 al. 1 let. b OJ), que ces dispositions leur accorderaient
un droit inconditionnel à obtenir la mise en oeuvre d'une ex-
pertise. Dans le système d'instruction d'office et de libre
appréciation des preuves qui domine la procédure administra-
tive fribourgeoise, il appartient au contraire au juge qui
dirige la procédure de dire quels sont les faits pertinents
et d'administrer les preuves propres à les établir. Il peut
ainsi renoncer à procéder à des mesures d'instruction lors-
qu'il parvient à la conclusion qu'elles ne sont pas
décisives
pour la solution du litige ou qu'elles ne pourraient pas
l'amener à modifier son opinion. Le droit cantonal de procé-
dure ne va donc pas sur ce point plus loin que l'art. 29 al.
2 Cst. C'est donc exclusivement à la lumière de cette dispo-
sition qu'il convient d'examiner le mérite du recours (ATF
126 I 15 consid. 2a p. 16 et les arrêts cités).

b) Le droit d'être entendu est une garantie consti-
tutionnelle de caractère formel, dont la violation doit en-
traîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment
des chances de succès du recours sur le fond. Tel qu'il est
reconnu par l'art. 29 al. 2 Cst., le droit d'être entendu
comprend en particulier le droit pour l'intéressé d'offrir
des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier,
d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves per-
tinentes, de participer à l'administration des preuves essen-
tielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat
lorsque cela est de nature à influer sur la décision à
rendre
(ATF 126 V 130 consid. 2b p. 131/132; pour la jurisprudence
rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst., voir ATF 126 I 15
consid. 2a/aa p. 16 et les références citées).

Toutefois, le droit d'être entendu ne peut être
exercé que sur les éléments qui sont déterminants pour déci-
der de l'issue du litige. Il est ainsi possible de renoncer
à

l'administration de certaines preuves offertes, lorsque le
fait dont les parties veulent rapporter l'authenticité n'est
pas important pour la solution du cas, que la preuve résulte
déjà de constatations versées au dossier ou lorsqu'il appa-
raît comme sûr que le moyen de preuve avancé ne serait pas
propre à fournir les éclaircissements nécessaires. Ainsi,
l'appréciation anticipée des preuves ne constitue pas une
atteinte au droit d'être entendu directement déduit de
l'art.
29 al. 2 Cst., selon la jurisprudence tirée de l'art. 4
aCst.
qui conserve toute sa valeur sous l'empire du nouveau droit
(ATF 124 I 241 consid. 2 p. 242; 124 V 180 consid 1a p. 181
et les arrêts cités). Au même titre que toute appréciation
des preuves, l'appréciation anticipée de celles-ci est sou-
mise à l'interdiction de l'arbitraire (ATF 124 I 274 consid.
5b p. 285 et les références citées).

c) En l'occurrence, les recourants ne contestent pas
avoir entrepris de nombreux travaux en violation des permis
de construire délivrés le 26 avril 1999 et ce malgré les in-
terventions des autorités communales et préfectorale, de sor-
te qu'ils ne sauraient se prévaloir de leur bonne foi. La
seule question que le Tribunal administratif devait résoudre
était celle de l'application du principe de la proportionna-
lité, pour la fixation de l'ampleur des travaux de restitu-
tion de l'état des lieux dans les termes des autorisations
de
construire.

Dans la mesure où les recourants n'étaient pas de
bonne foi, la cour cantonale pouvait accorder une importance
accrue au rétablissement de l'état de droit sans se préoccu-
per outre mesure des inconvénients de la situation ainsi
créée pour les propriétaires touchés, selon la jurisprudence
qu'elle cite (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255). Malgré ces
circonstances particulières, elle ne pouvait pas s'abstenir
d'examiner la proportionnalité de la décision attaquée, car
même dans des cas où les intéressés ont agi de mauvaise foi,

l'ordre de démolition ou de restitution de l'état antérieur
conforme au droit pourrait éventuellement apparaître dispro-
portionné (ATF 123 II 248 consid. 4b p. 255 et les
références
citées).

Traditionnellement, le principe de la proportionna-
lité se compose des règles d'aptitude - qui exige que le
moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de néces-
sité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choi-
sisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts
privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en
balance les effets de la mesure choisie sur la situation de
l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'in-
térêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 p. 482 et les arrêts
cités).

d) En l'espèce, la décision préfectorale du 25 août
2000 tendait à l'adaptation des travaux entrepris aux plans
approuvés le 26 avril 1999, ce qui impliquait, pratiquement,
la démolition complète des immeubles. La cour cantonale a
renoncé à cette exigence et a dressé la liste des travaux à
exécuter pour rétablir une situation conforme au droit.
Ainsi, en s'écartant de la règle d'aptitude, qui impliquait
en principe une démolition complète de bâtiments pour respec-
ter la loi, violée à de nombreuses reprises et délibérément
par les recourants, le Tribunal administratif a fait une sai-
ne appréciation des circonstances. Il a trouvé, par l'appli-
cation du principe de la proportionnalité au sens étroit, la
mesure qui permettait de parvenir au but d'intérêt public re-
cherché, sans porter une atteinte excessive aux intérêts pri-
vés des recourants, tout en donnant plus de poids au réta-
blissement de l'état de droit, selon la jurisprudence men-
tionnée (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255). Dans ces condi-
tions, toute alternative à un ordre de démolition complet,
consistant en des travaux de remise en état partiels, était
plus avantageuse pour les propriétaires perturbateurs. Le

Tribunal administratif pouvait en conséquence se dispenser
de
faire procéder à l'expertise requise par les recourants sans
porter atteinte à leur droit d'être entendus.

Dans leur mémoire de recours cantonal, les époux
D.________ estimaient que les travaux nécessaires à rétablir
la situation conformément aux plans, y compris le
déplacement
des locataires entrés dans les locaux, engendreraient une dé-
pense de l'ordre de 300'000 fr., représentant le 21,3% du
coût total des ouvrages, selon les chiffres indiqués dans la
demande de permis de construire. Devant le Tribunal fédéral,
ils ont précisé leur estimation, en ce sens que les frais de
remise en état s'élèveraient à 195'000 fr., soit moins du
14%
de la valeur des bâtiments. Même si la prise en
considération
de ces estimations financières n'est pas déterminante pour
l'application du principe de la proportionnalité dans le cas
présent, vu l'importance prépondérante attachée à l'intérêt
public visant à garantir le respect de la loi, l'atteinte
aux
intérêts pécuniaires des perturbateurs, inférieure à 14% de
leur investissement, de leur propre aveu, reste raisonnable
et ne souffre aucune critique sous l'angle de la proportion-
nalité. L'examen sommaire de ce moyen sur la base des rensei-
gnements fournis par les recourants eux-mêmes apporte après
coup la démonstration qu'il n'était pas nécessaire, en l'es-
pèce, de faire procéder à une expertise, avant d'ordonner
les
travaux de rétablissement n'entraînant aucune atteinte aux
droits constitutionnels des recourants.

3.- Le recours doit en conséquence être rejeté, le
délai d'exécution étant toutefois reporté du 30 septembre
2001 au 31 décembre 2001, vu l'effet suspensif accordé au
recours par la décision du 9 mai 2001.

Vu l'issue du litige, un émolument
de 4'000 fr. sera
mis à la charge des recourants qui succombent (art. 156 al.
1
OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer une indemnité à la commune

de Neyruz, qui a procédé seule (ATF 113 Ib 353 consid. 6b p.
356/357), ni aux autres autorités concernées (art. 159 al. 2
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Fixe au 31 décembre 2001 le délai imparti aux re-
courants pour adapter les travaux entrepris sans droit selon
le chiffre 2 du dispositif de l'arrêt attaqué;

3. Met à la charge des recourants un émolument judi-
ciaire de 4'000 fr.;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et au Tribunal administratif du canton de Fribourg.

Lausanne, le 7 juin 2001
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.269/2001
Date de la décision : 07/06/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-06-07;1p.269.2001 ?
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