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21/05/2001 | SUISSE | N°4P.23/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 mai 2001, 4P.23/2000


«/2»

4P.23/2000
4P.21/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

21 mai 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

_____________

Statuant sur les recours de droit public
formés par

les époux M.________, représentés par Me Jacques Roulet,
avocat à Genève,

contre

les arrêts rendus les 17 décembre 1999 et 4 décembre 2000
par
la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du ca

nton de
Genève dans la cause qui oppose les recourants à B.________,
et X.________ S.A., toutes deux représentées par Me Philippe
Bo...

«/2»

4P.23/2000
4P.21/2001

Ie C O U R C I V I L E
****************************

21 mai 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

_____________

Statuant sur les recours de droit public
formés par

les époux M.________, représentés par Me Jacques Roulet,
avocat à Genève,

contre

les arrêts rendus les 17 décembre 1999 et 4 décembre 2000
par
la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de
Genève dans la cause qui oppose les recourants à B.________,
et X.________ S.A., toutes deux représentées par Me Philippe
Bonnefous, avocat à Genève;

(arbitraire; droit d'être entendu)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par convention du 21 mai 1984, X.________ S.A.
- dont B.________ est actuellement l'unique actionnaire et
administratrice - a cédé aux époux M.________, moyennant ré-
munération, l'exploitation d'un café-restaurant à Genève,
dans un immeuble dont B.________ est propriétaire.

Le 30 janvier 1991, B.________, se désignant comme
bailleresse, a notifié aux époux M.________ une augmentation
de loyer. Le même jour, un contrat de bail à loyer a été si-
gné par B.________ et les époux M.________; les mêmes
parties
sont convenues d'augmenter également la redevance pour la
"gérance". Ainsi, à partir du 1er février 1991, la somme to-
tale due par les époux M.________ s'élevait à 12 200 fr. par
mois.

Les époux M.________ ont versé ce montant jusqu'en
mai 1995. A partir de juin 1995, ils ont refusé de payer la
somme de 8500 fr. par mois prévue à titre de redevance pour
la "gérance".

B.- Le 22 janvier 1996, X.________ S.A. et
B.________ ont déposé devant la Commission de conciliation
en
matière de baux et loyers du canton de Genève une demande en
paiement et en constatation de droit. Elles ont soutenu
qu'il
avait été conclu un bail à ferme entre X.________ S.A. et
les
époux M.________, ces derniers devant être condamnés à payer
la redevance pour la gérance.

Les époux M.________, pour leur part, ont soutenu
qu'il n'existait qu'un contrat de bail à loyer entre

B.________ et eux-mêmes, le prétendu contrat de gérance
étant
nul.

Par requête déposée en conciliation le 29 mars
1996, les époux M.________ ont fait valoir à l'encontre de
B.________ les droits résultant pour eux de prétendus
défauts
de la chose louée.

Par requête déposée en conciliation le 10 juillet
1996, X.________ S.A. a sollicité l'évacuation des époux
M.________ et conclu au paiement de la redevance pour la gé-
rance, puis d'une indemnité pour occupation illicite.

Les trois causes ont été jointes.

Par arrêt du 17 décembre 1999, la Chambre d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève, réformant
un jugement rendu en première instance, a constaté que
B.________ (qui avait succédé à X.________ S.A. dans la rela-
tion contractuelle) et les époux M.________ étaient liés par
un bail à loyer, et non par un bail à ferme. Elle a condamné
les époux M.________ au versement de 8500 fr. par mois pour
la période du 1er juin 1995 au 31 décembre 1996 et renvoyé
la
cause à l'autorité inférieure en vue de compléter l'adminis-
tration des preuves à propos de la redevance réclamée pour
la
période postérieure et pour ce qui concerne l'action en ga-
rantie des défauts.

Contre cette décision, les époux M.________ ont in-
terjeté:

- un recours de droit public au Tribunal fédéral
(cause 4P.23/2000), qu'ils ont retiré par lettre du 24 jan-
vier 2001;

- un recours en réforme au Tribunal fédéral (cause
4C.43/2000);

- une demande de révision auprès de la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers, qui a été rejetée
(sauf
en ce qui concerne une décision de mainlevée définitive d'op-
position) par arrêt du 4 décembre 2000; contre cet arrêt,
les
conjoints M.________ ont interjeté un recours de droit
public
au Tribunal fédéral (cause 4P.21/2001).

C.- Dans ce dernier recours, les époux M.________
concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué. Ils soutiennent
que la cour cantonale, dans son arrêt du 17 décembre 1999,
avait statué ultra petita en les condamnant à payer la rede-
vance à B.________, alors que cette dernière soutenait que
le
cocontractant (et créancier) était X.________ S.A.; en n'ad-
mettant pas ce motif de révision (prévu par l'art. 154 let.
b
et c de la loi genevoise de procédure civile), l'autorité
cantonale aurait violé arbitrairement le droit cantonal et
consacré une violation du droit d'être entendu.

Les intimées requièrent le rejet du recours, alors
que la Chambre d'appel déclare persister dans les termes de
son arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Par lettre du 24 janvier 2001, les recourants
ont retiré le recours de droit public (cause 4P.23/2000) di-
rigé contre l'arrêt rendu le 17 décembre 1999. Il doit leur
en être donné acte, l'affaire étant ainsi rayée du rôle.

Quant au recours en réforme déposé parallèlement
(cause 4C.43/2000), il ne peut pas être examiné jusqu'à
droit

connu sur la demande en révision cantonale (art. 57 al. 1
OJ).

Il doit donc être statué en premier lieu sur le re-
cours de droit public (cause 4P.21/2001) dirigé contre l'ar-
rêt rendu le 4 décembre 2000 sur la demande de révision.

2.- a) Le recours de droit public au Tribunal fé-
déral est ouvert contre une décision cantonale pour
violation
des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let.
a OJ).

Il n'est ouvert - sous réserve des hypothèses de
l'art. 87 OJ - que contre une décision finale. En matière de
recours de droit public, il faut considérer comme une déci-
sion finale celle qui met un point final à la procédure,
qu'il s'agisse d'une décision sur le fond ou d'une décision
qui clôt l'affaire pour un motif tiré des règles de
procédure
(ATF 123 I 325 consid. 3b et les arrêts cités). Il est mani-
feste en l'espèce que la décision attaquée ne met pas un ter-
me à la procédure, puisque celle-ci va se poursuivre en pre-
mière instance.

Lorsque la décision attaquée n'est pas finale, le
recours de droit public n'est ouvert que dans les hypothèses
visées par l'art. 87 OJ. Comme la décision attaquée ne con-
cerne pas la compétence ou une demande de récusation (cf.
art. 87 al. 1 OJ), le recours n'est recevable que si la dé-
cision peut causer un préjudice irréparable (cf. art. 87 al.
2 OJ). L'allongement et le renchérissement de la procédure
ne
constituent pas un préjudice irréparable (ATF 122 I 39 con-
sid. 1a/bb; 116 Ia 442 consid. 1c). Le recours n'apparaît
donc pas recevable sous cet angle.

En statuant sur les conclusions en constatation de
droit et sur une partie des prétentions pécuniaires litigieu-

ses, la cour cantonale a cependant rendu une décision par-
tielle, qui ouvre la voie du recours en réforme déposé paral-
lèlement (cf. ATF 124 III 406 consid. 1a; 123 III 140
consid.
2a; 117 II 349 consid. 2a). Dans une telle situation, il
faut
considérer que le recours de droit public est également ou-
vert par attraction, puisque ce recours doit en principe
être
examiné en premier lieu et qu'il faut éviter que le Tribunal
fédéral n'ait à statuer sur le recours en réforme en se fon-
dant sur des bases qui pourraient encore être remises en cau-
se par la voie d'un recours de droit public (ATF 117 II 349
consid. 2b; 108 Ia 203 consid. 1).

b) L'arrêt attaqué n'est susceptible d'aucun autre
moyen de droit sur le plan cantonal ou fédéral dans la
mesure
où les recourants invoquent la violation directe d'un droit
de rang constitutionnel, de sorte que la règle de la subsi-
diarité du recours de droit public est respectée (art. 84
al.
2 et 86 al. 1 OJ).

Les recourants sont personnellement touchés par la
décision attaquée, qui porte sur une condamnation pécuniaire
à leur encontre, de sorte qu'ils ont un intérêt personnel,
actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision
n'ait
pas été prise en violation de leurs droits constitutionnels;
en conséquence, ils ont qualité pour recourir (art. 88 OJ).

Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 et 34 al. 1
let. c OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1
OJ), le recours est en principe recevable.

Sous réserve d'exceptions non réalisées en l'espè-
ce, le recours de droit public n'est qu'une voie de
cassation
et ne peut tendre qu'à l'annulation de la décision attaquée
(ATF 127 III 279 consid. 1b; 127 II 1 consid. 2c).

c) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 III 279 consid. 1c; 126 III 534
consid. 1b).

3.- a) En l'espèce, les recourants invoquent l'in-
terdiction de l'arbitraire et le droit d'être entendu.

aa) Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé
par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre
solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle
serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la dé-
cision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insou-
tenable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la
situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un
principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte
de
manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire,
il
ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable,
il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans
son
résultat (ATF 126 I 168 consid. 3a; ATF 125 I 166 consid.
2a;
125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b).

bb) La jurisprudence a déduit du droit d'être en-
tendu, garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., en particulier le
droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une déci-
sion ne soit prise à son détriment, celui de fournir des
preuves quant au fait de nature à influer sur le sort de la
décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de
participer
à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et
de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 15 consid. 2a; 124
I 49 consid. 3a, 241 consid. 2; 124 V 180 consid. 1a).

b) aa) Selon l'art. 154 de la loi genevoise de pro-
cédure civile, il y a lieu à révision d'un jugement "s'il a

été prononcé sur choses non demandées" (let. b) et "s'il a
été adjugé plus qu'il n'a été demandé" (let. c).

Selon la doctrine cantonale, les conclusions prises
par les parties délimitent, sous réserve d'une règle contrai-
re du droit fédéral, la mission du juge. Celui-ci ne peut
s'en écarter; il peut cependant, sans dénaturer les préten-
tions d'une partie, interpréter les conclusions qui lui ont
été soumises et par là même préciser l'objet du débat
lorsque
celui-ci a été maladroitement exprimé (Bertossa/Gaillard/
Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile du
canton de Genève du 10 avril 1987, n. 10 ad art. 154 let. b
et c LPC gen.).

Cette opinion est conforme au principe communément
admis en droit suisse selon lequel les manifestations de vo-
lonté doivent être interprétées en recherchant l'intention
réelle, sans s'arrêter à des expressions ou dénominations
inexactes qui ont pu être employées (cf. art. 18 al. 1 CO).

En estimant, conformément à la doctrine et aux
principes généraux, que les conclusions prises devaient être
interprétées, la cour cantonale n'a pas appliqué le droit
cantonal de manière arbitraire.

bb) Il ressort clairement de la procédure que les
parties étaient en litige notamment sur la détermination du
bailleur. Les recourants soutenaient que leur seule cocon-
tractante était B.________, tandis que les intimées soute-
naient que X.________ S.A. était la cocontractante pour ce
qui concerne la redevance de gérance. L'action en constata-
tion de droit avait précisément pour objet de trancher cette
question. Le litige ne se limitait cependant pas à ce seul
problème. Les intimées ont également pris des conclusions en
paiement contre les recourants. La question litigieuse était
donc également de déterminer quelle était la somme éventuel-

lement due à la bailleresse, que celle-ci soit B.________ ou
X.________ S.A. Dès lors qu'elles soutenaient que la créan-
cière était X.________ S.A., les intimées ont pris des co-
nclusions dans ce sens. L'identité de la créancière
dépendait
cependant de la question préalable, qui était de savoir si
la
bailleresse était B.________ ou X.________ S.A. On en déduit
évidemment que si la cour cantonale ne devait pas partager
l'opinion des intimées sur ce point et admettre que la bail-
leresse était B.________, c'est à celle-ci que les sommes
seraient dues. On ne voit vraiment pas pourquoi, dans l'hypo-
thèse où la cocontractante serait B.________, les deux inti-
mées (demanderesses sur le fond) renonceraient à toute pré-
tention pécuniaire contre leur partie adverse.

La cour cantonale a donc interprété les conclusions
d'une manière qui était logique dans ce contexte, de sorte
que sa décision échappe au grief d'arbitraire.

cc) Quant au droit d'être entendu, les recourants
savaient que les questions litigieuses portaient notamment
sur la détermination du bailleur et sur le montant qui lui
était éventuellement dû. Il leur incombait sans conteste
d'envisager que la cour cantonale considère que B.________
était la cocontractante et, par voie de conséquence, l'éven-
tuelle créancière des sommes réclamées.

Les recourants ont pu s'exprimer sans aucune réser-
ve sur
les questions qui divisaient les parties, à savoir dé-
terminer l'identité de la cocontractante (B.________ ou
X.________ S.A.) et fixer la somme due, le cas échéant, à la
bailleresse (que celle-ci soit B.________ ou X.________
S.A.). Ils devaient évidemment compter avec l'éventualité
que
ce soit B.________ qui soit retenue comme créancière. Dans
une telle situation, on ne peut pas dire que la cour cantona-
le a connu d'une prétention sur laquelle les parties n'ont
pas eu l'occasion de s'exprimer en fait et en droit (cf. ATF

120 II 172 consid. 3a). Il n'y a pas trace d'une violation
du
droit d'être entendu.

4.- Le recours de droit public formé contre l'ar-
rêt cantonal du 4 décembre 2000 doit être rejeté. Vu l'issue
de la querelle, les frais et dépens seront mis solidairement
à la charge des recourants qui succombent (art. 156 al. 1 et
7, art. 159 al. 1 et 5 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Prend acte du retrait du recours de droit public
dirigé contre l'arrêt du 17 décembre 1999 de la Chambre d'ap-
pel en matière de baux et loyers et raye l'affaire
4P.23/2000 du rôle;

2. Rejette le recours de droit public dirigé contre
l'arrêt du 4 décembre 2000 de la Chambre d'appel (cause
4P.21/2001);

3. Met un émolument judiciaire de 5500 fr. solidai-
rement à la charge des recourants;

4. Dit que les recourants verseront solidairement
aux intimées, créancières solidaires, une indemnité de
6000 fr. à titre de dépens;

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux
et loyers du canton de Genève.

__________

Lausanne, le 21 mai 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.23/2000
Date de la décision : 21/05/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-21;4p.23.2000 ?
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