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22/05/2001 | SUISSE | N°4C.15/2001

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 mai 2001, 4C.15/2001


«/2»
4C.15/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 mai 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, défenderesse et recourante, représentée par
Me Tal Schibler, avocat à Genève,

et

Y.________, demandeur et intimé, représenté par Me Didier
Brosset, avocat à Genève;

(contrat de bail; représentation;
restitution anticipée de la chose)



Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Y.________ est propriétaire d'un appartement
dan...

«/2»
4C.15/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

22 mai 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Carruzzo.

Dans la cause civile pendante
entre

X.________, défenderesse et recourante, représentée par
Me Tal Schibler, avocat à Genève,

et

Y.________, demandeur et intimé, représenté par Me Didier
Brosset, avocat à Genève;

(contrat de bail; représentation;
restitution anticipée de la chose)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Y.________ est propriétaire d'un appartement
dans un immeuble sis à Genève. A une date indéterminée, il a
conclu, avec la société X.________, deux contrats de bail à
loyer portant respectivement sur cet appartement et sur une
place de parc au sous-sol de l'immeuble. Conclus pour une
durée de cinq ans, les deux contrats ont pris effet le 1er
novembre 1997. Le loyer mensuel de l'appartement a été fixé
à
2116 fr., plus 120 fr. de provision pour charges, celui de
la
place de parc à 250 fr. Les locaux ont été occupés dès le dé-
but du bail par le dénommé Z.________.

Par courrier du 9 avril 1998, le mandataire de
X.________ a résilié les deux contrats avec effet immédiat
en se référant à une lettre datée du même jour, signée par
Z.________ et libellée en ces termes:

"Concerne: Appartement sis ... et place de
parking
Sous-location

Mesdames, Messieurs,

Suite au jugement de faillite me concernant du
31 mars 1998, je mets un terme à la sous-location de
l'appartement et place de parking susmentionnés pour le
plus prochain terme utile.

Veuillez ..."

Y.________ a refusé la résiliation anticipée des
baux, rappelant, dans sa lettre du 27 avril 1998, la teneur
de l'art. 264 al. 1 CO.

Z.________ est demeuré dans l'appartement jusqu'au
21 juin 1999, date à laquelle il en a restitué les clefs au
bailleur. Il ne s'est acquitté d'aucun loyer, que ce soit en
mains de X.________ ou du bailleur.

B.- Le 13 mai 1998, Y.________ a assigné X.________
devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève.
En
dernier lieu, il a conclu à ce que la défenderesse soit con-
damnée à lui payer 44 265 fr.40, intérêts en sus, à titre
d'arriérés de loyers et de solde de charges pour la période
allant de février 1998 à juillet 1999.

La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
A l'en croire, elle ne possédait pas la légitimation passive
puisqu'elle n'avait traité avec le demandeur qu'en qualité
de représentante directe du véritable locataire, Z.________,
lequel avait assisté à l'état des lieux d'entrée, occupé
l'appartement et payé les premiers loyers. A titre subsidiai-
re, la défenderesse a soutenu avoir présenté, pour début
juin
1998, en la personne du même Z.________, un locataire de rem-
placement dont le bailleur n'avait aucun motif de refuser la
candidature.

Par jugement du 23 mars 2000, le Tribunal des baux
et loyers a condamné la défenderesse à payer au demandeur la
somme de 44 265 fr.40 et les intérêts y afférents.

Saisie par la défenderesse, la Chambre d'appel en
matière de baux et loyers, statuant par arrêt du 4 décembre
2000, a confirmé le jugement de première instance.

C.- La défenderesse interjette un recours en réfor-
me au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement au
renvoi
de la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue à
nouveau
après avoir complété ses constatations de fait. A titre sub-
sidiaire, la défenderesse invite le Tribunal fédéral, après

avoir annulé l'arrêt attaqué, à dire que le contrat de bail
liait le demandeur et Z.________ ou, sinon, que la chose
louée a été valablement restituée au bailleur qui n'a dès
lors plus de prétentions envers la locataire depuis le 9
avril 1998.

Le demandeur propose le rejet du recours et la con-
firmation de l'arrêt attaqué.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal
fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base
des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que
des
dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été vio-
lées, qu'il y ait lieu à rectification de constatations re-
posant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou
qu'il faille compléter les constatations de l'autorité can-
tonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits perti-
nents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59
consid. 2a et les arrêts cités).

Dans la conclusion principale de son recours, la
défenderesse invoque cette dernière exception pour
solliciter
le renvoi de la cause à l'autorité cantonale, afin que celle-
ci complète ses constatations.

b) L'application de l'art. 64 al. 1 OJ suppose
qu'en raison de lacunes dans les constatations de fait, la
cause ne soit pas en état d'être jugée par le Tribunal fédé-
ral. Il en résulte, a contrario, qu'il n'y a pas lieu à ren-
voi lorsque les lacunes invoquées ne portent pas sur un fait
décisif, c'est-à-dire dont dépend le sort du recours aux
yeux
du Tribunal fédéral (Poudret, COJ, n. 2.1 ad art. 64; Münch,

Prozessieren vor Bundesgericht, § 4.67). La partie qui
entend
obtenir le renvoi sur la base de l'art. 64 OJ doit démontrer
que le fait omis est pertinent, qu'il a été régulièrement al-
légué devant les juridictions cantonales et que l'allégation
était assortie d'une offre de preuve en bonne et due forme
(ATF 119 II 353 consid. 5c/aa p. 357 et les arrêts cités).
La
disposition citée n'a pas pour objectif de permettre l'éta-
blissement d'un état de fait plus favorable au recourant;
son
application est exclue lorsque, même incomplet, l'état de
fait admis par les instances cantonales est suffisant pour
l'application du droit fédéral.

Le présent recours ne satisfait nullement à ces
exigences. Son auteur se borne à affirmer, dans un
préambule,
que tous les faits pertinents pour la solution du litige
n'ont pas été retenus de manière complète et satisfaisante
par la Chambre d'appel. Il se contente ensuite d'énoncer une
série de onze faits, en mentionnant les preuves censées les
étayer, mais sans indiquer quand et où il les a allégués de-
vant les autorités cantonales, ni préciser lesquels d'entre
eux auraient été passés sous silence par les juges précé-
dents, ni démontrer en quoi les faits dont la constatation
a prétendument été omise seraient pertinents du point de vue
juridique.

Dans ces conditions, la juridiction fédérale de ré-
forme s'en tiendra aux seuls faits constatés dans l'arrêt at-
taqué.

2.- a) Pour écarter l'argument principal de la dé-
fenderesse, qui prétendait n'avoir conclu les baux litigieux
qu'en qualité de représentante de Z.________, les juges d'ap-
pel ont retenu que la défenderesse ne s'était à aucun moment
fait connaître comme telle, le dossier révélant, au contrai-
re, que les parties avaient toujours considéré que les rap-
ports entre la défenderesse et le prénommé se présentaient

sous la forme d'un contrat de sous-location. Cette opinion
commune et concordante des parties, la cour cantonale la dé-
duit du texte de la lettre de résiliation du 9 avril 1998
susmentionnée, d'un témoignage attestant que le demandeur
a toujours entendu se lier avec la défenderesse au sujet de
laquelle il avait pris des renseignements et, enfin, de l'ab-
sence de toute allusion à un quelconque rapport de représen-
tation dans le contrat de bail écrit.

La défenderesse invoque une violation de l'art. 32
CO. A son avis, les juges cantonaux ont méconnu cette dispo-
sition en excluant sa qualité de représentante du seul fait
qu'elle avait signé le contrat de bail. Les circonstances
suffisaient, selon elle, à établir le rapport de représen-
tation, à commencer par le fait que l'appartement litigieux
avait été occupé dès le début du bail par Z.________ au vu
et
au su du bailleur. Au demeurant, il serait notoire qu'un ap-
partement d'habitation est destiné à l'usage des personnes
qui y habitent effectivement et non pas à celui d'une socié-
té.

b) Aux termes de l'art. 32 CO, les droits et les
obligations dérivant d'un contrat fait au nom d'une autre
personne par un représentant autorisé passent au représenté
(al. 1). Lorsque au moment de la conclusion du contrat le
représentant ne s'est pas fait connaître comme tel, le repré-
senté ne devient directement créancier ou débiteur que si ce-
lui avec lequel il contracte devait inférer des
circonstances
qu'il existait un rapport de représentation, ou s'il lui
était indifférent de traiter avec l'un ou l'autre (al. 2).

En l'occurrence, la Chambre d'appel a fait une ap-
plication en tous points correcte de cette disposition. Elle
a constaté souverainement que la défenderesse n'avait pas
agi
expressément au nom du soi-disant représenté, Z.________. Il
ressort en outre de l'arrêt attaqué et de l'argumentation
des

parties qu'il n'était nullement indifférent au demandeur de
traiter avec une société anonyme solvable ou avec une person-
ne physique qui ne l'était pas. Enfin, la circonstance invo-
quée par la défenderesse - à savoir, l'occupation de l'appar-
tement par Z.________, connue du bailleur - n'atteste en
rien
l'existence d'un rapport de représentation, d'autant moins
que la défenderesse et l'intéressé lui-même ont qualifié ce
dernier de sous-locataire dans leurs écrits. Pour le
surplus,
il n'est pas rare, quoi qu'en dise la défenderesse, qu'une
personne morale conclue en son propre nom un contrat de bail
ayant pour objet un appartement dont elle entend céder l'usa-
ge à une personne physique pour telle ou telle raison.

Ainsi, la cour cantonale n'a pas violé le droit fé-
déral en excluant que la défenderesse n'ait agi qu'en tant
que représentante directe de Z.________. Il suit de là que
le
premier moyen soulevé dans le recours en réforme est dénué
de
tout fondement.

3.- A titre subsidiaire, la défenderesse soutient
qu'elle a valablement résilié les baux litigieux, le 9 avril
1998, en présentant au demandeur un locataire de
remplacement
solvable en la personne de Z.________.

a) Conformément à l'art. 264 al. 1 CO, le locataire
qui restitue la chose de manière anticipée n'est libéré de
ses obligations contractuelles que s'il présente un
locataire
de remplacement qui soit solvable et que le bailleur ne puis-
se raisonnablement refuser; le candidat proposé doit en
outre
être disposé à reprendre le bail aux mêmes conditions.

Entrée en vigueur le 1er juillet 1990, cette dispo-
sition consacre la jurisprudence tirée de l'art. 257 aCO. Sa-
voir si le bailleur peut raisonnablement refuser une candida-
ture donnée est une question à résoudre de cas en cas, au re-
gard de l'ensemble des circonstances propres à la cause en

litige. En règle générale, un locataire de remplacement est
acceptable s'il n'y a pas de justes motifs de rejeter sa can-
didature. De vagues appréhensions, une antipathie ou une at-
titude négative par principe envers une certaine catégorie
de
personnes ne suffisent pas à cet égard; en revanche, consti-
tuent de tels motifs une inimitié entre bailleur et
candidat,
la rivalité commerciale, le risque de désagréments pour les
autres locataires ou des doutes fondés sur la solvabilité de
l'intéressé (ATF 119 II 36 consid. 3d). Le bailleur peut éga-
lement refuser un locataire de remplacement qui n'est
disposé
à payer qu'un loyer sensiblement plus bas que le loyer
actuel
(ATF 117 II 156 consid. 3b).

b) La cour cantonale a considéré que le bailleur
n'était pas tenu d'accepter la candidature de Z.________,
étant donné la solvabilité douteuse de l'intéressé. A cet
égard, elle a relevé que cette personne avait été mise en
faillite à sa demande, qu'elle se trouvait au chômage et
que,
selon ses propres dires, elle était dans l'incapacité de
s'acquitter du montant des loyers litigieux.

Les constatations des juges précédents quant à la
situation patrimoniale du locataire de remplacement proposé
par la défenderesse relèvent du fait et lient, partant, la
juridiction fédérale de réforme (art. 63 al. 2 OJ). Elles
suffisent amplement à établir que la solvabilité du
locataire
de remplacement n'était en rien comparable à celle de la lo-
cataire sortante (cf. ATF 119 II 36).

Pour tout argument, la défenderesse insiste sur le
caractère spécifique de la faillite personnelle, au sens de
l'art. 191 LP, et sur le but de cette institution.
Cependant,
les remarques qu'elle formule à ce propos ont un caractère
purement abstrait et ne tiennent aucun compte des circonstan-
ces du cas concret. D'autre part, il est constant que, même
après le prononcé de sa faillite, intervenu le 31 mars 1998,

Z.________, de son propre aveu, n'était pas en mesure d'assu-
mer la charge que représentaient les loyers litigieux.

La Chambre d'appel a donc eu raison d'admettre que
la défenderesse ne s'était pas libérée de ses obligations
contractuelles en présentant au demandeur la candidature de
Z.________ comme locataire de remplacement.

La violation de l'art. 264 CO, alléguée par la
défenderesse, n'est dès lors pas établie à satisfaction de
droit.

4.- En dernier lieu, la défenderesse invoque les
art. 8 et 14 CEDH ainsi que l'art. 11 du Pacte international
relatif aux droits économiques, sociaux et culturels des Na-
tions Unies du 16 décembre 1966 (RS 0.103.1). A la suivre,
les juges d'appel auraient violé ces dispositions en appli-
quant l'art. 264 CO d'une manière qui empêcherait toute per-
sonne "post-faillite" de pouvoir louer un logement.

La violation des dispositions
de la Convention eu-
ropéenne des droits de l'homme ne peut pas être soumise au
Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme (ATF 124
III 1 consid. 1b, 122 III 404 consid. 2 et les références).
Dans cette mesure, le recours de la défenderesse est irrece-
vable. Pour le surplus, le Pacte international dont il est
ici question ne contient pas des normes directement applica-
bles (ATF 121 V 246 consid. 2c et les références), si bien
que la défenderesse ne saurait rien en déduire en sa faveur.

En tant qu'il est recevable, ce dernier grief est
donc, lui aussi, voué à l'échec.

5.- La défenderesse, qui succombe, devra payer les
frais de la procédure fédérale et indemniser le demandeur
(art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimé une in-
demnité de 2000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux
et loyers du canton de Genève.

Lausanne, le 22 mai 2001
CAR/mnv

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.15/2001
Date de la décision : 22/05/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-22;4c.15.2001 ?
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