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21/05/2001 | SUISSE | N°C.318/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 mai 2001, C.318/99


«AZA 7»
C 318/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön et Spira, Ribaux,
suppléant; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 21 mai 2001

dans la cause

A.________, recourante, représentée par Maître Corinne
Monnard Séchaud, avocate, rue Charles-Monnard 6, 1002
Lausanne,

contre

Service de l'emploi, Office cantonal de l'assurance-
chômage, rue Caroline 11, 1014 Lausanne, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ t

ravaillait depuis 1991 comme respon-
sable administrative au service de la société
X.________ SA, qui a pour but l'exploitation de sa...

«AZA 7»
C 318/99 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön et Spira, Ribaux,
suppléant; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 21 mai 2001

dans la cause

A.________, recourante, représentée par Maître Corinne
Monnard Séchaud, avocate, rue Charles-Monnard 6, 1002
Lausanne,

contre

Service de l'emploi, Office cantonal de l'assurance-
chômage, rue Caroline 11, 1014 Lausanne, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- A.________ travaillait depuis 1991 comme respon-
sable administrative au service de la société
X.________ SA, qui a pour but l'exploitation de salons de
coiffure pour dames et le commerce d'articles de coiffure
et de soins capillaires. Licenciée pour le 29 février 1996
en raison de difficultés économiques, elle s'est inscrite
au chômage dès le 1er mars 1996. A partir du mois de juil-
let 1996, l'assurée a régulièrement annoncé à la Caisse

publique cantonale vaudoise du chômage (ci-après : la
caisse) des gains intermédiaires qu'elle a réalisés auprès
de X.________ SA, à raison de cinq heures par semaine.
Entre mars 1996 et février 1998, elle a ainsi perçu des in-
demnités de chômage pour un montant 55 745 fr. 90.
Ayant appris, dans le courant du mois de mars 1998,
que l'assurée avait, dès 1981, exercé la fonction de secré-
taire du conseil d'administration de X.________ SA avec
droit de signature individuelle et qu'elle était inscrite,
depuis le 18 septembre 1996, comme administratrice unique
de cette même société, la caisse a demandé au Service de
l'emploi de l'Office cantonal de l'assurance-chômage (ci-
après : le service) de statuer sur son aptitude au place-
ment. Après l'avoir interpellée sur ce point, le service a,
par décision du 29 mai 1998, dénié le droit de A.________ à
l'indemnité de chômage dès le 1er mars 1996, au motif
qu'elle réunissait en sa personne la double qualité d'em-
ployeur et d'employée.

B.- L'assurée a déféré cette décision au Tribunal
administratif du canton de Vaud, qui l'a déboutée par juge-
ment du 6 août 1999.
Se référant à des arrêts récents rendus par le Tribu-
nal fédéral des assurances, la juridiction cantonale a
considéré que l'intéressée ne pouvait prétendre l'indem-
nisation de sa perte de travail dès lors qu'elle avait
conservé au sein de la société qui l'avait licenciée une
situation analogue à celle d'un employeur, procédé qui
revenait à contourner les dispositions sur la réduction de
l'horaire de travail.

C.- A.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, en concluant, sous suite de
frais et dépens, à ce que son droit à l'indemnité de
chômage lui soit reconnu depuis le 1er mars 1996. Subsi-

diairement, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité
cantonale pour instruction complémentaire et nouveau juge-
ment.
Le service conclut au rejet du recours, tandis que le
Secrétariat d'Etat à l'économie ne s'est pas déterminé.

D.- Par décision du 18 juillet 1998, la caisse a ré-
clamé à A.________ la restitution de l'ensemble des indem-
nités qu'elle avait perçues. La prénommée a recouru contre
ce prononcé devant l'Office cantonal de l'assurance-
chômage, qui a suspendu la procédure jusqu'à droit connu
dans la présente cause.

Considérant en droit :

1.- Selon un principe général du droit des assurances
sociales, l'administration peut reconsidérer une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle
une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au
fond, à condition qu'elle soit sans nul doute erronée et
que sa rectification revête une importance notable (ATF
126 V 23 consid. 4b, 46 consid. 2b, 125 V 389 consid. 3 et
les arrêts cités). En outre, par analogie avec la révision
des décisions rendues par les autorités judiciaires,
l'administration est tenue de procéder à la révision d'une
décision entrée en force formelle lorsque sont découverts
des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve,
susceptibles de conduire à une appréciation juridique
différente (ATF 126 V 24 consid. 4b, 46 consid. 2b et les
références).
Ces principes sont également applicables lorsque
- comme c'est le cas en l'espèce - des prestations sont
accordées sans avoir fait l'objet d'une décision formelle
et que leur versement a, néanmoins, acquis force de chose
décidée (ATF 122 V 369 consid. 3).

2.- A juste titre, les premiers juges ont retenu que
les conditions d'une révision procédurale ne sont pas
réunies dans le cas particulier. La circonstance que
l'assurée exerçait les fonctions de secrétaire du conseil
d'administration et d'administratrice unique ne constituent
en effet pas des faits nouveaux du moment que ces informa-
tions sont publiées au Registre du Commerce et que celui-ci
est public (ATF 122 V 270). Il reste donc à examiner
l'éventualité d'une reconsidération.

3.- a) Dans un arrêt récent, publié aux ATF 123 V 234,
le Tribunal fédéral des assurances a statué qu'un travail-
leur qui jouit d'une situation professionnelle comparable à
celle d'un employeur n'a pas droit à l'indemnité de chômage
lorsque, bien que licencié formellement par une entreprise,
il continue d'oeuvrer partiellement pour celle-ci. Dans ces
cas en effet, le chômage s'avère pratiquement incontrôlable
dès lors que la perte de travail est aussi déterminée par
l'assuré qui a conservé une position analogue à celle d'un
employeur et peut ainsi influencer les décisions de la
société (sur ces questions, voir également DTA 1998 no 3
p. 8; DTA 1996/1997 no 31 p. 170). Une telle situation est
assimilée à une tentative abusive, partant non autorisée,
de contourner la réglementation en matière d'indemnité en
cas de réduction de l'horaire de travail, en particulier
l'art. 31 al. 3 let. c LACI.
Il en va différemment quand le salarié, se trouvant
dans une position assimilable à celle de l'employeur,
quitte définitivement l'entreprise en raison de la ferme-
ture de celle-ci; en pareil cas, on ne saurait parler d'un
comportement visant à éluder la loi. C'est également le cas
lorsque l'entreprise continue d'exister mais que le sala-
rié, par suite de la résiliation de son contrat, rompt
définitivement tout lien avec la société. Dans les deux
hypothèses, l'intéressé peut en principe prétendre des
indemnités de chômage (ATF 123 V 238 consid. 7b/bb).

b) Au vu de ce qui précède, le droit à l'indemnisation
de la recourante aurait dû être nié dès son inscription au
chômage le 1er mars 1996. En effet, durant toute la période
litigieuse et nonobstant son licenciement, A.________ dis-
posait d'un pouvoir de décision qui lui permettait d'in-
fluencer la marche des affaires de l'entreprise : elle
avait conservé sa fonction de secrétaire avec signature in-
dividuelle jusqu'au 18 septembre 1996 et occupait, depuis
cette date, celle d'administratrice unique de la société.
Pour autant, peut-on admettre que les décisions (non
formelles) par lesquelles la caisse lui a alloué ses pres-
tations étaient «sans nul doute erronées» comme l'exige la
jurisprudence (consid. 1) ?

c) Contrairement à l'opinion des premiers juges, on
doit répondre négativement à cette question. La publica-
tion, en 1997 et 1998, des arrêts cités ci-dessus, démontre
que le point méritait d'être éclairci. En particulier,
c'est la première fois que la jurisprudence établit, de
façon claire, un parallèle entre le droit à l'indemnité en
cas de réduction de l'horaire de travail (art. 31 al. 3
LACI) et le droit à l'indemnité de chômage (art. 8 al. 1
LACI), ce qui n'allait pas d'emblée de soi. Comme l'expose
justement la recourante, le législateur n'a en effet pas
prévu à l'art. 8 LACI de règles comparables à celles sti-
pulées à l'art. 31 al. 3 LACI. En outre, sauf exception
qui n'entre pas en ligne de compte en l'espèce, une nou-
velle jurisprudence ne constitue pas un motif de recon-
sidération (ATF 119 V 413 consid. 3a et les références).
Le recours se révèle ainsi bien fondé.

4.- Représentée par une avocate, la recourante a droit
à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale à la
charge de l'intimé (art. 159 en relation avec l'art. 135
OJ). Compte tenu de l'issue de la procédure cantonale, les

premiers juges ont refusé de lui accorder des dépens
(chiffre 3 du dispositif du jugement attaqué). Il n'appar-
tient pas au Tribunal fédéral des assurances d'inviter
l'autorité cantonale à statuer à nouveau sur cette ques-
tion, attendu qu'en matière d'assurance-chômage, il
n'existe pas de droit aux dépens fondé sur la législation
fédérale au sens de l'art. 104 let. a OJ (cf. l'art. 103
LACI). Mais la recourante, qui obtient gain de cause en
instance fédérale, a la faculté de demander aux premiers
juges de se prononcer à nouveau sur ce point, au regard de
l'issue définitive du litige.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 6 août 1999 du
Tribunal administratif du canton de Vaud, ainsi que la
décision du 29 mai 1998 du Service de l'emploi de
l'Office cantonal de l'assurance-chômage du canton de
Vaud sont annulés. La recourante a droit à l'indemnité
journalière de l'assurance-chômage à partir du
1er mars 1996.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'intimé versera à la recourante la somme de 2500 fr.
(y compris la taxe sur la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Vaud, à la Caisse
cantonale vaudoise de chômage et au Secrétariat d'Etat
à l'économie.

Lucerne, le 21 mai 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.318/99
Date de la décision : 21/05/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-21;c.318.99 ?
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