La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2001 | SUISSE | N°4C.43/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 mai 2001, 4C.43/2000


«/2»

4C.43/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

21 mai 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

les époux M.________, défendeurs et recourants principaux,
représentés par Me Jacques Roulet, avocat à Genève,

et

1. B.________,
2. X.________ S.A.,

demanderesses, intimées et recourantes par voie de jonction,
toutes deux r

eprésentées par Me Philippe Bonnefous, avocat à
Genève;

(bail à loyer ou bail à ferme; détermination du bailleur)

Vu les pièce...

«/2»

4C.43/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

21 mai 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

les époux M.________, défendeurs et recourants principaux,
représentés par Me Jacques Roulet, avocat à Genève,

et

1. B.________,
2. X.________ S.A.,

demanderesses, intimées et recourantes par voie de jonction,
toutes deux représentées par Me Philippe Bonnefous, avocat à
Genève;

(bail à loyer ou bail à ferme; détermination du bailleur)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par convention du 21 mai 1984, X.________ S.A.
- dont B.________ est actuellement l'unique actionnaire et
administratrice - a cédé aux époux M.________, moyennant ré-
munération, l'exploitation d'un café-restaurant à Genève,
dans un immeuble dont B.________ est propriétaire.

Le 30 janvier 1991, B.________, se désignant comme
bailleresse, a notifié aux époux M.________ une augmentation
de loyer. Le même jour, un contrat de bail à loyer a été si-
gné par B.________ et les époux M.________; les mêmes
parties
sont convenues d'augmenter également la redevance pour la
"gérance". Ainsi, à partir du 1er février 1991, la somme to-
tale due par les époux M.________ s'élevait à 12 200 fr. par
mois.

Les époux M.________ ont versé ce montant jusqu'en
mai 1995. A partir de juin 1995, ils ont refusé de payer la
somme de 8500 fr. par mois prévue à titre de redevance pour
la "gérance".

B.- Le 22 janvier 1996, X.________ S.A. et
B.________ ont déposé devant la Commission de conciliation
en
matière de baux et loyers du canton de Genève une demande en
paiement et en constatation de droit. Elles ont soutenu
qu'il
avait été conclu un bail à ferme entre X.________ S.A. et
les
époux M.________, ces derniers devant être condamnés à payer
la redevance pour la gérance.

Les époux M.________, pour leur part, ont soutenu
qu'il n'existait qu'un contrat de bail à loyer entre

B.________ et eux-mêmes, le prétendu contrat de gérance
étant
nul.

Par requête déposée en conciliation le 29 mars
1996, les époux M.________ ont fait valoir à l'encontre de
B.________ les droits résultant pour eux de prétendus
défauts
de la chose louée.

Par requête déposée en conciliation le 10 juillet
1996, X.________ S.A. a sollicité l'évacuation des époux
M.________ et conclu au paiement de la redevance pour la gé-
rance, puis d'une indemnité pour occupation illicite.

Les trois causes ont été jointes.

Par arrêt du 17 décembre 1999, la Chambre d'appel
en matière de baux et loyers du canton de Genève, réformant
un jugement rendu en première instance, a constaté que
B.________ (qui avait succédé à X.________ S.A. dans la rela-
tion contractuelle) et les époux M.________ étaient liés par
un bail à loyer, et non par un bail à ferme. Elle a condamné
les époux M.________ au versement de 8500 fr. par mois pour
la période du 1er juin 1995 au 31 décembre 1996 et renvoyé
la
cause à l'autorité inférieure en vue de compléter l'adminis-
tration des preuves à propos de la redevance réclamée pour
la
période postérieure et pour ce qui concerne l'action en ga-
rantie des défauts.

Contre cette décision, les époux M.________ ont in-
terjeté:

- un recours de droit public au Tribunal fédéral
(cause 4P.23/2000), qu'ils ont retiré par lettre du 24 jan-
vier 2001;

- un recours en réforme au Tribunal fédéral (cause
4C.43/2000);

- une demande de révision auprès de la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers, qui a été rejetée
(sauf
en ce qui concerne une décision de mainlevée définitive d'op-
position) par arrêt du 4 décembre 2000. Contre cet arrêt,
les
conjoints M.________ ont interjeté un recours de droit
public
au Tribunal fédéral (cause 4P.21/2001), qui a été rejeté par
arrêt de ce jour.

C.- Seul demeure litigieux le recours en réforme
sur lequel il convient maintenant de statuer. Dans ce re-
cours, les époux M.________, invoquant diverses violations
du
droit fédéral, concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué
sur tout ce qui concerne les demandes en paiement dirigées
contre eux, dont ils sollicitent le rejet.

Les intimées proposent l'irrecevabilité du recours
à la forme et son rejet quant au fond. Elles forment un re-
cours joint et reprennent en substance l'ensemble de leurs
conclusions sur le fond.

Les recourants principaux concluent à l'irreceva-
bilité du recours joint (sauf en ce qui concerne l'action en
garantie des défauts) et, au fond, à ce que leurs parties ad-
verses soient déboutées de l'intégralité de leurs conclu-
sions.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le recours en réforme n'est recevable en
règle générale que contre des décisions finales (art. 48 al.
1 OJ). Pour qu'une décision soit qualifiée de finale au sens

de l'art. 48 al. 1 OJ, il faut, d'une part, qu'elle mette
fin
à l'ensemble du litige soumis au juge (cf. ATF 123 III 140
consid. 2a) et, d'autre part, que l'autorité ait statué sur
une prétention matérielle ou refusé d'en juger avec une moti-
vation interdisant définitivement que la même prétention
soit
émise à nouveau entre les mêmes parties (ATF 126 III 445 con-
sid. 3b; 123 III 414 consid. 1; 122 III 92 consid. 2a). En
l'espèce, la cour cantonale n'a pas tranché sur toutes les
conclusions prises de manière à mettre fin au litige,
puisque
la procédure va se poursuivre devant l'autorité de première
instance. Il ne s'agit donc pas d'une décision finale.

En revanche, l'autorité cantonale a statué sur une
partie des conclusions, à savoir celles concernant la quali-
fication du contrat, la détermination des parties et les re-
devances dues pour la période du 1er juin 1995 au 31
décembre
1996. Pour les autres conclusions, la cause a été renvoyée
en
première instance pour complément d'instruction et nouvelle
décision. On se trouve donc en présence d'une décision par-
tielle (cf. ATF 124 III 406 consid. 1a et les références ci-
tées). Une décision partielle peut faire l'objet d'un
recours
en réforme, sans attendre la décision finale, si son objet
aurait pu donner lieu à un procès séparé et si la décision
revêt un caractère préjudiciel pour les conclusions qui sub-
sistent (ATF 124 III 406 ibidem; 123 III 140 consid. 2a; 117
II 349 consid. 2a). Une action séparée en constatation de
droit et en paiement (pour la période indiquée) était en soi
concevable; les questions tranchées sont de nature à influen-
cer la décision sur les autres prétentions qui demeurent li-
tigieuses. Le recours en réforme est ainsi ouvert sur ces
deux points.

Pour ce qui est de la décision de mainlevée défini-
tive, elle a été annulée par l'arrêt de révision cantonal du
4 décembre 2000, de sorte que tout grief en rapport avec cet-
te question est maintenant sans objet.

Sur les points où la cause est simplement renvoyée
à l'autorité de première instance, on se trouve en présence
d'une décision incidente. Comme celle-ci ne concerne pas la
compétence (cf. art. 49 OJ), le recours en réforme à ce
sujet
n'est recevable qu'aux conditions de l'art. 50 al. 1 OJ. Il
faut pour cela qu'une décision finale puisse être provoquée
immédiatement et que la durée et les frais de la procédure
probatoire seraient si considérables qu'il convient de les
éviter en autorisant le recours immédiat (art. 50 al. 1 OJ).

b) Sous cette réserve, le recours en réforme est en
principe recevable, puisqu'il a été formé en temps utile
(art. 54 al. 1 et 34 al. 1 let. c OJ) dans les formes requi-
ses (art. 55 OJ), par une partie qui n'a pas obtenu le plein
de ses conclusions, et qu'il est dirigé contre un jugement
rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supé-
rieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la
valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46 OJ).
Les conclusions prises sur le fond et les motivations présen-
tées sont suffisamment explicites pour répondre aux
exigences
de l'art. 55 OJ.

Pour les mêmes raisons et sous les mêmes réserves,
le recours joint, formé en temps utile avec le mémoire de ré-
ponse, est également recevable (art. 59 al. 2 et 3 OJ).

c) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c et les arrêts ci-
tés).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-

rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 ibidem). Dans
la
mesure où un recourant présente un état de fait qui s'écarte
de celui contenu dans la décision attaquée, sans se
prévaloir
avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être
rappelées, il n'y a pas lieu d'en tenir compte. Il ne peut
être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni
de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let.
c OJ). L'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée
l'autorité cantonale ne peut être remise en cause (ATF 126
III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de
nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il n'est lié ni
par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par
ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 127 III
248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).

2.- a) Par l'effet conjugué du recours en réforme
et du recours joint, toutes les questions litigieuses tran-
chées par la cour cantonale sont remises en cause devant le
Tribunal fédéral. Dans une telle situation, il se justifie
de
reprendre les questions dans l'ordre logique et d'examiner,
pour chacune d'elles, si le droit fédéral a ou non été violé.

b) La première question litigieuse est de savoir si
le contrat doit être qualifié de bail à loyer (art. 253 CO)
ou de bail à ferme non agricole (art. 275 CO).

Le bail à ferme se distingue du bail à loyer par
l'objet du contrat. Le bailleur ne cède pas à son cocontrac-

tant l'usage de n'importe quelle chose, mais l'usage d'un
bien ou d'un droit productif, dont le fermier peut percevoir
les fruits ou les produits (cf. art. 275 CO). Il y a bail à
ferme notamment lorsque le bailleur cède l'exploitation
d'une
entreprise entièrement équipée, c'est-à-dire d'un outil de
production; en revanche, il faut retenir la qualification de
bail à loyer s'il cède des locaux qu'il appartient au cocon-
tractant d'aménager pour en faire une entreprise productive.

La mise en gérance libre d'un établissement public
complètement équipé donne lieu à un bail à ferme non
agricole
(Lachat, Le bail à loyer, p. 55, n° 2.1; Tercier, Les con-
trats spéciaux, 2e éd., n° 2172, p. 266). La qualification
du
contrat doit cependant s'opérer en fonction des prestations
qui ont été réellement convenues, et non pas en fonction
d'expressions ou dénominations inexactes dont les parties
ont
pu se servir (art. 18 al. 1 CO). Il ne suffit donc pas que
le
contrat parle de "gérance" pour conclure nécessairement à
l'existence d'un bail à ferme.

La cour cantonale a constaté en fait - d'une maniè-
re qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme
(art. 63 al. 2 OJ) - que les recourants principaux avaient,
conformément à la volonté des parties, modifié à leurs frais
et dès leur arrivée l'aménagement des locaux, pour transfor-
mer le bar à champagne préexistant en un restaurant
espagnol;
le restaurant a d'ailleurs été fréquenté dès le départ par
des personnes qui étaient déjà des clients de
l'établissement
qu'exploitaient précédemment les défendeurs.

L'autorité cantonale en a déduit que les recourants
principaux avaient créé leur entreprise et qu'ils n'avaient
pas simplement reçu l'usage d'un outil de production déjà
existant. Sur la base de l'état de fait déterminant, une tel-
le conclusion ne transgresse pas le droit fédéral. Il en ré-

sulte que le contrat conclu doit être qualifié de bail à
loyer au sens de l'art. 253 CO.

c) Le point de savoir si la bailleresse est
B.________ ou X.________ S.A. est une autre question liti-
gieuse.

Il ressort des constatations cantonales que
B.________, propriétaire de l'immeuble, avait loué les
locaux
de l'établissement public à X.________ S.A., laquelle les a
sous-loués aux recourants principaux.

La situation s'est ensuite profondément modifiée.
B.________, qui est devenue l'unique actionnaire et adminis-
tratrice de X.________ S.A., a notifié aux défendeurs, le 30
janvier 1991, un avis de majoration de loyer sur formule of-
ficielle, dans lequel elle se présente comme bailleresse.
Elle a ainsi manifesté la volonté de devenir directement la
bailleresse, sans que ne s'interpose sa propre société.

Le même jour, elle a signé, sans apparaître en tant
que représentante, un contrat de bail à loyer avec les recou-
rants principaux. La signature de cette convention montre
que
les défendeurs
acceptaient ce changement de cocontractant.

Il est vrai que, par ce nouveau contrat, la conven-
tion initiale a été curieusement divisée en deux contrats:
le
bail à loyer et la gérance libre. Il a cependant été
constaté
que B.________, sans apparaître en tant que représentante, a
renégocié simultanément le second volet (le contrat de géran-
ce), une augmentation de la redevance ayant été convenue.

La cour cantonale en a déduit que les parties
étaient convenues, en tout cas dès le 30 janvier 1991, que
la
relation contractuelle, dans son intégralité, unissait désor-
mais B.________ d'une part et les recourants d'autre part.

En instance de réforme, le Tribunal fédéral, comme
on l'a vu, ne peut revoir les constatations de fait qui fon-
dent cette démonstration. A considérer l'état de fait défini-
tif, la conclusion de la cour cantonale ne viole pas les
principes du droit fédéral sur l'interprétation des déclara-
tions de volonté selon le principe de la confiance (sur le
principe de la confiance et le pouvoir d'examen du Tribunal
fédéral: cf. ATF 126 III 375 consid. 2e/aa et les arrêts ci-
tés). Il doit être rappelé que le principe de la confiance
permet d'imputer à une partie le sens objectif de son compor-
tement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté inti-
me (Wiegand, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 8 ad art. 18 CO;
Kramer, Commentaire bernois, n. 101 s. ad art. 1 CO; Eugen
Bucher, Commentaire bâlois, 2e éd., n. 6 et 10 s. ad art. 1
CO; Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd.,
p.
216 s.).

d) La cour cantonale a retenu souverainement que
les parties s'étaient mises d'accord sur une rémunération
totale de 12 200 fr. par mois dès le 1er février 1991. Elle
a
constaté également que les recourants principaux avaient
cessé de payer, sur cette somme, 8500 fr. par mois dès juin
1995. Elle a donc condamné les défendeurs à payer à la bail-
leresse le montant non versé pendant la période du 1er juin
1995 au 31 décembre 1996 avec intérêts moratoires. On ne
voit
pas en quoi cette condamnation porterait atteinte au droit
fédéral.

Les recourants principaux soutiennent que la somme
impayée se rapporterait à la mise à disposition d'une
licence
d'alcool, convention qui serait nulle (art. 20 al. 1 CO) en
vertu du droit cantonal. La cour cantonale s'est penchée sur
cette question et, interprétant le droit cantonal, est parve-
nue à la conclusion que celui-ci n'impliquait pas la nullité
des conventions privées portant sur la cession d'une licence
d'alcool. Il n'est pas possible de réexaminer, dans un re-

cours en réforme, une question de droit cantonal (art. 43
al.
1 et 55 al. 1 let. c OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c déjà ci-
té), même si le droit fédéral - en l'occurrence l'art. 20
al.
1 CO - y attache des conséquences (ATF 117 II 286 consid.
4c).

Les recourants principaux font également valoir
qu'ils ont résilié le contrat de gérance pour le 21 mai
1996.

Certes, il existait, dès le 30 janvier 1991, deux
contrats distincts: le bail à loyer et le contrat de
gérance.
Il n'empêche que ces deux contrats, précédemment unis, sont
indissociablement liés. Il résulte des constatations canto-
nales que les recourants principaux, qui entendent
poursuivre
l'exploitation, ne peuvent le faire que s'ils reçoivent l'en-
semble des prestations prévues par les deux contrats, à sa-
voir la mise à disposition des locaux, des équipements et de
la licence d'alcool.

On se trouve ainsi en présence de deux contrats qui
forment toutefois, dans l'idée des parties, une unité juridi-
que et économique indissociable, au point de constituer un
contrat unique mais complexe (sur cette figure juridique:
cf.
ATF 107 II 144 consid. 2; Kramer, Commentaire bernois, n. 61
et 64 ad art. 19-20 CO; Engel, Traité des obligations en
droit suisse, 2e éd., p. 176). Dans une telle situation, au-
cun des contrats liés ne peut prendre fin séparément (cf.
Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd. p. 741/742).

Il ressort des constatations cantonales que les
parties ont décidé en dernier lieu, dans le contrat de bail
du 30 janvier 1991, de se lier jusqu'au 31 janvier 1998.
Comme les deux contrats sont indissociables, cet engagement
liait les recourants principaux, qui ne pouvaient pas donner
valablement une résiliation pour le 21 mai 1996. Ainsi, la

cour cantonale, sans avoir analysé correctement la
situation,
n'a pas violé le droit fédéral.

e) La Chambre d'appel a constaté que la bailleresse
s'était engagée - ce qui constitue une prestation accessoire
au bail - à mettre à disposition une licence d'alcool. Elle
a
également établi que le droit cantonal ne connaissait plus
cette licence dès le 1er janvier 1997. La cour cantonale en
a
déduit qu'il fallait appliquer la "clausula rebus sic stanti-
bus" (sur cette notion: cf. ATF 122 III 97 consid. 3a; Merz,
Commentaire bernois, n. 181 ss ad art. 2 CC), ce qui donne
lieu à litige.

La situation décrite par l'autorité cantonale cor-
respond typiquement à un cas d'impossibilité subséquente non
fautive (art. 119 CO). En effet, la bailleresse, sans faute
de sa part, se trouve, durant le bail, dans l'impossibilité
de fournir sa prestation consistant à mettre à disposition
une licence d'alcool, puisqu'une telle licence a été suppri-
mée par le droit cantonal. Aux termes de l'art. 119 al. 1
CO,
l'obligation s'éteint lorsque l'exécution en devient impossi-
ble par suite de circonstances non imputables au débiteur.
L'impossibilité subséquente et non fautive peut être d'ori-
gine juridique (ATF 111 II 352 consid. 2a). Dans les
contrats
bilatéraux, comme c'est le cas en l'espèce, l'extinction
d'une obligation dont l'exécution est devenue impossible
sans
faute du débiteur dispense l'autre partie de la prestation
qu'elle devait fournir en échange (art. 119 al. 2 CO; ATF
107
II 144 consid. 3).

Ainsi, la bailleresse est libérée de son obligation
de mettre à disposition une licence d'alcool, mais les recou-
rants principaux sont libérés également de l'obligation de
payer désormais le prix convenu pour cette prestation. La
difficulté réside en l'espèce dans le fait que la convention
(avec ses deux contrats) est complexe et comporte plusieurs

prestations de la part de la bailleresse, qui n'ont pas
perdu
leur intérêt. Dans une telle situation, la jurisprudence a
ouvert la voie à une réadaptation du contrat par le juge
(ATF
107 II 144 consid. 3; cf. Wiegand, Commentaire bâlois, 2e
éd., n. 13 ad art. 119 CO; Aepli, Commentaire zurichois, n.
111 à 114 ad art. 119 CO).

A ce propos, la cour cantonale a renvoyé la cause à
l'autorité de première instance en vue de déterminer la va-
leur de la prestation devenue impossible. Il n'y a pas de
raison de penser que les investigations sur ce point seront
particulièrement longues ou coûteuses, de sorte que les con-
ditions de l'art. 50 al. 1 OJ ne sont pas réalisées pour per-
mettre d'entrer en matière sur cette partie de l'arrêt atta-
qué, qui constitue ici une décision incidente.

f) En ce qui concerne les droits déduits par les
recourants principaux de la garantie des défauts, la cour
cantonale a estimé qu'elle n'était pas suffisamment rensei-
gnée, si bien qu'elle a renvoyé la cause à l'autorité de
première instance pour complément d'instruction et prise
d'une nouvelle décision. Les constatations cantonales sur ce
point sont totalement insuffisantes pour appliquer le droit
fédéral, de sorte qu'il est exclu de provoquer immédiatement
une décision finale sur la base de celles-ci. Partant, les
conditions de l'art. 50 al. 1 OJ ne sont pas réunies et le
recours est à cet égard irrecevable.

3.- Les parties, qui sont en complète divergence
sur les points litigieux, succombent chacune totalement sur
leur recours respectif. Dans ces circonstances, chacune des
parties assumera les frais judiciaires du recours qu'elle a
interjeté (art. 156 al. 1 OJ); dans chaque cas, les frais
seront mis solidairement à la charge des deux parties con-
damnées (art. 156 al. 7 OJ). Il se justifie en outre de ne
pas allouer de dépens (cf. art. 159 al. 1 et 3 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours principal et le recours joint
dans la mesure où ils sont recevables et confirme l'arrêt at-
taqué sur les deux premiers points du dispositif;

Déclare les recours irrecevables en ce qui concerne
la décision de renvoyer la cause en première instance;

2. Met un émolument judiciaire de 5500 fr. solidai-
rement à la charge des recourants principaux;

3. Met un émolument judiciaire de 5500 fr. solidai-
rement à la charge des recourantes par voie de jonction;

4. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux
et loyers du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 21 mai 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.43/2000
Date de la décision : 21/05/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-05-21;4c.43.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award