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31/05/2001 | SUISSE | N°U.349/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 mai 2001, U.349/00


«AZA 7»
U 349/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 31 mai 2001

dans la cause

A.________, recourante, représentée par Maître Mauro
Poggia, avocat, rue de Beaumont 11, 1206 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- A.________ circulait en voiture en ville de
X._

_______, en mars 1996, lorsqu'un automobiliste n'a pas
respecté un signal «stop» et embouti son véhicule latérale-
ment. Cet acciden...

«AZA 7»
U 349/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 31 mai 2001

dans la cause

A.________, recourante, représentée par Maître Mauro
Poggia, avocat, rue de Beaumont 11, 1206 Genève,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- A.________ circulait en voiture en ville de
X.________, en mars 1996, lorsqu'un automobiliste n'a pas
respecté un signal «stop» et embouti son véhicule latérale-
ment. Cet accident a donné lieu à un constat à l'amiable
entre les conducteurs; les frais de réparation de la voi-
ture de A.________ se sont élevés à 4300 fr. (rapport
d'expertise du 3 mai 1996). Le lendemain, celle-ci a
consulté le docteur B.________ qui a diagnostiqué une dis-

torsion cervicale ainsi qu'une commotion cérébrale, sans
lésion osseuse. Lors de cet examen, ce médecin a mis en
évidence une ancienne lésion cervicale (rapport du 30 avril
1996). La Caisse nationale suisse d'assurance en cas
d'accidents (CNA) a pris le cas en charge.
Dans un rapport du 19 juin 1997 qu'il a adressé au
médecin-conseil de la CNA, le docteur C.________, spécia-
liste en neurologie, a estimé que l'assurée ne présentait
plus aucun trouble de l'attention et de la concentration.
En revanche, elle souffrait de troubles anxieux et pho-
biques multiples probablement décompensés par le syndrome
de stress post-traumatique; il mentionnait également des
antécédents dépressifs. Pour se déterminer, le docteur
C.________ disposait du rapport de M.________, neuro-
psychologue, du 16 juin 1997, laquelle avait examiné
l'assurée à trois reprises.
La CNA a mis fin à ses prestations avec effet au
30 novembre 1997, par décision du 18 novembre 1997. Tant
SWICA, assureur-maladie, que l'assurée ont formé opposition
contre cette décision, la seconde concluant à la mise en
oeuvre d'une expertise.
Par décision du 10 décembre 1998, la CNA a rejeté les
deux oppositions. En bref, elle a considéré que les trou-
bles cervicaux, antérieurs à l'accident, n'engageaient plus
sa responsabilité. Quant aux affections d'ordre psychique,
elles étaient sans rapport avec l'accident assuré. La CNA a
par ailleurs refusé de soumettre l'assurée à une expertise
psychiatrique, dès lors que l'existence de troubles de
cette nature était établie.

B.- A.________ a recouru contre cette décision devant
le Tribunal administratif du canton de Genève, en concluant
principalement à ce que la CNA fût condamnée à lui verser
ses prestations au-delà du 30 novembre 1997, subsidiaire-

ment à la mise en oeuvre d'une expertise médicale incluant
une appréciation neurologique, neuropsychologique et
traumatologique. Dans ses déterminations, SWICA s'est
ralliée à la conclusion principale de l'assurée.
Par jugement du 27 juin 2000, la juridiction cantonale
a rejeté le recours.

C.- A.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont elle demande l'annulation, avec
suite de dépens, en concluant au renvoi de la cause aux
premiers juges afin qu'ils ordonnent une expertise médi-
cale.
La CNA conclut au rejet du recours, tandis que SWICA,
en sa qualité d'intervenante, se rallie aux conclusions de
la recourante. L'Office fédéral des assurances sociales ne
s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- a) Selon l'art. 6 al. 1 LAA, les prestations
d'assurance sont allouées en cas d'accident professionnel,
d'accident non professionnel et de maladie professionnelle.
D'après l'art. 9 al. 1 OLAA, est réputée accident toute
atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au
corps humain par une cause extérieure extraordinaire (ATF
122 V 232 consid. 1 et les références).

b) La Cour de céans a jugé qu'un traumatisme psychique
constitue un accident lorsqu'il est le résultat d'un événe-
ment d'une grande violence survenu en présence de l'assuré
et apte à perturber l'équilibre psychique d'une personne
jouissant d'une constitution psychique saine, provoquant
des réactions typiques d'angoisse et de terreur (ATFA 1963
pp. 168 ss consid. 2 et les références, RAMA 2000 n° U 365

pp. 89-90 consid. 2a et les références; Maurer, Schweize-
risches Unfallversicherungsrecht, pp. 183 ss; Rumo-Jungo,
Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungs-
recht, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 2e éd.,
Zurich 1995, pp. 25 ss). Dans un arrêt non publié S. du
25 avril 1974, U 45/73, le Tribunal fédéral des assurances
a confirmé cette jurisprudence tout en relevant qu'en cas
de lésion psychique, l'existence d'un accident ne peut être
reconnue que si l'assuré a été exposé à un événement drama-
tique propre à faire naître une terreur subite. Ultérieu-
rement, dans un arrêt non publié G. du 8 juillet 1986,
U 49/85, la Cour de céans, s'écartant quelque peu des prin-
cipes ci-dessus exposés, a considéré comme un accident le
fait qu'un assuré avait réalisé après coup avoir été exposé
à un danger de mort, lors d'un sinistre qui avait eu une
issue tragique pour un collègue travaillant à ses côtés.
Cette jurisprudence a été confirmée et précisée en ce
sens que ne sont plus considérées comme déterminantes les
seules réactions d'une personne jouissant d'une constitu-
tion psychique saine, cela afin de tenir compte de la
jurisprudence selon laquelle l'assurance-accidents couvre
également les risques présentés par les personnes qui, en
raison de certaines prédispositions morbides, assument
moins bien l'accident que des assurés jouissant d'une
constitution normale (ATF 112 V 36 consid. 3c, RAMA 2000
n° U 365 p. 90 consid. 2a et les références; cf. également
ATF 115 V 135 consid. 4b et 113 V 312 consid. 3c).
Il n'en demeure pas moins, et cela résulte de la défi-
nition même de l'accident, que le caractère extraordinaire
de l'atteinte ne concerne pas les effets du facteur exté-
rieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il
importe peu que le facteur extérieur ait entraîné, le cas
échéant, des conséquences graves ou inattendues. Le facteur
extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu'il
excède, dans le cas particulier, le cadre des événements et

des situations que l'on peut, objectivement, qualifier de
quotidiens ou d'habituels (ATF 122 V 233 consid. 1; RAMA
2000 n° U 365 p. 90 consid. 2a et les références).

2.- a) En l'occurrence, la recourante reconnaît
qu'elle ne subit plus d'atteinte à la santé physique en
rapport avec l'accident dont elle a été victime le 28 mars
1996. Elle soutient, en revanche, qu'elle souffre d'affec-
tions d'ordre psychique dont elle voudrait faire constater
l'existence par expertise. A cet égard, elle allègue que sa
vie est devenue un cauchemar depuis l'accident de 1996, que
chaque sortie de la maison entraîne des crises de panique,
qu'elle ne se déplace pas hors de X.________ et que son
mari l'accompagne partout.
L'existence de ces troubles anxieux et phobiques
multiples ressort du dossier et n'est pas contestée. Une
expertise est dès lors superflue.

b) Dans un arrêt déjà ancien (Revue suisse des acci-
dents du travail [RSAT] 1920, p. 451), le Tribunal fédéral
des assurances avait eu l'occasion de se prononcer sur le
cas d'un assuré décédé des suites d'une apoplexie quelques
heures après avoir subi un choc nerveux. L'intéressé,
conducteur de tramway, était arrêté à une station, lors-
qu'une vitre de son véhicule fut brisée par une boule de
neige. Un passager ayant été légèrement blessé par des
éclats de verre, l'assuré, hors de lui, invectiva des
enfants qu'il tenait à tort pour responsables de l'inci-
dent. Quelques heures plus tard, il ressentit de fortes
douleurs qui l'obligèrent à appeler un médecin. Celui-ci
fit état d'une hémiplégie accompagnée d'un fort étourdisse-
ment. L'assuré décéda le lendemain. Appelé à se prononcer
sur le cas, le Tribunal fédéral des assurances a nié
l'existence d'un accident assuré. Il a considéré que l'in-
cident qui était à l'origine du choc émotionnel constituait

une circonstance à laquelle un conducteur de tramway est
plus ou moins régulièrement exposé, de sorte qu'il ne
pouvait être considéré comme un événement terrifiant
(«Schreckereignis»).
Dans l'affaire qui a donné lieu à l'arrêt RAMA 1991
n° U 128 p. 225, un automobiliste (l'assuré) s'était arrêté
brusquement à la vue d'un véhicule qui, débouchant d'une
route déclassée, s'était immobilisé un mètre environ
au-delà de la ligne d'attente. Celui qui le suivait à une
vitesse de cinquante kilomètres à l'heure environ ne put
s'arrêter à temps et heurta l'arrière gauche de la voiture
de l'assuré. Ce dernier sortit précipitamment de son véhi-
cule et discuta vivement avec le conducteur de l'automobile
qui l'avait heurté, puis se rendit à une station-service
sise à proximité afin de téléphoner à un poste de gendar-
merie. En retournant sur les lieux de la collision dix
minutes plus tard environ, il fut pris d'un malaise, dut
être transporté en ambulance à l'hôpital, et devint inva-
lide (hémiplégie du côté gauche, consécutive à une hémorra-
gie cérébrale hémisphérique droite d'origine hypertensive).
Sur le vu de la jurisprudence et sous peine d'étendre à
l'excès la notion de «lésion psychique» provoquée par un
choc nerveux, le Tribunal fédéral des assurances a admis
que les circonstances de ce cas ne permettaient pas de
conclure à l'existence d'un accident. La collision et
l'échange de propos vifs qui l'a suivie ne sauraient être
considérés comme des événements extraordinaires excédant le
cadre des situations qu'on peut, objectivement, qualifier
de quotidiennes ou d'habituelles. Il est constant que le
véhicule qui a heurté l'automobile du recourant ne circu-
lait pas à une vitesse supérieure à cinquante kilomètres à
l'heure et que la collision n'a entraîné que des dommages
matériels peu importants. Cela étant, il n'a pas considéré
que l'assuré avait été exposé à un événement dramatique
propre à faire naître une terreur subite même chez une
personne moins capable de surmonter certains chocs nerveux.

Récemment (RAMA 2000 n° U 365 p. 89), la Cour de céans
a rappelé que la reconnaissance du caractère d'accident à
un événement effroyable présuppose, entre autres condi-
tions, que l'atteinte psychique ait été causée par un
événement violent qui s'est produit en présence immédiate
de l'assuré. Elle a considéré que cette condition n'était
pas remplie, lorsqu'une assurée trouve dans son appartement
le corps de son fils victime d'un meurtre.

c) En l'espèce et comme dans l'arrêt publié dans la
RAMA 1991 n° U 128 p. 225, on ne saurait considérer que la
recourante a été exposée à un événement dramatique propre à
faire naître une terreur subite. En particulier, les
conducteurs ont réglé le constat de l'accident à l'amiable
et le véhicule de la recourante a pu être réparé sans frais
très importants.
Vu ce qui précède, l'intimée était en droit, par sa
décision litigieuse, de refuser de prendre en charge les
suites des affections psychiques de la recourante consécu-
tives à l'accident du 28 mars 1996, et par conséquent, de
mettre fin au versement de ses prestations avec effet au
30 novembre 1997. Le jugement entrepris n'est pas critiqua-
ble et le recours se révèle mal fondé.

3.- SWICA, qui avait conclu à l'admission du recours
de l'assurée devant le Tribunal cantonal contre la décision
sur opposition de l'intimée, est également intervenue acti-
vement dans la procédure fédérale, en concluant derechef à
l'admission du recours de l'assurée. La qualité de partie
doit ainsi lui être reconnue pour son intervention dans le
présent litige.
Succombant, l'intervenante supportera les frais de
justice, comme s'il s'agissait d'un litige entre assureurs
(consid. 6 de l'arrêt A. du 30 avril 2001 destiné à la
publication dans le Recueil officiel, U 281/00).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de justice, d'un montant total de 3000 fr.,
sont mis à la charge de SWICA Organisation de santé.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à SWICA,
au Tribunal administratif du canton de Genève, et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 31 mai 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.349/00
Date de la décision : 31/05/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-31;u.349.00 ?
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