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25/05/2001 | SUISSE | N°5C.43/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 25 mai 2001, 5C.43/2001


«/2»
5C.43/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

25 mai 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Merkli, juges.
Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ SA, demanderesse et recourante, représentée par
Me
Jacques Gautier, avocat à Genève,

et

Y.________ Assurances, soit pour elle sa succursale de Genè-
ve, défenderesse et intimée, représentée par Me

Antoine
Herren, avocat à Genève;

(contrat d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivant...

«/2»
5C.43/2001

IIe C O U R C I V I L E
**************************

25 mai 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi,
M. Raselli, Mme Nordmann et M. Merkli, juges.
Greffier: M. Abrecht.

_________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ SA, demanderesse et recourante, représentée par
Me
Jacques Gautier, avocat à Genève,

et

Y.________ Assurances, soit pour elle sa succursale de Genè-
ve, défenderesse et intimée, représentée par Me Antoine
Herren, avocat à Genève;

(contrat d'assurance)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- La SI A.________ était propriétaire de la "Villa
S.________", qui constitue la parcelle n° xxx de la commune
de Genève, section Eaux-Vives. Le 3 mars 1987, cette société
a conclu avec Y.________ Assurances un contrat d'assurance
pour les dommages résultant des dégâts d'eau et d'incendie
susceptibles d'être causés à cet immeuble; la valeur à neuf
du bâtiment était de 850'000 fr. Selon avenant du 9 mars
1993, ce contrat, qui, dans l'intervalle, avait cessé de dé-
ployer ses effets, a été remis en vigueur dès le 8 avril
1992
à la demande de la Banque B.________, créancier gagiste sur
l'immeuble.

B.- Les articles 26 et 27 des conditions générales
d'assurance (CGA) applicables avaient la teneur suivante:

"Art. 26 Garantie des créances hypothécaires

La compagnie garantit aux créanciers gagistes,
jusqu'à concurrence de l'indemnité, le montant de
leurs créances découlant des droits de gage ins-
crits au Registre foncier ou annoncés par écrit à
la compagnie et dont la couverture n'est pas assu-
rée par la fortune personnelle du débiteur. Cette
garantie est consentie même si l'ayant droit est
totalement ou partiellement déchu de son droit à
l'indemnité.

Cette disposition n'est pas appliquée si le créan-
cier gagiste est lui-même l'ayant droit ou s'il a
causé le sinistre intentionnellement ou par faute
grave.

Art. 27 Prescription et déchéance

Les créances qui dérivent du contrat d'assurance se
prescrivent par deux ans à dater du fait d'où naît
l'obligation.

Les demandes d'indemnité qui ont été rejetées et
qui n'ont pas fait l'objet d'une action en justice
dans les deux ans qui suivent le sinistre, sont
frappées de déchéance."

C.- Le 25 août 1994 vers 2 heures 45, un incendie a
partiellement dévasté la "Villa S.________". Un réduit et
les
combles ont été détruits, et les appartements ont subi des
dégâts d'eau.

D.- La parcelle n° xxx a été vendue aux enchères
forcées ensuite de poursuite en réalisation de gage le 17 dé-
cembre 1996 et adjugée pour la somme de 1'200'000 fr. à la
société X.________ SA.

Le 21 janvier 1997, cette société a avisé Y.________
Assurances qu'elle avait acquis un groupe d'immeubles compre-
nant notamment la parcelle n° xxx après s'être fait céder
par
la Banque B.________ les créances, gages et autres droits
que
celle-ci détenait contre les propriétaires de ces parcelles;
elle a en outre indiqué que les bâtiments assurés avaient
fait l'objet d'un incendie et de dégâts d'eau importants.

Y.________ Assurances a opposé une fin de non-rece-
voir à cette demande, excipant de la prescription; elle a
précisé que l'art. 26 CGA accordant aux créanciers gagistes
une garantie particulière n'y changeait rien, car la clause
en question ne visait pas les cas de prescription, mais seu-
lement ceux de déchéance.

E.- Par acte déposé en vue de conciliation le 10 oc-
tobre 1997, X.________ SA a actionné Y.________ Assurances
en
paiement de 1'120'500 fr. plus intérêts, prétention qu'elle
a
par la suite réduite à 692'500 fr. plus intérêts au taux de
5% l'an dès le 21 août 1997.

Le 22 janvier 1999, la Banque B.________ a cédé à
X.________ SA les droits découlant du contrat d'assurance
décrit ci-dessus sous lettre A, notamment les droits du
créancier gagiste à l'indemnité d'assurance.

L'affaire a été appointée le 8 juillet 1999 devant
le juge conciliateur, qui a alors délivré l'autorisation
d'introduire. La cause a été introduite le 30 septembre 1999
devant le Tribunal de première instance du canton de Genève.

A l'issue d'une audience de comparution personnelle
du 17 février 2000, le Tribunal, d'entente entre les parties
et par économie de procédure, a décidé de statuer en l'état
sur la seule question de la prescription invoquée par la
défenderesse.

F.- La 14e Chambre du Tribunal de première instance
a rejeté la demande par jugement du 25 mai 2000, qui a été
confirmé par la Chambre civile de la Cour de justice du can-
ton de Genève dans un arrêt rendu le 8 décembre 2000.

G.- Contre cet arrêt, la demanderesse exerce un
recours en réforme au Tribunal fédéral; elle conclut avec
suite des dépens de toutes instances à la réforme de l'arrêt
attaqué en ce sens que l'exception de prescription est reje-
tée, ainsi qu'au renvoi de l'affaire à l'autorité cantonale
pour jugement sur le fond. La défenderesse conclut au rejet
du recours avec suite de dépens.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- L'arrêt attaqué tranche une contestation civile
portant sur des droits de nature pécuniaire dont la valeur
dépasse largement 8'000 fr.; l'exception de prescription
ayant été admise et la demande rejetée sur le fond, il
s'agit

d'une décision finale (ATF 118 II 447 consid. 1b; 111 II 55
consid. 1 et les arrêts cités), prise par le tribunal
suprême
du canton de Genève et qui ne peut pas être l'objet d'un
recours ordinaire de droit cantonal. Le recours en réforme
est donc recevable au regard des art. 46 et 48 al. 1 OJ.

2.- La motivation de l'arrêt attaqué, dans ce qu'el-
le a d'utile à retenir en vue de l'examen du recours, peut
être résumée de la manière suivante.

a) Conformément à l'art. 54 al. 1 LCA, les droits et
obligations découlant du contrat d'assurance décrit
ci-dessus
sous lettre A ont passé de plein droit dès le 17 décembre
1996 à la demanderesse, qui revêt depuis lors la qualité de
preneur d'assurance (arrêt attaqué, consid. 2).

En vertu de l'art. 46 al. 1 LCA, les créances qui
dérivent du contrat d'assurance se prescrivent par deux ans
à
compter du fait d'où naît l'obligation. Le fait qui donne
naissance à l'obligation est la réalisation du risque.
Ainsi,
en matière d'assurance du bâtiment contre les incendies ou
les dégâts d'eau, la prescription commence à courir au
moment
de la survenance du sinistre. En l'occurrence, l'événement
assuré, soit l'incendie survenu dans la "Villa S.________",
ayant eu lieu le 25 août 1994, le délai de prescription a
commencé à courir le 26 août 1994 pour expirer le 27 août
1996. En l'absence de fait interruptif de prescription anté-
rieurement à cette dernière date, il appert que la créance
d'assurance que pouvait faire valoir la demanderesse en sa
qualité de nouveau propriétaire de la "Villa S.________"
était déjà prescrite lorsqu'elle a acquis l'immeuble le 17
décembre 1996 (arrêt attaqué, consid. 4).

b) La demanderesse ne peut pas échapper à la pres-
cription en se prévalant de l'art. 26 al. 1 CGA en tant que
cessionnaire des droits de la Banque B.________, créancier

gagiste. Les conditions générales en usage pour l'assurance
contre l'incendie contiennent fréquemment une disposition de
ce genre, qui garantit aux créanciers gagistes, jusqu'à con-
currence de l'indemnité contractuelle, le montant de leurs
créances découlant des droits de gage, et cela même si l'a-
yant droit est totalement ou partiellement déchu de son
droit
à l'indemnité, par exemple pour cause de retard dans le paie-
ment de la prime, de violation d'obligations, ou de sinistre
intentionnel ou par faute; cette exclusion d'exceptions
n'est
valable qu'à titre subsidiaire dans la mesure où elle ne
vaut
que si les créanciers gagistes ne sont pas couverts pour
leurs créances par la fortune personnelle du débiteur (Koe-
nig, FJS n° 85a, Contrat d'assurance XIII: Droits restreints
de tiers sur des objets assurés, 1970, p. 2 et 3).

Il s'ensuit que le créancier gagiste ne dispose pas
de plus de droits que le preneur d'assurance et que l'art.
26
al. 1, 2e phrase, CGA doit être interprété en ce sens que
les
exceptions que pourrait invoquer l'assurance en cas de caren-
ce du preneur d'assurance aboutissant à une déchéance ne
sont
pas opposables au créancier gagiste. Cette clause contrac-
tuelle empêche ainsi l'assurance d'invoquer à l'encontre du
créancier gagiste la déchéance, mais pas la prescription;
celle-ci n'a en effet pas pour conséquence d'éteindre de
manière radicale le droit auquel elle se rapporte, qui n'est
qu'affaibli pour ne pas pouvoir être déduit en justice
contre
le gré du débiteur. En outre, le seul cas de déchéance est
celui prévu par l'art. 27 al. 2 CGA dans le cas de rejet
d'une demande d'indemnité qui n'a pas fait l'objet d'une
action en justice dans les deux ans qui suivent le sinistre
(arrêt attaqué, consid. 5b).

3.- a) La demanderesse critique principalement l'in-
terprétation donnée par les juges cantonaux à l'art. 26 al.
1
CGA. Selon elle, cette disposition, allant beaucoup plus
loin
dans la protection du créancier gagiste que l'art. 57 LCA
qui

institue un mécanisme de subrogation réelle, mettrait en
place un véritable système d'assurance pour autrui au sens
de
l'art. 16 LCA. Le créancier gagiste aurait ainsi un droit
propre, indépendant du droit du débiteur-assuré dont il ne
suit pas le sort comme le ferait un droit accessoire; ce
droit propre ne pourrait être atteint que par sa propre pres-
cription, et non pas par celle du débiteur assuré. Or la
créance propre du créancier gagiste se prescrirait par deux
ans non pas à partir du sinistre, mais à partir de l'insolva-
bilité du débiteur, car c'est de ce fait que naîtrait l'obli-
gation d'indemniser le créancier gagiste, conformément à
l'art. 26 al. 1, 1re phrase, CGA.

b) À titre subsidiaire, la demanderesse conteste que
la créance qu'elle a comme propriétaire de l'immeuble sini-
stré contre la défenderesse soit prescrite. La demanderesse
admet que le raisonnement des juges cantonaux, qui fixe le
dies a quo de cette action au jour de la survenance du sini-
stre, est conforme tant à la jurisprudence actuelle du Tribu-
nal fédéral qu'à la doctrine majoritaire en matière d'assu-
rance de chose. Elle se réfère toutefois à un avis minoritai-
re selon lequel le délai de prescription ne peut courir qu'à
partir du moment où l'assuré a connaissance de l'existence
de
sa prétention d'assurance, solution que consacreraient en
substance les droits allemand, autrichien, français et
belge.
La demanderesse relève aussi que selon la jurisprudence du
Tribunal fédéral relative à l'assurance contre les
accidents,
le délai de prescription, pour la prestation payable en cas
d'invalidité, ne court pas du jour de l'accident, mais dès
que l'invalidité de l'assuré peut être tenue pour acquise.

4.- a) Il sied tout d'abord de constater que l'arrêt
attaqué est conforme au droit fédéral en tant qu'il retient
que les prétentions en indemnité que pouvait faire valoir la
demanderesse en tant que propriétaire se sont prescrites par
deux ans à compter de l'incendie survenu le 25 août 1994.

Dans un arrêt récent concernant l'assurance vol, le Tribunal
fédéral a rejeté l'opinion professée par certains auteurs,
dont celui cité par la demanderesse, qui interprètent la
notion de "fait d'où naît l'obligation" utilisée à l'art. 46
al. 1 LCA de manière à éviter que le droit au dédommagement
de l'assuré puisse se prescrire avant que le sinistre n'ait
été connu de l'assuré; relevant qu'une telle interprétation
était contraire à la volonté du législateur, le Tribunal
fédéral a confirmé que la prescription biennale de l'art. 46
al. 1 LCA commençait à courir en matière d'assurance vol dès
la survenance du sinistre, indépendamment de la connaissance
de celui-ci par l'ayant droit (ATF 126 III 278 consid. 7b).
Cela vaut également pour l'assurance incendie, où le "fait
d'où naît l'obligation" se confond comme dans l'assurance
vol
avec la survenance du sinistre; ce n'est que lorsque cet
événement ne donne pas droit à lui seul à la prestation de
l'assureur, comme dans l'assurance accident ou dans l'assu-
rance de responsabilité civile, que le dies a quo de la
prescription se détermine d'une manière différente (cf. ATF
126 III 278 consid. 7a in fine).

b) C'est ainsi en vain que la demanderesse sollicite
(cf. consid. 3f supra) la modification d'une jurisprudence
constante confirmée encore tout récemment. Au demeurant, les
allégations de la demanderesse selon lesquelles le preneur
d'assurance, la SI A.________, aurait été empêché d'agir
n'ont pas fait l'objet de constatations dans l'arrêt attaqué
et ne pourraient dès lors de toute manière pas être prises
en
considération (art. 55 al. 1 let. c, 3e phrase, OJ et art.
63
al. 2 OJ).

5.- a) Le créancier gagiste qui accorde un crédit
garanti par un droit de gage sur un immeuble bâti a un inté-
rêt à ce que cette garantie réelle, qui est essentiellement
fonction de la valeur du bâtiment, demeure intacte; il a
donc
un intérêt à ce que l'assurance incendie contractée par son

débiteur joue le cas échéant également en sa faveur (Haus-
wirth/Suter, Sachversicherung, 1990, p. 237). Une certaine
garantie à cet égard lui est déjà offerte par l'art. 57 LCA,
dont l'al. 1 prévoit que si une chose qui fait l'objet d'un
gage est assurée, le privilège du créancier s'étend aux
droits que le contrat d'assurance confère au débiteur et
aussi à la chose acquise en remploi au moyen de
l'indemnité.
Selon l'al. 2 de l'art. 57 LCA - qui doit être mis en rela-
tion avec l'art. 822 CC concernant le gage immobilier -, si
le droit de gage lui a été notifié, l'assureur ne peut payer
l'indemnité à l'assuré qu'avec l'assentiment du créancier ou
moyennant des garanties en faveur de ce dernier.

Une telle garantie se révélant toutefois inutile
pour le créancier gagiste dans le cas où l'assuré perd son
droit à l'indemnité, par exemple en cas de sinistre inten-
tionnel, les conditions générales en usage pour l'assurance
contre l'incendie contiennent fréquemment une disposition
garantissant aux créanciers gagistes, jusqu'à concurrence de
l'indemnité contractuelle, le montant de leurs créances dé-
coulant des droits de gage, et cela même si l'ayant droit
est
totalement ou partiellement déchu de son droit à l'indemnité
(Hauswirth/Suter, op. cit., p. 238; Koenig, FJS n° 85a, Con-
trat d'assurance XIII: Droits restreints de tiers sur des
objets assurés, 1970, p. 2; le même, Schweizerisches Privat-
versicherungsrecht, 3e éd., 1967, p. 255; Suter, Die Siche-
rung des Realkredites in der Feuerversicherung, in SJZ 1941
p. 357 ss, spéc. 357 s.; Roelli/Jaeger, Kommentar zum Schwei-
zerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, Band
II, 1932, n. 40 ss ad art. 58 LCA; Maurer, Schweizerisches
Privatversicherungsrecht, 3e éd., 1995, p. 287).

b) C'est précisément la portée d'une telle clause
qui est litigieuse dans le cas d'espèce, la demanderesse
contestant l'interprétation qu'en a donnée la cour cantonale
(cf. consid. 2b et consid. 3a-3c supra). Il convient dès
lors

d'examiner quelle est la portée de l'art. 26 al. 1 CGA, dont
on rappelle ici la teneur:

"La compagnie garantit aux créanciers gagistes,
jusqu'à concurrence de l'indemnité, le montant de
leurs créances découlant des droits de gage ins-
crits au Registre foncier ou annoncés par écrit à
la compagnie et dont la couverture n'est pas assu-
rée par la fortune personnelle du débiteur. Cette
garantie est consentie même si l'ayant droit est
totalement ou partiellement déchu de son droit à
l'indemnité."

c) Selon la doctrine, la clause d'"exclusion d'ex-
ceptions" exprimée en l'occurrence à l'art. 26 al. 1, 2e
phrase, CGA vise notamment les cas de sinistre intentionnel
ou par faute (art. 14 LCA; Koenig, FJS n° 85a, p. 2; Maurer,
op. cit., p. 287; Hauswirth/Suter, op. cit., p. 238; Suter,
in SJZ 1941 p. 358), ainsi que les cas de prétention fraudu-
leuse ou de double assurance frauduleuse (art. 40 et 53 al.
2
LCA; Hauswirth/Suter, op. cit., p. 238; Suter, in SJZ 1941
p.
358). Outre les exemples déjà cités, Roelli/Jaeger (op.
cit.,
n. 42 ad art. 58 LCA) mentionnent encore les cas où le pre-
neur d'assurance: a contrevenu à des obligations dont il
s'est chargé en vue d'atténuer le risque ou d'en empêcher
l'aggravation (art. 29 LCA); a provoqué une aggravation es-
sentielle du risque ou omis de signaler une telle
aggravation
intervenue sans son fait (art. 28 et 30 LCA); a fautivement
omis d'aviser immédiatement l'assureur du sinistre (art. 38
LCA); a omis de fournir les renseignements nécessaires dans
le délai prescrit (art. 39 LCA); n'a pas observé un délai de
péremption prévu par le contrat (art. 45 al. 3 LCA).

Contrairement à ce que paraît penser la cour canto-
nale (cf. consid. 2b supra), deux choses sont ainsi claires:
d'une part, la portée de la clause d'"exclusion
d'exceptions"
de l'art. 26 al. 1, 2e phrase, CGA ne vise pas seulement -
loin s'en faut - la déchéance qui frappe selon l'art. 27 al.

2 CGA les demandes d'indemnité qui ont été rejetées et qui
n'ont pas fait l'objet d'une action en justice dans les deux
ans qui suivent le sinistre; d'autre part, une telle clause
confère bel et bien au créancier gagiste davantage de droits
qu'au preneur d'assurance (Koenig, Schweizerisches Privatver-
sicherungsrecht, p. 255).

d) De fait, comme le relève à raison la demanderesse
(cf. consid. 3c supra), une disposition telle que l'art. 26
al. 1 CGA confère au créancier gagiste un droit propre, indé-
pendant de celui du preneur d'assurance (Suter, in SJZ 1941
p. 358; cf. Roelli/Jaeger, op. cit., n. 43 ad art. 58 LCA).
L'obligation de l'assureur d'indemniser le créancier gagiste
ne naît que lorsque les poursuites que ce dernier est tenu
d'engager contre son débiteur se sont révélées - totalement
ou partiellement - infructueuses (Suter, in SJZ 1941 p. 359;
Hauswirth/Suter, op. cit., p. 238; Roelli/Jaeger, op. cit.,
n. 49 ad art. 58 LCA). Il s'ensuit que le "fait d'où naît
l'obligation", à dater duquel la prétention propre du créan-
cier gagiste contre l'assureur se prescrit par deux ans con-
formément à l'art. 46 al. 1 LCA, ne se confond pas avec la
survenance du sinistre, car cet événement ne donne pas à lui
seul droit à la prestation de l'assureur (cf. ATF 126 III
278
consid. 7a). L'obligation de ce dernier naît au contraire
seulement lorsque le créancier gagiste n'a pas pu couvrir le
montant de sa créance par la fortune personnelle du
débiteur,
ce qui présuppose la réalisation du gage et la délivrance
d'un certificat d'insuffisance de gage (art. 158 al. 1 LP)
et
que le créancier gagiste ait ensuite procédé en vain par
voie
de saisie ou de faillite (art. 158 al. 2 LP). Ce n'est qu'à
ce moment que l'on saura s'il existe une prétention d'assu-
rance et que la prescription pourra le cas échéant commencer
à courir.

e) En l'espèce, la parcelle n° xxx a été vendue aux
enchères forcées ensuite de poursuite en réalisation de gage
le 17 décembre 1996. L'obligation de la défenderesse d'indem-
niser le créancier gagiste ne pouvait ainsi en tout cas pas
naître avant cette date. Partant, le délai de prescription
n'était pas écoulé lors de l'ouverture d'action par acte
déposé en vue de conciliation le 10 octobre 1997. Dans ces
conditions, il appert que la cour cantonale a violé le droit
fédéral en rejetant la demande pour cause de prescription.

6.- En définitive, le recours doit être admis dans
la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué doit ainsi
être annulé et le dossier renvoyé à l'autorité cantonale
afin
que, l'exception de prescription devant être rejetée, elle
donne libre cours à la procédure et rende un nouveau juge-
ment. Obtenant gain de cause, la recourante a droit à des
dépens de la part de l'intimée (art. 159 al. OJ), laquelle
supportera aussi les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours dans la mesure où il est receva-
ble, annule l'arrêt entrepris et renvoie la cause à l'autori-
té cantonale pour nouveau jugement dans le sens des considé-
rants.

2. Met à la charge de l'intimée:
a) un émolument judiciaire de 10'000 fr.;
b) une indemnité de 7'000 fr. à verser à la recou-
rante à titre de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 25 mai 2001
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.43/2001
Date de la décision : 25/05/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-25;5c.43.2001 ?
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